AprĂšsl’éclosion, la plus forte des jeunes reines tue les autres, et quelques jours plus tard, elle s’envole avec les mĂąles pour un vol nuptial. La reine est trĂšs importante dans la ruche car c’est la seule qui pond des Ɠufs. Ces Ɠufs se

Connaitre l'ùge d'une reine est une donnée avec les années, la puissance de sa ponte diminue. La ponte devient couvain est moins dense. Et cerise sur le gùteau le risque d'essaimage ce n'est pas tout!Une vieille reine a des chances de mourir en une reine qui meurt en hiver ne pourra pas laisser se colonie deviendra bourdonneuse et sera condamnée...Les apiculteurs professionnels ou expérimentés ont souvent l'habitude de les changer tous les deux ans, voire tous les ans pour comment savoir l'ùge d'une reine?La premiÚre solution est qualitative. Elle se base sur l'observation de l'aspect de la reine, ses poils, sa taille, ses ailes est plus rigoureuse et consiste a respecter un code couleur précis. Je vous explique tout dans cet article...Comment reconnaitre une reine viergeAvant de devenir fécondée une reine est d'abord 6 à 8 jours aprÚs sa naissance la reine reste sans pondre dans la ce stade, elle est encore assez petite. A peine plus grosse qu'une abdomen est fin et rapport à une reine fécondée, une reine vierge est aussi plus vive. Une reine vierge avec un abdomen fin et court Comment reconnaitre une jeune reine fécondéeEntre le 6Úme et le 8Úme jour la reine sort se faire sortira plusieurs fois et se fera féconder par une vingtaine de abdomen enflera, augmentant de 1,5 fois sa taille reine gardera un bel aspect avec des poils sur l'abdomen et des ailes bien définies. Une jeune reine fécondé, non-marquée, avec des ailes bien définie et un long abdomen velu La ponte est couvain est compact, forme de large couronnes et des plaques réguliÚres. Un bel exemple d'une plaque de couvain compact entouré d'une couronne semi-circulaireComment reconnaitre une vieille reineOn peut considérer qu'une reine est vieille à partir de sa troisiÚme année. Une vieille reine a les ailes frangées et un corps qui se lisse. Les poils disparaissent et l'abdomen devient sombre et brillant. Une vieilles reine marquée, avec des ailes frangées et un abdomen poli Le couvain est moins perd de sa devient de plus en plus clairsemé. Au fur et à mesure, la ponte perd de sa couvain clairsemé de vieille reine Comment marquer une reine Le marquage de la reine permet de connaitre l'ùge exacte de la reine. Plus besoin d'observer ses signes de ne pourrez plus vous année, vous devrez marquer vos méthode est suffit de coincer la reine entre ses deux doigts sans gants. Le mieux est de toujours au niveau du thorax. Car la saisir au niveau de l'abdomen pourrait la blesser. Ensuite, faites un point de peinture à l'acétone sur le thorax. Le Posca est aussi une solution. Mais il peut s'effacer aprÚs quelques mois. A l'inverse, une peinture à l'acétone peut durer plusieurs marquage de la reine par le thoraxAttention Si vous utilisez de la peinture, de ne pas relùcher la reine immédiatement dans la ruche. A cause de l'odeur dégagée par la peinture, les abeilles pourraient former une boule autour de la reine, l'étouffer et la tuer on appelle ce phénomÚne l'emballement. Je vous conseil de garder la reine 5 minutes dans une cage avant de la libérer puis de la libérer doucement en vérifiant si elle ne se fait pas emballer. Quel code couleur respecter pour connaitre l'ùge d'une reineLes couleurs sont universelles et issues de convention reines ne vivant jamais plus de 5 ans, seulement 5 couleurs sont nécessaires. Voici ci-dessous le code couleur qui vous permet de connaitre l'ùge des reinesConclusion Le marquage des reines est une étape importante pour avoir un suivi sur l'ùge de vos vous visitez vos ruches tous les ans, certaines colonies se seront remeré ou auront à dire qu'elles auront changé de reine. Par conséquent, veillez à toujours vous tenir à au fur et à mesure vos reines pour pouvoir renouveler vos reines trop vieilles.
Si vous ne trouvez pas de cellule de reine, retirer un des cadres du milieu et le remplacer par un cadre de la ruche souche ayant du couvain de moins de trois jours. – Si vous trouvez du couvain ouvert, c’est que vous avez mis la reine dans votre ruchette, dans ce cas c’est la ruche souche qui est orpheline et qu’il faudra contrîler. 2 semaines aprùs : – Si des
I. LE FESTIN. II. A SICCA. III. SALAMMBÔ. IV. SOUS LES MURS DE CARTHAGE. V. TANIT. VI. HANNON. VII. HAMILCAR BARCA. VIII. LA BATAILLE DU MACAR. IX. EN CAMPAGNE. X. LE SERPENT. XI. SOUS LA TENTE. XII. L'AQUEDUC. XIII. MOLOCH. XIV. LE DEFILE DE LA HACHE. XV. MÂTHO. - Chapitre 1 LE FESTIN - C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. Les soldats qu'il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d'Eryx, et comme le maÃtre était absent et qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la premiÚre terrasse du palais ; le commun des soldats était répandu sous les arbres, oÃÂč l'on distinguait quantité de bùtiments à toit plat, pressoirs, celliers, magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bÃÂȘtes féroces, une prison pour les esclaves. Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, oÃÂč des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins un champ de roses s'épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons, se balançaient des lis ; un sable noir, mÃÂȘlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprÚs faisait d'un bout à l'autre comme une double colonnade d'obélisques verts. Le palais, bùti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d'ébÚne, portant aux angles de chaque marche la proue d'une galÚre vaincue, avec ses portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Hamilcar. Le Conseil leur avait désigné sa maison pour y tenir ce festin ; les convalescents qui couchaient dans le temple d'Eschmoûn, se mettant en marche dÚs l'aurore, s'y étaient traÃnés sur leurs béquilles. A chaque minute, d'autres arrivaient. Par tous les sentiers, il en débouchait incessamment, comme des torrents qui se précipitent dans un lac. On voyait entre les arbres courir les esclaves des cuisines, effarés et à demi nus ; les gazelles sur les pelouses s'enfuyaient en bÃÂȘlant ; le soleil se couchait, et le parfum des citronniers rendait encore plus lourde l'exhalaison de cette foule en sueur. Il y avait là des hommes de toutes les nations, des Ligures, des Lusitaniens, des Baléares, des NÚgres et des fugitifs de Rome. On entendait, à cÎté du lourd patois dorien, retentir les syllabes celtiques bruissantes comme des chars de bataille, et les terminaisons ioniennes se heurtaient aux consonnes du désert, ùpres comme des cris de chacal. Le Grec se reconnaissait à sa taille mince, l'Egyptien à ses épaules remontées, le Cantabre à ses larges mollets. Des Cariens balançaient orgueilleusement les plumes de leur casque, des archers de Cappadoce s'étaient peint avec des jus d'herbes de larges fleurs sur le corps, et quelques Lydiens portant des robes de femmes dÃnaient en pantoufles et avec des boucles d'oreilles. D'autres, qui s'étaient par pompe barbouillés de vermillon, ressemblaient à des statues de corail. Ils s'allongeaient sur les coussins, ils mangeaient accroupis autour de grands plateaux, ou bien, couchés sur le ventre, ils tiraient à eux les morceaux de viande, et se rassasiaient appuyés sur les coudes, dans la pose pacifique des lions lorsqu'ils dépÚcent leur proie. Les derniers venus, debout contre les arbres, regardaient les tables basses disparaissant à moitié sous des tapis d'écarlate, et attendaient leur tour. Les cuisines d'Hamilcar n'étant pas suffisantes, le Conseil leur avait envoyé des esclaves, de la vaisselle, des lits ; et l'on voyait au milieu du jardin, comme sur un champ de bataille quand on brûle les morts, de grands feux clairs oÃÂč rÎtissaient des bÅ“ufs. Les pains saupoudrés d'anis alternaient avec les gros fromages plus lourds que des disques, et les cratÚres pleins de vin, et les canthares pleins d'eau auprÚs des corbeilles en filigrane d'or qui contenaient des fleurs. La joie de pouvoir enfin se gorger à l'aise dilatait tous les yeux çà et là , les chansons commençaient. D'abord on leur servit des oiseaux à la sauce verte, dans des assiettes d'argile rouge rehaussée de dessins noirs, puis toutes les espÚces de coquillages que l'on ramasse sur les cÎtes puniques, des bouillies de froment, de fÚve et d'orge, et des escargots au cumin, sur des plats d'ambre jaune. Ensuite les tables furent couvertes de viandes antilopes avec leurs cornes, paons avec leurs plumes, moutons entiers cuits au vin doux, gigots de chamelles et de buffles, hérissons au garum, cigales frites et loirs confits. Dans des gamelles en bois de Tamrapanni flottaient, au milieu du safran, de grands morceaux de graisse. Tout débordait de saumure, de truffes et d'assa foetida. Les pyramides de fruits s'éboulaient sur les gùteaux de miel, et l'on n'avait pas oublié quelques- uns de ces petits chiens à gros ventre et à soies roses que l'on engraissait avec du marc d'olives, mets carthaginois en abomination aux autres peuples. La surprise des nourritures nouvelles excitait la cupidité des estomacs. Les Gaulois aux longs cheveux retroussés sur le sommet de la tÃÂȘte, s'arrachaient les pastÚques et les limons qu'ils croquaient avec l'écorce. Des NÚgres n'ayant jamais vu de langoustes se déchiraient le visage à leurs piquants rouges. Mais les Grecs rasés, plus blancs que des marbres, jetaient derriÚre eux les épluchures de leur assiette, tandis que des pùtres du Brutium, vÃÂȘtus de peaux de loups, dévoraient silencieusement, le visage dans leur portion. La nuit tombait. On retira le velarium étalé sur l'avenue de cyprÚs et l'on apporta des flambeaux. Les lueurs vacillantes du pétrole qui brûlait dans des vases de porphyre effrayÚrent, au haut des cÚdres, les singes consacrés à la lune. Ils poussÚrent des cris, ce qui mit les soldats en gaieté. Des flammes oblongues tremblaient sur les cuirasses d'airain. Toutes sortes de scintillements jaillissaient des plats incrustés de pierres précieuses. Les cratÚres, à bordure de miroirs convexes, multipliaient l'image élargie des choses ; les soldats se pressant autour s'y regardaient avec ébahissement et grimaçaient pour se faire rire. Ils se lançaient, par- dessus les tables, les escabeaux d'ivoire et les spatules d'or. Ils avalaient à pleine gorge tous les vins grecs qui sont dans des outres, les vins de Campanie enfermés dans des amphores, les vins des Cantabres que l'on apporte dans des tonneaux, et les vins de jujubier, de cinnamome et de lotus. Il y en avait des flaques par terre oÃÂč l'on glissait. La fumée des viandes montait dans les feuillages avec la vapeur des haleines. On entendait à la fois le claquement des mùchoires, le bruit des paroles, des chansons, des coupes, le fracas des vases campaniens qui s'écroulaient en mille morceaux, ou le son limpide d'un grand plat d'argent. A mesure qu'augmentait leur ivresse, ils se rappelaient de plus en plus l'injustice de Carthage. En effet, la République, épuisée par la guerre, avait laissé s'accumuler dans la ville toutes les bandes qui revenaient. Giscon, leur général, avait eu cependant la prudence de les renvoyer les uns aprÚs les autres pour faciliter l'acquittement de leur solde, et le Conseil avait cru qu'ils finiraient par consentir à quelque diminution. Mais on leur en voulait aujourd'hui de ne pouvoir les payer. Cette dette se confondait dans l'esprit du peuple avec les trois mille deux cents talents euboïques exigés par Lutatius, et ils étaient, comme Rome, un ennemi pour Carthage. Les Mercenaires le comprenaient ; aussi leur indignation éclatait en menaces et en débordements. Enfin, ils demandÚrent à se réunir pour célébrer une de leurs victoires, et le parti de la paix céda, en se vengeant d'Hamilcar qui avait tant soutenu la guerre. Elle s'était terminée contre tous ses efforts, si bien que, désespérant de Carthage, il avait remis à Giscon le gouvernement des Mercenaires. Désigner son palais pour les recevoir, c'était attirer sur lui quelque chose de la haine qu'on leur portait. D'ailleurs la dépense devait ÃÂȘtre excessive ; il la subirait presque toute. Fiers d'avoir fait plier la République, les Mercenaires croyaient qu'ils allaient enfin s'en retourner chez eux, avec la solde de leur sang dans le capuchon de leur manteau. Mais leurs fatigues, revues à travers les vapeurs de l'ivresse, leur semblaient prodigieuses et trop peu récompensées. Ils se montraient leurs blessures, ils racontaient leurs combats, leurs voyages et les chasses de leurs pays. Ils imitaient le cri des bÃÂȘtes féroces, leurs bonds. Puis vinrent les immondes gageures ; ils s'enfonçaient la tÃÂȘte dans les amphores, et restaient à boire, sans s'interrompre, comme des dromadaires altérés. Un Lusitanien, de taille gigantesque, portant un homme au bout de chaque bras, parcourait les tables tout en crachant du feu par les narines. Des Lacédémoniens qui n'avaient point Îté leurs cuirasses sautaient d'un pas lourd. Quelques-uns s'avançaient comme des femmes en faisant des gestes obscÚnes ; d'autres se mettaient nus pour combattre, au milieu des coupes, à la façon des gladiateurs, et une compagnie de Grecs dansait autour d'un vase oÃÂč l'on voyait des nymphes, pendant qu'un nÚgre tapait avec un os de boeuf sur un bouclier d'airain. Tout à coup, ils entendirent un chant plaintif, un chant fort et doux, qui s'abaissait et remontait dans les airs comme le battement d'ailes d'un oiseau blessé. C'était la voix des esclaves dans l'ergastule. Des soldats, pour les délivrer, se levÚrent d'un bond et disparurent. Ils revinrent, chassant au milieu des cris, dans la poussiÚre, une vingtaine d'hommes que l'on distinguait à leur visage plus pùle. Un petit bonnet de forme conique, en feutre noir, couvrait leur tÃÂȘte rasée ; ils portaient tous des sandales de bois et faisaient un bruit de ferrailles comme des chariots en marche. Ils arrivÚrent dans l'avenue des cyprÚs, oÃÂč ils se perdirent parmi la foule, qui les interrogeait. L'un d'eux était resté à l'écart, debout. A travers les déchirures de sa tunique on apercevait ses épaules rayées par de longues balafres. Baissant le menton, il regardait autour de lui avec méfiance et fermait un peu ses paupiÚres dans l'éblouissement des flambeaux ; mais quand il vit que personne de ces gens armés ne lui en voulait, un grand soupir s'échappa de sa poitrine il balbutiait, il ricanait sous les larmes claires qui lavaient sa figure ; puis il saisit par les anneaux un canthare tout plein, le leva droit en l'air au bout de ses bras d'oÃÂč pendaient des chaÃnes, et alors regardant le ciel et toujours tenant la coupe, il dit - " Salut d'abord à toi, Baal-Eschmoûn libérateur, que les gens de ma patrie appellent Esculape ! et à vous, Génies des fontaines, de la lumiÚre et des bois ! et à vous, Dieux cachés sous les montagnes et dans les cavernes de la terre ! et à vous, hommes forts aux armures reluisantes, qui m'avez délivré ! " Puis il laissa tomber la coupe et conta son histoire. On le nommait Spendius. Les Carthaginois l'avaient pris à la bataille des Egineuses, et parlant grec, ligure et punique, il remercia encore une fois les Mercenaires ; il leur baisait les mains ; enfin, il les félicita du banquet, tout en s'étonnant de n'y pas apercevoir les coupes de la Légion sacrée. Ces coupes, portant une vigne en émeraude sur chacune de leurs six faces en or, appartenaient à une milice exclusivement composée des jeunes patriciens, les plus hauts de taille. C'était un privilÚge, presque un honneur sacerdotal ; aussi rien dans les trésors de la République n'était plus convoité des Mercenaires. Ils détestaient la Légion à cause de cela, et on en avait vu qui risquaient leur vie pour l'inconcevable plaisir d'y boire. Donc ils commandÚrent d'aller chercher les coupes. Elles étaient en dépÎt chez les Syssites, compagnies de commerçants qui mangeaient en commun. Les esclaves revinrent. A cette heure, tous les membres des Syssites dormaient. - " Qu'on les réveille ! " répondirent les Mercenaires. AprÚs une seconde démarche, on leur expliqua qu'elles étaient enfermées dans un temple. - " Qu'on l'ouvre ! " répliquÚrent-ils. Et quand les esclaves, en tremblant, eurent avoué qu'elles étaient entre les mains du général Giscon, ils s'écriÚrent - " Qu'il les apporte ! " Giscon, bientÎt, apparut au fond du jardin dans une escorte de la Légion sacrée. Son ample manteau noir, retenu sur sa tÃÂȘte à une mitre d'or constellée de pierres précieuses, et qui pendait tout à l'entour jusqu'aux sabots de son cheval, se confondait, de loin, avec la couleur de la nuit. On n'apercevait que sa barbe blanche, les rayonnements de sa coiffure et son triple collier à larges plaques bleues qui lui battait sur la poitrine. Les soldats, quand il entra, le saluÚrent d'une grande acclamation, tous criant - " Les coupes ! Les coupes ! " Il commença par déclarer que, si l'on considérait leur courage, ils en étaient dignes. La foule hurla de joie, en applaudissant. Il le savait bien, lui qui les avait commandés là -bas et qui était revenu avec la derniÚre cohorte sur la derniÚre galÚre ! - " C'est vrai ! c'est vrai ! " , disaient-ils. Cependant, continua Giscon, la République avait respecté leurs divisions par peuples, leurs coutumes, leurs cultes ; ils étaient libres dans Carthage ! Quant aux vases de la Légion sacrée, c'était une propriété particuliÚre. Tout à coup, prÚs de Spendius, un Gaulois s'élança par-dessus les tables et courut droit à Giscon, qu'il menaçait en gesticulant avec deux épées nues. Le général, sans s'interrompre, le frappa sur la tÃÂȘte de son lourd bùton d'ivoire le Barbare tomba. Les Gaulois hurlaient, et leur fureur, se communiquant aux autres, allait emporter les légionnaires. Giscon haussa les épaules en les voyant pùlir. Il songeait que son courage serait inutile contre ces bÃÂȘtes brutes, exaspérées. Il valait mieux plus tard s'en venger dans quelque ruse ; donc il fit signe à ses soldats et s'éloigna lentement. Puis, sous la porte, se tournant vers les Mercenaires, il leur cria qu'ils s'en repentiraient. Le festin recommença. Mais Giscon pouvait revenir et, cernant le faubourg qui touchait aux derniers remparts, les écraser contre les murs. Alors ils se sentirent seuls malgré leur foule ; et la grande ville qui dormait sous eux, dans l'ombre, leur fit peur, tout à coup, avec ses entassements d'escaliers, ses hautes maisons noires et ses vagues dieux encore plus féroces que son peuple. Au loin, quelques fanaux glissaient sur le port, et il y avait des lumiÚres dans le temple de Khamon. Ils se souvinrent d'Hamilcar. OÃÂč était-il ? Pourquoi les avoir abandonnés, la paix conclue ? Ses dissensions avec le Conseil n'étaient sans doute qu'un jeu pour les perdre. Leur haine inassouvie retombait sur lui et ils le maudissaient s'exaspérant les uns les autres par leur propre colÚre. A ce moment-là , il se fit un rassemblement sous les platanes. C'était pour voir un nÚgre qui se roulait en battant le sol avec ses membres, la prunelle fixe, le cou tordu, l'écume aux lÚvres. Quelqu'un cria qu'il était empoisonné. Tous se crurent empoisonnés. Ils tombÚrent sur les esclaves ; une clameur épouvantable s'éleva, et un vertige de destruction tourbillonna sur l'armée ivre. Ils frappaient au hasard, autour d'eux, ils brisaient, ils tuaient quelques-uns lancÚrent des flambeaux dans les feuillages ; d'autres, s'accoudant sur la balustrade des lions, les massacrÚrent à coups de flÚches ; les plus hardis coururent aux éléphants, ils voulaient leur abattre la trompe et manger de l'ivoire. Cependant des frondeurs baléares qui, pour piller plus commodément, avaient tourné l'angle du palais, furent arrÃÂȘtés par une haute barriÚre faite en jonc des Indes. Ils coupÚrent avec leurs poignards les courroies de la serrure et se trouvÚrent alors sous la façade qui regardait Carthage, dans un autre jardin rempli de végétations taillées. Des lignes de fleurs blanches, toutes se suivant une à une, décrivaient sur la terre couleur d'azur de longues paraboles, comme des fusées d'étoiles. Les buissons, pleins de ténÚbres, exhalaient des odeurs chaudes, mielleuses. Il y avait des troncs d'arbre barbouillés de cinabre, qui ressemblaient à des colonnes sanglantes. Au milieu, douze piédestaux de cuivre portaient chacun une grosse boule de verre, et des lueurs rougeùtres emplissaient confusément ces globes creux, comme d'énormes prunelles qui palpiteraient encore. Les soldats s'éclairaient avec des torches, tout en trébuchant sur la pente du terrain, profondément labouré. Mais ils aperçurent un petit lac, divisé en plusieurs bassins par des murailles de pierres bleues. L'onde était si limpide que les flammes des torches tremblaient jusqu'au fond, sur un lit de cailloux blancs et de poussiÚre d'or. Elle se mit à bouillonner, des paillettes lumineuses glissÚrent, et de gros poissons, qui portaient des pierreries à la gueule, apparurent vers la surface. Les soldats, en riant beaucoup, leur passÚrent les doigts dans les ouïes et les apportÚrent sur les tables. C'étaient les poissons de la famille Barca. Tous descendaient de ces lottes primordiales qui avaient fait éclore l'oeuf mystique oÃÂč se cachait la Déesse. L'idée de commettre un sacrilÚge ranima la gourmandise des Mercenaires ; ils placÚrent vite du feu sous des vases d'airain et s'amusÚrent à regarder les beaux poissons se débattre dans l'eau bouillante. La houle des soldats se poussait. Ils n'avaient plus peur. Ils recommençaient à boire. Les parfums qui leur coulaient du front mouillaient de gouttes larges leurs tuniques en lambeaux, et s'appuyant des deux poings sur les tables qui leur semblaient osciller comme des navires, ils promenaient à l'entour leurs gros yeux ivres, pour dévorer par la vue ce qu'ils ne pouvaient prendre. D'autres, marchant tout au milieu des plats sur les nappes de pourpre, cassaient à coups de pied les escabeaux d'ivoire et les fioles tyriennes en verre. Les chansons se mÃÂȘlaient au rùle des esclaves agonisant parmi les coupes brisées. Ils demandaient du vin, des viandes, de l'or. Ils criaient pour avoir des femmes. Ils déliraient en cent langages. Quelques-uns se croyaient aux étuves, à cause de la buée qui flottait autour d'eux, ou bien, apercevant des feuillages, ils s'imaginaient ÃÂȘtre à la chasse et couraient sur leurs compagnons comme sur des bÃÂȘtes sauvages. L'incendie de l'un à l'autre gagnait tous les arbres, et les hautes masses de verdure, d'oÃÂč s'échappaient de longues spirales blanches, semblaient des volcans qui commencent à fumer. La clameur redoublait ; les lions blessés rugissaient dans l'ombre. Le palais s'éclaira d'un seul coup à sa plus haute terrasse, la porte du milieu s'ouvrit, et une femme, la fille d'Hamilcar elle-mÃÂȘme, couverte de vÃÂȘtements noirs, apparut sur le seuil. Elle descendit le premier escalier qui longeait obliquement le premier étage, puis le second, le troisiÚme, et elle s'arrÃÂȘta sur la derniÚre terrasse, au haut de l'escalier des galÚres. Immobile et la tÃÂȘte basse, elle regardait les soldats. DerriÚre elle, de chaque cÎté, se tenaient deux longues théories d'hommes pùles, vÃÂȘtus de robes blanches à franges rouges qui tombaient droit sur leurs pieds. Ils n'avaient pas de barbe, pas de cheveux, pas de sourcils. Dans leurs mains étincelantes d'anneaux ils portaient d'énormes lyres et chantaient tous, d'une voix aiguÃ, un hymne à la divinité de Carthage. C'étaient les prÃÂȘtres eunuques du temple de Tanit, que SalammbÎ appelait souvent dans sa maison. Enfin elle descendit l'escalier des galÚres. Les prÃÂȘtres la suivirent. Elle s'avança dans l'avenue des cyprÚs, et elle marchait lentement entre les tables des capitaines, qui se reculaient un peu en la regardant passer. Sa chevelure, poudrée d'un sable violet, et réunie en forme de tour selon la mode des vierges chananéennes, la faisait paraÃtre plus grande. Des tresses de perles attachées à ses tempes descendaient jusqu'aux coins de sa bouche, rose comme une grenade entrouverte. Il y avait sur sa poitrine un assemblage de pierres lumineuses, imitant par leur bigarrure les écailles d'une murÚne. Ses bras, garnis de diamants, sortaient nus de sa tunique sans manches, étoilée de fleurs rouges sur un fond tout noir. Elle portait entre les chevilles une chaÃnette d'or pour régler sa marche, et son grand manteau de pourpre sombre, taillé dans une étoffe inconnue, traÃnait derriÚre elle, faisant à chacun de ses pas comme une large vague qui la suivait. Les prÃÂȘtres, de temps à autre, pinçaient sur leurs lyres des accords presque étouffés, et dans les intervalles de la musique, on entendait le petit bruit de la chaÃnette d'or avec le claquement régulier de ses sandales en papyrus. Personne encore ne la connaissait. On savait seulement qu'elle vivait retirée dans des pratiques pieuses. Des soldats l'avaient aperçue la nuit, sur le haut de son palais, à genoux devant les étoiles, entre les tourbillons des cassolettes allumées. C'était la lune qui l'avait rendue si pùle, et quelque chose des Dieux l'enveloppait comme une vapeur subtile. Ses prunelles semblaient regarder tout au loin au-delà des espaces terrestres. Elle marchait en inclinant la tÃÂȘte, et tenait à sa main droite une petite lyre d'ébÚne. Ils l'entendaient murmurer - " Morts ! Tous morts ! Vous ne viendrez plus obéissant à ma voix, quand, assise sur le bord du lac, je vous jetais dans la gueule des pépins de pastÚques ! Le mystÚre de Tanit roulait au fond de vos yeux, plus limpides que les globules des fleuves. " Et elle les appelait par leurs noms, qui étaient les noms des mois. - " Siv ! Sivan ! Tammouz, Eloul, Tischri, Schebar ! - Ah ! pitié pour moi, Déesse ! " Les soldats, sans comprendre ce qu'elle disait, se tassaient autour d'elle. Ils s'ébahissaient de sa parure ; mais elle promena sur eux tous un long regard épouvanté, puis s'enfonçant la tÃÂȘte dans les épaules en écartant les bras, elle répéta plusieurs fois - " Qu'avez-vous fait ! qu'avez-vous fait ! - Vous aviez cependant, pour vous réjouir, du pain, des viandes, de l'huile, tout le malobathre des greniers ! J'avais fait venir des boeufs d'Hécatompyle, j'avais envoyé des chasseurs dans le désert ! " Sa voix s'enflait, ses joues s'empourpraient. Elle ajouta " OÃÂč ÃÂȘtes-vous donc, ici ? Est-ce dans une ville conquise, ou dans le palais d'un maÃtre ? Et quel maÃtre ? le suffÚte Hamilcar mon pÚre, serviteur des Baals ! Vos armes, rouges du sang de ses esclaves, c'est lui qui les a refusées à Lutatius ! En connaissez-vous un dans vos patries qui sache mieux conduire les batailles ? Regardez donc ! les marches de notre palais sont encombrées par nos victoires ! Continuez ! brûlez-le ! J'emporterai avec moi le Génie de ma maison, mon serpent noir qui dort là -haut sur des feuilles de lotus ! Je sifflerai, il me suivra ; et, si je monte en galÚre, il courra dans le sillage de mon navire sur l'écume des flots. " Ses narines minces palpitaient. Elle écrasait ses ongles contre les pierreries de sa poitrine. Ses yeux s'alanguirent ; elle reprit - " Ah ! pauvre Carthage ! lamentable ville ! Tu n'as plus pour te défendre les hommes forts d'autrefois, qui allaient au-delà des océans bùtir des temples sur les rivages. Tous les pays travaillaient autour de toi, et les plaines de la mer, labourées par tes rames, balançaient tes moissons. " Alors elle se mit à chanter les aventures de Melkarth, dieu des Sidoniens et pÚre de sa famille. Elle disait l'ascension des montagnes d'Ersiphonie, le voyage à Tartessus, et la guerre contre Masisabal pour venger la reine des serpents - " Il poursuivait dans la forÃÂȘt le monstre femelle dont la queue ondulait sur les feuilles mortes comme un ruisseau d'argent ; et il arriva dans une prairie oÃÂč des femmes, à croupe de dragon, se tenaient autour d'un grand feu, dressées sur la pointe de leur queue. La lune, couleur de sang, resplendissait dans un cercle pùle, et leurs langues écarlates, fendues comme des harpons de pÃÂȘcheurs, s'allongeaient en se recourbant jusqu'au bord de la flamme. " Puis SalammbÎ, sans s'arrÃÂȘter, raconta comment Melkarth, aprÚs avoir vaincu Masisabal, mit à la proue du navire sa tÃÂȘte coupée. - " A chaque battement des flots, elle s'enfonçait sous l'écume ; mais le soleil l'embaumait, elle se fit plus dure que l'or ; cependant les yeux ne cessaient point de pleurer, et les larmes, continuellement, tombaient dans l'eau. " Elle chantait tout cela dans un vieil idiome chananéen que n'entendaient pas les Barbares. Ils se demandaient ce qu'elle pouvait leur dire avec les gestes effrayants dont elle accompagnait son discours ; - et montés autour d'elle sur les tables, sur les lits, dans les rameaux des sycomores, la bouche ouverte et allongeant la tÃÂȘte, ils tùchaient de saisir ces vagues histoires qui se balançaient devant leur imagination, à travers l'obscurité des théogonies, comme des fantÎmes dans des nuages. Seuls, les prÃÂȘtres sans barbe comprenaient SalammbÎ. Leurs mains ridées, pendant sur les cordes des lyres, frémissaient, et de temps à autre en tiraient un accord lugubre car plus faibles que des vieilles femmes ils tremblaient à la fois d'émotion mystique et de la peur que leur faisaient les hommes. Les Barbares ne s'en souciaient ; ils écoutaient toujours la vierge chanter. Aucun ne la regardait comme un jeune chef numide placé aux tables des capitaines, parmi des soldats de sa nation. Sa ceinture était si hérissée de dards, qu'elle faisait une bosse dans son large manteau, noué à ses tempes par un lacet de cuir. L'étoffe, bùillant sur ses épaules, enveloppait d'ombre son visage, et l'on n'apercevait que les flammes de ses deux yeux fixes. C'était par hasard qu'il se trouvait au festin, - son pÚre le faisant vivre chez les Barca, selon la coutume des rois qui envoyaient leurs enfants dans les grandes familles pour préparer des alliances ; mais depuis six mois que Narr'Havas y logeait, il n'avait point encore aperçu SalammbÎ ; et, assis sur les talons, la barbe baissée vers les hampes de ses javelots, il la considérait en écartant les narines comme un léopard qui est accroupi dans les bambous. De l'autre cÎté des tables se tenait un Libyen de taille colossale et à courts cheveux noirs frisés. Il n'avait gardé que sa jaquette militaire, dont les lames d'airain déchiraient la pourpre du lit. Un collier à lune d'argent s'embarrassait dans les poils de sa poitrine. Des éclaboussures de sang lui tachetaient la face, il s'appuyait sur le coude gauche ; et la bouche grande ouverte il souriait. SalammbÎ n'en était plus au rythme sacré. Elle employait simultanément tous les idiomes des Barbares, délicatesse de femme pour attendrir leur colÚre. Aux Grecs elle parlait grec, puis elle se tournait vers les Ligures, vers les Campaniens, vers les NÚgres ; et chacun en l'écoutant retrouvait dans cette voix la douceur de sa patrie. Emportée par les souvenirs de Carthage, elle chantait maintenant les anciennes batailles contre Rome ; ils applaudissaient. Elle s'enflammait à la lueur des épées nues ; elle criait, les bras ouverts. Sa lyre tomba, elle se tut ; - et pressant son coeur à deux mains, elle resta quelques minutes les paupiÚres closes à savourer l'agitation de tous ces hommes. Mùtho le Libyen se penchait vers elle. Involontairement elle s'en approcha, et, poussée par la reconnaissance de son orgueil, elle lui versa dans une coupe d'or un long jet de vin pour se réconcilier avec l'armée. - " Bois ! " dit-elle. Il prit la coupe et il la portait à ses lÚvres quand un Gaulois, le mÃÂȘme que Giscon avait blessé, le frappa sur l'épaule, tout en débitant d'un air jovial des plaisanteries dans la langue de son pays. Spendius n'était pas loin ; il s'offrit à les expliquer. - " Parle ! " dit Mùtho. - " Les Dieux te protÚgent, tu vas devenir riche. A quand les noces ? " - " Quelles noces ? " - " Les tiennes ! car chez nous " , dit le Gaulois, lorsqu'une femme fait boire un soldat, c'est qu'elle lui offre sa couche. " Il n'avait pas fini que Narr'Havas, en bondissant, tira un javelot de sa ceinture, et appuyé du pied droit sur le bord de la table, il le lança contre Mùtho. Le javelot siffla entre les coupes, et, traversant le bras du Libyen, le cloua sur la nappe si fortement, que la poignée en tremblait dans l'air. Mùtho l'arracha vite ; mais il n'avait pas d'armes, il était nu ; enfin, levant à deux bras la table surchargée, il la jeta contre Narr'Havas tout au milieu de la foule qui se précipitait entre eux. Les soldats et les Numides se serraient à ne pouvoir tirer leurs glaives. Mùtho avançait en donnant de grands coups avec sa tÃÂȘte. Quand il la releva, Narr'Havas avait disparu. Il le chercha des yeux. SalammbÎ aussi était partie. Alors sa vue se tournant sur le palais, il aperçut tout en haut la porte rouge à croix noire qui se refermait. Il s'élança. On le vit courir entre les proues des galÚres, puis réapparaÃtre le long des trois escaliers jusqu'à la porte rouge qu'il heurta de tout son corps. En haletant, il s'appuya contre le mur pour ne pas tomber. Un homme l'avait suivi, et, à travers les ténÚbres, car les lueurs du festin étaient cachées par l'angle du palais, il reconnut Spendius. - " Va-t'en ! " dit-il. L'esclave, sans répondre, se mit avec ses dents à déchirer sa tunique ; puis s'agenouillant auprÚs de Mùtho il lui prit le bras délicatement, et il le palpait dans l'ombre pour découvrir la blessure. Sous un rayon de la lune qui glissait entre les nuages, Spendius aperçut au milieu du bras une plaie béante. Il roula tout autour le morceau d'étoffe ; mais l'autre, s'irritant, disait " Laisse-moi ! Laisse-moi ! " - " Oh ! non ! " reprit l'esclave. " Tu m'as délivré de l'ergastule. Je suis à toi ! tu es mon maÃtre ! ordonne ! " Mùtho, en frÎlant les murs, fit le tour de la terrasse. Il tendait l'oreille à chaque pas, et, par l'intervalle des roseaux dorés, plongeait ses regards dans les appartements silencieux. Enfin il s'arrÃÂȘta d'un air désespéré. - " Ecoute ! " lui dit l'esclave. " Oh ! ne me méprise pas pour ma faiblesse ! J'ai vécu dans le palais. Je peux, comme une vipÚre, me couler entre les murs. Viens ! Il y a dans la Chambre des AncÃÂȘtres un lingot d'or sous chaque dalle ; une voie souterraine conduit à leurs tombeaux. " - " Eh ! qu'importe ! " dit Mùtho. Spendius se tut. Ils étaient sur la terrasse. Une masse d'ombre énorme s'étalait devant eux, et qui semblait contenir de vagues amoncellements, pareils aux flots gigantesques d'un océan noir pétrifié. Mais une barre lumineuse s'éleva du cÎté de l'Orient. A gauche, tout en bas, les canaux de Mégara commençaient à rayer de leurs sinuosités blanches les verdures des jardins. Les toits coniques des temples heptagones, les escaliers, les terrasses, les remparts, peu à peu, se découpaient sur la pùleur de l'aube ; et tout autour de la péninsule carthaginoise une ceinture d'écume blanche oscillait tandis que la mer couleur d'émeraude semblait comme figée dans la fraÃcheur du matin. Puis à mesure que le ciel rose allait s'élargissant, les hautes maisons inclinées sur les pentes du terrain se haussaient, se tassaient telles qu'un troupeau de chÚvres noires qui descend des montagnes. Les rues désertes s'allongeaient ; les palmiers, çà et là sortant des murs, ne bougeaient pas ; les citernes remplies avaient l'air de boucliers d'argent perdus dans les cours, le phare du promontoire Hennormaeum commençait à pùlir. Tout en haut de l'Acropole, dans le bois de cyprÚs, les chevaux d'Eschmoûn, sentant venir la lumiÚre, posaient leurs sabots sur le parapet de marbre et hennissaient du cÎté du soleil. Il parut ; Spendius, levant les bras, poussa un cri. Tout s'agitait dans une rougeur épandue, car le Dieu, comme se déchirant, versait à pleins rayons sur Carthage la pluie d'or de ses veines. Les éperons des galÚres étincelaient, le toit de Khamon paraissait tout en flammes, et l'on apercevait des lueurs au fond des temples dont les portes s'ouvraient. Les grands chariots arrivant de la campagne faisaient tourner leurs roues sur les dalles des rues. Des dromadaires chargés de bagages descendaient les rampes. Les changeurs dans les carrefours relevaient les auvents de leurs boutiques. Des cigognes s'envolÚrent, des voiles blanches palpitaient. On entendait dans le bois de Tanit le tambourin des courtisanes sacrées, et à la pointe des Mappales, les fourneaux pour cuire les cercueils d'argile commençaient à fumer. Spendius se penchait en dehors de la terrasse ; ses dents claquaient, il répétait - " Ah ! oui... oui ... maÃtre ! je comprends pourquoi tu dédaignais tout à l'heure le pillage de la maison. " Mùtho fut comme réveillé par le sifflement de sa voix, il semblait ne pas comprendre ; Spendius reprit - " Ah ! quelles richesses ! et les hommes qui les possÚdent n'ont mÃÂȘme pas de fer pour les défendre ! " Alors, lui faisant voir de sa main droite étendue quelques-uns de la populace qui rampaient en dehors du mÎle, sur le sable, pour chercher des paillettes d'or - " Tiens ! " lui dit-il, " la République est comme ces misérables courbée au bord des océans, elle enfonce dans tous les rivages ses bras avides, et le bruit des flots emplit tellement son oreille qu'elle n'entendrait pas venir par-derriÚre le talon d'un maÃtre ! " Il entraÃna Mùtho tout à l'autre bout de la terrasse, et lui montrant le jardin oÃÂč miroitaient au soleil les épées des soldats suspendues dans les arbres. - " Mais ici il y a des hommes forts dont la haine est exaspérée ! et rien ne les attache à Carthage, ni leurs familles, ni leurs serments, ni leurs dieux ! " Mùtho restait appuyé contre le mur ; Spendius, se rapprochant, poursuivit à voix basse - " Me comprends-tu, soldat ? Nous nous promÚnerions couverts de pourpre comme des satrapes. On nous laverait dans les parfums ; j'aurais des esclaves à mon tour ! N'es-tu pas las de dormir sur la terre dure, de boire le vinaigre des camps, et toujours d'entendre la trompette ? Tu te reposeras plus tard, n'est-ce pas ? quand on arrachera ta cuirasse pour jeter ton cadavre aux vautours ! ou peut-ÃÂȘtre, t'appuyant sur un bùton, aveugle, boiteux, débile, tu t'en iras de porte en porte raconter ta jeunesse aux petits enfants et aux vendeurs de saumure. Rappelle-toi toutes les injustices de tes chefs, les campements dans la neige, les courses au soleil, les tyrannies de la discipline et l'éternelle menace de la croix ! AprÚs tant de misÚres on t'a donné un collier d'honneur, comme on suspend au poitrail des ùnes une ceinture de grelots pour les étourdir dans la marche, et faire qu'ils ne sentent pas la fatigue. Un homme comme toi, plus brave que Pyrrhus ! Si tu l'avais voulu, pourtant ! Ah ! comme tu seras heureux dans les grandes salles fraÃches, au son des lyres, couché sur des fleurs, avec des bouffons et avec des femmes ! Ne me dis pas que l'entreprise est impossible ! Est-ce que les Mercenaires, déjà , n'ont pas possédé Rheggium et d'autres places fortes en Italie ! Qui t'empÃÂȘche ? ! Hamilcar est absent ; le peuple exÚcre les Riches ; Giscon ne peut rien sur les lùches qui l'entourent. Mais tu es brave, toi ! ils t'obéiront. Commande-les ! Carthage est à nous ; jetons-nous-y ! " - " Non ! " dit Mùtho, " la malédiction de Moloch pÚse sur moi. Je l'ai senti à ses yeux, et tout à l'heure j'ai vu dans un temple un bélier noir qui reculait. " Il ajouta, en regardant autour de lui " OÃÂč est-elle ? " Spendius comprit qu'une inquiétude immense l'occupait ; il n'osa plus parler. Les arbres derriÚre eux fumaient encore ; de leurs branches noircies, des carcasses de singes à demi-brûlées tombaient de temps à autre au milieu des plats. Les soldats ivres ronflaient la bouche ouverte à cÎté des cadavres ; et ceux qui ne dormaient pas baissaient leur tÃÂȘte, éblouis par le jour. Le sol piétiné disparaissait sous des flaques rouges. Les éléphants balançaient entre les pieux de leurs parcs leurs trompes sanglantes. On apercevait dans les greniers ouverts des sacs de froment répandus, et sous la porte une ligne épaisse de chariots amoncelés par les Barbares ; les paons juchés dans les cÚdres déployaient leur queue et se mettaient à crier. Cependant l'immobilité de Mùtho étonnait Spendius, il était encore plus pùle que tout à l'heure, et, les prunelles fixes, il suivait quelque chose à l'horizon, appuyé des deux poings sur le bord de la terrasse. Spendius, en se courbant, finit par découvrir ce qu'il contemplait. Un point d'or tournait au loin dans la poussiÚre sur la route d'Utique ; c'était le moyeu d'un char attelé de deux mulets ; un esclave courait à la tÃÂȘte du timon, en les tenant par la bride. Il y avait dans le char deux femmes assises. Les criniÚres des bÃÂȘtes bouffaient entre leurs oreilles à la mode persique, sous un réseau de perles bleues. Spendius les reconnut ; il retint un cri. Un grand voile, par-derriÚre, flottait au vent. - Chapitre 2 A SICCA - Deux jours aprÚs, les Mercenaires sortirent de Carthage. On leur avait donné à chacun une piÚce d'or, sous la condition qu'ils iraient camper à Sicca, et on leur avait dit avec toutes sortes de caresses - " Vous ÃÂȘtes les sauveurs de Carthage ! Mais vous l'affameriez en y restant ; elle deviendrait insolvable. Eloignez-vous ! La République, plus tard, vous saura gré de cette condescendance. Nous allons immédiatement lever des impÎts ; votre solde sera complÚte, et l'on équipera des galÚres qui vous reconduiront dans vos patries. " Ils ne savaient que répondre à tant de discours. Ces hommes, accoutumés à la guerre, s'ennuyaient dans le séjour d'une ville ; on n'eut pas de mal à les convaincre, et le peuple monta sur les murs pour les voir s'en aller. Ils défilÚrent par la rue de Khamon et la porte de Cirta, pÃÂȘle-mÃÂȘle, les archers avec les hoplites, les capitaines avec les soldats, les Lusitaniens avec les Grecs. Ils marchaient d'un pas hardi, faisant sonner sur les dalles leurs lourds cothurnes. Leurs armures étaient bosselées par les catapultes et leurs visages noircis par le hùle des batailles. Des cris rauques sortaient des barbes épaisses ; leurs cottes de mailles déchirées battaient sur les pommeaux des glaives, et l'on apercevait, aux trous de l'airain, leurs membres nus, effrayants comme des machines de guerre. Les sarisses, les haches, les épieux, les bonnets de feutre et les casques de bronze, tout oscillait à la fois d'un seul mouvement. Ils emplissaient la rue à faire craquer les murs, et cette longue masse de soldats en armes s'épanchait entre les hautes maisons à six étages, barbouillées de bitume. DerriÚre leurs grilles de fer ou de roseaux, les femmes, la tÃÂȘte couverte d'un voile, regardaient en silence les Barbares passer. Les terrasses, les fortifications, les murs disparaissaient sous la foule des Carthaginois, habillée de vÃÂȘtements noirs. Les tuniques des matelots faisaient comme des taches de sang parmi cette sombre multitude, et des enfants presque nus, dont la peau brillait sous leurs bracelets de cuivre, gesticulaient dans le feuillage des colonnes ou entre les branches d'un palmier. Quelques-uns des Anciens s'étaient postés sur la plate-forme des tours, et l'on ne savait pas pourquoi se tenait ainsi, de place en place, un personnage à barbe longue, dans une attitude rÃÂȘveuse. Il apparaissait de loin sur le fond du ciel, vague comme un fantÎme, et immobile comme les pierres. Tous, cependant, étaient oppressés par la mÃÂȘme inquiétude ; on avait peur que les Barbares, en se voyant si forts, n'eussent la fantaisie de vouloir rester. Mais ils partaient avec tant de confiance que les Carthaginois s'enhardirent et se mÃÂȘlÚrent aux soldats. On les accablait de serments, d'étreintes. Quelques-uns mÃÂȘme les engageaient à ne pas quitter la ville, par exagération de politique et audace d'hypocrisie. On leur jetait des parfums, des fleurs et des piÚces d'argent. On leur donnait des amulettes contre les maladies ; mais on avait craché dessus trois fois pour attirer la mort, ou enfermé dedans des poils de chacal qui rendent le coeur lùche. On invoquait tout haut la faveur de Melkarth et tout bas sa malédiction. Puis vint la cohue des bagages, des bÃÂȘtes de somme et des traÃnards. Des malades gémissaient sur des dromadaires ; d'autres s'appuyaient, en boitant, sur le tronçon d'une pique. Les ivrognes emportaient des outres, les voraces des quartiers de viande, des gùteaux, des fruits, du beurre dans des feuilles de figuier, de la neige dans des sacs de toile. On en voyait avec des parasols à la main, avec des perroquets sur l'épaule. Ils se faisaient suivre par des dogues, par des gazelles ou des panthÚres. Des femmes de race Libyque, montées sur des ùnes, invectivaient les négresses qui avaient abandonné pour les soldats les lupanars de Malqua plusieurs allaitaient des enfants suspendus à leur poitrine dans une laniÚre de cuir. Les mulets, que l'on aiguillonnait avec la pointe des glaives, pliaient l'échine sous le fardeau des tentes ; et il y avait une quantité de valets et de porteurs d'eau, hùves, jaunis par les fiÚvres et tout sales de vermine, écume de la plÚbe carthaginoise, qui s'attachait aux Barbares. Quand ils furent passés, on ferma les portes derriÚre eux, le peuple ne descendit pas des murs ; l'armée se répandit bientÎt sur la largeur de l'isthme. Elle se divisait par masses inégales. Puis les lances apparurent comme de hauts brins d'herbe, enfin tout se perdit dans une traÃnée de poussiÚre ; ceux des soldats qui se retournaient vers Carthage, n'apercevaient plus que ses longues murailles, découpant au bord du ciel leurs créneaux vides. Alors les Barbares entendirent un grand cri. Ils crurent que quelques-uns d'entre eux, restés dans la ville car ils ne savaient pas leur nombre, s'amusaient à piller un temple. Ils rirent beaucoup à cette idée, puis continuÚrent leur chemin. Ils étaient joyeux de se retrouver, comme autrefois, marchant tous ensemble dans la pleine campagne ; et des Grecs chantaient la vieille chanson des Mamertins - " Avec ma lance et mon épée, je laboure et je moissonne ; c'est moi qui suis le maÃtre de la maison ! L'homme désarmé tombe à mes genoux et m'appelle Seigneur et Grand-Roi. " Ils criaient, sautaient, les plus gais commençaient des histoires ; le temps des misÚres était fini. En arrivant à Tunis, quelques-uns remarquÚrent qu'il manquait une troupe de frondeurs baléares. Ils n'étaient pas loin, sans doute on n'y pensa plus. Les uns allÚrent loger dans les maisons, les autres campÚrent au pied des murs, et les gens de la ville vinrent causer avec les soldats. Pendant toute la nuit, on aperçut des feux qui brûlaient à l'horizon, du cÎté de Carthage ; ces lueurs, comme des torches géantes, s'allongeaient sur le lac immobile. Personne, dans l'armée, ne pouvait dire quelle fÃÂȘte on célébrait. Les Barbares, le lendemain, traversÚrent une campagne toute couverte de cultures. Les métairies des patriciens se succédaient sur le bord de la route ; des rigoles coulaient dans des bois de palmiers ; les oliviers faisaient de longues lignes vertes ; des vapeurs roses flottaient dans les gorges des collines ; des montagnes bleues se dressaient par-derriÚre. Un vent chaud soufflait. Des caméléons rampaient sur les feuilles larges des cactus. Les Barbares se ralentirent. Ils s'en allaient par détachements isolés, ou se traÃnaient les uns aprÚs les autres à de longs intervalles. Ils mangeaient des raisins au bord des vignes. Ils se couchaient dans les herbes, et ils regardaient avec stupéfaction les grandes cornes des boeufs artificiellement tordues, les brebis revÃÂȘtues de peaux pour protéger leur laine, les sillons qui s'entrecroisaient de maniÚre à former des losanges, et les socs de charrues pareils à des ancres de navires, avec les grenadiers que l'on arrosait de silphium. Cette opulence de la terre et ces inventions de la sagesse les éblouissaient. Le soir, ils s'étendirent sur les tentes sans les déplier ; et, tout en s'endormant la figure aux étoiles, ils regrettaient le festin d'Hamilcar. Au milieu du jour suivant, on fit halte sur le bord d'une riviÚre, dans des touffes de lauriers-roses. Alors ils jetÚrent vite leurs lances, leurs boucliers, leurs ceintures. Ils se lavaient en criant, ils puisaient dans leur casque, et d'autres buvaient à plat ventre, tout au milieu des bÃÂȘtes de somme, dont les bagages tombaient. Spendius, assis sur un dromadaire volé dans les parcs d'Hamilcar, aperçut de loin Mùtho, qui, le bras suspendu contre la poitrine, nu-tÃÂȘte et la figure basse, laissait boire son mulet, tout en regardant l'eau couler. AussitÎt il courut à travers la foule, en l'appelant - " MaÃtre ! maÃtre ! " A peine si Mùtho le remercia de ses bénédictions. Spendius n'y prenant garde se mit à marcher derriÚre lui, et, de temps à autre, il tournait des yeux inquiets du cÎté de Carthage. C'était le fils d'un rhéteur grec et d'une prostituée campanienne. Il s'était d'abord enrichi à vendre des femmes ; puis, ruiné par un naufrage, il avait fait la guerre contre les Romains avec les pùtres du Samnium. On l'avait pris, il s'était échappé ; on l'avait repris, et il avait travaillé dans les carriÚres, haleté dans les étuves, crié dans les supplices, passé par bien des maÃtres, connu toutes les fureurs. Un jour enfin, par désespoir il s'était lancé à la mer du haut de la trirÚme oÃÂč il poussait l'aviron. Des matelots d'Hamilcar l'avaient recueilli mourant et amené à Carthage dans l'ergastule de Mégara. Mais comme on devait rendre aux Romains leurs transfuges, il avait profité du désordre pour s'enfuir avec les soldats. Pendant toute la route, il resta prÚs de Mùtho ; il lui apportait à manger, il le soutenait pour descendre, il étendait un tapis, le soir, sous sa tÃÂȘte. Mùtho finit par s'émouvoir de ces prévenances, et peu à peu il desserra les lÚvres. Il était né dans le golfe des Syrtes. Son pÚre l'avait conduit en pÚlerinage au temple d'Ammon. Puis il avait chassé les éléphants dans les forÃÂȘts des Garamantes. Ensuite, il s'était engagé au service de Carthage. On l'avait nommé tétrarque à la prise de Drépanum. La République lui devait quatre chevaux, vingt-trois médines de froment et la solde d'un hiver. Il craignait les Dieux et souhaitait mourir dans sa patrie. Spendius lui parla de ses voyages, des peuples et des temples qu'il avait visités, et il connaissait beaucoup de choses il savait faire des sandales, des épieux, des filets, apprivoiser les bÃÂȘtes farouches et cuire des poissons. Parfois s'interrompant, il tirait du fond de sa gorge un cri rauque ; le mulet de Mùtho pressait son allure ; les autres se hùtaient pour les suivre, puis Spendius recommençait, toujours agité par son angoisse. Elle se calma, le soir du quatriÚme jour. Ils marchaient cÎte à cÎte, à la droite de l'armée, sur le flanc d'une colline ; la plaine, en bas, se prolongeait, perdue dans les vapeurs de la nuit. Les lignes des soldats défilant au-dessous d'eux faisaient dans l'ombre des ondulations. De temps à autre elles passaient sur les éminences éclairées par la lune ; alors une étoile tremblait à la pointe des piques, les casques un instant miroitaient, tout disparaissait, et il en survenait d'autres, continuellement. Au loin, des troupeaux réveillés bÃÂȘlaient, et quelque chose d'une douceur infinie semblait s'abattre sur la terre. Spendius, la tÃÂȘte renversée et les yeux à demi clos, aspirait avec de grands soupirs la fraÃcheur du vent ; il écartait les bras en remuant ses doigts pour mieux sentir cette caresse qui lui coulait sur le corps. Des espoirs de vengeance, revenus, le transportaient. Il colla sa main contre sa bouche afin d'arrÃÂȘter ses sanglots, et, à demi pùmé d'ivresse, il abandonnait le licol de son dromadaire qui avançait à grands pas réguliers. Mùtho était retombé dans sa tristesse ses jambes pendaient jusqu'à terre, et les herbes, en fouettant ses cothurnes, faisaient un sifflement continu. Cependant, la route s'allongeait sans jamais en finir. A l'extrémité d'une plaine, toujours on arrivait sur un plateau de forme ronde ; puis on redescendait dans une vallée, et les montagnes qui semblaient boucher l'horizon, à mesure que l'on approchait d'elles, se déplaçaient comme en glissant. De temps à autre, une riviÚre apparaissait dans la verdure des tamarix, pour se perdre au tournant des collines. Parfois, se dressait un énorme rocher, pareil à la proue d'un vaisseau ou au piédestal de quelque colosse disparu. On rencontrait, à des intervalles réguliers, de petits temples quadrangulaires, servant aux stations des pÚlerins qui se rendaient à Sicca. Ils étaient fermés comme des tombeaux. Les Libyens, pour se faire ouvrir, frappaient de grands coups contre la porte. Personne de l'intérieur ne répondait. Puis les cultures se firent plus rares. On entrait tout à coup sur des bandes de sable, hérissées de bouquets épineux. Des troupeaux de moutons broutaient parmi les pierres ; une femme, la taille ceinte d'une toison bleue, les gardait. Elle s'enfuyait en poussant des cris, dÚs qu'elle apercevait entre les rochers les piques des soldats. Ils marchaient dans une sorte de grand couloir bordé par deux chaÃnes de monticules rougeùtres, quand une odeur nauséabonde vint les frapper aux narines, et ils crurent voir au haut d'un caroubier quelque chose d'extraordinaire une tÃÂȘte de lion se dressait au-dessus des feuilles. Ils y coururent. C'était un lion, attaché à une croix par les quatre membres comme un criminel. Son mufle énorme lui retombait sur la poitrine, et ses deux pattes antérieures, disparaissant à demi sous l'abondance de sa criniÚre, étaient largement écartées comme les deux ailes d'un oiseau. Ses cÎtes, une à une, saillissaient sous sa peau tendue ; ses jambes de derriÚre, clouées l'une contre l'autre, remontaient un peu ; et du sang noir, coulant parmi ses poils, avait amassé des stalactites au bas de sa queue qui pendait toute droite le long de la croix. Les soldats se divertirent autour ; ils l'appelaient consul et citoyen de Rome et lui jetÚrent des cailloux dans les yeux, pour faire envoler les moucherons. Cent pas plus loin ils en virent deux autres, puis tout à coup parut une longue file de croix supportant des lions. Les uns étaient morts depuis si longtemps qu'il ne restait plus contre le bois que les débris de leurs squelettes ; d'autres à moitié rongés tordaient la gueule en faisant une horrible grimace ; il y en avait d'énormes, l'arbre de la croix pliait sous eux et ils se balançaient au vent, tandis que sur leur tÃÂȘte des bandes de corbeaux tournoyaient dans l'air, sans jamais s'arrÃÂȘter. Ainsi se vengeaient les paysans carthaginois quand ils avaient pris quelque bÃÂȘte féroce ; ils espéraient par cet exemple terrifier les autres. Les Barbares, cessant de rire, tombÚrent dans un long étonnement. " Quel est ce peuple, pensaient-ils, qui s'amuse à crucifier les lions ! " Ils étaient, d'ailleurs, les hommes du Nord surtout, vaguement inquiets, troublés, malades déjà , ils se déchiraient les mains aux dards des aloÚs ; de grands moustiques bourdonnaient à leurs oreilles, et les dysenteries commençaient dans l'armée. Ils s'ennuyaient de ne pas voir Sicca. Ils avaient peur de se perdre et d'atteindre le désert, la contrée des sables et des épouvantements. Beaucoup mÃÂȘme ne voulaient plus avancer. D'autres reprirent le chemin de Carthage. Enfin le septiÚme jour, aprÚs avoir suivi pendant longtemps la base d'une montagne, on tourna brusquement à droite ; alors apparut une ligne de murailles posée sur des roches blanches et se confondant avec elles. Soudain la ville entiÚre se dressa ; des voiles bleus, jaunes et blancs s'agitaient sur les murs, dans la rougeur du soir. C'étaient les prÃÂȘtresses de Tanit, accourues pour recevoir les hommes. Elles se tenaient rangées sur le long du rempart, en frappant des tambourins, en pinçant des lyres, en secouant des crotales, et les rayons du soleil, qui se couchait par- derriÚre, dans les montagnes de la Numidie, passaient entre les cordes des harpes oÃÂč s'allongeaient leurs bras nus. Les instruments, par intervalles, se taisaient tout à coup, et un cri strident éclatait, précipité, furieux, continu, sorte d'aboiement qu'elles faisaient en se frappant avec la langue les deux coins de la bouche. D'autres restaient accoudées, le menton dans la main, et plus immobiles que des sphinx, elles dardaient leurs grands yeux noirs sur l'armée qui montait. Bien que Sicca fût une ville sacrée, elle ne pouvait contenir une telle multitude ; le temple avec ses dépendances en occupait, seul, la moitié. Aussi les Barbares s'établirent dans la plaine tout à leur aise, ceux qui étaient disciplinés par troupes réguliÚres, et les autres, par nations ou d'aprÚs leur fantaisie. Les Grecs alignÚrent sur des rangs parallÚles leurs tentes de peaux ; les Ibériens disposÚrent en cercle leurs pavillons de toile ; les Gaulois se firent des baraques de planches ; les Libyens des cabanes de pierres sÚches, et les NÚgres creusÚrent dans le sable avec leurs ongles des fosses pour dormir. Beaucoup, ne sachant oÃÂč se mettre, erraient au milieu des bagages, et la nuit couchaient par terre dans leurs manteaux troués. La plaine se développait autour d'eux, toute bordée de montagnes. Çà et là un palmier se penchait sur une colline de sable, des sapins et des chÃÂȘnes tachetaient les flancs des précipices. Quelquefois la pluie d'un orage, telle qu'une longue écharpe, pendait du ciel, tandis que la campagne restait partout couverte d'azur et de sérénité ; puis un vent tiÚde chassait des tourbillons de poussiÚre ; - et un ruisseau descendait en cascade des hauteurs de Sicca oÃÂč se dressait, avec sa toiture d'or sur des colonnes d'airain, le temple de la Vénus carthaginoise, dominatrice de la contrée. Elle semblait l'emplir de son ùme. Par ces convulsions des terrains, ces alternatives de la température et ces jeux de la lumiÚre, elle manifestait l'extravagance de sa force avec la beauté de son éternel sourire. Les montagnes, à leur sommet, avaient la forme d'un croissant ; d'autres ressemblaient à des poitrines de femme tendant leurs seins gonflés, et les Barbares sentaient peser par-dessus leurs fatigues un accablement qui était plein de délices. Spendius, avec l'argent de son dromadaire, s'était acheté un esclave. Tout le long du jour il dormait étendu devant la tente de Mùtho. Souvent il se réveillait croyant dans son rÃÂȘve entendre siffler les laniÚres ; alors, en souriant, il se passait les mains sur les cicatrices de ses jambes, à la place oÃÂč les fers avaient longtemps porté ; puis il se rendormait. Mùtho acceptait sa compagnie, et quand il sortait, Spendius, avec un long glaive sur la cuisse, l'escortait comme un licteur ; ou bien Mùtho nonchalamment s'appuyait du bras sur son épaule, car Spendius était petit. Un soir qu'ils traversaient ensemble les rues du camp, ils aperçurent des hommes couverts de manteaux blancs ; parmi eux se trouvait Narr'Havas, le prince des Numides. Mùtho tressaillit. - " Ton épée ! " s'écria-t-il ; " je veux le tuer ! " - " Pas encore ! " fit Spendius en l'arrÃÂȘtant. Déjà Narr'Havas s'avançait vers lui. Il baisa ses deux pouces en signe d'alliance, rejetant la colÚre qu'il avait eue sur l'ivresse du festin ; puis il parla longuement contre Carthage, mais il ne dit pas ce qui l'amenait chez les Barbares. Etait-ce pour les trahir ou bien la République ? se demandait Spendius ; et comme il comptait faire son profit de tous les désordres, il savait gré à Narr'Havas des futures perfidies dont il le soupçonnait. Le chef des Numides resta parmi les Mercenaires. Il paraissait vouloir s'attacher Mùtho. Il lui envoyait des chÚvres grasses, de la poudre d'or et des plumes d'autruche. Le Libyen, ébahi de ces caresses, hésitait à y répondre ou à s'en exaspérer. Mais Spendius l'apaisait, et Mùtho se laissait gouverner par l'esclave, - toujours irrésolu et dans une invincible torpeur, comme ceux qui ont pris autrefois quelque breuvage dont ils doivent mourir. Un matin qu'ils partaient tous les trois pour la chasse au lion, Narr'Havas cacha un poignard dans son manteau. Spendius marcha continuellement derriÚre lui ; et ils revinrent sans qu'on eût tiré le poignard. Une autre fois, Narr'Havas les entraÃna fort loin, jusqu'aux limites de son royaume. Ils arrivÚrent dans une gorge étroite ; Narr'Havas sourit en leur déclarant qu'il ne connaissait plus la route ; Spendius la retrouva. Mais le plus souvent Mùtho, mélancolique comme un augure, s'en allait dÚs le soleil levant pour vagabonder dans la campagne. Il s'étendait sur le sable, et jusqu'au soir y restait immobile. Il consulta l'un aprÚs l'autre tous les devins de l'armée, ceux qui observent la marche des serpents, ceux qui lisent dans les étoiles, ceux qui soufflent sur la cendre des morts. Il avala du galbanum, du seseli et du venin de vipÚre qui glace le coeur ; des femmes nÚgres, en chantant au clair de lune des paroles barbares, lui piquÚrent la peau du front avec des stylets d'or ; il se chargeait de colliers et d'amulettes il invoqua tour à tour Baal-Kamon, Moloch, les sept Cabires, Tanit et la Vénus des Grecs. Il grava un nom sur une plaque de cuivre et il l'enfouit dans le sable au seuil de sa tente. Spendius l'entendait gémir et parler tout seul. Une nuit il entra. Mùtho, nu comme un cadavre, était couché à plat ventre sur une peau de lion, la face dans les deux mains, une lampe suspendue éclairait ses armes, accrochées sur sa tÃÂȘte contre le mùt de la tente. - " Tu souffres ? " lui dit l'esclave. " Que te faut-il ? réponds-moi ! - " et il le secoua par l'épaule en l'appelant plusieurs fois " MaÃtre ! maÃtre ! ... " Enfin Mùtho leva vers lui de grands yeux troubles. - " Ecoute ! " fit-il à voix basse, avec un doigt sur les lÚvres. " C'est une colÚre des Dieux ! la fille d'Hamilcar me poursuit ! J'en ai peur, Spendius ! " Il se serrait contre sa poitrine, comme un enfant épouvanté par un fantÎme. - " Parle-moi ! je suis malade ! je veux guérir ! j'ai tout essayé ! Mais toi, tu sais peut-ÃÂȘtre des Dieux plus forts ou quelque invocation irrésistible ? " - " Pour quoi faire ? " demanda Spendius. Il répondit, en se frappant la tÃÂȘte avec ses deux poings - " Pour m'en débarrasser ! " Puis il se disait, se parlant à lui-mÃÂȘme, avec de longs intervalles - " Je suis sans doute la victime de quelque holocauste qu'elle aura promis aux Dieux ? .... Elle me tient attaché par une chaÃne que l'on n'aperçoit pas. Si je marche, c'est qu'elle avance ; quand je m'arrÃÂȘte, elle se repose ! Ses yeux me brûlent, j'entends sa voix. Elle m'environne, elle me pénÚtre. Il me semble qu'elle est devenue mon ùme ! " Et pourtant, il y a entre nous deux comme les flots invisibles d'un océan sans bornes ! Elle est lointaine et tout inaccessible ! La splendeur de sa beauté fait autour d'elle un nuage de lumiÚre ; et je crois, par moments, ne l'avoir jamais vue... qu'elle n'existe pas... et que tout cela est un songe ! " Mùtho pleurait ainsi dans les ténÚbres ; les Barbares dormaient. Spendius, en le regardant, se rappelait les jeunes hommes qui, avec des vases d'or dans les mains, le suppliaient autrefois, quand il promenait par les villes son troupeau de courtisanes ; une pitié l'émut, et il dit - " Sois fort, mon maÃtre ! Appelle ta volonté et n'implore plus les Dieux, car ils ne se détournent pas aux cris des hommes ! Te voilà pleurant comme un lùche ! Tu n'es donc pas humilié qu'une femme te fasse tant souffrir ! " - " Suis-je un enfant ? " dit Mùtho. " Crois-tu que je m'attendrisse encore à leur visage et à leurs chansons ? Nous en avions à Drépanum pour balayer nos écuries. J'en ai possédé au milieu des assauts, sous les plafonds qui croulaient et quand la catapulte vibrait encore ! .... Mais celle-là , Spendius, celle-là ! ... " L'esclave l'interrompit - " Si elle n'était pas la fille d'Hamilcar... " - " Non ! " s'écria Mùtho. " Elle n'a rien d'une autre fille des hommes ! As-tu vu ses grands yeux sous ses grands sourcils, comme des soleils sous des arcs de triomphe ? Rappelle-toi quand elle a paru, tous les flambeaux ont pùli. Entre les diamants de son collier, des places sur sa poitrine nue resplendissaient ; on sentait derriÚre elle comme l'odeur d'un temple, et quelque chose s'échappait de tout son ÃÂȘtre qui était plus suave que le vin et plus terrible que la mort. Elle marchait cependant, et puis elle s'est arrÃÂȘtée. Il resta béant, la tÃÂȘte basse, les prunelles fixes. - " Mais je la veux ! il me la faut ! j'en meurs ! A l'idée de l'étreindre dans mes bras, une fureur de joie m'emporte, et cependant je la hais, Spendius ! je voudrais la battre ! Que faire ? J'ai envie de me vendre pour devenir son esclave. Tu l'as été, toi ! Tu pouvais l'apercevoir parle- moi d'elle ! Toutes les nuits, n'est-ce pas, elle monte sur la terrasse de son palais ? Ah ! les pierres doivent frémir sous ses sandales et les étoiles se pencher pour la voir ! " Il retomba tout en fureur, et rùlant comme un taureau blessé. Puis Mùtho chanta " Il poursuivait dans la forÃÂȘt le monstre femelle dont la queue ondulait sur les feuilles mortes, comme un ruisseau d'argent. " Et en traÃnant la voix, il imitait la voix de SalammbÎ, tandis que ses mains étendues faisaient comme deux mains légÚres sur les cordes d'une lyre. A toutes les consolations de Spendius, il lui répétait les mÃÂȘmes discours ; leurs nuits se passaient dans ces gémissements et ces exhortations. Mùtho voulut s'étourdir avec du vin. AprÚs ses ivresses il était plus triste encore. Il essaya de se distraire aux osselets, et il perdit une à une les plaques d'or de son collier. Il se laissa conduire chez les servantes de la Déesse ; mais il descendit la colline en sanglotant, comme ceux qui s'en reviennent des funérailles. Spendius, au contraire, devenait plus hardi et plus gai. On le voyait, dans les cabarets de feuillages, discourant au milieu des soldats. Il raccommodait les vieilles cuirasses. Il jonglait avec des poignards, il allait pour les malades cueillir des herbes dans les champs. Il était facétieux, subtil, plein d'inventions et de paroles ; les Barbares s'accoutumaient à ses services ; il s'en faisait aimer. Cependant ils attendaient un ambassadeur de Carthage qui leur apporterait, sur des mulets, des corbeilles chargées d'or ; et toujours recommençant le mÃÂȘme calcul, ils dessinaient avec leurs doigts des chiffres sur le sable. Chacun, d'avance, arrangeait sa vie ; ils auraient des concubines, des esclaves, des terres ; d'autres voulaient enfouir leur trésor ou le risquer sur un vaisseau. Mais dans ce désoeuvrement les caractÚres s'irritaient ; il y avait de continuelles disputes entre les cavaliers et les fantassins, les Barbares et les Grecs, et l'on était sans cesse étourdi par la voix aigre des femmes. Tous les jours, il survenait des troupeaux d'hommes presque nus, avec des herbes sur la tÃÂȘte pour se garantir du soleil ; c'étaient les débiteurs des riches Carthaginois, contraints de labourer leurs terres, et qui s'étaient échappés. Des Libyens affluaient, des paysans ruinés par les impÎts, des bannis, des malfaiteurs. Puis la horde des marchands, tous les vendeurs de vin et d'huile, furieux de n'ÃÂȘtre pas payés, s'en prenaient à la République ; Spendius déclamait contre elle. BientÎt les vivres diminuÚrent. On parlait de se porter en masse sur Carthage et d'appeler les Romains. Un soir, à l'heure du souper, on entendit des sons lourds et fÃÂȘlés qui se rapprochaient, et, au loin, quelque chose de rouge apparut dans les ondulations du terrain. C'était une grande litiÚre de pourpre, ornée aux angles par des bouquets de plumes d'autruche. Des chaÃnes de cristal, avec des guirlandes de perles, battaient sur sa tenture fermée. Des chameaux la suivaient en faisant sonner la grosse cloche suspendue à leur poitrail, et l'on apercevait autour d'eux des cavaliers ayant une armure en écailles d'or depuis les talons jusqu'aux épaules. Ils s'arrÃÂȘtÚrent à trois cents pas du camp, pour retirer des étuis qu'ils portaient en croupe, leur bouclier rond, leur large glaive et leur casque à la béotienne. Quelques-uns restÚrent avec les chameaux ; les autres se remirent en marche. Enfin les enseignes de la République parurent, c'est- à -dire des bùtons de bois bleu, terminés par des tÃÂȘtes de cheval ou des pommes de pins. Les Barbares se levÚrent tous, en applaudissant ; les femmes se précipitaient vers les gardes de la Légion et leur baisaient les pieds. La litiÚre s'avançait sur les épaules de douze NÚgres, qui marchaient d'accord à petits pas rapides. Ils allaient de droite et de gauche, au hasard, embarrassés par les cordes des tentes, par les bestiaux qui erraient et les trépieds oÃÂč cuisaient les viandes. Quelquefois une main grasse, chargée de bagues, entrouvrait la litiÚre ; une voix rauque criait des injures ; alors les porteurs s'arrÃÂȘtaient, puis ils prenaient une autre route à travers le camp. Mais les courtines de pourpre se relevÚrent ; et l'on découvrit sur un large oreiller une tÃÂȘte humaine tout impassible et boursouflée ; les sourcils formaient comme deux arcs d'ébÚne se rejoignant par les pointes ; des paillettes d'or étincelaient dans les cheveux crépus, et la face était si blÃÂȘme qu'elle semblait saupoudrée avec de la rùpure de marbre. Le reste du corps disparaissait sous les toisons qui emplissaient la litiÚre. Les soldats reconnurent dans cet homme ainsi couché le suffÚte Hannon, celui qui avait contribué par sa lenteur à faire perdre la bataille des Ãles Aegates ; et, quant à sa victoire d'Hécatompyle sur les Libyens, s'il s'était conduit avec clémence, c'était par cupidité, pensaient les Barbares, car il avait vendu à son compte tous les captifs, bien qu'il eût déclaré leur mort à la République. Lorsqu'il eut, pendant quelque temps, cherché une place commode pour haranguer les soldats, il fit un signe la litiÚre s'arrÃÂȘta, et Hannon, soutenu par deux esclaves, posa ses pieds par terre, en chancelant. Il avait des bottines en feutre noir, semées de lunes d'argent. Des bandelettes, comme autour d'une momie, s'enroulaient à ses jambes, et la chair passait entre les linges croisés. Son ventre débordait sur la jaquette écarlate qui lui couvrait les cuisses ; les plis de son cou retombaient jusqu'à sa poitrine comme des fanons de boeuf, sa tunique, oÃÂč des fleurs étaient peintes, craquait aux aisselles ; il portait une écharpe, une ceinture et un large manteau noir à doubles manches lacées. L'abondance de ses vÃÂȘtements, son grand collier de pierres bleues, ses agrafes d'or et ses lourds pendants d'oreilles ne rendaient que plus hideuse sa difformité. On aurait dit quelque grosse idole ébauchée dans un bloc de pierre ; car une lÚpre pùle, étendue sur tout son corps, lui donnait l'apparence d'une chose inerte. Cependant son nez, crochu comme un bec de vautour, se dilatait violemment, afin d'aspirer l'air, et ses petits yeux, aux cils collés, brillaient d'un éclat dur et métallique. Il tenait à la main une spatule d'aloÚs, pour se gratter la peau. Enfin deux hérauts sonnÚrent dans leurs cornes d'argent ; le tumulte s'apaisa, et Hannon se mit à parler. Il commença par faire l'éloge des Dieux et de la République ; les Barbares devaient se féliciter de l'avoir servie. Mais il fallait se montrer plus raisonnables, les temps étaient durs, - " - et si un maÃtre n'a que trois olives, n'est-il pas juste qu'il en garde deux pour lui ? " Ainsi le vieux suffÚte entremÃÂȘlait son discours de proverbes et d'apologues, tout en faisant des signes de tÃÂȘte pour solliciter quelque approbation. Il parlait punique et ceux qui l'entouraient les plus alertes accourus sans leurs armes étaient des Campaniens, des Gaulois et des Grecs, si bien que personne dans cette foule ne le comprenait. Hannon s'en aperçut, il s'arrÃÂȘta, et il se balançait lourdement, d'une jambe sur l'autre, en réfléchissant. L'idée lui vint de convoquer les capitaines ; alors ses hérauts criÚrent cet ordre en grec, - langage qui, depuis Xantippe, servait aux commandements dans les armées carthaginoises. Les gardes, à coups de fouet, écartÚrent la tourbe des soldats ; et bientÎt les capitaines des phalanges à la spartiate et les chefs des cohortes barbares arrivÚrent, avec les insignes de leur grade et l'armure de leur nation. La nuit était tombée, une grande rumeur circulait par la plaine ; çà et là des feux brûlaient ; on allait de l'un à l'autre, on se demandait " Qu'y a-t-il ? " et pourquoi le suffÚte ne distribuait pas l'argent ? Il exposait aux capitaines les charges infinies de la République. Son trésor était vide. Le tribut des Romains l'accablait. " Nous ne savons plus que faire ! ... Elle est bien à plaindre ! " De temps à autre, il se frottait les membres avec sa spatule d'aloÚs, ou bien il s'interrompait pour boire dans une coupe d'argent, que lui tendait un esclave, une tisane faite avec de la cendre de belette et des asperges bouillies dans du vinaigre ; puis il s'essuyait les lÚvres à une serviette d'écarlate, et reprenait - " Ce qui valait un sicle d'argent vaut aujourd'hui trois shekels d'or, et les cultures abandonnées pendant la guerre ne rapportent rien ! Nos pÃÂȘcheries de pourpre sont à peu prÚs perdues, les perles mÃÂȘmes deviennent exorbitantes ; à peine si nous avons assez d'onguents pour le service des Dieux ! Quant aux choses de la table, je n'en parle pas, c'est une calamité ! Faute de galÚres, nous manquons d'épices, et l'on a bien du mal à se fournir de silphium, à cause des rébellions sur la frontiÚre de CyrÚne. La Sicile, oÃÂč l'on trouvait tant d'esclaves, nous est maintenant fermée ! Hier encore, pour un baigneur et quatre valets de cuisine, j'ai donné plus d'argent qu'autrefois pour une paire d'éléphants ! " Il déroula un long morceau de papyrus ; et il lut, sans passer un seul chiffre, toutes les dépenses que le Gouvernement avait faites ; tant pour les réparations des temples, pour le dallage des rues, pour la construction des vaisseaux, pour les pÃÂȘcheries de corail, pour l'agrandissement des Syssites, et pour des engins dans les mines, au pays des Cantabres. Mais les capitaines, pas plus que les soldats, n'entendaient le punique, bien que les Mercenaires se saluassent en cette langue. On plaçait ordinairement dans les armées des Barbares quelques officiers carthaginois pour servir d'interprÚtes ; aprÚs la guerre ils s'étaient cachés de peur des vengeances, et Hannon n'avait pas songé à les prendre avec lui ; d'ailleurs sa voix trop sourde se perdait au vent. Les Grecs, sanglés dans leur ceinturon de fer, tendaient l'oreille, en s'efforçant à deviner ses paroles, tandis que des montagnards, couverts de fourrures comme des ours, le regardaient avec défiance ou bùillaient, appuyés sur leur massue à clous d'airain. Les Gaulois inattentifs secouaient en ricanant leur haute chevelure, et les hommes du désert écoutaient immobiles, tout encapuchonnés dans leurs vÃÂȘtements de laine grise d'autres arrivaient par-derriÚre ; les gardes, que la cohue poussait, chancelaient sur leurs chevaux, les NÚgres tenaient au bout de leurs bras des branches de sapin enflammées et le gros Carthaginois continuait sa harangue, monté sur un tertre de gazon. Cependant les Barbares s'impatientaient, des murmures s'élevÚrent, chacun l'apostropha. Hannon gesticulait avec sa spatule ; ceux qui voulaient faire taire les autres, criant plus fort, ajoutaient au tapage. Tout à coup, un homme d'apparence chétive bondit aux pieds d'Hannon, arracha la trompette d'un héraut, souffla dedans, et Spendius car c'était lui annonça qu'il allait dire quelque chose d'important. A cette déclaration, rapidement débitée en cinq langues diverses, grec, latin, gaulois, Lybique et baléare, les capitaines, moitié riant, moitié surpris, répondirent - " Parle ! parle ! " Spendius hésita ; il tremblait ; enfin s'adressant aux Libyens, qui étaient les plus nombreux, il leur dit - " Vous avez tous entendu les horribles menaces de cet homme ? " Hannon ne se récria pas, donc il ne comprenait point le Lybique ; et, pour continuer l'expérience, Spendius répéta la mÃÂȘme phrase dans les autres idiomes des Barbares. Ils se regardÚrent étonnés ; puis tous, comme d'un accord tacite, croyant peut-ÃÂȘtre avoir compris, ils baissÚrent la tÃÂȘte en signe d'assentiment. Alors Spendius commença d'une voix véhémente - " Il a d'abord dit que tous les Dieux des autres peuples n'étaient que des songes prÚs des Dieux de Carthage ! il vous a appelés lùches, voleurs, menteurs, chiens et fils de chiennes ! La République sans vous il a dit cela ! , ne serait pas contrainte à payer le tribut des Romains ; et par vos débordements vous l'avez épuisée de parfums, d'aromates, d'esclaves et de silphium, car vous vous entendez avec les nomades sur la frontiÚre de CyrÚne ! Mais les coupables seront punis ! Il a lu l'énumération de leurs supplices ; on les fera travailler au dallage des rues, à l'armement des vaisseaux, à l'embellissement des Syssites, et l'on enverra les autres gratter la terre dans les mines, au pays des Cantabres. " Spendius redit les mÃÂȘmes choses aux Gaulois, aux Grecs, aux Campaniens, aux Baléares. En reconnaissant plusieurs des noms propres qui avaient frappé leurs oreilles, les Mercenaires furent convaincus qu'il rapportait exactement le discours du suffÚte. Quelques-uns lui criÚrent - - " Tu mens ! " Leurs voix se perdirent dans le tumulte des autres ; Spendius ajouta - " N'avez-vous pas vu qu'il a laissé en dehors du camp une réserve de ses cavaliers ? A un signal ils vont accourir pour vous égorger tous. " Les Barbares se tournÚrent de ce cÎté, et, comme la foule alors s'écartait, il apparut au milieu d'elle, s'avançant avec la lenteur d'un fantÎme, un ÃÂȘtre humain tout courbé, maigre, entiÚrement nu et caché jusqu'aux flancs par de longs cheveux hérissés de feuilles sÚches, de poussiÚre et d'épines. Il avait autour des reins et autour des genoux des torchis de paille, des lambeaux de toile ; sa peau molle et terreuse pendait à ses membres décharnés, comme des haillons sur des branches sÚches ; ses mains tremblaient d'un frémissement continu, et il marchait en s'appuyant sur un bùton d'olivier. Il arriva auprÚs des NÚgres qui portaient les flambeaux. Une sorte de ricanement idiot découvrait ses gencives pùles ; ses grands yeux effarés considéraient la foule des Barbares autour de lui. Mais, poussant un cri d'effroi, il se jeta derriÚre eux et il s'abritait de leurs corps ; il bégayait " Les voilà ! les voilà ! " en montrant les gardes du SuffÚte, immobiles dans leurs armures luisantes. Leurs chevaux piaffaient, éblouis par la lueur des torches ; elles pétillaient dans les ténÚbres ; le spectre humain se débattait et hurlait - " Ils les ont tués ! . " A ces mots qu'il criait en baléare, des Baléares arrivÚrent et le reconnurent ; sans leur répondre il répétait - " Oui, tués tous, tous ! écrasés comme des raisins ! Les beaux jeunes hommes ! les frondeurs ! mes compagnons, les vÎtres ! " On lui fit boire du vin, et il pleura ; puis il se répandit en paroles. Spendius avait peine à contenir sa joie, - tout en expliquant aux Grecs et aux Libyens les choses horribles que racontait Zarxas ; il n'y pouvait croire, tant elles survenaient à propos. Les Baléares pùlissaient, en apprenant comment avaient péri leurs compagnons. C'était une troupe de trois cents frondeurs débarqués de la veille, et qui, ce jour-là , avaient dormi trop tard. Quand ils arrivÚrent sur la place de Khamon, les Barbares étaient partis et ils se trouvaient sans défense, leurs balles d'argile ayant été mises sur les chameaux avec le reste des bagages. On les laissa s'engager dans la rue de Satheb, jusqu'à la porte de chÃÂȘne doublée de plaques d'airain ; alors le peuple, d'un seul mouvement, s'était poussé contre eux. En effet, les soldats se rappelÚrent un grand cri ; Spendius, qui fuyait en tÃÂȘte des colonnes, ne l'avait pas entendu. Puis les cadavres furent placés dans les bras des Dieux-PatÊques qui bordaient le temple de Khamon. On leur reprocha tous les crimes des Mercenaires leur gourmandise, leurs vols, leurs impiétés, leurs dédains, et le meurtre des poissons dans le jardin de SalammbÎ. On fit à leurs corps d'infùmes mutilations ; les prÃÂȘtres brûlÚrent leurs cheveux pour tourmenter leur ùme ; on les suspendit par morceaux chez les marchands de viandes ; quelques-uns mÃÂȘme y enfoncÚrent les dents, et le soir, pour en finir, on alluma des bûchers dans les carrefours. C'étaient là ces flammes qui luisaient de loin sur le lac. Mais quelques maisons ayant pris feu, on avait jeté vite par-dessus les murs ce qui restait de cadavres et d'agonisants ; Zarxas jusqu'au lendemain s'était tenu dans les roseaux, au bord du lac ; puis il avait erré dans la campagne, cherchant l'armée d'aprÚs les traces des pas sur la poussiÚre. Le matin, il se cachait dans les cavernes ; le soir, il se remettait en marche, avec ses plaies saignantes, affamé, malade, vivant de racines et de charognes ; un jour enfin, il aperçut des lances à l'horizon et il les avait suivies, car sa raison était troublée à force de terreurs et de misÚres. L'indignation des soldats, contenue tant qu'il parlait, éclata comme un orage ; ils voulaient massacrer les gardes avec le SuffÚte. Quelques-uns s'interposÚrent, disant qu'il fallait l'entendre et savoir au moins s'ils seraient payés. Alors tous criÚrent " Notre argent ! " Hannon leur répondit qu'il l'avait apporté. On courut aux avant-postes, et les bagages du SuffÚte arrivÚrent au milieu des tentes, poussés par les Barbares. Sans attendre les esclaves, bien vite ils dénouÚrent les corbeilles ; ils y trouvÚrent des robes d'hyacinthe, des éponges, des grattoirs, des brosses, des parfums, et des poinçons en antimoine, pour se peindre les yeux ; - le tout appartenant aux Gardes, hommes riches accoutumés à ces délicatesses. Ensuite on découvrit sur un chameau une grande cuve de bronze c'était au SuffÚte pour se donner des bains pendant la route ; car il avait pris toutes sortes de précautions, jusqu'à emporter, dans des cages, des belettes d'Hécatompyle que l'on brûlait vivantes pour faire sa tisane. Mais, comme sa maladie lui donnait un grand appétit, il y avait, de plus, force comestibles et force vins, de la saumure, des viandes et des poissons au miel, avec des petits pots de CommagÚne, graisse d'oie fondue recouverte de neige et de paille hachée. La provision en était considérable ; à mesure que l'on ouvrait les corbeilles, il en apparaissait, et des rires s'élevaient comme des flots qui s'entrechoquent. Quant à la solde des Mercenaires, elle emplissait, à peu prÚs, deux couffes de sparterie ; on voyait mÃÂȘme, dans l'une, de ces rondelles en cuir dont la République se servait pour ménager le numéraire ; et comme les Barbares paraissaient fort surpris, Hannon leur déclara que, leurs comptes étant trop difficiles, les Anciens n'avaient pas eu le loisir de les examiner. On leur envoyait cela, en attendant. Alors tout fut renversé, bouleversé les mulets, les valets, la litiÚre, les provisions, les bagages. Les soldats prirent la monnaie dans les sacs pour lapider Hannon. A grand'peine il put monter sur un ùne ; il s'enfuyait en se cramponnant aux poils, hurlant, pleurant, secoué, meurtri, et appelant sur l'armée la malédiction de tous les Dieux. Son large collier de pierreries rebondissait jusqu'à ses oreilles. Il retenait avec ses dents son manteau trop long qui traÃnait, et de loin les Barbares lui criaient - " Va-t'en, lùche ! pourceau ! égout de Moloch ! sue ton or et ta peste ! plus vite ! plus vite ! " L'escorte en déroute galopait à ses cÎtés. Mais la fureur des Barbares ne s'apaisa pas. Ils se rappelÚrent que plusieurs d'entre eux, partis pour Carthage, n'en étaient pas revenus ; on les avait tués sans doute. Tant d'injustice les exaspéra, et ils se mirent à arracher les piquets des tentes, à rouler leurs manteaux, à brider leurs chevaux ; chacun prit son casque et son épée, en un instant tout fut prÃÂȘt. Ceux qui n'avaient pas d'armes s'élancÚrent dans les bois pour se couper des bùtons. Le jour se levait ; les gens de Sicca réveillés s'agitaient dans les rues. " Ils vont à Carthage " , disait-on, et cette rumeur bientÎt s'étendit par la contrée. De chaque sentier, de chaque ravin, il surgissait des hommes. On apercevait les pasteurs qui descendaient les montagnes en courant. Puis, quand les Barbares furent partis, Spendius fit le tour de la plaine, monté sur un étalon punique et avec son esclave qui menait un troisiÚme cheval. Une seule tente était restée. Spendius y entra. - " Debout, maÃtre ! lÚve-toi ! nous partons ! " - " OÃÂč allez-vous donc ? " , demanda Mùtho. - " A Carthage ! " , cria Spendius. Mùtho bondit sur le cheval que l'esclave tenait à la Porte. - Chapitre 3 SALAMMBO - La lune se levait au ras des flots, et, sur la ville encore couverte de ténÚbres, des points lumineux, des blancheurs brillaient le timon d'un char dans une cour, quelque haillon de toile suspendu, l'angle d'un mur, un collier d'or à la poitrine d'un dieu. Les boules de verre sur les toits des temples rayonnaient, çà et là comme de gros diamants. Mais de vagues ruines, des tas de terre noire, des jardins faisaient des masses plus sombres dans l'obscurité, et, au bas de Malqua, des filets de pÃÂȘcheurs s'étendaient d'une maison à l'autre, comme de gigantesques chauves- souris déployant leurs ailes. On n'entendait plus le grincement des roues hydrauliques qui apportaient l'eau au dernier étage des palais ; et au milieu des terrasses, les chameaux reposaient tranquillement, couchés sur le ventre, à la maniÚre des autruches. Les portiers dormaient dans les rues contre le seuil des maisons ; l'ombre des colosses s'allongeait sur les places désertes ; au loin quelquefois la fumée d'un sacrifice brûlant encore s'échappait par les tuiles de bronze, et la brise lourde apportait avec des parfums d'aromates les senteurs de la marine et l'exhalaison des murailles chauffées par le soleil. Autour de Carthage les ondes immobiles resplendissaient, car la lune étalait sa lueur tout à la fois sur le golfe environné de montagnes et sur le lac de Tunis, oÃÂč des phénicoptÚres parmi les bancs de sable formaient de longues lignes roses, tandis qu'au-delà , sous les catacombes, la grande lagune salée miroitait comme un morceau d'argent. La voûte du ciel bleu s'enfonçait à l'horizon, d'un cÎté dans le poudroiement des plaines, de l'autre dans les brumes de la mer, et sur le sommet de l'Acropole les cyprÚs pyramidaux bordant le temple d'Eschmoûn se balançaient, et faisaient un murmure, comme les flots réguliers qui battaient lentement le long du mÎle, au bas des remparts. SalammbÎ monta sur la terrasse de son palais, soutenue par une esclave qui portait dans un plat de fer des charbons enflammés. Il y avait au milieu de la terrasse un petit lit d'ivoire, couvert de peaux de lynx avec des coussins en plume de perroquet, animal fatidique consacré aux Dieux, et dans les quatre coins s'élevaient quatre longues cassolettes remplies de nard, d'encens, de cinnamome et de myrrhe. L'esclave alluma les parfums. SalammbÎ regarda l'étoile polaire ; elle salua lentement les quatre points du ciel et s'agenouilla sur le sol parmi la poudre d'azur qui était semée d'étoiles d'or, à l'imitation du firmament. Puis les deux coudes contre les flancs, les avant-bras tout droits et les mains ouvertes, en se renversant la tÃÂȘte sous les rayons de la lune, elle dit - " O Rabbetna ! ... Baalet ! ... Tanit " et sa voix se traÃnait d'une façon plaintive, comme pour appeler quelqu'un. - " AnaÃtis ! Astarté ! Derceto ! Astoreth ! Mylitta ! Athara ! Elissa ! Tiratha ! ... Par les symboles cachés, - par les cistres résonnants, - par les sillons de la terre, - par l'éternel silence et par l'éternelle fécondité, - dominatrice de la mer ténébreuse et des plages azurées, Î Reine des choses humides, salut ! " Elle se balança tout le corps deux ou trois fois, puis se jeta le front dans la poussiÚre, les bras allongés. Son esclave la releva lentement, car il fallait, d'aprÚs les rites, que quelqu'un vÃnt arracher le suppliant à sa prosternation ; c'était lui dire que les Dieux l'agréaient, et la nourrice de SalammbÎ ne manquait jamais à ce devoir de piété. Des marchands de la Gétulie-Darytienne l'avaient toute petite apportée à Carthage, et, aprÚs son affranchissement, elle n'avait pas voulu abandonner ses maÃtres, comme le prouvait son oreille droite, percée d'un large trou. Un jupon à raies multicolores, en lui serrant les hanches, descendait sur ses chevilles, oÃÂč s'entrechoquaient deux cercles d'étain. Sa figure, un peu plate, était jaune comme sa tunique. Des aiguilles d'argent trÚs longues faisaient un soleil derriÚre sa tÃÂȘte. Elle portait sur la narine un bouton de corail, et elle se tenait auprÚs du lit, plus droite qu'un hermÚs et les paupiÚres baissées. SalammbÎ s'avança jusqu'au bord de la terrasse. Ses yeux, un instant, parcoururent l'horizon, puis ils s'abaissÚrent sur la ville endormie, et le soupir qu'elle poussa, en lui soulevant les seins, fit onduler d'un bout à l'autre la longue simarre blanche qui pendait autour d'elle, sans agrafe ni ceinture. Ses sandales à pointes recourbées disparaissaient sous un amas d'émeraudes, et ses cheveux à l'abandon emplissaient un réseau en fils de pourpre. Mais elle releva la tÃÂȘte pour contempler la lune, et, mÃÂȘlant à ses paroles des fragments d'hymne, elle murmura - " Que tu tournes légÚrement, soutenue par l'éther impalpable ! Il se polit autour de toi, et c'est le mouvement de ton agitation qui distribue les vents et les rosées fécondes. Selon que tu croÃs et décrois, s'allongent ou se rapetissent les yeux des chats et les taches des panthÚres. Les épouses hurlent ton nom dans la douleur des enfantements ! Tu gonfles le coquillage ! Tu fais bouillonner les vins ! Tu putréfies les cadavres ! Tu formes les perles au fond de la mer ! " - " Et tous les germes, Î Déesse ! fermentent dans les obscures profondeurs de ton humidité. " - " Quand tu parais, il s'épand une quiétude sur la terre ; les fleurs se forment, les flots s'apaisent, les hommes fatigués s'étendent la poitrine vers toi, et le monde avec ses océans et ses montagnes, comme en un miroir, se regarde dans ta figure. Tu es blanche, douce, lumineuse, immaculée, auxiliatrice, purifiante, sereine. " Le croissant de la lune était alors sur la montagne des Eaux-Chaudes, dans l'échancrure de ses deux sommets, de l'autre cÎté du golfe. Il y avait en dessous une petite étoile et tout autour un cercle pùle. SalammbÎ reprit - " Mais tu es terrible, maÃtresse ! ... C'est par toi que se produisent les monstres, les fantÎmes effrayants, les songes menteurs ; tes yeux dévorent les pierres des édifices, et les singes sont malades toutes les fois que tu rajeunis. " - " OÃÂč donc vas-tu ? Pourquoi changer tes formes, perpétuellement ? TantÎt mince et recourbée, tu glisses dans les espaces comme une galÚre sans mùture, ou bien au milieu des étoiles tu ressembles à un pasteur qui garde son troupeau. Luisante et ronde, tu frÎles la cime des monts comme la roue d'un char. " - " O Tanit ! tu m'aimes, n'est-ce pas ? Je t'ai tant regardée ! Mais non ! tu cours dans ton azur, et moi je reste sur la terre immobile. " - " Taanach, prends ton nebal et joue tout bas sur la corde d'argent, car mon coeur est triste ! " L'esclave souleva une sorte de harpe en bois d'ébÚne plus haute qu'elle, et triangulaire comme un delta ; elle en fixa la pointe dans un globe de cristal, et des deux bras se mit à jouer. Les sons se succédaient, sourds et précipités comme un bourdonnement d'abeilles, et de plus en plus sonores ils s'envolaient dans la nuit avec la plainte des flots et le frémissement des grands arbres au sommet de l'Acropole. - " Tais-toi ! " s'écria SalammbÎ. - " Qu'as-tu donc, maÃtresse ? La brise qui souffle, un nuage qui passe, tout à présent t'inquiÚte et t'agite. " - " Je ne sais " , dit-elle. - " Tu te fatigues à des priÚres trop longues ! " - " Oh ! Taanach, je voudrais m'y dissoudre comme une fleur dans du vin ! " - " C'est peut-ÃÂȘtre la fumée de tes parfums ? " - " Non ! " dit SalammbÎ " L'esprit des Dieux habite dans les bonnes odeurs. " Alors l'esclave lui parla de son pÚre. On le croyait parti vers la contrée de l'ambre, derriÚre les colonnes de Melkarth. - " Mais s'il ne revient pas " , disait-elle, " il te faudra pourtant, puisque c'était sa volonté, choisir un époux parmi les fils des Anciens, et alors ton chagrin s'en ira dans les bras d'un homme. " - " Pourquoi ? " demanda la jeune fille. Tous ceux qu'elle avait aperçus lui faisaient horreur avec leurs rires de bÃÂȘte fauve et leurs membres grossiers. - " Quelquefois, Taanach, il s'exhale du fond de mon ÃÂȘtre comme de chaudes bouffées, plus lourdes que les vapeurs d'un volcan. Des voix m'appellent, un globe de feu roule et monte dans ma poitrine, il m'étouffe, je vais mourir ; et puis, quelque chose de suave, coulant de mon front jusqu'à mes pieds, passe dans ma chair... c'est une caresse qui m'enveloppe, et je me sens écrasée comme si un dieu s'étendait sur moi. Oh ! je voudrais me perdre dans la brume des nuits, dans le flot des fontaines, dans la sÚve des arbres, sortir de mon corps, n'ÃÂȘtre qu'un souffle, qu'un rayon, et glisser, monter jusqu'à toi, Î MÚre ! " Elle leva ses bras le plus haut possible, en se cambrant la taille, pùle et légÚre comme la lune avec son long vÃÂȘtement. Puis elle retomba sur la couche d'ivoire, haletante ; mais Taanach lui passa autour du cou un collier d'ambre avec des dents de dauphin pour bannir les terreurs, et SalammbÎ dit d'une voix presque éteinte - " Va me chercher Schahabarim. " Son pÚre n'avait pas voulu qu'elle entrùt dans le collÚge des prÃÂȘtresses, ni mÃÂȘme qu'on lui fit rien connaÃtre de la Tanit populaire. Il la réservait pour quelque alliance pouvant servir sa politique, si bien que SalammbÎ vivait seule au milieu de ce palais ; sa mÚre, depuis longtemps, était morte. Elle avait grandi dans les abstinences, les jeûnes et les purifications, toujours entourée de choses exquises et graves, le corps saturé de parfums, l'ùme pleine de priÚres. Jamais elle n'avait goûté de vin, ni mangé de viandes, ni touché à une bÃÂȘte immonde, ni posé ses talons dans la maison d'un mort. Elle ignorait les simulacres obscÚnes, car chaque dieu se manifestant par des formes différentes, des cultes souvent contradictoires témoignaient à la fois du mÃÂȘme principe, et SalammbÎ adorait la Déesse en sa figuration sidérale. Une influence était descendue de la lune sur la vierge ; quand l'astre allait en diminuant, SalammbÎ s'affaiblissait. Languissante toute la journée, elle se ranimait le soir. Pendant une éclipse, elle avait manqué mourir. Mais la Rabbet jalouse se vengeait de cette virginité soustraite à ses sacrifices, et elle tourmentait SalammbÎ d'obsessions d'autant plus fortes qu'elles étaient vagues, épandues dans cette croyance et avivées par elle. Sans cesse la fille d'Hamilcar s'inquiétait de Tanit. Elle avait appris ses aventures, ses voyages et tous ses noms, qu'elle répétait sans qu'ils eussent pour elle de signification distincte. Afin de pénétrer dans les profondeurs de son dogme, elle voulait connaÃtre au plus secret du temple la vieille idole avec le manteau magnifique d'oÃÂč dépendaient les destinées de Carthage, - car l'idée d'un dieu ne se dégageait pas nettement de sa représentation, et tenir ou mÃÂȘme voir son simulacre, c'était lui prendre une part de sa vertu, et, en quelque sorte, le dominer. SalammbÎ se détourna. Elle avait reconnu le bruit des clochettes d'or que Schahabarim portait au bas de son vÃÂȘtement. Il monta les escaliers puis, dÚs le seuil de la terrasse, il s'arrÃÂȘta en croisant les bras. Ses yeux enfoncés brillaient comme les lampes d'un sépulcre ; son long corps maigre flottait dans sa robe de lin, alourdie par les grelots qui s'alternaient sur ses talons avec des pommes d'émeraude. Il avait les membres débiles, le crùne oblique, le menton pointu ; sa peau semblait froide à toucher, et sa face jaune, que des rides profondes labouraient, comme contractée dans un désir, dans un chagrin éternel. C'était le grand prÃÂȘtre de Tanit, celui qui avait élevé SalammbÎ. - " Parle ! " dit-il. " Que veux-tu ? " - " J'espérais ... tu m'avais presque promis... " Elle balbutiait, elle se troubla ; puis, tout à coup - " Pourquoi me méprises-tu ? qu'ai-je donc oublié dans les rites ? Tu es mon maÃtre, et tu m'as dit que personne comme moi ne s'entendait aux choses de la Déesse ; mais il y en a que tu ne veux pas dire. Est-ce vrai, Î pÚre ? " Schahabarim se rappela les ordres d'Hamilcar ; il répondit - " Non, je n'ai plus rien à t'apprendre ! " - " Un Génie " , reprit-elle, " me pousse à cet amour. J'ai gravi les marches d'Eschmoûn, dieu des planÚtes et des intelligences ; j'ai dormi sous l'olivier d'or de Melkarth, patron des colonies tyriennes ; j'ai poussé les portes de Baal-Khamon, éclaireur et fertilisateur ; j'ai sacrifié aux Kabyres souterrains, aux dieux des bois, des vents, des fleuves et des montagnes mais tous ils sont trop loin, trop haut, trop insensibles, comprends-tu ? tandis qu'elle, je la sens mÃÂȘlée à ma vie ; elle emplit mon ùme, et je tressaille à des élancements intérieurs comme si elle bondissait pour s'échapper. Il me semble que je vais entendre sa voix, apercevoir sa figure, des éclairs m'éblouissent, puis je retombe dans les ténÚbres. " Schahabarim se taisait. Elle le sollicitait de son regard suppliant. Enfin, il fit signe d'écarter l'esclave, qui n'était pas de race chananéenne. Taanach disparut, et Schahabarim, levant un bras dans l'air, commença - " Avant les Dieux, les ténÚbres étaient seules, et un souffle flottait, lourd et indistinct comme la conscience d'un homme dans un rÃÂȘve. Il se contracta, créant le Désir et la Nue, et du Désir et de la Nue sortit la MatiÚre primitive. C'était une eau bourbeuse, noire, glacée, profonde. Elle enfermait des monstres insensibles, parties incohérentes des formes à naÃtre et qui sont peintes sur la paroi des sanctuaires. " Puis la MatiÚre se condensa. Elle devint un oeuf. Il se rompit. Une moitié forma la terre, l'autre le firmament. Le soleil, la lune, les vents, les nuages parurent ; et, au fracas de la foudre, les animaux intelligents s'éveillÚrent. Alors Eschmoûn se déroula dans la sphÚre étoilée ; Khamon rayonna dans le soleil ; Melkarth, avec ses bras, le poussa derriÚre GadÚs ; les Kabyrim descendirent sous les volcans, et Rabbetna, telle qu'une nourrice, se pencha sur le monde, versant sa lumiÚre comme un lait et sa nuit comme un manteau. - " Et aprÚs ? " dit-elle. Il lui avait conté le secret des origines pour la distraire par des perspectives plus hautes ; mais le désir de la vierge se ralluma sous ces derniÚres paroles, et Schahabarim, cédant à moitié, reprit - " Elle inspire et gouverne les amours des hommes. " - " Les amours des hommes ! " répéta SalammbÎ rÃÂȘvant. - " Elle est l'ùme de Carthage " , continua le prÃÂȘtre ; et bien qu'elle soit partout épandue, c'est ici qu'elle demeure, sous le voile sacré. - " O pÚre ! " s'écria SalammbÎ, " je la verrai, n'est-ce pas ? tu m'y conduiras ! Depuis longtemps j'hésitais ; la curiosité de sa forme me dévore. Pitié ! secours-moi ! partons ! " Il la repoussa d'un geste véhément et plein d'orgueil. - " Jamais ! Ne sais-tu pas qu'on en meurt ? Les Baals hermaphrodites ne se dévoilent que pour nous seuls, hommes par l'esprit, femmes par la faiblesse. Ton désir est un sacrilÚge ; satisfais-toi avec la science que tu possÚdes ! " Elle tomba sur les genoux, mettant ses deux doigts contre ses oreilles en signe de repentir ; et elle sanglotait, écrasée par la parole du prÃÂȘtre, pleine à la fois de colÚre contre lui, de terreur et d'humiliation. Schahabarim, debout, restait plus insensible que les pierres de la terrasse. Il la regardait de haut en bas frémissante à ses pieds, il éprouvait une sorte de joie en la voyant souffrir pour sa divinité, qu'il ne pouvait, lui non plus, étreindre tout entiÚre. Déjà les oiseaux chantaient, un vent froid soufflait, de petits nuages couraient dans le ciel plus pùle. Tout à coup il aperçut à l'horizon derriÚre Tunis, comme des brouillards légers, qui se traÃnaient contre le sol ; puis ce fut un grand rideau de poudre grise perpendiculairement étalé, et, dans les tourbillons de cette masse nombreuse, des tÃÂȘtes de dromadaires, des lances, des boucliers parurent. C'était l'armée des Barbares qui s'avançait sur Carthage. - Chapitre 3 SOUS LES MURS DE CARTHAGE - Des gens de la campagne, montés sur des ùnes ou courant à pied, pùles, essoufflés, fous de peur, arrivÚrent dans la ville. Ils fuyaient devant l'armée. En trois jours, elle avait fait le chemin de Sicca, pour venir à Carthage et tout exterminer. On ferma les portes. Les Barbares, presque aussitÎt, parurent ; mais ils s'arrÃÂȘtÚrent au milieu de l'isthme, sur le bord du lac. D'abord ils n'annoncÚrent rien d'hostile. Plusieurs s'approchÚrent avec des palmes à la main. Ils furent repoussés à coups de flÚches, tant la terreur était grande. Le matin et à la tombée du jour, des rÎdeurs quelquefois erraient le long des murs. On remarquait surtout un petit homme, enveloppé soigneusement d'un manteau et dont la figure disparaissait sous une visiÚre trÚs basse. Il restait pendant de grandes heures à regarder l'aqueduc, et avec une telle persistance, qu'il voulait sans doute égarer les Carthaginois sur ses véritables desseins. Un autre homme l'accompagnait, une sorte de géant qui marchait tÃÂȘte nue. Mais Carthage était défendue dans toute la largeur de l'isthme d'abord par un fossé, ensuite par un rempart de gazon, et enfin par un mur, haut de trente coudées, en pierres de taille, et à double étage. Il contenait des écuries pour trois cents éléphants avec des magasins pour leurs caparaçons, leurs entraves et leur nourriture, puis d'autres écuries pour quatre mille chevaux avec les provisions d'orge et les harnachements, et des casernes pour vingt mille soldats avec les armures et tout le matériel de guerre. Des tours s'élevaient sur le second étage, toutes garnies de créneaux et qui portaient en dehors des boucliers de bronze, suspendus à des crampons. Cette premiÚre ligne de murailles abritait immédiatement Malqua, le quartier des gens de la marine et des teinturiers. On apercevait des mùts oÃÂč séchaient des voiles de pourpre, et sur les derniÚres terrasses des fourneaux d'argile pour cuire la saumure. Par-derriÚre, la ville étageait en amphithéùtre ses hautes maisons de forme cubique. Elles étaient en pierres, en planches, en galets, en roseaux, en coquillages, en terre battue. Les bois des temples faisaient comme des lacs de verdure dans cette montagne de blocs, diversement coloriés. Les places publiques la nivelaient à des distances inégales ; d'innombrables ruelles s'entrecroisant la coupaient du haut en bas. On distinguait les enceintes des trois vieux quartiers, maintenant confondues ; elles se levaient çà et là comme de grands écueils, ou allongeaient des pans énormes, - à demi couverts de fleurs, noircis, largement rayés par le jet des immondices, et des rues passaient dans leurs ouvertures béantes, comme des fleuves sous des ponts. La colline de l'Acropole, au centre de Byrsa, disparaissait sous un désordre de monuments. C'étaient des temples à colonnes torses avec des chapiteaux de bronze et des chaÃnes de métal, des cÎnes en pierres sÚches à bandes d'azur, des coupoles de cuivre, des architraves de marbre, des contreforts babyloniens, des obélisques posant sur leur pointe comme des flambeaux renversés. Les péristyles atteignaient aux frontons ; les volutes se déroulaient entre les colonnades ; des murailles de granit supportaient des cloisons de tuile ; tout cela montait l'un sur l'autre en se cachant à demi, d'une façon merveilleuse et incompréhensible. On y sentait la succession des ùges et comme des souvenirs de patries oubliées. DerriÚre l'Acropole, dans des terrains rouges, le chemin des Mappales, bordé de tombeaux, s'allongeait en ligne droite du rivage aux catacombes ; de larges habitations s'espaçaient ensuite dans des jardins, et ce troisiÚme quartier, Mégara, la ville neuve, allait jusqu'au bord de la falaise, oÃÂč se dressait un phare géant qui flambait toutes les nuits. Carthage se déployait ainsi devant les soldats établis dans la plaine. De loin ils reconnaissaient les marchés, les carrefours ; ils se disputaient sur l'emplacement des temples. Celui de Khamon, en face des Syssites, avait des tuiles d'or ; Melkarth, à la gauche d'Eschmoûn, portait sur sa toiture des branches de corail ; Tanit, au-delà , arrondissait dans les palmiers sa coupole de cuivre ; le noir Moloch était au bas des citernes, du cÎté du phare. L'on voyait à l'angle des frontons, sur le sommet des murs, au coin des places, partout, des divinités à tÃÂȘte hideuse, colossales ou trapues, avec des ventres énormes, ou démesurément aplaties, ouvrant la gueule, écartant les bras, tenant à la main des fourches, des chaÃnes ou des javelots ; et le bleu de la mer s'étalait au fond des rues, que la perspective rendait encore plus escarpées. Un peuple tumultueux du matin au soir les emplissait ; de jeunes garçons, agitant des sonnettes, criaient à la porte des bains les boutiques de boissons chaudes fumaient, l'air retentissait du tapage des enclumes, les coqs blancs consacrés au Soleil chantaient sur les terrasses, les boeufs que l'on égorgeait mugissaient dans les temples, des esclaves couraient avec des corbeilles sur leur tÃÂȘte ; et, dans l'enfoncement des portiques, quelque prÃÂȘtre apparaissait drapé d'un manteau sombre, nu-pieds et en bonnet pointu. Ce spectacle de Carthage irritait les Barbares. Ils l'admiraient, ils l'exécraient, ils auraient voulu tout à la fois l'anéantir et l'habiter. Mais qu'y avait-il dans le Port-Militaire, défendu par une triple muraille ? Puis, derriÚre la ville, au fond de Mégara, plus haut que l'Acropole, apparaissait le palais d'Hamilcar. Les yeux de Mùtho à chaque instant s'y portaient. Il montait dans les oliviers, et il se penchait, la main étendue au bord des sourcils. Les jardins étaient vides, et la porte rouge à croix noire restait constamment fermée. Plus de vingt fois il fit le tour des remparts, cherchant quelque brÚche pour entrer. Une nuit, il se jeta dans le golfe, et, pendant trois heures, il nagea tout d'une haleine. Il arriva au bas des Mappales, il voulut grimper contre la falaise. Il ensanglanta ses genoux, brisa ses ongles, puis retomba dans les flots et s'en revint. Son impuissance l'exaspérait. Il était jaloux de cette Carthage enfermant SalammbÎ, comme de quelqu'un qui l'aurait possédée. Ses énervements l'abandonnÚrent, et ce fut une ardeur d'action folle et continuelle. La joue en feu, les yeux irrités, la voix rauque, il se promenait d'un pas rapide à travers le camp ; ou bien, assis sur le rivage, il frottait avec du sable sa grande épée. Il lançait des flÚches aux vautours qui passaient. Son coeur débordait en paroles furieuses. - " Laisse aller ta colÚre comme un char qui s'emporte " , disait Spendius " Crie, blasphÚme, ravage et tue. La douleur s'apaise avec du sang, et puisque tu ne peux assouvir ton amour, gorge ta haine ; elle te soutiendra ! " Mùtho reprit le commandement de ses soldats. Il les faisait impitoyablement manoeuvrer. On le respectait pour son courage, pour sa force surtout. D'ailleurs, il inspirait comme une crainte mystique ; on croyait qu'il parlait, la nuit, à des fantÎmes. Les autres capitaines s'animÚrent de son exemple. L'armée, bientÎt, se disciplina. Les Carthaginois entendaient de leurs maisons la fanfare des buccines qui réglait les exercices. Enfin, les Barbares se rapprochÚrent. Il aurait fallu pour les écraser dans l'isthme que deux armées pussent les prendre à la fois par-derriÚre, l'une débarquant au fond du golfe d'Utique, et la seconde à la montagne des Eaux-Chaudes. Mais que faire avec la seule Légion sacrée, grosse de six mille hommes tout au plus ? S'ils inclinaient vers l'Orient, ils allaient se joindre aux Nomades, intercepter la route de CyrÚne et le commerce du désert. S'ils se repliaient sur l'Occident, la Numidie se soulÚverait. Enfin le manque de vivres les ferait tÎt ou tard dévaster, comme des sauterelles, les campagnes environnantes ; les Riches tremblaient pour leurs beaux chùteaux, pour leurs vignobles, pour leurs cultures. Hannon proposa des mesures atroces et impraticables, comme de promettre une forte somme pour chaque tÃÂȘte de Barbare, ou, qu'avec des vaisseaux et des machines, on incendiùt leur camp. Son collÚgue Giscon voulait au contraire qu'ils fussent payés. Mais, à cause de sa popularité, les Anciens le détestaient ; car ils redoutaient le hasard d'un maÃtre et, par terreur de la monarchie, s'efforçaient d'atténuer ce qui en subsistait ou la pouvait rétablir. Il y avait en dehors des fortifications des gens d'une autre race et d'une origine inconnue, - tous chasseurs de porc-épic, mangeurs de mollusques et de serpents. Ils allaient dans les cavernes prendre des hyÚnes vivantes, qu'ils s'amusaient à faire courir le soir sur les sables de Mégara, entre les stÚles des tombeaux. Leurs cabanes, de fange et de varech, s'accrochaient contre la falaise comme des nids d'hirondelles. Ils vivaient là , sans gouvernement et sans dieux, pÃÂȘle-mÃÂȘle, complÚtement nus, à la fois débiles et farouches, et depuis des siÚcles exécrés par le peuple, à cause de leurs nourritures immondes. Les sentinelles s'aperçurent un matin qu'ils étaient tous partis. Enfin des membres du Grand-Conseil se décidÚrent. Ils vinrent au camp, sans colliers ni ceintures, en sandales découvertes, comme des voisins. Ils s'avançaient d'un pas tranquille, jetant des saluts aux capitaines, ou bien ils s'arrÃÂȘtaient pour parler aux soldats, disant que tout était fini et qu'on allait faire justice à leurs réclamations. Beaucoup d'entre eux voyaient pour la premiÚre fois un camp de Mercenaires. Au lieu de la confusion qu'ils avaient imaginée, partout c'était un ordre et un silence effrayants. Un rempart de gazon enfermait l'armée dans une haute muraille, inébranlable au choc des catapultes. Le sol des rues était aspergé d'eau fraÃche ; par les trous des tentes, ils apercevaient des prunelles fauves qui luisaient dans l'ombre. Les faisceaux de piques et les panoplies suspendues les éblouissaient comme des miroirs. Ils se parlaient à voix basse. Ils avaient peur avec leurs longues robes de renverser quelque chose. Les soldats demandÚrent des vivres, en s'engageant à les payer sur l'argent qu'on leur devait. On leur envoya des boeufs, des moutons, des pintades, des fruits secs et des lupins, avec des scombres fumés, de ces scombres excellents que Carthage expédiait dans tous les ports. Mais ils tournaient dédaigneusement autour des bestiaux magnifiques ; et, dénigrant ce qu'ils convoitaient, offraient pour un bélier la valeur d'un pigeon, pour trois chÚvres le prix d'une grenade. Les Mangeurs-de-choses-immondes, se portant pour arbitres, affirmaient qu'on les dupait. Alors ils tiraient leur glaive, menaçaient de tuer. Des commissaires du Grand-Conseil écrivirent le nombre d'années que l'on devait à chaque soldat. Mais il était impossible maintenant de savoir combien on avait engagé de Mercenaires, et les Anciens furent effrayés de la somme exorbitante qu'ils auraient à payer. Il fallait vendre la réserve du silphium, imposer les villes marchandes ; les Mercenaires s'impatienteraient, déjà Tunis était avec eux et les Riches, étourdis par les fureurs d'Hannon et les reproches de son collÚgue, recommandÚrent aux citoyens qui pouvaient connaÃtre quelque Barbare d'aller le voir immédiatement pour reconquérir son amitié, lui dire de bonnes paroles. Cette confiance les calmerait. Des marchands, des scribes, des ouvriers de l'arsenal, des familles entiÚres se rendirent chez les Barbares. Les soldats laissaient entrer chez eux tous les Carthaginois, mais par un seul passage tellement étroit que quatre hommes de front s'y coudoyaient. Spendius, debout contre la barriÚre, les faisait attentivement fouiller ; Mùtho, en face de lui, examinait cette multitude, cherchant à retrouver quelqu'un qu'il pouvait avoir vu chez SalammbÎ. Le camp ressemblait à une ville, tant il était rempli de monde et d'agitation. Les deux foules distinctes se mÃÂȘlaient sans se confondre, l'une habillée de toile ou de laine avec des bonnets de feutre pareils à des pommes de pin, et l'autre vÃÂȘtue de fer et portant des casques. Au milieu des valets et des vendeurs ambulants circulaient des femmes de toutes les nations, brunes comme des dattes mûres, verdùtres comme des olives, jaunes comme des oranges, vendues par des matelots, choisies dans les bouges, volées à des caravanes, prises dans le sac des villes, que l'on fatiguait d'amour tant qu'elles étaient jeunes, qu'on accablait de coups lorsqu'elles étaient vieilles, et qui mouraient dans les déroutes au bord des chemins, parmi les bagages, avec les bÃÂȘtes de somme abandonnées. Les épouses des Nomades balançaient sur leurs talons des robes en poil de dromadaire, carrées et de couleur fauve ; des musiciennes de la Cyrénaïque, enveloppées de gazes violettes et les sourcils peints, chantaient accroupies sur des nattes de vieilles négresses aux mamelles pendantes ramassaient, pour faire du feu, des fientes d'animal que l'on desséchait au soleil les Syracusaines avaient des plaques d'or dans la chevelure, les femmes des Lusitaniens des colliers de coquillages, les Gauloises des peaux de loup sur leur poitrine blanche ; et des enfants robustes, couverts de vermine, nus, incirconcis, donnaient aux passants des coups dans le ventre avec leur tÃÂȘte, ou venaient par-derriÚre, comme de jeunes tigres, les mordre aux mains. Les Carthaginois se promenaient à travers le camp, surpris par la quantité de choses dont il regorgeait. Les plus misérables étaient tristes, et les autres dissimulaient leur inquiétude. Les soldats leur frappaient sur l'épaule, en les excitant à la gaieté. DÚs qu'ils apercevaient quelque personnage, ils l'invitaient à leurs divertissements. Quand on jouait au disque, ils s'arrangeaient pour lui écraser les pieds, et au pugilat, dÚs la premiÚre passe, lui fracassaient la mùchoires. Les frondeurs effrayaient les Carthaginois avec leurs frondes, les psylles avec des vipÚres, les cavaliers avec leurs chevaux. Ces gens d'occupations paisibles, à tous les outrages, baissaient la tÃÂȘte et s'efforçaient de sourire. Quelques-uns, pour se montrer braves, faisaient signe qu'ils voulaient devenir des soldats. On leur donnait à fendre du bois et à étriller des mulets. On les bouclait dans une armure et on les roulait comme des tonneaux par les rues du camp. Puis, quand ils se disposaient à partir, les Mercenaires s'arrachaient les cheveux avec des contorsions grotesques. Mais beaucoup, par sottise ou préjugé, croyaient naïvement tous les Carthaginois trÚs riches, et ils marchaient derriÚre eux en les suppliant de leur accorder quelque chose. Ils demandaient tout ce qui leur semblait beau une bague, une ceinture, des sandales, la frange d'une robe, et, quand le Carthaginois dépouillé s'écriait - " Mais je n'ai plus rien. Que veux-tu ? " Ils répondaient " Ta femme ! " D'autres disaient - " Ta vie ! " Les comptes militaires furent remis aux capitaines, lus aux soldats, définitivement approuvés. Alors ils réclamÚrent des tentes on leur donna des tentes. Puis les polémarques des Grecs demandÚrent quelques-unes de ces belles armures que l'on fabriquait à Carthage ; le Grand-Conseil vota des sommes pour cette acquisition. Mais il était juste, prétendaient les cavaliers, que la République les indemnisùt de leurs chevaux ; l'un affirmait en avoir perdu trois à tel siÚge, un autre cinq dans telle marche, un autre quatorze dans les précipices. On leur offrit des étalons d'Hécatompyle ; ils aimÚrent mieux l'argent. Puis ils demandÚrent qu'on leur payùt en argent en piÚces d'argent et non en monnaie de cuir tout le blé qu'on leur devait, et au plus haut prix oÃÂč il s'était vendu pendant la guerre, si bien qu'ils exigeaient pour une mesure de farine quatre cents fois plus qu'ils n'avaient donné pour un sac de froment. Cette injustice exaspéra ; il fallut céder, pourtant. Alors les délégués des soldats et ceux du Grand-Conseil se réconciliÚrent, en jurant par le Génie de Carthage et par les Dieux des Barbares. Avec les démonstrations et la verbosité orientales, ils se firent des excuses et des caresses. Puis les soldats réclamÚrent, comme une preuve d'amitié, la punition des traÃtres qui les avaient indisposés contre la République. On feignit de ne pas les comprendre. Ils s'expliquÚrent plus nettement, disant qu'il leur fallait la tÃÂȘte d'Hannon. Plusieurs fois par jour ils sortaient de leur camp. Ils se promenaient au pied des murs. Ils criaient qu'on leur jetùt la tÃÂȘte du SuffÚte, et ils tendaient leurs robes pour la recevoir. Le Grand-Conseil aurait faibli, peut-ÃÂȘtre, sans une derniÚre exigence plus injurieuse que les autres ils demandÚrent en mariage, pour leurs chefs, des vierges choisies dans les grandes familles. C'était une idée de Spendius, que plusieurs trouvaient toute simple et fort exécutable. Mais cette prétention de vouloir se mÃÂȘler au sang punique indigna le peuple ; on leur signifia brutalement qu'ils n'avaient plus rien à recevoir. Alors ils s'écriÚrent qu'on les avait trompés ; si avant trois jours leur solde n'arrivait pas, ils iraient eux-mÃÂȘmes la prendre dans Carthage. La mauvaise foi des Mercenaires n'était point aussi complÚte que le pensaient leurs ennemis. Hamilcar leur avait fait des promesses exorbitantes, vagues il est vrai, mais solennelles et réitérées. Ils avaient pu croire, en débarquant à Carthage, qu'on leur abandonnerait la ville, qu'ils se partageraient des trésors ; et quand ils virent que leur solde à peine serait payée, ce fut une désillusion pour leur orgueil comme pour leur cupidité. Denys, Pyrrhus, AgathoclÚs et les généraux d'Alexandre n'avaient-ils pas fourni l'exemple de merveilleuses fortunes ? L'idéal d'Hercule, que les Chananéens confondaient avec le soleil, resplendissait à l'horizon des armées. On savait que de simples soldats avaient porté des diadÚmes, et le retentissement des empires qui s'écroulaient faisait rÃÂȘver le Gaulois dans sa forÃÂȘt de chÃÂȘnes, l'Ethiopien dans ses sables. Mais il y avait un peuple toujours prÃÂȘt à utiliser les courages ; et le voleur chassé de sa tribu, le parricide errant sur les chemins, le sacrilÚge poursuivi par les dieux, tous les affamés, tous les désespérés tùchaient d'atteindre au port oÃÂč le courtier de Carthage recrutait des soldats. Ordinairement elle tenait ses promesses. Cette fois pourtant, l'ardeur de son avarice l'avait entraÃnée dans une infamie périlleuse. Les Numides, les Libyens, l'Afrique entiÚre s'allaient jeter sur Carthage. La mer seule était libre. Elle y rencontrait les Romains ; et, comme un homme assailli par des meurtriers, elle sentait la mort tout autour d'elle. Il fallut bien recourir à Giscon ; les Barbares acceptÚrent son entremise. Un matin ils virent les chaÃnes du port s'abaisser, et trois bateaux plats, passant par le canal de la Taenia, entrÚrent dans le lac. Sur le premier, à la proue, on apercevait Giscon. DerriÚre lui, et plus haute qu'un catafalque, s'élevait une caisse énorme, garnie d'anneaux pareils à des couronnes qui pendaient. Apparaissait ensuite la légion des InterprÚtes, coiffés comme des sphinx, et portant un perroquet tatoué sur la poitrine. Des amis et des esclaves suivaient, tous sans armes, et si nombreux qu'ils se touchaient des épaules. Les trois longues barques, pleines à sombrer, s'avançaient aux acclamations de l'armée, qui les regardait. DÚs que Giscon débarqua, les soldats coururent à sa rencontre. Avec des sacs il fit dresser une sorte de tribune et déclara qu'il ne s'en irait pas avant de les avoir tous intégralement payés. Des applaudissements éclatÚrent ; il fut longtemps sans pouvoir parler. Puis il blùma les torts de la République et ceux des Barbares ; la faute en était à quelques mutins, qui par leur violence avaient effrayé Carthage. La meilleure preuve de ses bonnes intentions, c'était qu'on l'envoyait vers eux, lui, l'éternel adversaire du suffÚte Hannon. Ils ne devaient point supposer au peuple l'ineptie de vouloir irriter des braves, ni assez d'ingratitude pour méconnaÃtre leurs services ; et Giscon se mit à la paye des soldats en commençant par les Libyens. Comme ils avaient déclaré les listes mensongÚres, il ne s'en servit point. Ils défilaient devant lui, par nations, en ouvrant leurs doigts pour dire le nombre des années ; on les marquait successivement au bras gauche avec de la peinture verte ; les scribes puisaient dans le coffre béant, et d'autres, avec un stylet, faisaient des trous sur une lame de plomb. Un homme passa, qui marchait lourdement, à la maniÚre des boeufs. - " Monte prÚs de moi " , dit le SuffÚte, suspectant quelque fraude ; " combien d'années as-tu servi ? " - " Douze ans " , répondit le Libyen. Giscon lui glissa les doigts sous la mùchoire, car la mentonniÚre du casque y produisait à la longue deux callosités ; on les appelait des carroubes, et avoir les carroubes était une locution pour dire un vétéran. - " Voleur ! " s'écria le SuffÚte, " ce qui te manque au visage tu dois le porter sur les épaules ! " , et lui déchirant sa tunique, il découvrit son dos couvert de gales sanglantes ; c'était un laboureur d'Hippo-Zaryte. Des huées s'élevÚrent ; on le décapita. DÚs qu'il fut nuit, Spendius alla réveiller les Libyens. Il leur dit - " Quand les Ligures, les Grecs, les Baléares et les hommes d'Italie seront payés, ils s'en retourneront. Mais vous autres, vous resterez en Afrique, épars dans vos tribus et sans aucune défense ! C'est alors que la République se vengera ! Méfiez-vous du voyage ! Allez-vous croire à toutes les paroles ? Les deux suffÚtes sont d'accord ! Celui-là vous abuse ! Rappelez-vous l'Ile-des-Ossements et Xantippe qu'ils ont renvoyé à Sparte sur une galÚre pourrie ! " - " Comment nous y prendre ? " , demandaient-ils. - " Réfléchissez ! " disait Spendius. Les deux jours suivants se passÚrent à payer les gens de Magdala, de Leptis, d'Hécatompyle ; Spendius se répandait chez les Gaulois. - " On solde les Libyens, ensuite on payera les Grecs, puis les Baléares, les Asiatiques, et tous les autres ! Mais vous qui n'ÃÂȘtes pas nombreux, on ne vous donnera rien ! Vous ne reverrez plus vos patries ! Vous n'aurez point de vaisseaux ! Ils vous tueront, pour épargner la nourriture. " Les Gaulois vinrent trouver le SuffÚte. Autharite, celui qu'il avait blessé chez Hamilcar, l'interpella. Il disparut, repoussé par les esclaves, mais en jurant qu'il se vengerait. Les réclamations, les plaintes se multipliÚrent. Les plus obstinés pénétraient dans la tente du SuffÚte ; pour l'attendrir ils prenaient ses mains, lui faisaient palper leurs bouches sans dents, leurs bras tout maigres et les cicatrices de leurs blessures. Ceux qui n'étaient point encore payés s'irritaient, ceux qui avaient reçu leur solde en demandaient une autre pour leurs chevaux ; et les vagabonds, les bannis, prenant les armes des soldats, affirmaient qu'on les oubliait. A chaque minute, il arrivait comme des tourbillons d'hommes ; les tentes craquaient, s'abattaient ; la multitude serrée entre les remparts du camp oscillait à grands cris depuis les portes jusqu'au centre. Quand le tumulte se faisait trop fort, Giscon posait un coude sur son sceptre d'ivoire, et, regardant la mer, il restait immobile, les doigts enfoncés dans sa barbe. Souvent Mùtho s'écartait pour aller s'entretenir avec Spendius ; puis il se replaçait en face du SuffÚte, et Giscon sentait perpétuellement ses prunelles comme deux phalariques en flammes dardées vers lui. Par- dessus la foule, plusieurs fois, ils se lancÚrent des injures, mais qu'ils n'entendirent pas. Cependant la distribution continuait, et le SuffÚte à tous les obstacles trouvait des expédients. Les Grecs voulurent élever des chicanes sur la différence des monnaies. Il leur fournit de telles explications qu'ils se retirÚrent sans murmures. Les NÚgres réclamÚrent de ces coquilles blanches usitées pour le commerce dans l'intérieur de l'Afrique. Il leur offrit d'en envoyer prendre à Carthage ; alors, comme les autres, ils acceptÚrent de l'argent. Mais on avait promis aux Baléares quelque chose de meilleur, à savoir des femmes. Le SuffÚte répondit que l'on attendait pour eux toute une caravane de vierges la route était longue, il fallait encore six lunes. Quand elles seraient grasses et bien frottées de benjoin, on les enverrait sur des vaisseaux, dans les ports des Baléares. Tout à coup, Zarxas, beau maintenant et vigoureux, sauta comme un bateleur sur les épaules de ses amis et il cria - " En as-tu réservé pour les cadavres ? " tandis qu'il montrait dans Carthage la porte de Khamon. Aux derniers feux du soleil, les plaques d'airain la garnissant de haut en bas resplendissaient ; les Barbares crurent apercevoir sur elle une traÃnée sanglante. Chaque fois que Giscon voulait parler, leurs cris recommençaient. Enfin, il descendit à pas graves et s'enferma dans sa tente. Quand il en sortit au lever du soleil, ses interprÚtes, qui couchaient en dehors, ne bougÚrent point ; ils se tenaient sur le dos, les yeux fixes, la langue au bord des dents et la face bleuùtre. Des mucosités blanches coulaient de leurs narines, et leurs membres étaient raides, comme si le froid pendant la nuit les eût tous gelés. Chacun portait autour du cou un petit lacet de joncs. La rébellion dÚs lors ne s'arrÃÂȘta plus. Ce meurtre des Baléares rappelé par Zarxas confirmait les défiances de Spendius. Ils s'imaginaient que la République cherchait toujours à les tromper. Il fallait en finir ! On se passerait des interprÚtes ! Zarxas, avec une fronde autour de la tÃÂȘte, chantait des chansons de guerre ; Autharite brandissait sa grande épée ; Spendius soufflait à l'un quelque parole, fournissait à l'autre un poignard. Les plus forts tùchaient de se payer eux-mÃÂȘmes, les moins furieux demandaient que la distribution continuùt. Personne maintenant ne quittait ses armes, et toutes les colÚres se réunissaient contre Giscon dans une haine tumultueuse. Quelques-uns montaient à ses cÎtés. Tant qu'ils vociféraient des injures on les écoutait avec patience ; mais s'ils tentaient pour lui le moindre mot, ils étaient immédiatement lapidés, ou par-derriÚre d'un coup de sabre on leur abattait la tÃÂȘte. L'amoncellement des sacs était plus rouge qu'un autel. Ils devenaient terribles aprÚs le repas, quand ils avaient bu du vin ! C'était une joie défendue sous peine de mort dans les armées puniques, et ils levaient leur coupe du cÎté de Carthage par dérision pour sa discipline. Puis ils revenaient vers les esclaves des finances et ils recommençaient à tuer. Le mot frappe, différent dans chaque langue, était compris de tous. Giscon savait bien que la patrie l'abandonnait ; mais il ne voulait point malgré son ingratitude la déshonorer. Quand ils lui rappelÚrent qu'on leur avait promis des vaisseaux, il jura par Moloch de leur en fournir lui- mÃÂȘme, à ses frais, et, arrachant son collier de pierres bleues, il le jeta dans la foule en gage de serment. Alors les Africains réclamÚrent le blé, d'aprÚs les engagements du Grand-Conseil. Giscon étala les comptes des Syssites, tracés avec de la peinture violette sur des peaux de brebis ; il lisait tout ce qui était entré dans Carthage, mois par mois et jour par jour. Soudain il s'arrÃÂȘta, les yeux béants, comme s'il fût découvert entre les chiffres sa sentence de mort. En effet, les Anciens les avaient frauduleusement réduits et le blé, vendu pendant l'époque la plus calamiteuse de la guerre, se trouvait à un taux si bas, qu'à moins d'aveuglement on n'y pouvait croire. - " Parle ! " criÚrent-ils, " plus haut ! Ah ! c'est qu'il cherche à mentir, le lùche ! méfions-nous. " Pendant quelque temps, il hésita. Enfin il reprit sa besogne. Les soldats, sans se douter qu'on les trompait, acceptÚrent comme vrais les comptes des Syssites. Alors l'abondance oÃÂč s'était trouvée Carthage les jeta dans une jalousie furieuse. Ils brisÚrent la caisse de sycomore ; elle était vide aux trois quarts. Ils avaient vu de telles sommes en sortir qu'ils la jugeaient inépuisable ; Giscon en avait enfoui dans sa tente. Ils escaladÚrent les sacs. Mùtho les conduisait, et comme ils criaient " L'argent ! l'argent ! " Giscon à la fin répondit - " Que votre général vous en donne ! " Il les regardait en face, sans parler, avec ses grands yeux jaunes et sa longue figure plus pùle que sa barbe. Une flÚche, arrÃÂȘtée par les plumes, se tenait à son oreille dans son large anneau d'or, et un filet de sang coulait de sa tiare sur son épaule. A un geste de Mùtho, tous s'avancÚrent. Il écarta les bras ; Spendius, avec un noeud coulant, l'étreignit aux poignets ; un autre le renversa, et il disparut dans le désordre de la foule qui s'écroulait sur les sacs. Ils saccagÚrent sa tente. On n'y trouva que les choses indispensables à la vie ; puis, en cherchant mieux, trois images de Tanit, et dans une peau de singe, une pierre noire tombée de la lune. Beaucoup de Carthaginois avaient voulu l'accompagner ; c'étaient des hommes considérables et tous du parti de la guerre. On les entraÃna en dehors des tentes, et on les précipita dans la fosse aux immondices. Avec des chaÃnes de fer ils furent attachés par le ventre à des pieux solides, et on leur tendait la nourriture à la pointe d'un javelot. Autharite, tout en les surveillant, les accablait d'invectives, mais comme ils ne comprenaient point sa langue, ils ne répondaient pas ; le Gaulois, de temps à autre, leur jetait des cailloux au visage pour les faire crier. DÚs le lendemain, une sorte de langueur envahit l'armée. A présent que leur colÚre était finie, des inquiétudes les prenaient. Mùtho souffrait d'une tristesse vague. Il lui semblait avoir indirectement outragé SalammbÎ. Ces Riches étaient comme une dépendance de sa personne. Il s'asseyait la nuit au bord de leur fosse, et il retrouvait dans leurs gémissements quelque chose de la voix dont son coeur était plein. Cependant ils accusaient, tous, les Libyens, qui seuls étaient payés. Mais, en mÃÂȘme temps que se ravivaient les antipathies nationales avec les haines particuliÚres, on sentait le péril de s'y abandonner. Les représailles, aprÚs un attentat pareil, seraient formidables. Donc il fallait prévenir la vengeance de Carthage. Les conciliabules, les harangues n'en finissaient pas. Chacun parlait, on n'écoutait personne, et Spendius, ordinairement si loquace, à toutes les propositions secouait la tÃÂȘte. Un soir il demanda négligemment à Mùtho s'il n'y avait pas des sources dans l'intérieur de la ville. - " Pas une ! " répondit Mùtho. Le lendemain, Spendius l'entraÃna sur la berge du lac. - " MaÃtre ! " dit l'ancien esclave, " Si ton coeur est intrépide, je te conduirai dans Carthage. " - " Comment ? " répétait l'autre en haletant. - " Jure d'exécuter tous mes ordres, de me suivre comme une ombre ! " Alors Mùtho, levant son bras vers la planÚte de Chabar, s'écria - " Par Tanit, je le jure ! " Spendius reprit - " Demain aprÚs le coucher du soleil, tu m'attendras au pied de l'aqueduc, entre la neuviÚme et la dixiÚme arcade. Emporte avec toi un pic de fer, un casque sans aigrette et des sandales de cuir. " L'aqueduc dont il parlait traversait obliquement l'isthme entier, - ouvrage considérable - , agrandi plus tard par les Romains. Malgré son dédain des autres peuples, Carthage leur avait pris gauchement cette invention nouvelle, comme Rome elle-mÃÂȘme avait fait de la galÚre punique ; et cinq rangs d'arcs superposés, d'une architecture trapue, avec des contreforts à la base et des tÃÂȘtes de lion au sommet, aboutissaient à la partie occidentale de l'Acropole, oÃÂč ils s'enfonçaient sous la ville pour déverser presque une riviÚre dans les citernes de Mégara. A l'heure convenue, Spendius y trouva Mùtho. Il attacha une sorte de harpon au bout d'une corde, le fit tourner rapidement comme une fronde, l'engin de fer s'accrocha ; et ils se mirent, l'un derriÚre l'autre, à grimper le long du mur. Mais quand ils furent montés sur le premier étage, le crampon, chaque fois qu'ils le jetaient, retombait ; il leur fallait, pour découvrir quelque fissure, marcher sur le bord de la corniche ; à chaque rang des arcs, ils la trouvaient plus étroite. Puis la corde se relùcha. Plusieurs fois, elle faillit se rompre. Enfin ils arrivÚrent à la plate-forme supérieure. Spendius, de temps à autre, se penchait pour tùter les pierres avec sa main. - " C'est là " dit-il, " commençons ! " Et pesant sur l'épieu qu'avait apporté Mùtho, ils parvinrent à disjoindre une des dalles. Ils aperçurent, au loin, une troupe de cavaliers galopant sur des chevaux sans brides. Leurs bracelets d'or sautaient dans les vagues draperies de leurs manteaux. On distinguait en avant un homme couronné de plumes d'autruche et qui galopait avec une lance à chaque main. - " Narr'Havas ! " s'écria Mùtho. - " Qu'importe ! " reprit Spendius ; et il sauta dans le trou qu'ils venaient de faire en découvrant la dalle. Mùtho, par son ordre, essaya de pousser un des blocs. Mais, faute de place, il ne pouvait remuer les coudes .- " Nous reviendrons " , dit Spendius ! " Mets-toi devant. " Alors ils s'aventurÚrent dans le conduit des eaux. Ils en avaient jusqu'au ventre. BientÎt ils chancelÚrent et il leur fallut nager. Leurs membres se heurtaient contre les parois du canal trop étroit. L'eau coulait presque immédiatement sous la dalle supérieure ils se déchiraient le visage. Puis le courant les entraÃna. Un air plus lourd qu'un sépulcre leur écrasait la poitrine, et la tÃÂȘte sous les bras, les genoux l'un contre l'autre, allongés tant qu'ils pouvaient, ils passaient comme des flÚches dans l'obscurité, étouffant, rùlant, presque morts. Soudain, tout fut noir devant eux et la vélocité des eaux redoublait. Ils tombÚrent. Quand ils furent remontés à la surface, ils se tinrent pendant quelques minutes étendus sur le dos, à humer l'air, délicieusement. Des arcades, les unes derriÚre les autres, s'ouvraient au milieu de larges murailles séparant des bassins. Tous étaient remplis, et l'eau se continuait en une seule nappe dans la longueur des citernes. Les coupoles du plafond laissaient descendre par leur soupirail une clarté pùle qui étalait sur les ondes comme des disques de lumiÚre, et les ténÚbres à l'entour, s'épaississant vers les murs, les reculaient indéfiniment. Le moindre bruit faisait un grand écho. Spendius et Mùtho se remirent à nager, et, passant par l'ouverture des arcs, ils traversÚrent plusieurs chambres à la file. Deux autres rangs de bassins plus petits s'étendaient parallÚlement de chaque cÎté. Ils se perdirent, ils tournaient, ils revenaient. Enfin, quelque chose résista sous leurs talons. C'était le pavé de la galerie qui longeait les citernes. Alors, s'avançant avec de grandes précautions, ils palpÚrent la muraille pour trouver une issue. Mais leurs pieds glissaient ; ils tombaient dans les vasques profondes. Ils avaient à remonter, puis ils retombaient encore ; et ils sentaient une épouvantable fatigue, comme si leurs membres en nageant se fussent dissous dans l'eau. Leurs yeux se fermÚrent ils agonisaient. Spendius se frappa la main contre les barreaux d'une grille. Ils la secouÚrent, elle céda, et ils se trouvÚrent sur les marches d'un escalier. Une porte de bronze le fermait en haut. Avec la pointe d'un poignard, ils écartÚrent la barre que l'on ouvrait en dehors ; tout à coup le grand air pur les enveloppa. La nuit était pleine de silence, et le ciel avait une hauteur démesurée. Des bouquets d'arbres débordaient, sur les longues lignes des murs. La ville entiÚre dormait. Les feux des avant-postes brillaient comme des étoiles perdues. Spendius qui avait passé trois ans dans l'ergastule, connaissait imparfaitement les quartiers. Mùtho conjectura que, pour se rendre au palais d'Hamilcar, ils devaient prendre sur la gauche, en traversant les Mappales. - " Non " , dit Spendius, " conduis-moi au temple de Tanit. " Mùtho voulut parler. - " Rappelle-toi ! " fit l'ancien esclave ; et, levant son bras, il lui montra la planÚte de Chabar qui resplendissait. Alors Mùtho se tourna silencieusement vers l'Acropole. Ils rampaient le long des clÎtures de nopals qui bordaient les sentiers. L'eau coulait de leurs membres sur la poussiÚre. Leurs sandales humides ne faisaient aucun bruit ; Spendius, avec ses yeux plus flamboyants que des torches, à chaque pas fouillait les buissons ; - et il marchait derriÚre Mùtho, les mains posées sur les deux poignards qu'il portait aux bras, tenus au-dessous de l'aisselle par un cercle de cuir. - Chapitre 4 TANIT - Quand ils furent sortis des jardins, ils se trouvÚrent arrÃÂȘtés par l'enceinte de Mégara. Mais ils découvrirent une brÚche dans la grosse muraille, et passÚrent. Le terrain descendait, formant une sorte de vallon trÚs large. C'était une place découverte. - " Ecoute " , dit Spendius, " et d'abord ne crains rien, j'exécuterai ma promesse ... " Il s'interrompit ; il avait l'air de réfléchir, comme pour chercher ses paroles. - " Te rappelles-tu cette fois, au soleil levant, oÃÂč, sur la terrasse de SalammbÎ, je t'ai montré Carthage ? Nous étions forts ce jour-là , mais tu n'as voulu rien entendre ! " Puis d'une voix grave - " MaÃtre, il y a dans le sanctuaire de Tanit un voile mystérieux, tombé du ciel, et qui recouvre la Déesse. " - " Je le sais " , dit Mùtho. Spendius reprit - " Il est divin lui-mÃÂȘme, car il fait partie d'elle. Les dieux résident oÃÂč se trouvent leurs simulacres. C'est parce que Carthage le possÚde, que Carthage est puissante. " Alors se penchant à son oreille " Je t'ai emmené avec moi pour le ravir ! " Mùtho recula d'horreur. - " Va-t'en ! cherche quelque autre ! Je ne veux pas t'aider dans cet exécrable forfait. " - " Mais Tanit est ton ennemie " , répliqua Spendius elle te persécute, et tu meurs de sa colÚre. Tu t'en vengeras. Elle t'obéira. Tu deviendras presque immortel et invincible. Mùtho baissait la tÃÂȘte. Il continua - " Nous succomberions ; l'armée d'elle-mÃÂȘme s'anéantirait. Nous n'avons ni fuite à espérer, ni secours, ni pardon ! Quel chùtiment des Dieux peux-tu craindre, puisque tu vas avoir leur force dans les mains ? Aimes-tu mieux périr le soir d'une défaite, misérablement, à l'abri d'un buisson, ou parmi l'outrage de la populace, dans la flamme des bûchers ? MaÃtre, un jour tu entreras à Carthage, entre les collÚges des pontifes, qui baiseront tes sandales et si le voile de Tanit te pÚse encore, tu le rétabliras dans son temple. Suis-moi ! viens le prendre. " Une envie terrible dévorait Mùtho. Il aurait voulu, en s'abstenant du sacrilÚge, posséder le voile. Il se disait que peut-ÃÂȘtre on n'aurait pas besoin de le prendre pour en accaparer la vertu. Il n'allait point jusqu'au fond de sa pensée, s'arrÃÂȘtant sur la limite oÃÂč elle l'épouvantait. - " Marchons ! " dit-il ; et ils s'éloignÚrent d'un pas rapide, cÎte à cÎte, sans parler. Le terrain remonta, et les habitations se rapprochÚrent. Ils tournaient dans les rues étroites, au milieu des ténÚbres. Des lambeaux de sparterie fermant les portes battaient contre les murs. Sur une place, des chameaux ruminaient devant des tas d'herbes coupées. Puis ils passÚrent sous une galerie que recouvraient des feuillages. Un troupeau de chiens aboya. Mais l'espace tout à coup s'élargit, et ils reconnurent la face occidentale de l'Acropole. Au bas de Byrsa s'étalait une longue masse noire c'était le temple de Tanit, ensemble de monuments et de jardins, de cours et d'avant-cours, bordé par un petit mur de pierres sÚches. Spendius et Mùtho le franchirent. Cette premiÚre enceinte renfermait un bois de platanes, par précaution contre la peste et l'infection de l'air. Çà et là étaient disséminées des tentes oÃÂč l'on vendait pendant le jour des pùtes épilatoires, des parfums, des vÃÂȘtements, des gùteaux en forme de lune, et des images de la Déesse avec des représentations du temple, creusées dans un bloc d'albùtre. Ils n'avaient rien à craindre, car les nuits oÃÂč l'astre ne paraissait pas on suspendait tous les rites cependant Mùtho se ralentissait ; il s'arrÃÂȘta devant les trois marches d'ébÚne qui conduisaient à la seconde enceinte. - " Avance ! " dit Spendius. Des grenadiers, des amandiers, des cyprÚs et des myrtes, immobiles comme des feuillages de bronze, alternaient réguliÚrement ; le chemin, pavé de cailloux bleus, craquait sous les pas, et des roses épanouies pendaient en berceau sur toute la longueur de l'allée. Ils arrivÚrent devant un trou ovale, abrité par une grille. Alors, Mùtho, que ce silence effrayait, dit à Spendius - " C'est ici qu'on mélange les Eaux douces avec les Eaux amÚres. " - " J'ai vu tout cela " , reprit l'ancien esclave, " en Syrie, dans la ville de Maphug " ; et, par un escalier de six marches d'argent, ils montÚrent dans la troisiÚme enceinte. Un cÚdre énorme en occupait le milieu. Ses branches les plus basses disparaissaient sous des brides d'étoffes et des colliers qu'y avaient appendus les fidÚles. Ils firent encore quelques pas, et la façade du temple se déploya. Deux longs portiques, dont les architraves reposaient sur des piliers trapus, flanquaient une tour quadrangulaire, ornée à sa plate-forme par un croissant de lune. Sur les angles des portiques et aux quatre coins de la tour s'élevaient des vases pleins d'aromates allumés. Des grenades et des coloquintes chargeaient les chapiteaux. Des entrelacs, des losanges, des lignes de perles s'alternaient sur les murs, et une haie en filigrane d'argent formait un large demi-cercle devant l'escalier d'airain qui descendait du vestibule. Il y avait à l'entrée, entre une stÚle d'or et une stÚle d'émeraude, un cÎne de pierre ; Mùtho, en passant à cÎté, se baisa la main droite. La premiÚre chambre était trÚs haute ; d'innombrables ouvertures perçaient sa voûte ; en levant la tÃÂȘte on pouvait voir les étoiles. Tout autour de la muraille, dans des corbeilles de roseau, s'amoncelaient des barbes et des chevelures, prémices des adolescences ; et, au milieu de l'appartement circulaire, le corps d'une femme sortait d'une gaine couverte de mamelles. Grasse, barbue, et les paupiÚres baissées, elle avait l'air de sourire, en croisant ses mains sur le bord de son gros ventre, - poli par les baisers de la foule. Puis ils se retrouvÚrent à l'air libre, dans un corridor transversal, oÃÂč un autel de proportions exiguÃs s'appuyait contre une porte d'ivoire. On n'allait point au-delà les prÃÂȘtres seuls pouvaient l'ouvrir ; car un temple n'était pas un lieu de réunion pour la multitude, mais la demeure particuliÚre d'une divinité. - " L'entreprise est impossible " , disait Mùtho. " Tu n'y avais pas songé ! Retournons ! " Spendius examinait les murs. Il voulait le voile, non qu'il eût confiance en sa vertu Spendius ne croyait qu'à l'Oracle, mais persuadé que les Carthaginois, s'en voyant privés, tomberaient dans un grand abattement. Pour trouver quelque issue, ils firent le tour par-derriÚre. On apercevait, sous des bosquets de térébinthe, des édicules de forme différente. Çà et là un phallus de pierre se dressait, et de grands cerfs erraient tranquillement, poussant de leurs pieds fourchus des pommes de pin tombées. Ils revinrent sur leurs pas entre deux longues galeries qui s'avançaient parallÚlement. De petites cellules s'ouvraient au bord. Des tambourins et des cymbales étaient accrochés du haut en bas de leurs colonnes de cÚdre. Des femmes dormaient en dehors des cellules, étendues sur des nattes. Leurs corps, tout gras d'onguents, exhalaient une odeur d'épices et de cassolettes éteintes ; elles étaient si couvertes de tatouages, de colliers, d'anneaux, de vermillon et d'antimoine, qu'on les eût prises, sans le mouvement de leur poitrine, pour des idoles ainsi couchées par terre. Des lotus entouraient une fontaine, oÃÂč nageaient des poissons pareils à ceux de SalammbÎ ; puis au fond, contre la muraille du temple, s'étalait une vigne dont les sarments étaient de verre et les grappes d'émeraude les rayons des pierres précieuses faisaient des jeux de lumiÚre, entre les colonnes peintes, sur les visages endormis. Mùtho suffoquait dans la chaude atmosphÚre que rabattaient sur lui les cloisons de cÚdre. Tous ces symboles de la fécondation, ces parfums, ces rayonnements, ces haleines l'accablaient. A travers les éblouissements mystiques, il songeait à SalammbÎ. Elle se confondait avec la Déesse elle-mÃÂȘme, et son amour s'en dégageait plus fort, comme les grands lotus qui s'épanouissaient sur la profondeur des eaux. Spendius calculait quelle somme d'argent il aurait autrefois gagnée à vendre ces femmes ; et, d'un coup d'oeil rapide, il pesait en passant les colliers d'or. Le temple était, de ce cÎté comme de l'autre, impénétrable. Ils revinrent derriÚre la premiÚre chambre. Pendant que Spendius cherchait, furetait, Mùtho, prosterné devant la porte, implorait Tanit. Il la suppliait de ne point permettre ce sacrilÚge. Il tùchait de l'adoucir avec des mots caressants, comme on fait à une personne irritée. Spendius remarqua au- dessus de la porte une ouverture étroite. - " LÚve-toi ! " dit-il à Mùtho, et il le fit s'adosser contre le mur, tout debout. Alors, posant un pied dans ses mains, puis un autre sur sa tÃÂȘte, il parvint jusqu'à la hauteur du soupirail, s'y engagea et disparut. Puis Mùtho sentit tomber sur son épaule une corde à noeuds, celle que Spendius avait enroulée autour de son corps avant de s'engager dans les citernes ; et s'y appuyant des deux mains, bientÎt il se trouva prÚs de lui dans une grande salle pleine d'ombre. De pareils attentats étaient une chose extraordinaire. L'insuffisance des moyens pour les prévenir témoignait assez qu'on les jugeait impossibles. La terreur, plus que les murs, défendait les sanctuaires. Mùtho, à chaque pas, s'attendait à mourir. Cependant, une lueur vacillait au fond des ténÚbres ; ils s'en rapprochÚrent. C'était une lampe qui brûlait dans une coquille sur le piédestal d'une statue, coiffée du bonnet des Cabires. Des disques en diamant parsemaient sa longue robe bleue, et des chaÃnes, qui s'enfonçaient sous les dalles, l'attachaient au sol par les talons. Mùtho retint un cri. Il balbutiait " Ah ! la voilà ! la voilà ! ... " Spendius prit la lampe afin de s'éclairer. - " Quel impie tu es ! " murmura Mùtho. Il le suivait pourtant. L'appartement oÃÂč ils entrÚrent n'avait rien qu'une peinture noire représentant une autre femme. Ses jambes montaient jusqu'au haut de la muraille. Son corps occupait le plafond tout entier. De son nombril pendait à un fil un oeuf énorme, et elle retombait sur l'autre mur, la tÃÂȘte en bas, jusqu'au niveau des dalles oÃÂč atteignaient ses doigts pointus. Pour passer plus loin, ils écartÚrent une tapisserie ; mais le vent souffla, et la lumiÚre s'éteignit. Alors ils errÚrent, perdus dans les complications de l'architecture. Tout à coup, ils sentirent sous leurs pieds quelque chose d'une douceur étrange. Des étincelles pétillaient, jaillissaient ; ils marchaient dans du feu. Spendius tùta le sol et reconnut qu'il était soigneusement tapissé avec des peaux de lynx ; puis il leur sembla qu'une grosse corde mouillée, froide et visqueuse, glissait entre leurs jambes. Des fissures, taillées dans la muraille, laissaient tomber de minces rayons blancs. Ils s'avançaient à ces lueurs incertaines. Enfin ils distinguÚrent un grand serpent noir. Il s'élança vite et disparut. - " Fuyons ! " s'écria Mùtho. " C'est elle ! je la sens elle vient. " - " Eh non ! " répondit Spendius, " le temple est vide. " Alors une lumiÚre éblouissante leur fit baisser les yeux. Puis ils aperçurent tout à l'entour une infinité de bÃÂȘtes, efflanquées, haletantes, hérissant leurs griffes, et confondues les unes par-dessus les autres dans un désordre mystérieux qui épouvantait. Des serpents avaient des pieds, des taureaux avaient des ailes, des poissons à tÃÂȘtes d'homme dévoraient des fruits, des fleurs s'épanouissaient dans la mùchoire des crocodiles, et des éléphants, la trompe levée, passaient en plein azur, orgueilleusement, comme des aigles. Un effort terrible distendait leurs membres incomplets ou multipliés. Ils avaient l'air, en tirant la langue, de vouloir faire sortir leur ùme ; et toutes les formes se trouvaient là , comme si le réceptacle des germes, crevant dans une éclosion soudaine, se fût vidé sur les murs de la salle. Douze globes de cristal bleu la bordaient circulairement, supportés par des monstres qui ressemblaient à des tigres. Leurs prunelles saillissaient comme les yeux des escargots, et courbant leurs reins trapus, ils se tournaient vers le fond, oÃÂč resplendissait , sur un char d'ivoire, la Rabbet suprÃÂȘme, l'Omniféconde, la derniÚre inventée. Des écailles, des plumes, des fleurs et des oiseaux lui montaient jusqu'au ventre. Pour pendants d'oreilles elle avait des cymbales d'argent qui lui battaient sur les joues. Ses grands yeux fixes vous regardaient, et une pierre lumineuse, enchùssée à son front dans un symbole obscÚne, éclairait toute la salle, en se reflétant au-dessus de la porte, sur des miroirs de cuivre rouge. Mùtho fit un pas ; une dalle fléchit sous ses talons, et voilà que les sphÚres se mirent à tourner, les monstres à rugir ; une musique s'éleva, mélodieuse et ronflante comme l'harmonie des planÚtes ; l'ùme tumultueuse de Tanit ruisselait épandue. Elle allait se lever, grande comme la salle, avec les bras ouverts. Tout à coup les monstres fermÚrent la gueule, et les globes de cristal ne tournaient plus. Puis une modulation lugubre pendant quelque temps se traÃna dans l'air, et s'éteignit enfin. - " Et le voile ? " dit Spendius. Nulle part on ne l'apercevait. OÃÂč donc se trouvait-il ? Comment le découvrir ? Et si les prÃÂȘtres l'avaient caché ? Mùtho éprouvait un déchirement au coeur et comme une déception dans sa foi. - " Par ici ! " chuchota Spendius. Une inspiration le guidait. Il entraÃna Mùtho derriÚre le char de Tanit, oÃÂč une fente, large d'une coudée, coupait la muraille du haut en bas. Alors ils pénétrÚrent dans une petite salle toute ronde, et si élevée qu'elle ressemblait à l'intérieur d'une colonne. Il y avait au milieu une grosse pierre noire à demi sphérique, comme un tambourin ; des flammes brûlaient dessus ; un cÎne d'ébÚne se dressait par-derriÚre, portant une tÃÂȘte et deux bras. Mais au-delà on aurait dit un nuage oÃÂč étincelaient des étoiles des figures apparaissaient dans les profondeurs de ses plis Eschmoûn avec les Kabires, quelques-uns des monstres déjà vus, les bÃÂȘtes sacrées des Babyloniens, puis d'autres qu'ils ne connaissaient pas. Cela passait comme un manteau sous le visage de l'idole, et remontant étalé sur le mur, s'accrochait par les angles, tout à la fois bleuùtre comme la nuit, jaune comme l'aurore, pourpre comme le soleil, nombreux, diaphane, étincelant, léger. C'était là le manteau de la Déesse, le zaïmph saint que l'on ne pouvait voir. Ils pùlirent l'un et l'autre. - " Prends-le ! " dit enfin Mùtho. Spendius n'hésita pas ; et, s'appuyant sur l'idole, il décrocha le voile, qui s'affaissa par terre. Mùtho posa la main dessus ; puis il entra sa tÃÂȘte par l'ouverture, puis il s'en enveloppa le corps, et il écartait les bras pour le mieux contempler. - " Partons ! " dit Spendius. Mùtho, en haletant, restait les yeux fixés sur les dalles. Tout à coup il s'écria - " Mais si j'allais chez elle ? Je n'ai plus peur de sa beauté. Que pourrait- elle faire contre moi ? Me voilà plus qu'un homme, maintenant. Je traverserais les flammes, je marcherais dans la mer ! Un élan m'emporte ! SalammbÎ ! SalammbÎ ! Je suis ton maÃtre ! " Sa voix tonnait. Il semblait à Spendius de taille plus haute et transfiguré. Un bruit de pas se rapprocha, une porte s'ouvrit et un homme apparut, un prÃÂȘtre, avec son haut bonnet et les yeux écarquillés. Avant qu'il eût fait un geste, Spendius s'était précipité, et, l'étreignant à pleins bras, lui avait enfoncé dans les flancs ses deux poignards. La tÃÂȘte sonna sur les dalles. Puis, immobiles comme le cadavre, ils restÚrent pendant quelque temps à écouter. On n'entendait que le murmure du vent par la porte entrouverte. Elle donnait sur un passage resserré. Spendius s'y engagea. Mùtho le suivit, et ils se trouvÚrent presque immédiatement dans la troisiÚme enceinte, entre les portiques latéraux, oÃÂč étaient les habitations des prÃÂȘtres. DerriÚre les cellules il devait y avoir pour sortir un chemin plus court. Ils se hùtÚrent. Spendius, s'accroupissant au bord de la fontaine, lava ses mains sanglantes. Les femmes dormaient. La vigne d'émeraude brillait. Ils se remirent en marche. Mais quelqu'un, sous les arbres, courait derriÚre eux ; et Mùtho, qui portait le voile, sentit plusieurs fois qu'on le tirait par en bas, tout doucement. C'était un grand cynocéphale, un de ceux qui vivaient libres dans l'enceinte de la Déesse. Comme s'il avait eu conscience du vol, il se cramponnait au manteau. Cependant ils n'osaient le battre, dans la peur de faire redoubler ses cris ; soudain sa colÚre s'apaisa et il trottait prÚs d'eux, cÎte à cÎte, en balançant son corps, avec ses longs bras qui pendaient. Puis, à la barriÚre, d'un bond, il s'élança dans un palmier. Quand ils furent sortis de la derniÚre enceinte, ils se dirigÚrent vers le palais d'Hamilcar, Spendius comprenant qu'il était inutile de vouloir en détourner Mùtho. Ils prirent par la rue des Tanneurs, la place de Muthumbal, le marché aux herbes et le carrefour de Cynasyn. A l'angle d'un mur, un homme se recula, effrayé par cette chose étincelante, qui traversait les ténÚbres. - " Cache le zaïmph ! " dit Spendius. D'autres gens les croisÚrent ; mais ils n'en furent pas aperçus. Enfin ils reconnurent les maisons de Mégara. Le phare, bùti par-derriÚre, au sommet de la falaise, illuminait le ciel d'une grande clarté rouge, et l'ombre du palais, avec ses terrasses superposées, se projetait sur les jardins comme une monstrueuse pyramide. Ils entrÚrent par la haie de jujubiers, en abattant les branches à coups de poignard. Tout gardait les traces du festin des Mercenaires. Les parcs étaient rompus, les rigoles taries, les portes de l'ergastule ouvertes. Personne n'apparaissait autour des cuisines ni des celliers. Ils s'étonnaient de ce silence, interrompu quelquefois par le souffle rauque des éléphants qui s'agitaient dans leurs entraves, et la crépitation du phare oÃÂč flambait un bûcher d'aloÚs. Mùtho, cependant, répétait - " OÃÂč est-elle ? je veux la voir ! Conduis-moi ! " - " C'est une démence ! " disait Spendius. " Elle appellera, ses esclaves accourront, et, malgré ta force, tu mourras ! " Ils atteignirent ainsi l'escalier des galÚres. Mùtho leva la tÃÂȘte, et il crut apercevoir, tout en haut, une vague clarté rayonnante et douce. Spendius voulut le retenir. Il s'élança sur les marches. En se retrouvant aux places oÃÂč il l'avait déjà vue, l'intervalle des jours écoulés s'effaça dans sa mémoire. Tout à l'heure elle chantait entre les tables ; elle avait disparu, et depuis lors il montait continuellement cet escalier. Le ciel, sur sa tÃÂȘte, était couvert de feux ; la mer emplissait l'horizon ; à chacun de ses pas une immensité plus large l'entourait, et il continuait à gravir avec l'étrange facilité que l'on éprouve dans les rÃÂȘves. Le bruissement du voile frÎlant contre les pierres lui rappela son pouvoir nouveau ; mais, dans l'excÚs de son espérance, il ne savait plus maintenant ce qu'il devait faire ; cette incertitude l'intimida. De temps à autre, il collait son visage contre les baies quadrangulaires des appartements fermés, et il crut voir dans plusieurs des personnes endormies. Le dernier étage, plus étroit, formait comme un dé sur le sommet des terrasses. Mùtho en fit le tour, lentement. Une lumiÚre laiteuse emplissait les feuilles de talc qui bouchaient les petites ouvertures de la muraille ; et, symétriquement disposées, elles ressemblaient dans les ténÚbres à des rangs de perles fines. Il reconnut la porte rouge à croix noire. Les battements de son coeur redoublÚrent. Il aurait voulu s'enfuir. Il poussa la porte ; elle s'ouvrit. Une lampe en forme de galÚre brûlait suspendue dans le lointain de la chambre ; et trois rayons, qui s'échappaient de sa carÚne d'argent, tremblaient sur les hauts lambris, couverts d'une peinture rouge à bandes noires. Le plafond était un assemblage de poutrelles, portant au milieu de leur dorure des améthystes et des topazes dans les noeuds du bois. Sur les deux grands cÎtés de l'appartement, s'allongeait un lit trÚs bas fait de courroies blanches ; et des cintres, pareils à des coquilles, s'ouvraient au-dessus, dans l'épaisseur de la muraille, laissant déborder quelque vÃÂȘtement qui pendait jusqu'à terre. Une marche d'onyx entourait un bassin ovale ; de fines pantoufles en peau de serpent étaient restées sur le bord avec une buire d'albùtre. La trace d'un pas humide s'apercevait au-delà . Des senteurs exquises s'évaporaient. Mùtho effleurait les dalles incrustées d'or, de nacre et de verre ; et malgré la polissure du sol, il lui semblait que ses pieds enfonçaient comme s'il eût marché dans des sables. Il avait aperçu derriÚre la lampe d'argent un grand carré d'azur se tenant en l'air par quatre cordes qui remontaient, et il s'avançait, les reins courbés, la bouche ouverte. Des ailes de phénicoptÚres, emmanchées à des branches de corail noir, traÃnaient parmi les coussins de pourpre et les étrilles d'écaille, les coffrets de cÚdre, les spatules d'ivoire. A des cornes d'antilope étaient enfilés des bagues, des bracelets ; et des vases d'argile rafraÃchissaient au vent, dans la fente du mur, sur un treillage de roseaux. Plusieurs fois il se heurta les pieds, car le sol avait des niveaux de hauteur inégale qui faisaient dans la chambre comme une succession d'appartements. Au fond, des balustres d'argent entouraient un tapis semé de fleurs peintes. Enfin il arriva contre le lit suspendu, prÚs d'un escabeau d'ébÚne servant à y monter. Mais la lumiÚre s'arrÃÂȘtait au bord ; - et l'ombre, telle qu'un grand rideau, ne découvrait qu'un angle du matelas rouge avec le bout d'un petit pied nu posant sur la cheville. Alors Mùtho tira la lampe, tout doucement. Elle dormait la joue dans une main et l'autre bras déplié. Les anneaux de sa chevelure se répandaient autour d'elle si abondamment qu'elle paraissait couchée sur des plumes noires, et sa large tunique blanche se courbait en molles draperies, jusqu'à ses pieds, suivant les inflexions de sa taille. On apercevait un peu ses yeux, sous ses paupiÚres entre-closes. Les courtines, perpendiculairement tendues, l'enveloppaient d'une atmosphÚre bleuùtre, et le mouvement de sa respiration, en se communiquant aux cordes, semblait la balancer dans l'air. Un long moustique bourdonnait. Mùtho, immobile, tenait au bout de son bras la galÚre d'argent, mais la moustiquaire s'enflamma d'un seul coup, disparut, et SalammbÎ se réveilla. Le feu s'était de soi-mÃÂȘme éteint. Elle ne parlait pas. La lampe faisait osciller sur les lambris de grandes moires lumineuses. - " Qu'est-ce donc ? " dit-elle. Il répondit - " C'est le voile de la Déesse ! " - " Le voile, de la Déesse ! " s'écria SalammbÎ. Et appuyée sur les deux poings, elle se penchait en dehors toute frémissante. Il reprit - " J'ai été le chercher pour toi dans les profondeurs du sanctuaire ! Regarde ! " Le zaïmph étincelait tout couvert de rayons. - " T'en souviens-tu ? " disait Mùtho. " La nuit, tu apparaissais dans mes songes - ; mais je ne devinais pas l'ordre muet de tes yeux ! " Elle avançait un pied sur l'escabeau d'ébÚne. " Si j'avais compris, je serais accouru ; j'aurais abandonné l'armée ; je ne serais pas sorti de Carthage. Pour t'obéir, je descendrais par la caverne d'HadrumÚte dans le royaume des Ombres... Pardonne ! c'étaient comme des montagnes qui pesaient sur mes jours ; et pourtant quelque chose m'entraÃnait ! Je tùchais de venir jusqu'à toi ! Sans les Dieux, est-ce que jamais j'aurais osé ! ... Partons ! il faut me suivre ! ou, si tu ne veux pas, je vais rester. Que m'importe... Noie mon ùme ans le souffle de ton haleine ! Que mes lÚvres s'écrasent à baiser tes mains ! " - " Laisse-moi voir ! " disait-elle. " Plus prÚs ! Plus prÚs ! " L'aube se levait, et une couleur vineuse emplissait les feuilles de talc dans les murs. SalammbÎ s'appuyait en défaillant contre les coussins du lit. - " Je t'aime ! " criait Mùtho. Elle balbutia - " Donne-le ! " Et ils se rapprochaient. Elle s'avançait toujours, vÃÂȘtue de sa simarre blanche qui traÃnait, avec ses grands yeux attachés sur le voile. Mùtho la contemplait, ébloui par les splendeurs de sa tÃÂȘte, et tendant vers elle le zaïmph, il allait l'envelopper dans une étreinte. Elle écartait les bras. Tout à coup elle s'arrÃÂȘta, et ils restÚrent béants à se regarder. Sans comprendre ce qu'il sollicitait, une horreur la saisit. Ses sourcils minces remontÚrent, ses lÚvres s'ouvraient ; elle tremblait. Enfin, elle frappa dans une des patÚres d'airain qui pendaient aux coins du matelas rouge, en criant - " Au secours ! au secours ! ArriÚre, sacrilÚge ! infùme ! maudit ! A moi, Taanach, Kroûm, Ewa, Micipsa, Schaoûl ! " Et la figure de Spendius effarée, apparaissant dans la muraille entre les buires d'argile, jeta ces mots - " Fuis donc ! ils accourent ! " Un grand tumulte monta en ébranlant les escaliers et un flot de monde, des femmes, des valets, des esclaves, s'élancÚrent dans la chambre avec des épieux, des casse-tÃÂȘte, des coutelas, des poignards. Ils furent comme paralysés d'indignation en apercevant un homme ; les servantes poussaient le hurlement des funérailles, et les eunuques pùlissaient sous leur peau noire. Mùtho se tenait derriÚre les balustres. Avec le zaïmph qui l'enveloppait, il semblait un dieu sidéral tout environné du firmament. Les esclaves s'allaient jeter sur lui. Elle les arrÃÂȘta - " N'y touchez pas ! C'est le manteau de la Déesse ! " Elle s'était reculée dans un angle ; mais elle fit un pas vers lui, et, allongeant son bras nu - " Malédiction sur toi qui as dérobé Tanit ! Haine, vengeance, massacre et douleur ! Que Gurzil, dieu des batailles, te déchire ! que Matisman, dieu des morts, t'étouffe ! et que l'Autre, - celui qu'il ne faut pas nommer - te brûle ! " Mùtho poussa un cri comme à la blessure d'une épée. Elle répéta plusieurs fois - " Va-t'en ! va-t'en ! " La foule des serviteurs s'écarta, et Mùtho, baissant la tÃÂȘte, passa lentement au milieu d'eux ; mais à la porte il s'arrÃÂȘta, car la frange du zaïmph s'était accrochée à une des étoiles d'or qui pavaient les dalles. Il le tira brusquement d'un coup d'épaule, et descendit les escaliers. Spendius, bondissant de terrasse en terrasse et sautant par-dessus les haies, les rigoles, s'était échappé des jardins. Il arriva au pied du phare. Le mur en cet endroit se trouvait abandonné, tant la falaise était inaccessible. Il s'avança jusqu'au bord, se coucha sur le dos, et, les pieds en avant, se laissa glisser tout le long jusqu'en bas ; puis il atteignit à la nage le cap des Tombeaux, fit un grand détour par la lagune salée, et, le soir, rentra au camp des Barbares. Le soleil s'était levé ; et, comme un lion qui s'éloigne, Mùtho descendait les chemins, en jetant autour de lui des yeux terribles. Une rumeur indécise arrivait à ses oreilles. Elle était partie du palais et elle recommençait au loin, du cÎté de l'Acropole. Les uns disaient qu'on avait pris le trésor de la République dans le temple de Moloch ; d'autres parlaient d'un prÃÂȘtre assassiné. On s'imaginait ailleurs que les Barbares étaient entrés dans la ville. Mùtho, qui ne savait comment sortir des enceintes, marchait droit devant lui. On l'aperçut, alors une clameur s'éleva. Tous avaient compris ; ce fut une consternation, puis une immense colÚre. Du fond des Mappales, des hauteurs de l'Acropole, des catacombes, des bords du lac, la multitude accourut. Les patriciens sortaient de leur palais, les vendeurs de leurs boutiques ; les femmes abandonnaient leurs enfants ; on saisit des épées, des haches, des bùtons ; mais l'obstacle qui avait empÃÂȘché SalammbÎ les arrÃÂȘta. Comment reprendre le voile ? Sa vue seule était un crime il était de la nature des Dieux et son contact faisait mourir. Sur le péristyle des temples, les prÃÂȘtres désespérés se tordaient les bras. Les gardes de la Légion galopaient au hasard on montait sur les maisons, sur les terrasses, sur l'épaule des colosses et dans la mùture des navires. Il s'avançait cependant, et à chacun de ses pas la rage augmentait, mais la terreur aussi. Les rues se vidaient à son approche, et ce torrent d'hommes qui fuyaient rejaillissait des deux cÎtés jusqu'au sommet des murailles. Il ne distinguait partout que des yeux grands ouverts comme pour le dévorer, des dents qui claquaient, des poings tendus, et les imprécations de SalammbÎ retentissaient en se multipliant. Tout à coup, une longue flÚche siffla, puis une autre, et des pierres ronflaient mais les coups, mal dirigés car on avait peur d'atteindre le zaïmph, passaient au-dessus de sa tÃÂȘte. D'ailleurs, se faisant du voile un bouclier, il le tendait à droite, à gauche, devant lui, par-derriÚre ; et ils n'imaginaient aucun expédient. Il marchait de plus en plus vite, s'engageant par les rues ouvertes. Elles étaient barrées avec des cordes, des chariots, des piÚges ; à chaque détour il revenait en arriÚre. Enfin il entra sur la place de Khamon, oÃÂč les Baléares avaient péri ; Mùtho s'arrÃÂȘta, pùlissant comme quelqu'un qui va mourir. Il était bien perdu cette fois ; la multitude battait des mains. Il courut jusqu'à la grande porte fermée. Elle était trÚs haute, tout en coeur de chÃÂȘne, avec des clous de fer et doublée d'airain. Mùtho se jeta contre. Le peuple trépignait de joie, voyant l'impuissance de sa fureur ; alors il prit sa sandale, cracha dessus et en souffleta les panneaux immobiles. La ville entiÚre hurla. On oubliait le voile maintenant, et ils allaient l'écraser. Mùtho promena sur la foule de grands yeux vagues. Ses tempes battaient à l'étourdir ; il se sentait envahi par l'engourdissement des gens ivres. Tout à coup il aperçut la longue chaÃne que l'on tirait pour manoeuvrer la bascule de la porte. D'un bond il s'y cramponna, en roidissant ses bras, en s'arc-boutant des pieds ; et, à la fin, les battants énormes s'entrouvrirent. Quand il fut dehors, il retira de son cou le grand zaïmph et l'éleva sur sa tÃÂȘte le plus haut possible. L'étoffe, soutenue par le vent de la mer, resplendissait au soleil avec ses couleurs, ses pierreries et la figure de ses dieux. Mùtho, le portant ainsi, traversa toute la plaine jusqu'aux tentes des soldats, et le peuple, sur les murs, regardait s'en aller la fortune de Carthage. - Chapitre 6 HANNON - - " J'aurais dû l'enlever ! " disait-il le soir à Spendius. - Il fallait la saisir, l'arracher de sa maison ! Personne n'eût osé rien contre moi ! " Spendius ne l'écoutait pas. Etendu sur le dos, il se reposait avec délices, prÚs d'une grande jarre pleine d'eau miellée, oÃÂč de temps à autre il se plongeait la tÃÂȘte pour boire plus abondamment. Mùtho reprit - " Que faire ? ... Comment rentrer dans Carthage ? " - " Je ne sais " , lui dit Spendius. Cette impassibilité l'exaspérait ; il s'écria - " Eh ! la faute vient de toi ! Tu m'entraÃnes, puis tu m'abandonnes, lùche que tu es ! Pourquoi donc t'obéirais-je ? Te crois-tu mon maÃtre ? Ah ! prostitueur, esclave, fils d'esclave ! " " Il grinçait des dents et levait sur Spendius sa large main. Le Grec ne répondit pas. Un lampadaire d'argile brûlait doucement contre le mùt de la tente, oÃÂč le zaïmph rayonnait dans la panoplie suspendue. Tout à coup, Mùtho chaussa ses cothurnes, boucla sa jaquette à lames d'airain, prit son casque. - " OÃÂč vas-tu ? " demanda Spendius. - " J'y retourne ! Laisse-moi ! Je la ramÚnerai ! Et s'ils se présentent je les écrase comme des vipÚres ! Je la ferai mourir, Spendius ! " Il répéta " Oui ! Je la tuerai ! tu verras, je la tuerai ! " Mais Spendius, qui tendait l'oreille, arracha brusquement le zaïmph et le jeta dans un coin, en accumulant par-dessus des toisons. On entendit un murmure de voix, des torches brillÚrent, et Narr'Havas entra, suivi d'une vingtaine d'hommes environ. Ils portaient des manteaux de laine blanche, de longs poignards, des colliers de cuir, des pendants d'oreilles en bois, des chaussures en peau d'hyÚne ; et, restés sur le seuil, ils s'appuyaient contre leurs lances comme des pasteurs qui se reposent. Narr'Havas était le plus beau de tous ; des courroies garnies de perles serraient ses bras minces ; le cercle d'or attachant autour de sa tÃÂȘte son large vÃÂȘtement retenait une plume d'autruche qui lui pendait par-derriÚre l'épaule un continuel sourire découvrait ses dents ; ses yeux semblaient aiguisés comme des flÚches, et il y avait dans toute sa personne quelque chose d'attentif et de léger. Il déclara qu'il venait se joindre aux Mercenaires, car la République menaçait depuis longtemps son royaume. Donc il avait intérÃÂȘt à secourir les Barbares, et il pouvait aussi leur ÃÂȘtre utile. - " Je vous fournirai des éléphants mes forÃÂȘts en sont pleines, du vin, de l'huile, de l'orge, des dattes, de la poix et du soufre pour les siÚges, vingt mille, fantassins et dix mille chevaux. Si je m'adresse à toi, Mùtho, c'est que la possession du zaïmph t'a rendu le premier de l'armée. " Il ajouta " Nous sommes d'anciens amis d'ailleurs. " Mùtho, cependant, considérait Spendius, qui écoutait assis sur les peaux de mouton, tout en faisant avec la tÃÂȘte de petits signes d'assentiment. Narr'Havas parlait. Il attestait les Dieux, il maudissait Carthage. Dans ses imprécations, il brisa un javelot. Tous ses hommes à la fois poussÚrent un grand hurlement, et Mùtho, emporté par cette colÚre, s'écria qu'il acceptait l'alliance. Alors on amena un taureau blanc avec une brebis noire, symbole du jour et symbole de la nuit. On les égorgea au bord d'une fosse. Quand elle fut pleine de sang ils y plongÚrent leurs bras. Puis Narr'Havas étala sa main sur la poitrine de Mùtho, et Mùtho la sienne sur la poitrine de Narr'Havas. Ils répétÚrent ce stigmate sur la toile de leurs tentes. Ensuite ils passÚrent la nuit à manger, et on brûla le reste des viandes avec la peau, les ossements, les cornes et les ongles. Une immense acclamation avait salué Mùtho lorsqu'il était revenu portant le voile de la Déesse ; ceux mÃÂȘmes qui n'étaient pas de la religion chananéenne sentirent à leur vague enthousiasme qu'un Génie survenait. Quant à chercher à s'emparer du zaïmph, aucun n'y songea ; la maniÚre mystérieuse dont il l'avait acquis suffisait, dans l'esprit des Barbares, à en légitimer la possession. Ainsi pensaient les soldats de race africaine. Les autres, dont la haine était moins vieille, ne savaient que résoudre. S'ils avaient eu des navires, ils se seraient immédiatement en allés. Spendius, Narr'Havas et Mùtho expédiÚrent des hommes à toutes les tribus du territoire punique. Carthage exténuait ces peuples. Elle en tirait des impÎts exorbitants ; et les fers, la hache ou la croix punissaient les retards et jusqu'aux murmures. Il fallait cultiver ce qui convenait à la République, fournir ce qu'elle demandait ; personne n'avait le droit de posséder une arme ; quand les villages se révoltaient, on vendait les habitants ; les gouverneurs étaient estimés comme des pressoirs d'aprÚs la quantité qu'ils faisaient rendre. Puis, au-delà des régions directement soumises à Carthage, s'étendaient les alliés ne payant qu'un médiocre tribut ; derriÚre les alliés vagabondaient les Nomades, qu'on pouvait lùcher sur eux. Par ce systÚme les récoltes étaient toujours abondantes, les haras savamment conduits, les plantations superbes. Le vieux Caton, un maÃtre en fait de labours et d'esclaves, quatre-vingt-douze ans plus tard, en fut ébahi, et le cri de mort qu'il répétait dans Rome n'était que l'exclamation d'une jalousie cupide. Durant la derniÚre guerre, les exactions avaient redoublé, si bien que les villes de Libye, presque toutes, s'étaient livrées à Régulus. Pour les punir, on avait exigé d'elles mille talents, vingt mille boeufs, trois cents sacs de poudre d'or, des avances de grains considérables, et les chefs des tribus avaient été mis en croix ou jetés aux lions. Tunis surtout exécrait Carthage ! Plus vieille que la métropole, elle ne lui pardonnait point sa grandeur ; elle se tenait en face de ses murs, accroupie dans la fange, au bord de l'eau, comme une bÃÂȘte venimeuse qui la regardait. Les déportations, les massacres et les épidémies ne l'affaiblissaient pas. Elle avait soutenu Archagate, fils d'AgathoclÚs. Les Mangeurs-de-choses-immondes, tout de suite, y trouvÚrent des armes. Les courriers n'étaient pas encore partis que dans les provinces une joie universelle éclata. Sans rien attendre, on étrangla dans les bains les intendants des maisons et les fonctionnaires de la République ; on retira des cavernes les vieilles armes que l'on cachait ; avec le fer des charrues on forgea des épées ; les enfants sur les portes aiguisaient des javelots, et les femmes donnÚrent leurs colliers, leurs bagues, leurs pendants d'oreilles, tout ce qui pouvait servir à la destruction de Carthage. Chacun y voulait contribuer. Les paquets de lances s'amoncelaient dans les bourgs, comme des gerbes de maïs. On expédia des bestiaux et de l'argent. Mùtho paya vite aux Mercenaires l'arrérage de leur solde, et cette idée de Spendius le fit nommer général en chef, schalischim des Barbares. En mÃÂȘme temps, les secours d'hommes affluaient. D'abord parurent les gens de race autochtone, puis les esclaves des campagnes. Des caravanes de NÚgres furent saisies, on les arma, et des marchands qui venaient à Carthage, dans l'espoir d'un profit plus certain, se mÃÂȘlÚrent aux Barbares. Il arrivait incessamment des bandes nombreuses. Des hauteurs de l'Acropole on voyait l'armée qui grossissait. Sur la plate-forme de l'aqueduc, les gardes de la Légion étaient postés en sentinelles ; et prÚs d'eux, de distance en distance, s'élevaient des cuves en airain oÃÂč bouillonnaient des flots d'asphalte. En bas, dans la plaine, la grande foule s'agitait tumultueusement. Ils étaient incertains, éprouvant cet embarras que la rencontre des murailles inspire toujours aux Barbares. Utique et Hippo-Zaryte refusÚrent leur alliance. Colonies phéniciennes comme Carthage, elles se gouvernaient elles-mÃÂȘmes, et, dans les traités que concluait la République, faisaient chaque fois admettre des clauses pour les en distinguer. Cependant elles respectaient cette soeur plus forte qui les protégeait, et elles ne croyaient point qu'un amas de Barbares fût capable de la vaincre ; ils seraient au contraire exterminés. Elles désiraient rester neutres et vivre tranquilles. Mais leur position les rendait indispensables. Utique, au fond d'un golfe, était commode pour amener dans Carthage les secours du dehors. Si Utique seule était prise, Hippo-Zaryte, à six heures plus loin sur la cÎte, la remplacerait, et la métropole, ainsi ravitaillée, se trouverait inexpugnable. Spendius voulait qu'on entreprÃt le siÚge immédiatement, Narr'Havas s'y opposa ; il fallait d'abord se porter sur la frontiÚre. C'était l'opinion des vétérans, celle de Mùtho lui-mÃÂȘme, et il fut décidé que Spendius irait attaquer Utique, Mùtho Hippo-Zaryte ; le troisiÚme corps d'armée, s'appuyant à Tunis, occuperait la plaine de Carthage ; Autharite s'en chargea. Quant à Narr'Havas, il devait retourner dans son royaume pour y prendre des éléphants, et avec sa cavalerie battre les routes. Les femmes criÚrent bien fort à cette décision ; elles convoitaient les bijoux des dames puniques. Les Libyens aussi réclamÚrent. On les avait appelés contre Carthage, et voilà qu'on s'en allait ! Les soldats presque seuls partirent. Mùtho commandait ses compagnons avec les Ibériens, les Lusitaniens, les hommes de l'Occident et des Ãles, et tous ceux qui parlaient grec avaient demandé Spendius, à cause de son esprit. La stupéfaction fut grande quand on vit l'armée se mouvoir tout à coup ; puis elle s'allongea sous la montagne de l'Ariane, par le chemin d'Utique, du cÎté de la mer. Un tronçon demeura devant Tunis, le reste disparut, et il reparut sur l'autre bord du golfe, à la lisiÚre des bois, oÃÂč il s'enfonça. Ils étaient quatre-vingt mille hommes, peut-ÃÂȘtre. Les deux cités tyriennes ne résisteraient pas ; ils reviendraient sur Carthage. Déjà une armée considérable l'entamait, en occupant l'isthme par la base, et bientÎt elle périrait affamée, car on ne pouvait vivre sans l'auxiliaire des provinces, les citoyens ne payant pas, comme à Rome, de contributions. Le génie politique manquait à Carthage. Son éternel souci du pain l'empÃÂȘchait d'avoir cette prudence que donnent les ambitions plus hautes. GalÚre ancrée sur le sable Libyque, elle s'y maintenait à force de travail. Les nations, comme des flots, mugissaient autour d'elle, et la moindre tempÃÂȘte ébranlait cette formidable machine. Le trésor se trouvait épuisé par la guerre romaine et par tout ce qu'on avait gaspillé, perdu, tandis qu'on marchandait les Barbares. Cependant il fallait des soldats et pas un gouvernement ne se fiait à la République. Ptolémée naguÚre lui avait refusé deux mille talents. D'ailleurs le rapt du voile les décourageait. Spendius l'avait bien prévu. Mais ce peuple, qui se sentait haï, étreignait sur son coeur, son argent et ses dieux ; et son patriotisme était entretenu par la constitution mÃÂȘme de son gouvernement. D'abord, le pouvoir dépendait de tous sans qu'aucun fût assez fort pour l'accaparer. Les dettes particuliÚres étaient considérées comme dettes publiques, les hommes de race chananéenne avaient le monopole du commerce ; en multipliant les bénéfices de la piraterie par ceux de l'usure, en exploitant rudement les terres, les esclaves et les pauvres, quelquefois on arrivait à la richesse. Elle ouvrait seule toutes les magistratures, et bien que la puissance et l'argent se perpétuassent dans les mÃÂȘmes familles, on tolérait l'oligarchie, parce qu'on avait l'espoir d'y atteindre. Les sociétés de commerçants, oÃÂč l'on élaborait les lois, choisissaient les inspecteurs des finances, qui, au sortir de leur charge, nommaient les cent membres du Conseil des Anciens, dépendant eux-mÃÂȘmes de la Grande Assemblée, réunion générale de tous les riches. Quant aux deux suffÚtes, à ces restes de rois, moindres que des consuls, ils étaient pris le mÃÂȘme jour dans deux familles distinctes. On les divisait par toutes sortes de haines, pour qu'ils s'affaiblissent réciproquement. Ils ne pouvaient délibérer sur la guerre ; et, quand ils étaient vaincus, le Grand-Conseil les crucifiait. Donc la force de Carthage émanait des Syssites, c'est-à -dire d'une grande cour au centre de Malqua, à l'endroit, disait-on, oÃÂč avait abordé la premiÚre barque de matelots phéniciens, la mer depuis lors s'étant beaucoup retirée. C'était un assemblage de petites chambres d'une architecture archaïque en troncs de palmier, avec des encoignures de pierre, et séparées les unes des autres pour recevoir isolément les différentes compagnies. Les Riches se tassaient là tout le jour pour débattre leurs intérÃÂȘts et ceux du gouvernement, depuis la recherche du poivre jusqu'à l'extermination de Rome. Trois fois par lune ils faisaient monter leurs lits sur la haute terrasse bordant le mur de la cour ; et d'en bas on les apercevait attablés dans les airs, sans cothurnes et sans manteaux, avec les diamants de leurs doigts qui se promenaient sur les viandes et leurs grandes boucles d'oreilles qui se penchaient entre les buires, - tous forts et gras, à moitié nus, heureux, riant et mangeant en plein azur, comme de gros requins qui s'ébattent dans la mer. Mais à présent ils ne pouvaient dissimuler leurs inquiétudes, ils étaient trop pùles ; la foule qui les attendait aux portes, les escortait jusqu'à leurs palais pour en tirer quelque nouvelle. Comme par les temps de peste, toutes les maisons étaient fermées ; les rues s'emplissaient, se vidaient soudain ; on montait à l'Acropole on courait vers le port ; chaque nuit le Grand-Conseil délibérait. Enfin le peuple fut convoqué sur la place de Kamon, et l'on décida de s'en remettre à Hannon, le vainqueur d'Hécatompyle. C'était un homme dévot, rusé, impitoyable aux gens d'Afrique, un vrai Carthaginois. Ses revenus égalaient ceux des Barca. Personne n'avait une telle expérience dans les choses de l'administration. Il décréta l'enrÎlement de tous les citoyens valides, il plaça des catapultes sur les tours, il exigea des provisions d'armes exorbitantes, il ordonna mÃÂȘme la construction de quatorze galÚres dont on n'avait pas besoin ; et il voulut que tout fût enregistré, soigneusement écrit. Il se faisait transporter à l'arsenal, au phare, dans le trésor des temples ; on apercevait toujours sa grande litiÚre qui, en se balançant de gradin en gradin, montait les escaliers de l'Acropole. Dans son palais, la nuit, comme il ne pouvait dormir, pour se préparer à la bataille, il hurlait, d'une voix terrible, des manoeuvres de guerre. Tout le monde, par excÚs de terreur, devenait brave. Les Riches, dÚs le chant des coqs, s'alignaient le long des Mappales ; et, retroussant leurs robes, ils s'exerçaient à manier la pique. Mais, faute d'instructeur, on se disputait. Ils s'asseyaient essoufflés sur les tombes, puis recommençaient. Plusieurs mÃÂȘme s'imposÚrent un régime. Les uns, s'imaginant qu'il fallait beaucoup manger pour acquérir des forces, se gorgeaient, et d'autres, incommodés par leur corpulence, s'exténuaient de jeûnes pour se faire maigrir. Utique avait déjà réclamé plusieurs fois les secours de Carthage. Mais Hannon ne voulait point partir tant que le dernier écrou manquait aux machines de guerre. Il perdit encore trois lunes à équiper les cent douze éléphants qui logeaient dans les remparts ; c'étaient les vainqueurs de Régulus ; le peuple les chérissait ; on ne pouvait trop bien agir envers ces vieux amis. Hannon fit refondre les plaques d'airain dont on garnissait leur poitrail, dorer leurs défenses, élargir leurs tours, et tailler dans la pourpre la plus belle des caparaçons bordés de franges trÚs lourdes. Enfin, comme on appelait leurs conducteurs des Indiens d'aprÚs les premiers, sans doute, venus des Indes, il ordonna que tous fussent costumés à la mode indienne, c'est-à -dire avec un bourrelet blanc autour des tempes et un petit caleçon de byssus qui formait, par ses plis transversaux, comme les deux valves d'une coquille appliquée sur les hanches. L'armée d'Autharite restait toujours devant Tunis. Elle se cachait derriÚre un mur fait avec la boue du lac et défendu au sommet par des broussailles épineuses. Des NÚgres y avaient planté çà et là , sur de grands bùtons, d'effroyables figures, masques humains composés avec des plumes d'oiseaux, tÃÂȘtes de chacal ou de serpents, qui bùillaient vers l'ennemi pour l'épouvanter ; - et, par ce moyen, s'estimant invincibles, les Barbares dansaient, luttaient, jonglaient, convaincus que Carthage ne tarderait pas à périr. Un autre qu'Hannon eût écrasé facilement cette multitude qu'embarrassaient des troupeaux et des femmes. D'ailleurs, ils ne comprenaient aucune manoeuvre, et Autharite découragé n'en exigeait plus rien. Ils s'écartaient, quand il passait en roulant ses gros yeux bleus. Puis, arrivé au bord du lac, il retirait son sayon en poil de phoque, dénouait la corde qui attachait ses longs cheveux rouges et les trempait dans l'eau. Il regrettait de n'avoir pas déserté chez les Romains avec les deux mille Gaulois du temple d'Eryx. Souvent, au milieu du jour, le soleil perdait ses rayons tout à coup. Alors, le golfe et la pleine mer semblaient immobiles comme du plomb fondu. Un nuage de poussiÚre brune, perpendiculairement étalé, accourait en tourbillonnant ; les palmiers se courbaient, le ciel disparaissait, on entendait rebondir des pierres sur la croupe des animaux ; et le Gaulois, les lÚvres collées contre les trous de sa tente, rùlait d'épuisement et de mélancolie. Il songeait à la senteur des pùturages par les matins d'automne, à des flocons de neige, aux beuglements des aurochs perdus dans le brouillard, et, fermant ses paupiÚres, il croyait apercevoir les feux des longues cabanes, couvertes de paille, trembler sur les marais, au fond des bois. D'autres que lui regrettaient la patrie, bien qu'elle ne fût pas aussi lointaine. En effet, les Carthaginois captifs pouvaient distinguer au-delà du golfe, sur les pentes de Byrsa, les velarium de leurs maisons, étendus dans les cours. Mais des sentinelles marchaient autour d'eux, perpétuellement. On les avait tous attachés à une chaÃne commune. Chacun portait un carcan de fer, et la foule ne se fatiguait pas de venir les regarder. Les femmes montraient aux petits enfants leurs belles robes en lambeaux qui pendaient sur leurs membres amaigris. Toutes les fois qu'Autharite considérait Giscon, une fureur le prenait au souvenir de son injure ; il l'eût tué sans le serment qu'il avait fait à Narr'Havas. Alors il rentrait dans sa tente, buvait un mélange d'orge et de cumin jusqu'à s'évanouir d'ivresse, - puis se réveillait au grand soleil, dévoré par une soif horrible. Mùtho cependant assiégeait Hippo-Zaryte. Mais la ville était protégée par un lac communiquant avec la mer. Elle avait trois enceintes, et sur les hauteurs qui la dominaient se développait un mur fortifié de tours. Jamais il n'avait commandé de pareilles entreprises. Puis la pensée de SalammbÎ l'obsédait, et il rÃÂȘvait dans les plaisirs de sa beauté, comme les délices d'une vengeance qui le transportait d'orgueil. C'était un besoin de la revoir, ùcre, furieux, permanent. Il songea mÃÂȘme à s'offrir comme parlementaire, espérant qu'une fois dans Carthage il parviendrait jusqu'à elle. Souvent il faisait sonner l'assaut, et, sans rien attendre, s'élançait sur le mÎle qu'on tùchait d'établir dans la mer. Il arrachait les pierres avec ses mains, bouleversait, frappait, enfonçait partout son épée. Les Barbares se précipitaient pÃÂȘle- mÃÂȘle ; les échelles rompaient avec un grand fracas, et des masses d'hommes s'écroulaient dans l'eau qui rejaillissait en flots rouges contre les murs. Enfin, le tumulte s'affaiblissait, et les soldats s'éloignaient pour recommencer. Mùtho allait s'asseoir en dehors des tentes ; il essuyait avec son bras sa figure éclaboussée de sang, et, tourné vers Carthage, il regardait l'horizon. En face de lui, dans les oliviers, les palmiers, les myrtes et les platanes, s'étalaient deux larges étangs qui rejoignaient un autre lac dont on n'apercevait pas les contours. DerriÚre une montagne surgissaient d'autres montagnes, et au milieu du lac immense, se dressait une Ãle toute noire et de forme pyramidale. Sur la gauche, à l'extrémité du golfe, des tas de sable semblaient de grandes vagues blondes arrÃÂȘtées, tandis que la mer, plate comme un dallage de lapis-lazuli, montait insensiblement jusqu'au bord du ciel. La verdure de la campagne disparaissait par endroits sous de longues plaques jaunes ; des caroubes brillaient comme des boutons de corail ; des pampres retombaient du sommet des sycomores ; on entendait le murmure de l'eau ; des alouettes huppées sautaient, et les derniers feux du soleil doraient la carapace des tortues, sortant des joncs pour aspirer la brise. Mùtho poussait de grands soupirs. Il se couchait à plat ventre ; il enfonçait ses ongles dans la terre et il pleurait ; il se sentait misérable, chétif, abandonné. Jamais il ne la posséderait, et il ne pouvait mÃÂȘme s'emparer d'une ville. La nuit, seul, dans sa tente, il contemplait le zaïmph. A quoi cette chose des Dieux lui servait-elle ? et des doutes survenaient dans la pensée du Barbare. Puis il lui semblait au contraire que le vÃÂȘtement de la Déesse dépendait de SalammbÎ, et qu'une partie de son ùme y flottait plus subtile qu'une haleine ; et il le palpait, le humait, s'y plongeait le visage, il le baisait en sanglotant. Il s'en recouvrait les épaules pour se faire illusion et se croire auprÚs d'elle. Quelquefois il s'échappait tout à coup ; à la clarté des étoiles, il enjambait les soldats qui dormaient, roulés dans leurs manteaux ; puis, aux portes du camp, il s'élançait sur un cheval, et, deux heures aprÚs, il se trouvait à Utique dans la tente de Spendius. D'abord, il parlait du siÚge ; mais il n'était venu que pour soulager sa douleur en causant de SalammbÎ Spendius l'exhortait à la sagesse. - " Repousse de ton ùme ces misÚres qui la dégradent ! Tu obéissais autrefois, à présent tu commandes une armée, et si Carthage n'est pas conquise, du moins on nous accordera des provinces, nous deviendrons des rois ! " Mais, comment la possession du zaïmph ne leur donnait-elle pas la victoire ? D'aprÚs Spendius, il fallait attendre. Mùtho s'imagina que le voile concernait exclusivement les hommes de race chananéenne, et, dans sa subtilité de Barbare, il se disait - " Donc le zaïmph ne fera rien pour moi ; mais, puisqu'ils l'ont perdu, il ne fera rien pour eux. " Ensuite, un scrupule le troubla, il avait peur, en adorant Aptouknos, le dieu des Libyens, d'offenser Moloch ; et il demanda timidement à Spendius auquel des deux il serait bon de sacrifier un homme. - " Sacrifie toujours ! " dit Spendius, en riant. Mùtho, qui ne comprenait point cette indifférence, soupçonna le Grec d'avoir un génie dont il ne voulait pas parler. Tous les cultes, comme toutes les races, se rencontraient dans ces armées de Barbares, et l'on considérait les dieux des autres, car ils effrayaient aussi. Plusieurs mÃÂȘlaient à leur religion natale des pratiques étrangÚres. On avait beau ne pas adorer les étoiles, telle constellation étant funeste ou secourable, on lui faisait des sacrifices ; une amulette inconnue, trouvée par hasard dans un péril, devenait une divinité ; ou bien c'était un nom, rien qu'un nom, et que l'on répétait sans mÃÂȘme chercher à comprendre ce qu'il pouvait dire. Mais, à force d'avoir pillé des temples, vu quantité de nations et d'égorgements, beaucoup finissaient par ne plus croire qu'au destin et à la mort ; et chaque soir ils s'endormaient dans la placidité des bÃÂȘtes féroces. Spendius aurait craché sur les images de Jupiter Olympien ; cependant il redoutait de parler haut dans les ténÚbres, et il ne manquait pas, tous les jours, de se chausser d'abord du pied droit. Il élevait, en face d'Utique, une longue terrasse quadrangulaire. Mais, à mesure qu'elle montait, le rempart grandissait aussi ; ce qui était abattu par les uns, presque immédiatement se trouvait relevé par les autres. Spendius ménageait ses hommes, rÃÂȘvait des plans ; il tùchait de se rappeler les stratagÚmes qu'il avait entendu raconter dans ses voyages. Pourquoi Narr'Havas ne revenait-il pas ? On était plein d'inquiétudes. Hannon avait terminé ses apprÃÂȘts. Par une nuit sans lune, il fit, sur des radeaux, traverser à ses éléphants et à ses soldats le golfe de Carthage. Puis ils tournÚrent la montagne des Eaux-Chaudes pour éviter Autharite, - et continuÚrent avec tant de lenteur qu'au lieu de surprendre les Barbares un matin, comme avait calculé le SuffÚte, on n'arriva qu'en plein soleil, dans la troisiÚme journée. Utique avait, du cÎté de l'orient, une plaine qui s'étendait jusqu'à la grande lagune de Carthage ; derriÚre elle, débouchait à angle droit une vallée comprise entre deux basses montagnes s'interrompant tout à coup ; les Barbares s'étaient campés plus loin sur la gauche, de maniÚre à bloquer le port ; et ils dormaient dans leurs tentes car ce jour-là les deux partis, trop las pour combattre, se reposaient, lorsque, au tournant des collines, l'armée carthaginoise parut. Des goujats munis de frondes étaient espacés sur les ailes. Les gardes de la Légion, sous leurs armures en écailles d'or, formaient la premiÚre ligne, avec leurs gros chevaux sans criniÚre, sans poil, sans oreilles et qui avaient au milieu du front une corne d'argent pour les faire ressembler à des rhinocéros. Entre leurs escadrons, des jeunes gens, coiffés d'un petit casque, balançaient dans chaque main un javelot de frÃÂȘne ; les longues piques de la lourde infanterie s'avançaient par-derriÚre. Tous ces marchands avaient accumulé sur leurs corps le plus d'armes possible on en voyait qui portaient à la fois une lance, une hache, une massue, deux glaives ; d'autres, comme des porcs-épics, étaient hérissés de dards, et leurs bras s'écartaient de leurs cuirasses en lames de corne ou en plaques de fer. Enfin apparurent les échafaudages des hautes machines carrobalistes, onagres, catapultes et scorpions, oscillant sur des chariots tirés par des mulets et des quadriges de boeufs - et à mesure que l'armée se développait, les capitaines, en haletant, couraient de droite et de gauche pour communiquer des ordres, faire joindre les files et maintenir les intervalles. Ceux des Anciens qui commandaient étaient venus avec des casques de pourpre dont les franges magnifiques s'embarrassaient dans les courroies de leurs cothurnes. Leurs visages, tout barbouillés de vermillon, reluisaient sous des casques énormes surmontés de dieux et, comme ils avaient des boucliers à bordure d'ivoire couverte de pierreries, on aurait dit des soleils qui passaient sur des murs d'airain. Les Carthaginois manoeuvraient si lourdement que les soldats, par dérision, les engagÚrent à s'asseoir. Ils criaient qu'ils allaient tout à l'heure vider leurs gros ventres, épousseter la dorure de leur peau et leur faire boire du fer. Au haut du mùt planté devant la tente de Spendius, un lambeau de toile verte apparut ; c'était le signal. L'armée carthaginoise y répondit par un grand tapage de trompettes, de cymbales, de flûtes en os d'ùne et de tympanons. Déjà les Barbares avaient sauté en dehors des palissades. On était à portée de javelot, face à face. Un frondeur baléare s'avança d'un pas, posa dans sa laniÚre une de ses balles d'argile, tourna son bras un bouclier d'ivoire éclata, et les deux armées se mÃÂȘlÚrent. Avec la pointe des lances, les Grecs, en piquant les chevaux aux naseaux, les firent se renverser sur leurs maÃtres. Les esclaves qui devaient lancer des pierres les avaient prises trop grosses ; elles retombaient prÚs d'eux. Les fantassins puniques, en frappant de taille avec leurs longues épées, se découvraient le flanc droit. Les Barbares enfoncÚrent leurs lignes ; ils les égorgeaient à plein glaive ; ils trébuchaient sur les moribonds et les cadavres, tout aveuglés par le sang qui leur jaillissait au visage. Ce tas de piques, de casques, de cuirasses, d'épées et de membres confondus tournait sur soi-mÃÂȘme, s'élargissant et se serrant avec des contractions élastiques. Les cohortes carthaginoises se trouÚrent de plus en plus, leurs machines ne pouvaient sortir des sables ; enfin la litiÚre du SuffÚte sa grande litiÚre à pendeloques de cristal, que l'on apercevait depuis le commencement, balancée dans les soldats comme une barque sur les flots, tout à coup sombra. Il était mort sans doute ? Les Barbares se trouvÚrent seuls. La poussiÚre autour d'eux tombait et ils commençaient à chanter, lorsque Hannon lui-mÃÂȘme parut au haut d'un éléphant. Il était nu-tÃÂȘte, sous un parasol de byssus, que portait un nÚgre derriÚre lui. Son collier, à plaques bleues battait sur les fleurs de sa tunique noire ; des cercles de diamants comprimaient ses bras énormes, et, la bouche ouverte, il brandissait une pique démesurée, épanouie par le bout comme un lotus et plus brillante qu'un miroir. AussitÎt la terre s'ébranla, - et les Barbares virent accourir, sur une seule ligne, tous les éléphants de Carthage avec leurs défenses dorées, les oreilles peintes en bleu, revÃÂȘtus de bronze, et secouant par-dessus leurs caparaçons d'écarlate des tours de cuir, oÃÂč dans chacune trois archers tenaient un grand arc ouvert. A peine si les soldats avaient leurs armes ; ils s'étaient rangés au hasard. Une terreur les glaça ; ils restÚrent indécis. Déjà du haut des tours on leur jetait des javelots, des flÚches, des phalariques, des masses de plomb ; quelques-uns, pour y monter, se cramponnaient aux franges des caparaçons. Avec des coutelas on leur abattait les mains, et ils tombaient à la renverse sur des glaives tendus. Les piques trop faibles se rompaient, les éléphants passaient dans les phalanges comme des sangliers dans des touffes d'herbes ; ils arrachÚrent les pieux du camp avec leurs trompes, le traversÚrent d'un bout à l'autre en renversant les tentes sous leurs poitrails ; tous les Barbares avaient fui. Ils se cachaient dans les collines qui bordent la vallée par oÃÂč les Carthaginois étaient venus. Hannon vainqueur se présenta devant les portes d'Utique. Il fit sonner de la trompette. Les trois Juges de la ville parurent, au sommet d'une tour, dans la baie des créneaux. Les gens d'Utique ne voulaient point recevoir chez eux des hÎtes aussi bien armés. Hannon s'emporta. Enfin ils consentirent à l'admettre avec une faible escorte. Les rues se trouvÚrent trop étroites pour les éléphants. Il fallut les laisser dehors. DÚs que le SuffÚte fut dans la ville, les principaux le vinrent saluer. Il se fit conduire aux étuves, et appela ses cuisiniers. Trois heures aprÚs, il était encore enfoncé dans l'huile de cinnamome dont on avait rempli la vasque ; et, tout en se baignant, il mangeait, sur une peau de boeuf étendue, des langues de phénicoptÚres avec des graines de pavot assaisonnées au miel. PrÚs de lui, son médecin qui, immobile dans une longue robe jaune, faisait de temps à autre réchauffer l'étuve, et deux jeunes garçons penchés sur les marches du bassin, lui frottaient les jambes. Mais les soins de son corps n'arrÃÂȘtaient pas son amour de la chose publique, et il dictait une lettre pour le Grand-Conseil, et, comme on venait de faire des prisonniers, il se demandait quel chùtiment terrible inventer. - " ArrÃÂȘte ! " dit-il à un esclave qui écrivait, debout, dans le creux de sa main. " Qu'on m'en amÚne ! Je veux les voir. " Et du fond de la salle emplie d'une vapeur blanchùtre oÃÂč les torches jetaient des taches rouges, on poussa trois Barbares un Samnite, un Spartiate et un Cappadocien. - " Continue ! " dit Hannon. - " Réjouissez-vous, lumiÚre des Baals ! votre suffÚte a exterminé les chiens voraces ! Bénédictions sur la République ! Ordonnez des priÚres ! " Il aperçut les captifs, et alors éclatant de rire - " Ah ! ah ! mes braves de Sicca ! Vous ne criez plus si fort aujourd'hui ! C'est moi ! Me reconnaissez-vous ? OÃÂč sont donc vos épées ? Quels hommes terribles, vraiment ! " Et il feignait de se vouloir cacher, comme s'il en avait peur. - " Vous demandiez des chevaux, des femmes, des terres, des magistratures, sans doute, et des sacerdoces ! Pourquoi pas ? Eh bien, je vous en fournirai, des terres, et dont jamais vous ne sortirez ! On vous mariera à des potences toutes neuves ! Votre solde ? on vous la fondra dans la bouche en lingots de plomb ! et je vous mettrai à de bonnes places, trÚs hautes, au milieu des nuages, pour ÃÂȘtre rapprochés des aigles ! " Les trois Barbares, chevelus et couverts de guenilles, le regardaient sans comprendre ce qu'il disait. Blessés aux genoux, on les avait saisis en leur jetant des cordes, et les grosses chaÃnes de leurs mains traÃnaient par le bout, sur les dalles. Hannon s'indigna de leur impassibilité. - " A genoux ! à genoux ! chacals ! poussiÚre ! vermine ! excréments ! Et ils ne répondent pas ! Assez ! taisez-vous ! Qu'on les écorche vifs ! Non ! Tout à l'heure ! " Il soufflait comme un hippopotame, en roulant ses yeux. L'huile parfumée débordait sous la masse de son corps, et, se collant contre les écailles de sa peau, à la lueur des torches, la faisait paraÃtre rose. Il reprit - " Nous avons, pendant quatre jours, grandement souffert du soleil. Au passage du Macar, des mulets se sont perdus. Malgré leur position, le courage extraordinaire... Ah ! Demonades ! comme je souffre ! Qu'on réchauffe les briques, et qu'elles soient rouges ! " On entendit un bruit de rùteaux et de fourneaux. L'encens fuma plus fort dans les larges cassolettes, et les masseurs tout nus, qui suaient comme des éponges, lui écrasÚrent sur les articulations une pùte composée avec du froment, du soufre, du vin noir, du lait de chienne, de la myrrhe, du galbanum et du styrax. Une soif incessante le dévorait ; l'homme vÃÂȘtu de jaune ne céda pas à cette envie, et, lui tendant une coupe d'or oÃÂč fumait un bouillon de vipÚre - " Bois ! " dit-il, " pour que la force des serpents, nés du soleil, pénÚtre dans la moelle de tes os, et prends courage, Î reflet des Dieux ! Tu sais d'ailleurs qu'un prÃÂȘtre d'Eschmoûn observe autour du Chien les étoiles cruelles d'oÃÂč dérive ta maladie. Elles pùlissent comme les macules de ta peau, et tu n'en dois pas mourir. " - " Oh ! oui, n'est-ce pas ? " répéta le SuffÚte, " je n'en dois pas mourir ! " Et de ses lÚvres violacées s'échappait une haleine plus nauséabonde que l'exhalaison d'un cadavre. Deux charbons semblaient brûler à la place de ses yeux, qui n'avaient plus de sourcils ; un amas de peau rugueuse lui pendait sur le front ; ses deux oreilles, en s'écartant de sa tÃÂȘte, commençaient à grandir, et les rides profondes qui formaient des demi-cercles autour de ses narines lui donnaient un aspect étrange et effrayant, l'air d'une bÃÂȘte farouche. Sa voix dénaturée ressemblait à un rugissement ; il dit - " Tu as peut-ÃÂȘtre raison, Demonades ? En effet, voilà bien des ulcÚres qui se sont fermés. Je me sens robuste. Tiens ! regarde comme je mange ! " Et moins par gourmandise que par ostentation, et pour se prouver à lui- mÃÂȘme qu'il se portait bien, il entamait les farces de fromage et d'origan, les poissons désossés, les courges, les huÃtres, avec des oeufs, des raiforts, des truffes et des brochettes de petits oiseaux. Tout en regardant les prisonniers, il se délectait dans l'imagination de leur supplice. Cependant il se rappelait Sicca, et la rage de toutes ses douleurs s'exhalait en injures contre ces trois hommes. - " Ah ! traÃtres ! ah ! misérables ! infùmes ! maudits ! Et vous m'outragiez, moi ! moi ! le SuffÚte ! Leurs services, le prix de leur sang, comme ils disent ! Ah ! oui ! leur sang ! leur sang ! " Puis, se parlant à lui-mÃÂȘme - " Tous périront ! on n'en vendra pas un seul ! Il vaudrait mieux les conduire à Carthage ! on me verrait... mais je n'ai pas, sans doute, emporté assez de chaÃnes ? Ecris envoyez-moi ... Combien sont- ils ? qu'on aille le demander à Muthumbal ! Va ! pas de pitié ! et qu'on m'apporte dans des corbeilles toutes leurs mains coupées ! " Mais des cris bizarres, à la fois rauques et aigus, arrivaient dans la salle, par-dessus la voix d'Hannon et le retentissement des plats que l'on posait autour de lui. Ils redoublÚrent, et tout à coup le barrissement furieux des éléphants éclata, comme si la bataille recommençait. Un grand tumulte entourait la ville. Les Carthaginois n'avaient point cherché à poursuivre les Barbares. Ils s'étaient établis au pied des murs, avec leurs bagages, leurs valets, tout leur train de satrapes, et ils se réjouissaient sous leurs belles tentes à bordures de perles, tandis que le camp des Mercenaires ne faisait plus dans la plaine qu'un amas de ruines. Spendius avait repris son courage. Il expédia Zarxas vers Mùtho, parcourut les bois, rallia ses hommes les pertes n'étaient pas considérables, - et enragés d'avoir été vaincus sans combattre, ils reformaient leurs lignes, quand on découvrit une cuve de pétrole, abandonnée sans doute par les Carthaginois. Alors Spendius fit enlever des porcs dans les métairies, les barbouilla de bitume, y mit le feu et les poussa vers Utique. Les éléphants, effrayés par ces flammes, s'enfuirent. Le terrain montait, on leur jetait des javelots, ils revinrent en arriÚre ; - et à grands coups d'ivoire et sous leurs pieds, ils éventraient les Carthaginois, les étouffaient, les aplatissaient. DerriÚre eux, les Barbares descendaient la colline ; le camp punique, sans retranchements, dÚs la premiÚre charge fut saccagé, et les Carthaginois se trouvÚrent écrasés contre les portes, car on ne voulut pas les ouvrir dans la peur des Mercenaires. Le jour se levait ; on vit, du cÎté de l'Occident, arriver les fantassins de Mùtho. En mÃÂȘme temps des cavaliers parurent ; c'était Narr'Havas avec ses Numides. Sautant par-dessus les ravins et les buissons, ils forçaient les fuyards comme des lévriers qui chassent des liÚvres. Ce changement de fortune interrompit le SuffÚte. Il cria pour qu'on vÃnt l'aider à sortir de l'étuve. Les trois captifs étaient toujours devant lui. Alors un nÚgre le mÃÂȘme qui, dans la bataille, portait son parasol se pencha vers son oreille. - " Eh bien ! . . ? ... " répondit le SuffÚte lentement. - " Ah ! tue-les ! " ajouta-t-il d'un ton brusque. L'Ethiopien tira de sa ceinture un long poignard et les trois tÃÂȘtes tombÚrent. Une d'elles, en rebondissant parmi les épluchures du festin, alla sauter dans la vasque, et elle y flotta quelque temps, la bouche ouverte et les yeux fixes. Les lueurs du matin entraient par les fentes du mur ; les trois corps, couchés sur leur poitrine, ruisselaient à gros bouillons comme trois fontaines, et une nappe de sang coulait sur les mosaïques, sablées de poudre bleue. Le SuffÚte trempa sa main dans cette fange toute chaude, et il s'en frotta les genoux c'était un remÚde. Le soir venu, il s'échappa de la ville avec son escorte, puis s'engagea dans la montagne, pour rejoindre son armée. Il parvint à en retrouver les débris. Quatre jours aprÚs, il était à Gorza, sur le haut d'un défilé, quand les troupes de Spendius se présentÚrent en bas. Vingt bonnes lances, en attaquant le front de leur colonne, les eussent facilement arrÃÂȘtées ; les Carthaginois les regardÚrent passer tout stupéfaits. Hannon reconnut à l'arriÚre-garde le roi des Numides ; Narr'Havas s'inclina pour le saluer, en faisant un signe qu'il ne comprit pas. On s'en revint à Carthage avec toutes sortes de terreurs. On marchait la nuit seulement ; le jour on se cachait dans les bois d'oliviers. A chaque étape quelques-uns mouraient ; ils se crurent perdus plusieurs fois. Enfin ils atteignirent le cap Hermaeum, oÃÂč des vaisseaux vinrent les prendre. Hannon était si fatigué, si désespéré, - la perte des éléphants surtout l'accablait, - qu'il demanda, pour en finir, du poison à Demonades. D'ailleurs, il se sentait déjà tout étendu sur sa croix. Carthage n'eut pas la force de s'indigner contre lui. On avait perdu quatre cent mille neuf cent soixante-douze sicles d'argent, quinze mille six cent vingt-trois shekels d'or, dix-huit éléphants, quatorze membres du Grand- Conseil, trois cents Riches, huit mille citoyens, du blé pour trois lunes, un bagage considérable et toutes les machines de guerre ! La défection de Narr'Havas était certaine, les deux siÚges recommençaient. L'armée d'Autharite s'étendait maintenant de Tunis à RhadÚs. Du haut de l'Acropole, on apercevait dans la campagne de longues fumées montant jusqu'au ciel ; c'étaient les chùteaux des Riches qui brûlaient. Un homme, seul, aurait pu sauver la République. On se repentit de l'avoir méconnu, et le parti de la paix, lui-mÃÂȘme, vota les holocaustes pour le retour d'Hamilcar. La vue du zaïmph avait bouleversé SalammbÎ. Elle croyait la nuit entendre les pas de la Déesse, et elle se réveillait épouvantée en jetant des cris. Elle envoyait tous les jours porter de la nourriture dans les temples. Taanach se fatiguait à exécuter ses ordres, et Schahabarim ne la quittait plus. - Chapitre 7 HAMILCAR BARCA - L'Annonciateur-des-Lunes qui veillait toutes les nuits au haut du temple d'Eschmoûn, pour signaler avec sa trompette les agitations de l'astre, aperçut un matin, du cÎté de l'Occident, quelque chose de semblable à un oiseau frÎlant de ses longues ailes la surface de la mer. C'était un navire à trois rangs de rames ; il y avait à la proue un cheval sculpté. Le soleil se levait ; l'Annonciateur-des-Lunes mit sa main devant les yeux ; puis saisissant à plein bras son clairon, il poussa sur Carthage un grand cri d'airain. De toutes les maisons des gens sortirent ; on ne voulait pas en croire les paroles, on se disputait, le mÎle était couvert de peuple. Enfin on reconnut la trirÚme d'Hamilcar. Elle s'avançait d'une façon orgueilleuse et farouche, l'antenne toute droite, la voile bombée dans la longueur du mùt, en fendant l'écume autour d'elle ; ses gigantesques avirons battaient l'eau en cadence ; de temps à autre l'extrémité de sa quille, faite comme un soc de charrue, apparaissait, et sous l'éperon qui terminait sa proue, le cheval à tÃÂȘte d'ivoire, en dressant ses deux pieds, semblait courir sur les plaines de la mer. Autour du promontoire, comme le vent avait cessé, la voile tomba, et l'on aperçut auprÚs du pilote un homme debout, tÃÂȘte nue ; c'était lui, le suffÚte Hamilcar ! Il portait autour des flancs des lames de fer qui reluisaient ; un manteau rouge s'attachant à ses épaules laissait voir ses bras ; deux perles trÚs longues pendaient à ses oreilles, et il baissait sur sa poitrine sa barbe noire, touffue. Cependant la galÚre ballottée au milieu des rochers cÎtoyait le mÎle, et la foule la suivait sur les dalles en criant - " Salut ! bénédiction ! Oeil de Khamon ! ah ! délivre-nous ! C'est la faute des Riches ! ils veulent te faire mourir ! Prends garde à toi, Barca ! " Il ne répondait pas, comme si la clameur des océans et des batailles l'eût complÚtement assourdi. Mais quand il fut sous l'escalier qui descendait de l'Acropole, Hamilcar releva la tÃÂȘte et, les bras croisés, il regarda le temple d'Eschmoûn. Sa vue monta plus haut encore, dans le grand ciel pur ; d'une voix ùpre, il cria un ordre à ses matelots ; la trirÚme bondit ; elle érafla l'idole établie à l'angle du mÎle pour arrÃÂȘter les tempÃÂȘtes ; et dans le port marchand plein d'immondices, d'éclats de bois et d'écorces de fruits, elle refoulait, éventrait les autres navires amarrés à des pieux et finissant par des mùchoires de crocodile. Le peuple accourait, quelques- uns se jetÚrent à la nage. Déjà elle se trouvait au fond, devant la porte hérissée de clous. La porte se leva, et la trirÚme disparut sous la voûte profonde. Le Port-Militaire était complÚtement séparé de la ville ; quand des ambassadeurs arrivaient, il leur fallait passer entre deux murailles, dans un couloir qui débouchait à gauche, devant le temple de Khamoûn. Cette grande place d'eau, ronde comme une coupe, avait une bordure de quais oÃÂč étaient bùties des loges abritant les navires. En avant de chacune d'elles montaient deux colonnes, portant à leur chapiteau des cornes d'Ammon, ce qui formait une continuité des portiques tout autour du bassin. Au milieu, dans une Ãle, s'élevait une maison pour le SuffÚte-de-la-mer. L'eau était si limpide que l'on apercevait le fond pavé de cailloux blancs. Le bruit des rues n'arrivait pas jusque-là , et Hamilcar, en passant, reconnaissait les trirÚmes qu'il avait autrefois commandées. Il n'en restait plus qu'une vingtaine peut-ÃÂȘtre, à l'abri, par terre, penchées sur le flanc ou droites sur la quille, avec des poupes trÚs hautes et des proues bombées, couvertes de dorures et de symboles mystiques. Les chimÚres avaient perdu leurs ailes, les Dieux-PatÊques leurs bras, les taureaux leurs cornes d'argent ; - et toutes à moitié dépeintes, inertes, pourries, mais pleines d'histoires et exhalant encore la senteur des voyages, comme des soldats mutilés qui revoient leur maÃtre, elles semblaient lui dire - " C'est nous ! c'est nous ! et toi aussi tu es vaincu ! " Nul, hormis le SuffÚte-de-la-mer , ne pouvait entrer dans la maison- amiral. Tant qu'on n'avait pas la preuve de sa mort, on le considérait comme existant toujours. Les Anciens évitaient par là un maÃtre de plus, et ils n'avaient pas manqué pour Hamilcar d'obéir à la coutume. Le SuffÚte s'avança dans les appartements déserts. A chaque pas il retrouvait des armures, des meubles, des objets connus qui l'étonnaient cependant, et mÃÂȘme sous le vestibule il y avait encore, dans une cassolette, la cendre des parfums allumés au départ pour conjurer Melkarth. Ce n'était pas ainsi qu'il espérait revenir. ! Tout ce qu'il avait fait, tout ce qu'il avait vu se déroula dans sa mémoire les assauts, les incendies, les légions, les tempÃÂȘtes Drépanum, Syracuse, Lilybée, le mont Etna, le plateau d'Eryx, cinq ans de batailles, - jusqu'au jour funeste oÃÂč, déposant les armes, avait il perdu la Sicile. Puis il revoyait des bois de citronniers, des pasteurs avec des chÚvres sur des montagnes grises ; et son coeur bondissait à l'imagination d'une autre Carthage établie là -bas. Ses projets, ses souvenirs bourdonnaient dans sa tÃÂȘte, encore étourdie par le tangage du vaisseau ; une angoisse l'accablait, et devenu faible, tout à coup, il sentit le besoin de se rapprocher des Dieux. Alors il monta au dernier étage de sa maison ; puis ayant retiré d'une coquille d'or suspendue à son bras une spatule garnie de clous, il ouvrit une petite chambre ovale. De minces rondelles noires, encastrées dans la muraille et transparentes comme du verre, l'éclairaient doucement. Entre les rangs de ces disques égaux, des trous étaient creusés, pareils à ceux des urnes dans les columbarium. Ils contenaient chacun une pierre ronde, obscure, et qui paraissait trÚs lourde. Les gens d'un esprit supérieur, seuls, honoraient ces abaddirs tombés de la lune. Par leur chute, ils signifiaient les astres, le ciel, le feu ; par leur couleur, la nuit ténébreuse, et par leur densité, la cohésion des choses terrestres. Une atmosphÚre étouffante emplissait ce lieu mystique. Du sable marin, que le vent avait poussé sans doute à travers la porte, blanchissait un peu les pierres rondes posées dans les niches. Hamilcar, du bout de son doigt, les compta les unes aprÚs les autres ; puis il se cacha le visage sous un voile de couleur safran, et, tombant à genoux, il s'étendit par terre, les deux bras allongés. Le jour extérieur frappait contre les feuilles de laitier noir. Des arborescences, des monticules, des tourbillons, de vagues animaux se dessinaient dans leur épaisseur diaphane ; et la lumiÚre arrivait, effrayante et pacifique cependant, comme elle doit ÃÂȘtre par-derriÚre le soleil, dans les mornes espaces des créations futures. Il s'efforçait à bannir de sa pensée toutes les formes, tous les symboles et les appellations des Dieux, afin de mieux saisir l'esprit immuable que les apparences dérobaient. Quelque chose des vitalités planétaires le pénétrait, tandis qu'il sentait pour la mort et pour tous les hasards un dédain plus savant et plus intime. Quand il se releva, il était plein d'une intrépidité sereine, invulnérable à la miséricorde, à la crainte, et comme sa poitrine étouffait, il alla sur le sommet de la tour qui dominait Carthage. La ville descendait en se creusant par une courbe longue, avec ses coupoles, ses temples, ses toits d'or, ses maisons, ses touffes de palmiers, çà et là , ses boules de verre d'oÃÂč jaillissaient des feux, et les remparts faisaient comme la gigantesque bordure de cette corne d'abondance qui s'épanchait vers lui. Il apercevait en bas les ports, les places, l'intérieur des cours, le dessin des rues, les hommes tout petits presque à ras des dalles. Ah ! Si Hannon n'était pas arrivé trop tard le matin des Ãles Aegates ? Ses yeux plongÚrent dans l'extrÃÂȘme horizon, et il tendit du cÎté de Rome ses deux bras frémissants. La multitude occupait les degrés de l'Acropole. Sur la place de Khamon on se poussait pour voir le SuffÚte sortir, les terrasses peu à peu se chargeaient de monde ; quelques-uns le reconnurent, on le saluait, il se retira, afin d'irriter mieux l'impatience du peuple. Hamilcar trouva en bas, dans la salle, les hommes les plus importants de son parti Istatten, Subeldia, Hictamon, Yeoubas et d'autres. Ils lui racontÚrent tout ce qui s'était passé depuis la conclusion de la paix l'avarice des Anciens, le départ des soldats, leur retour, leurs exigences, la capture de Giscon, le vol du zaïmph, Utique secourue, puis abandonnée ; mais aucun n'osa lui dire les événements qui le concernaient. Enfin on se sépara, pour se revoir pendant la nuit à l'assemblée des Anciens, dans le temple de Moloch. Ils venaient de sortir quand un tumulte s'éleva en dehors, à la porte. Malgré les serviteurs, quelqu'un voulait entrer ; et comme le tapage redoublait, Hamilcar commanda d'introduire l'inconnu. On vit paraÃtre une vieille négresse, cassée, ridée, tremblante, l'air stupide, et enveloppée jusqu'aux talons dans de larges voiles bleus. Elle s'avança en face du SuffÚte, ils se regardÚrent l'un l'autre quelque temps ; tout à coup Hamilcar tressaillit ; sur un geste de sa main, les esclaves s'en allÚrent. Alors, lui faisant signe de marcher avec précaution, il l'entraÃna par le bras dans une chambre lointaine. La négresse se jeta par terre, à ses pieds pour les baiser ; il la releva brutalement. - " OÃÂč l'as-tu laissé, Iddibal ? " - " Là -bas, MaÃtre " ; et en se débarrassant de ses voiles, avec sa manche elle se frotta la figure ; la couleur noire, le tremblement sénile, la taille courbée, tout disparut. C'était un robuste vieillard, dont la peau semblait tannée par le sable, le vent et la mer. Une houppe de cheveux blancs se levait sur son crùne, comme l'aigrette d'un oiseau ; et, d'un coup d'oeil ironique, il montrait par terre le déguisement tombé. - " Tu as bien fait, Iddibal ! C'est bien ! - " Puis, comme le perçant de son regard aigu " Aucun encore ne se doute ? " Le vieillard lui jura par les Kabyres que le mystÚre était gardé. Ils ne quittaient pas leur cabane à trois jours d'HadrumÚte, rivage peuplé de tortues avec des palmiers sur la dune. - " Et selon ton ordre, Î MaÃtre ! je lui apprends à lancer des javelots et à conduire des attelages ! " - " Il est fort, n'est-ce pas ? " - " Oui, MaÃtre, et intrépide aussi ! Il n'a peur ni des serpents, ni du tonnerre, ni des fantÎmes. Il court pieds nus, comme un pùtre, sur le bord des précipices. " - " Parle ! Parle ! " - " Il invente des piÚges pour les bÃÂȘtes farouches. L'autre lune, croirais- tu, il a surpris un aigle ; il le traÃnait, et le sang de l'oiseau et le sang de l'enfant s'éparpillaient dans l'air en larges gouttes, telles que des roses emportées. La bÃÂȘte, furieuse, l'enveloppait du battement de ses ailes ; il l'étreignait contre sa poitrine, et à mesure qu'elle agonisait ses rires redoublaient, éclatants et superbes comme des chocs d'épées. " Hamilcar baissait la tÃÂȘte, ébloui par ces présages de grandeur. - " Mais, depuis quelque temps, une inquiétude l'agite. Il regarde au loin les voiles qui passent sur la mer ; il est triste, il repousse le pain, il s'informe des Dieux et il veut connaÃtre Carthage ! " - " Non ! non ! pas encore ! " s'écria le SuffÚte. Le vieil esclave parut savoir le péril qui effrayait Hamilcar, et il reprit - " Comment le retenir ? Il me faut déjà lui faire des promesses, et je ne suis venu à Carthage que pour lui acheter un poignard à manche d'argent avec des perles tout autour. " Puis il conta qu'ayant aperçu le SuffÚte sur la terrasse, il s'était donné aux gardiens du port pour une des femmes de SalammbÎ, afin de pénétrer jusqu'à lui. Hamilcar resta longtemps comme perdu dans ses délibérations ; enfin il dit - " Demain tu te présenteras à Mégara, au coucher du soleil, derriÚre les fabriques de pourpre, en imitant par trois fois le cri d'un chacal. Si tu ne me vois pas, le premier jour de chaque lune tu reviendras à Carthage. N'oublie rien ! Aime-le ! Maintenant, tu peux lui parler d'Hamilcar. " L'esclave reprit son costume, et ils sortirent ensemble de la maison et du port. Hamilcar continua seul à pied, sans escorte, car les réunions des Anciens étaient, dans les circonstances extraordinaires, toujours secrÚtes, et l'on s'y rendait mystérieusement. D'abord il longea la face orientale de l'Acropole, passa ensuite par le Marché-aux-herbes, les galeries de Kinsido, le Faubourg-des- parfumeurs. Les rares lumiÚres s'éteignaient, les rues plus larges se faisaient silencieuses, puis des ombres glissÚrent dans les ténÚbres. Elles le suivaient, d'autres survinrent, et toutes se dirigeaient comme lui du cÎté des Mappales. Le temple de Moloch était bùti au pied d'une gorge escarpée, dans un endroit sinistre. On n'apercevait d'en bas que de hautes murailles montant indéfiniment, telles que les parois d'un monstrueux tombeau. La nuit était sombre, un brouillard grisùtre semblait peser sur la mer. Elle battait contre la falaise avec un bruit de rùles et de sanglots ; et des ombres peu à peu s'évanouissaient comme si elles eussent passé à travers les murs. Mais, sitÎt qu'on avait franchi la porte, on se trouvait dans une vaste cour quadrangulaire, que bordaient des arcades. Au milieu, se levait une masse d'architecture à huit pans égaux. Des coupoles la surmontaient en se tassant autour d'un second étage qui supportait une maniÚre de rotonde, d'oÃÂč s'élançait un cÎne à courbe rentrante, terminé par une boule au sommet. Des feux brûlaient dans des cylindres en filigrane emmanchés à des perches que portaient des hommes. Ces lueurs vacillaient sous les bourrasques du vent et rougissaient les peignes d'or fixant à la nuque leurs cheveux tressés. Ils couraient, s'appelaient pour recevoir les Anciens. Sur les dalles, de place en place, étaient accroupis comme des sphinx des lions énormes, symboles vivants du Soleil dévorateur. Ils sommeillaient, les paupiÚres entre-closes. Mais réveillés par les pas et par les voix, ils se levaient lentement, venaient vers les Anciens, qu'ils reconnaissaient à leur costume, se frottaient contre leurs cuisses en bombant le dos avec des bùillements sonores ; la vapeur de leur haleine passait sur la lumiÚre des torches. L'agitation redoubla, des portes se fermÚrent, tous les prÃÂȘtres s'enfuirent, et les Anciens disparurent sous les colonnes qui faisaient autour du temple un vestibule profond. Elles étaient disposées de façon à reproduire par leurs rangs circulaires, compris les uns dans les autres, la période saturnienne contenant les années, les années les mois, les mois les jours, et se touchaient à la fin contre la muraille du sanctuaire. C'était là que les Anciens déposaient leurs bùtons en corne de narval, - car une loi toujours observée punissait de mort celui qui entrait à la séance avec une arme quelconque. Plusieurs portaient au bas de leur vÃÂȘtement une déchirure arrÃÂȘtée par un galon de pourpre, pour bien montrer qu'en pleurant la mort de leurs proches ils n'avaient point ménagé leurs habits, et ce témoignage d'affliction empÃÂȘchait la fente de s'agrandir. D'autres gardaient leur barbe enfermée dans un petit sac de peau violette, que deux cordons attachaient aux oreilles. Tous s'abordÚrent en s'embrassant poitrine contre poitrine. Ils entouraient Hamilcar, ils le félicitaient ; on aurait dit des frÚres qui revoient leur frÚre. Ces hommes étaient généralement trapus, avec des nez recourbés comme ceux des colosses assyriens. Quelques-uns cependant, par leurs pommettes plus saillantes, leur taille plus haute et leurs pieds plus étroits, trahissaient une origine africaine, des ancÃÂȘtres nomades. Ceux qui vivaient continuellement au fond de leurs comptoirs avaient le visage pùle ; d'autres gardaient sur eux comme la sévérité du désert, et d'étranges joyaux scintillaient à tous les doigts de leurs mains, hùlés par les soleils inconnus. On distinguait des navigateurs au balancement de leur démarche, tandis que les hommes d'agriculture sentaient le pressoir, les herbes sÚches et la sueur de mulet. Ces vieux pirates faisaient labourer des campagnes, ces ramasseurs d'argent équipaient des navires, ces propriétaires de culture nourrissaient des esclaves exerçant des métiers. Tous étaient savants dans les disciplines religieuses, experts en stratagÚmes, impitoyables et riches. Ils avaient l'air fatigués par de longs soucis. Leurs yeux pleins de flammes regardaient avec défiance, et l'habitude des voyages et du mensonge, du trafic et du commandement, donnait à toute leur personne un aspect de ruse et de violence, une sorte de brutalité discrÚte et convulsive. D'ailleurs, l'influence du Dieu les assombrissait. Ils passÚrent d'abord par une salle voûtée, qui avait la forme d'un oeuf. Sept portes, correspondant aux sept planÚtes, étalaient contre sa muraille sept carrés de couleur différente. AprÚs une longue chambre, ils entrÚrent dans une autre salle pareille. Un candélabre tout couvert de fleurs ciselées brûlait au fond, et chacune de ses huit branches en or portait dans un calice de diamants une mÚche de byssus. Il était posé sur la derniÚre des longues marches qui allaient vers un grand autel, terminé aux angles par des cornes d'airain. Deux escaliers latéraux conduisaient à son sommet aplati ; on n'en voyait pas les pierres ; c'était comme une montagne de cendres accumulées, et quelque chose d'indistinct fumait dessus, lentement. Puis au-delà , plus haut que le candélabre, et bien plus haut que l'autel, se dressait le Moloch, tout en fer, avec sa poitrine d'homme oÃÂč bùillaient des ouvertures. Ses ailes ouvertes s'étendaient sur le mur, ses mains allongées descendaient jusqu'à terre ; trois pierres noires, que bordait un cercle jaune, figuraient trois prunelles à son front, et, comme pour beugler, il levait dans un effort terrible sa tÃÂȘte de taureau. Autour de l'appartement étaient rangés des escabeaux d'ébÚne. DerriÚre chacun d'eux, une tige en bronze posant sur trois griffes supportait un flambeau. Toutes ces lumiÚres se reflétaient dans les losanges de nacre qui pavaient la salle. Elle était si haute que la couleur rouge des murailles, en montant vers la voûte, se faisait noire, et les trois yeux de l'idole apparaissaient tout en haut, comme des étoiles à demi perdues dans la nuit. Les Anciens s'assirent sur les escabeaux d'ébÚne, ayant mis par-dessus leur tÃÂȘte la queue de leur robe. Ils restaient immobiles, les mains croisées dans leurs larges manches, et le dallage de nacre semblait un fleuve lumineux qui, ruisselant de l'autel vers la porte, coulait sous leurs pieds nus. Les quatre pontifes se tenaient au milieu, dos à dos, sur quatre siÚges d'ivoire formant la croix, le grand-prÃÂȘtre d'Eschmoûn en robe d'hyacinthe, le grand-prÃÂȘtre de Tanit en robe de lin blanc, le grand-prÃÂȘtre de Khamon en robe de laine fauve, et le grand-prÃÂȘtre de Moloch en robe de pourpre. Hamilcar s'avança vers le candélabre. Il tourna tout autour, en considérant les mÚches qui brûlaient, puis jeta sur elles une poudre parfumée ; des flammes violettes parurent à l'extrémité des branches. Alors une voix aiguà s'éleva, une autre y répondit ; et les cent Anciens, les quatre pontifes, et Hamilcar debout, tous à la fois, entonnÚrent un hymne, et répétant toujours les mÃÂȘmes syllabes et renforçant les sons, leurs voix montaient, éclatÚrent, devinrent terribles, puis, d'un seul coup, se turent. On attendit quelque temps. Enfin Hamilcar tira de sa poitrine une petite statuette à trois tÃÂȘtes, bleue comme du saphir, et il la posa devant lui. C'était l'image de la vérité, le génie mÃÂȘme de sa parole. Puis il la replaça dans son sein, et tous, comme saisis d'une colÚre soudaine, criÚrent - " Ce sont tes bons amis les Barbares ! TraÃtre ! infùme ! Tu reviens pour nous voir périr, n'est-ce pas ? Laissez-le parler ! - " - " Non ! non ! " Ils se vengeaient de la contrainte oÃÂč le cérémonial politique les avait tout à l'heure obligés ; et bien qu'ils eussent souhaité le retour d'Hamilcar, ils s'indignaient maintenant de ce qu'il n'avait point prévenu leurs désastres ou plutÎt ne les avait pas subis comme eux. Quand le tumulte fut calmé, le pontife de Moloch se leva. - " Nous te demandons pourquoi tu n'es pas revenu à Carthage ? " - " Que vous importe ! " répondit dédaigneusement le SuffÚte. Leurs cris redoublÚrent. - " De quoi m'accusez-vous ! J'ai mal conduit la guerre, peut-ÃÂȘtre ? Vous avez vu l'ordonnance de mes batailles, vous autres qui laissez commodément à des Barbares... " - " Assez, assez ! " Il reprit, d'une voix basse, pour se faire mieux écouter - " Oh ! cela est vrai ! Je me trouve, lumiÚres des Baals ; il en est parmi vous d'intrépides ! Giscon, lÚve-toi ! " " Et parcourant la marche de l'autel, les paupiÚres à demi fermées, comme pour chercher quelqu'un, il répéta " LÚve-toi, Giscon ! tu peux m'accuser, ils te défendront ! Mais oÃÂč est-il ? " Puis, comme se ravisant " Ah ! dans sa maison, sans doute ? entouré de ses fils, commandant à ses esclaves, heureux, et comptant sur le mur les colliers d'honneur que la patrie lui a donnés ? " Ils s'agitaient avec des haussements d'épaules, comme flagellés par les laniÚres. - " Vous ne savez mÃÂȘme pas s'il est vivant ou s'il est mort ! " Et sans se soucier de leurs clameurs, il disait qu'en abandonnant le SuffÚte, c'était la République qu'on avait abandonnée. De mÃÂȘme la paix romaine, si avantageuse qu'elle leur parût, était plus funeste que vingt batailles. Quelques-uns applaudirent, les moins riches du Conseil, suspects d'incliner toujours vers le peuple ou vers la tyrannie. Leurs adversaires, chefs des Syssites et administrateurs, en triomphaient par le nombre ; les plus considérables s'étaient rangés prÚs d'Hannon, qui siégeait à l'autre bout de la salle, devant la haute porte, fermée par une tapisserie d'hyacinthe. Il avait peint avec du fard les ulcÚres de sa figure. Mais la poudre d'or de ses cheveux lui était tombée sur les épaules, oÃÂč elle faisait deux plaques brillantes, et ils paraissaient blanchùtres, fins et crépus comme de la laine. Des linges imbibés d'un parfum gras qui dégouttelait sur les dalles, enveloppaient ses mains, et sa maladie sans doute avait considérablement augmenté, car ses yeux disparaissaient sous les plis de ses paupiÚres. Pour voir, il lui fallait se renverser la tÃÂȘte. Ses partisans l'engageaient à parler. Enfin, d'une voix rauque et hideuse - " Moins d'arrogance, Barca ! Nous avons tous été vaincus ! Chacun supporte son malheur ! résigne-toi ! " - " Apprends-nous plutÎt " , dit en souriant Hamilcar, " comment tu as conduit tes galÚres dans la flotte romaine ? " - " J'étais chassé par le vent " , répondit Hannon. - " Tu fais comme le rhinocéros qui piétine dans sa fiente tu étales ta sottise ! tais-toi ! " Et ils commencÚrent à s'incriminer sur la bataille des Iles Aegates. Hannon l'accusait de n'ÃÂȘtre pas venu à sa rencontre. - " Mais c'eût été dégarnir Eryx. Il fallait prendre le large ; qui t'empÃÂȘchait ? Ah ! j'oubliais ! tous les éléphants ont peur de la mer ! " Les gens d'Hamilcar trouvÚrent la plaisanterie si bonne qu'ils poussÚrent de grands rires. La voûte en retentissait, comme si l'on eût frappé des tympanons. Hannon dénonça l'indignité d'un tel outrage ; cette maladie lui étant survenue par un refroidissement au siÚge d'Hécatompyle, et des pleurs coulaient sur sa face comme une pluie d'hiver sur une muraille en ruine. Hamilcar reprit - " Si vous m'aviez aimé autant que celui-là , il y aurait maintenant une grande joie dans Carthage ! Combien de fois n'ai-je pas crié vers vous ! et toujours vous me refusiez de l'argent ! " - " Nous en avions besoin " , dirent les chefs des Syssites. - " Et quand mes affaires étaient désespérées, nous avons bu l'urine des mulets et mangé les courroies de nos sandales, - quand j'aurais voulu que les brins d'herbe fussent des soldats, et faire des bataillons avec la pourriture de nos morts, vous rappeliez chez vous ce qui me restait de vaisseaux ! " - " Nous ne pouvions pas tout risquer " , répondit Baat-Baal, possesseur de mines d'or dans la Gétulie-Darytienne. - " Que faisiez-vous cependant, ici, à Carthage, dans vos maisons, derriÚre vos murs ? Il y a des Gaulois sur l'Eridan qu'il fallait pousser, des Chananéens à CyrÚne qui seraient venus, et tandis que les Romains envoient à Ptolémée des ambassadeurs... " - " Il nous vante les Romains, à présent ! " Quelqu'un lui cria " Combien t'ont-ils payé pour les défendre ? " - " Demande-le aux plaines du Brutium, aux ruines de Locres, de Métaponte et d'Héraclée ! J'ai brûlé tous leurs arbres, j'ai pillé tous leurs temples, et jusqu'à la mort des petits-fils de leurs petits-fils... " - " Eh ! tu déclames comme un rhéteur ! " fit Kapouras, un marchand trÚs illustre. " Que veux-tu donc ? " - " Je dis qu'il faut ÃÂȘtre plus ingénieux ou plus terrible ! Si l'Afrique entiÚre rejette votre joug, c'est que vous ne savez pas, maÃtres débiles, l'attacher à ses épaules ! AgathoclÚs, Régulus, Coepio, tous les hommes hardis n'ont qu'à débarquer pour la prendre ; et quand les Libyens qui sont à l'Orient s'entendront avec les Numides qui sont à l'Occident, et que les Nomades viendront du sud et les Romains du nord ... " Un cri d'horreur s'éleva. " Oh ! vous frapperez vos poitrines, vous vous roulerez dans la poussiÚre et vous déchirerez vos manteaux ! N'importe ! il faudra s'en aller tourner la meule dans Suburre et faire la vendange sur les collines du Latium. " Ils se battaient la cuisse droite pour marquer leur scandale, et les manches de leur robe se levaient comme de grandes ailes d'oiseaux effarouchés. Hamilcar, emporté par un esprit, continuait, debout sur la plus haute marche de l'autel, frémissant, terrible ; il levait les bras, et les rayons du candélabre qui brûlait derriÚre lui passaient entre ses doigts comme des javelots d'or. - " Vous perdrez vos navires, vos campagnes, vos chariots, vos lits suspendus, et vos esclaves qui vous frottent les pieds ! Les chacals se coucheront dans vos palais, la charrue retournera vos tombeaux. Il n'y aura plus que le cri des aigles et l'amoncellement des ruines. Tu tomberas, Carthage ! " Les quatre pontifes étendirent leurs mains pour écarter l'anathÚme. Tous s'étaient levés. Mais le SuffÚte-de-la-mer, magistrat sacerdotal sous la protection du Soleil, était inviolable tant que l'assemblée des Riches ne l'avait pas jugé. Une épouvante s'attachait à l'autel. Ils reculÚrent. Hamilcar ne parlait plus. L'oeil fixe et la face aussi pùle que les perles de sa tiare, il haletait, presque effrayé par lui-mÃÂȘme et l'esprit perdu dans des visions funÚbres. De la hauteur oÃÂč il était, tous les flambeaux sur les tiges de bronze lui semblaient une vaste couronne de feux, posée à ras des dalles ; des fumées noires, s'en échappant, montaient dans les ténÚbres de la voûte ; et le silence pendant quelques minutes fut tellement profond qu'on entendait au loin le bruit de la mer. Puis les Anciens se mirent à s'interroger. Leurs intérÃÂȘts, leur existence se trouvait attaquée par les Barbares. Mais on ne pouvait les vaincre sans le secours du SuffÚte et cette considération, malgré leur orgueil, leur fit oublier toutes les autres. On prit à part ses amis. Il y eut des réconciliations intéressées, des sous-entendus et des promesses. Hamilcar ne voulait plus se mÃÂȘler d'aucun gouvernement. Tous le conjurÚrent. Ils le suppliaient et comme le mot de trahison revenait dans leurs discours, il s'emporta. Le seul traÃtre, c'était le Grand- Conseil, car l'engagement des soldats expirant avec la guerre, ils devenaient libres dÚs que la guerre était finie ; il exalta mÃÂȘme leur bravoure et tous les avantages qu'on en pourrait tirer en les intéressant à la République par des donations, des privilÚges. Alors Magdassan un ancien Gouverneur de provinces, dit en roulant ses yeux jaunes - " Vraiment, Barca, à force de voyager, tu es devenu un Grec ou un Latin, je ne sais quoi ! Que parles-tu de récompenses pour ces hommes ? Périssent dix mille Barbares plutÎt qu'un seul d'entre nous ! " Les Anciens approuvaient de la tÃÂȘte en murmurant - " Oui, faut-il tant se gÃÂȘner ? On en trouve toujours ! " - " Et l'on s'en débarrasse commodément, n'est-ce pas ? On les abandonne, ainsi que vous avez fait en Sardaigne. On avertit l'ennemi du chemin qu'ils doivent prendre, comme pour ces Gaulois dans la Sicile, ou bien on les débarque au milieu de la mer. En revenant, j'ai vu le rocher tout blanc de leurs os ! " - " Quel malheur ! " fit impudemment Kapouras. - " Est-ce qu'ils n'ont pas cent fois tourné à l'ennemi ! " exclamaient les autres. Hamilcar s'écria - " Pourquoi donc, malgré vos lois, les avez-vous rappelés à Carthage ? Et quand ils sont dans votre ville, pauvres et nombreux au milieu de toutes vos richesses, l'idée ne vous vient pas de les affaiblir par la moindre division ! Ensuite vous les congédiez avec leurs femmes et avec leurs enfants, tous, sans garder un seul otage ! Comptiez-vous qu'ils s'assassineraient pour vous épargner la douleur de tenir vos serments ? Vous les haïssez, parce qu'ils sont forts ! Vous me haïssez encore plus, moi, leur maÃtre ! Oh ! je l'ai senti, tout à l'heure, quand vous me baisiez les mains, et que vous vous reteniez tous pour ne pas les mordre ! " Si les lions qui dormaient dans la cour fussent entrés en hurlant, la clameur n'eût pas été plus épouvantable. Mais le pontife d'Eschmoûn se leva, et, les deux genoux l'un contre l'autre, les coudes au corps, tout droit et les mains à demi ouvertes, il dit - " Barca, Carthage a besoin que tu prennes contre les Mercenaires le commandement général des forces puniques ! " - " Je refuse " , répondit Hamilcar. - " Nous te donnerons pleine autorité ! - " criÚrent les chefs des Syssites. - " Non ! " - " Sans aucun contrÎle, sans partage, tout l'argent que tu voudras, tous les captifs, tout le butin, cinquante zerets de terre par cadavre d'ennemi. " - " Non ! non ! parce qu'il est impossible de vaincre avec vous ! " - " Il en a peur. " - " Parce que vous ÃÂȘtes lùches, avares, ingrats, pusillanimes et fous ! " - Il les ménage ! - " Pour se mettre à leur tÃÂȘte " , dit quelqu'un. - " Et revenir sur nous " , dit un autre ; et du fond de la salle, Hannon hurla - " Il veut se faire roi ! " Alors ils bondirent, en renversant les siÚges et les flambeaux leur foule s'élança vers l'autel ; ils brandissaient des poignards. Mais, fouillant sous ses manches, Hamilcar tira deux larges coutelas ; et à demi courbé, le pied gauche en avant, les yeux flamboyants, les dents serrées, il les défiait, immobile sous le candélabre d'or. Ainsi, par précaution, ils avaient apporté des armes ; c'était un crime ; ils se regardÚrent les uns les autres, effrayés. Comme tous étaient coupables, chacun bien vite se rassura, et peu à peu, tournant le dos au SuffÚte, ils redescendirent, enragés d'humiliation. Pour la seconde fois, ils reculaient devant lui. Pendant quelque temps, ils restÚrent debout. Plusieurs qui s'étaient blessé les doigts les portaient à leur bouche ou les roulaient doucement dans le bas de leur manteau, et ils allaient s'en aller quand Hamilcar entendit ces paroles - " Eh ! c'est une délicatesse pour ne pas affliger sa fille ! " Une voix plus haute s'éleva - " Sans doute, puisqu'elle prend ses amants parmi les Mercenaires ! " D'abord il chancela, puis ses yeux cherchÚrent rapidement Schahabarim. Mais, seul, le prÃÂȘtre de Tanit était resté à sa place ; et Hamilcar n'aperçut de loin que son haut bonnet. Tous lui ricanaient à la face. A mesure qu'augmentait son angoisse, leur joie redoublait, et, au milieu des huées, ceux qui étaient par-derriÚre criaient - " On l'a vu sortir de sa chambre ! " - " Un matin du mois de Tammouz ! " - " C'est le voleur du zaïmph ! " - " Un homme trÚs beau ! " - " Plus grand que toi ! " Il arracha sa tiare, insigne de sa dignité, - sa tiare à huit rangs mystiques dont le milieu portait une coquille d'émeraude - et à deux mains, de toutes ses forces, il la lança par terre ; les cercles d'or en se brisant rebondirent, et les perles sonnÚrent sur les dalles. Ils virent alors sur la blancheur de son front une longue cicatrice ; elle s'agitait comme un serpent entre ses sourcils ; tous ses membres tremblaient. Il monta un des escaliers latéraux qui conduisaient sur l'autel et il marchait dessus ! C'était se vouer au Dieu, s'offrir en holocauste. Le mouvement de son manteau agitait les lueurs du candélabre plus bas que ses sandales, et la poudre fine, soulevée par ses pas, l'entourait comme un nuage jusqu'au ventre. Il s'arrÃÂȘta entre les jambes du colosse d'airain. Il prit dans ses mains deux poignées de cette poussiÚre dont la vue seule faisait frissonner d'horreur tous les Carthaginois, et il dit - " Par les cent flambeaux de vos Intelligences ! par les huit feux des Kabyres ! par les étoiles, les météores et les volcans ! par tout ce qui brûle ! par la soif du Désert et la salure de l'Océan ! par la caverne d'HadrumÚte et l'empire des Ames ! par l'extermination ! par la cendre de vos fils, et la cendre des frÚres de vos aïeux, avec qui maintenant je confonds la mienne ! vous, les Cent du Conseil de Carthage, vous avez menti en accusant ma fille ! Et moi, Hamilcar Barca, SuffÚte-de-la-mer, Chef des Riches et Dominateur du peuple, devant Moloch-à -tÃÂȘte-de- taureau, je jure... " On s'attendait à quelque chose d'épouvantable, mais il reprit d'une voix plus haute et plus calme " Que mÃÂȘme je ne lui en parlerai pas ! " Les serviteurs sacrés, portant des peignes d'or, entrÚrent, - les uns avec des éponges de pourpre et les autres avec des branches de palmier. Ils relevÚrent le rideau d'hyacinthe étendu devant la porte et par l'ouverture de cet angle, on aperçut au fond des autres salles le grand ciel rose qui semblait continuer la voûte, en s'appuyant à l'horizon sur la mer toute bleue. Le soleil, sortant des flots, montait. Il frappa tout à coup contre la poitrine du colosse d'airain, divisé en sept compartiments que fermaient des grilles. Sa gueule aux dents rouges s'ouvrait dans un horrible bùillement ; ses naseaux énormes se dilataient, le grand jour l'animait, lui donnait un air terrible et impatient, comme s'il avait voulu bondir au- dehors pour se mÃÂȘler avec l'astre, le Dieu, et parcourir ensemble les immensités. Cependant les flambeaux répandus par terre brûlaient encore, en allongeant çà et là sur les pavés de nacre comme des taches de sang. Les Anciens chancelaient, épuisés ; ils aspiraient à pleins poumons la fraÃcheur de l'air ; la sueur coulait sur leurs faces livides ; à force d'avoir crié, ils ne s'entendaient plus. Mais leur colÚre contre le SuffÚte n'était point calmée ; en maniÚre d'adieux ils lui jetaient des menaces, et Hamilcar leur répondait - " A la nuit prochaine, Barca, dans le temple d'Eschmoûn ! " - " J'y serai ! " - " Nous te ferons condamner par les Riches ! " - " Et moi par le peuple ! " - " Prends garde de finir sur la croix ! " - " Et vous, déchirés dans les rues ! " DÚs qu'ils furent sur le seuil de la cour, ils reprirent un calme maintien. Leurs coureurs et leurs cochers les attendaient à la porte. La plupart s'en allÚrent sur des mules blanches. Le SuffÚte sauta dans son char, prit les rÃÂȘnes ; les deux bÃÂȘtes, courbant leur encolure et frappant en cadence les cailloux qui rebondissaient, montÚrent au grand galop toute la voie des Mappales, et le vautour d'argent, à la pointe du timon, semblait voler tant le char passait vite. La route traversait un champ, planté de longues dalles, aiguÃs par le sommet, telles que des pyramides, et qui portaient, entaillée à leur milieu, une main ouverte comme si le mort couché dessous l'eût tendue vers le ciel pour réclamer quelque chose. Ensuite, étaient disséminées des cabanes en terre, en branchages, en claies de joncs, toutes de forme conique. De petits murs en cailloux, des rigoles d'eau vive, des cordes de sparterie, des haies de nopals séparaient irréguliÚrement ces habitations, qui se tassaient de plus en plus, en s'élevant vers les jardins du SuffÚte. Mais Hamilcar tendait ses yeux sur une grande tour dont les trois étages faisaient trois monstrueux cylindres, le premier bùti en pierres, le second en briques, et le troisiÚme, tout en cÚdre, - supportant une coupole de cuivre sur vingt-quatre colonnes de genévrier, d'oÃÂč retombaient, en maniÚre de guirlandes, des chaÃnettes d'airain entrelacées. Ce haut édifice dominait les bùtiments qui s'étendaient à droite, les entrepÎts, la maison-de-commerce, tandis que le palais des femmes se dressait au fond des cyprÚs, - alignés comme deux murailles de bronze. Quand le char retentissant fut entré par la porte étroite, il s'arrÃÂȘta sous un large hangar, oÃÂč des chevaux, retenus à des entraves, mangeaient des tas d'herbes coupées. Tous les serviteurs accoururent. Ils faisaient une multitude, ceux qui travaillaient dans les campagnes, par terreur des soldats, ayant été ramenés à Carthage. Les laboureurs, vÃÂȘtus de peaux de bÃÂȘtes, traÃnaient des chaÃnes rivées à leurs chevilles ; les ouvriers des manufactures de pourpre avaient les bras rouges comme des bourreaux ; les marins, des bonnets verts ; les pÃÂȘcheurs, des colliers de corail ; les chasseurs, un filet sur l'épaule ; et les gens de Mégara, des tuniques blanches ou noires, des caleçons de cuir, des calottes de paille, de feutre ou de toile, selon leur service ou leurs industries différentes. Par-derriÚre se pressait une populace en haillons. Ils vivaient, ceux-là , sans aucun emploi, loin des appartements, dormaient la nuit dans les jardins, dévoraient les restes des cuisines, - moisissure humaine qui végétait à l'ombre du palais. Hamilcar les tolérait, par prévoyance encore plus que par dédain. Tous, en témoignage de joie, s'étaient mis une fleur à l'oreille, et beaucoup d'entre eux ne l'avaient jamais vu. Mais des hommes, coiffés comme des sphinx et munis de grands bùtons, s'élancÚrent dans la foule, en frappant de droite et de gauche. C'était pour repousser les esclaves curieux de voir le maÃtre, afin qu'il ne fût pas assailli sous leur nombre et incommodé par leur odeur. Alors, tous se jetÚrent à plat ventre en criant - " Oeil de Baal, que ta maison fleurisse ! " " Et entre ces hommes, ainsi couchés par terre dans l'avenue des cyprÚs, l'Intendant-des-intendants, Abdalonim, coiffé d'une mitre blanche, s'avança vers Hamilcar, un encensoir à la main. SalammbÎ descendait alors l'escalier des galÚres. Toutes ses femmes venaient derriÚre elle ; et, à chacun de ses pas, elles descendaient aussi. Les tÃÂȘtes des Négresses marquaient de gros points noirs la ligne des bandeaux à plaque d'or qui serraient le front des Romaines. D'autres avaient dans les cheveux des flÚches d'argent, des papillons d'émeraude, ou de longues aiguilles étalées en soleil. Sur la confusion de ces vÃÂȘtements blancs, jaunes et bleus, les anneaux, les agrafes, les colliers, les franges, les bracelets resplendissaient ; un murmure d'étoffes légÚres s'élevait ; on entendait le claquement des sandales avec le bruit sourd des pieds nus posant sur le bois - et, çà et là , un grand eunuque, qui les dépassait des épaules, souriait la face en l'air. Quand l'acclamation des hommes se fut apaisée, en se cachant le visage avec leurs manches, elles poussÚrent ensemble un cri bizarre, pareil au hurlement d'une louve, et il était si furieux et si strident qu'il semblait faire, du haut en bas, vibrer comme une lyre le grand escalier d'ébÚne tout couvert de femmes. Le vent soulevait leurs voiles, et les minces tiges des papyrus se balançaient doucement. On était au mois de Schebaz, en plein hiver. Les grenadiers en fleur se bombaient sur l'azur du ciel, et, à travers les branches, la mer apparaissait avec une Ãle au loin, à demi perdue dans la brume. Hamilcar s'arrÃÂȘta, en apercevant SalammbÎ. Elle lui était survenue aprÚs la mort de plusieurs enfants mùles. D'ailleurs, la naissance des filles passait pour une calamité dans les religions du Soleil. Les Dieux, plus tard, lui avaient envoyé un fils ; mais il gardait quelque chose de son espoir trahi et comme l'ébranlement de la malédiction qu'il avait prononcée contre elle. SalammbÎ, cependant, continuait à marcher. Des perles de couleurs variées descendaient en longues grappes de ses oreilles sur ses épaules et jusqu'aux coudes. Sa chevelure était crÃÂȘpée, de façon à simuler un nuage. Elle portait, autour du cou, de petites plaques d'or quadrangulaires représentant une femme entre deux lions cabrés ; et son costume reproduisait en entier l'accoutrement de la Déesse. Sa robe d'hyacinthe, à manches larges, lui serrait la taille en s'évasant par le bas. Le vermillon de ses lÚvres faisait paraÃtre ses dents plus blanches, et l'antimoine de ses paupiÚres ses yeux plus longs. Ses sandales, coupées dans un plumage d'oiseau, avaient des talons trÚs hauts et elle était pùle extraordinairement, à cause du froid sans doute. Enfin elle arriva prÚs d'Hamilcar, et, sans le regarder, sans lever la tÃÂȘte, elle lui dit - " Salut, Oeil de Baalim, gloire éternelle ! triomphe ! loisir ! satisfaction ! richesse ! Voilà longtemps que mon coeur était triste, et la maison languissait. Mais le maÃtre qui revient est comme Tainmmouz ressuscité ; et sous ton regard, Î pÚre, une joie, une existence nouvelle va partout s'épanouir ! " Et prenant des mains de Taanach un petit vase oblong oÃÂč fumait un mélange de farine, de beurre, de cardamome et de vin - " Bois à pleine gorge " dit-elle, " la boisson du retour préparée par ta servante. " Il répliqua - " Bénédiction sur toi ! " et il saisit machinalement le vase d'or qu'elle lui tendait. Cependant, il l'examinait avec une attention si ùpre que SalammbÎ troublée balbutia - " On t'a dit, Î maÃtre ! ... " - " Oui ! je sais ! " fit Hamilcar à voix basse. Etait-ce un aveu ? ou parlait-elle des Barbares ? Et il ajouta quelques mots vagues sur les embarras publics qu'il espérait à lui seul dissiper. - " O pÚre ! " exclama SalammbÎ, " tu n'effaceras pas ce qui est irréparable ! " Alors il se recula, et SalammbÎ s'étonnait de son ébahissement ; car elle ne songeait point à Carthage mais au sacrilÚge dont elle se trouvait complice. Cet homme, qui faisait trembler les légions et qu'elle connaissait à peine, l'effrayait comme un dieu ; il avait deviné, il savait tout, quelque chose de terrible allait venir. Elle s'écria " Grùce ! " Hamilcar baissa la tÃÂȘte, lentement. Bien qu'elle voulût s'accuser, elle n'osait ouvrir les lÚvres ; et cependant elle étouffait du besoin de se plaindre et d'ÃÂȘtre consolée. Hamilcar combattait l'envie de rompre son serment. Il le tenait par orgueil, ou par crainte d'en finir avec son incertitude et il la regardait en face, de toutes ses forces, pour saisir ce qu'elle cachait au fond de son coeur. Peu à peu, en haletant, SalammbÎ s'enfonçait la tÃÂȘte dans les épaules, écrasée par ce regard trop lourd. Il était sûr maintenant qu'elle avait failli dans l'étreinte d'un Barbare ; il frémissait, il leva ses deux poings. Elle poussa un cri et tomba entre ses femmes, qui s'empressÚrent autour d'elle. Hamilcar tourna les talons. Tous les intendants le suivirent. On ouvrit la porte des entrepÎts, et il entra dans une vaste salle ronde oÃÂč aboutissaient, comme les rayons d'une roue à son moyeu, de longs couloirs qui conduisaient vers d'autres salles. Un disque de pierre s'élevait au centre avec des balustres pour soutenir des coussins accumulés sur des tapis. Le SuffÚte se promena d'abord à grands pas rapides ; il respirait bruyamment, il frappait la terre du talon, il se passait la main sur le front comme un homme harcelé par les mouches. Mais il secoua la tÃÂȘte, et, en apercevant l'accumulation des richesses, il se calma ; sa pensée, qu'attiraient les perspectives des couloirs, se répandait dans les autres salles pleines de trésors plus rares. Des plaques de bronze, des lingots d'argent et des barres de fer alternaient avec les saumons d'étain apportés des Cassitérides par la mer Ténébreuse les gommes du pays des Noirs débordaient de leurs sacs en écorce de palmier ; poudre d'or, tassée dans des outres, fuyait insensiblement par les coutures trop vieilles. De minces filaments, tirés des plantes marines, pendaient entre les lins d'Egypte, de GrÚce, de Taprobane et de Judée des madrépores, tels que de larges buissons, se hérissaient au pied des murs et une odeur indéfinissable flottait, exhalaison des parfums, des cuirs, des épices et des plumes d'autruche liées en gros bouquets tout au haut de la voûte. Devant chaque couloir, des dents d'éléphant posées debout, en se réunissant par les pointes, formaient un arc au-dessus de la porte. Enfin, il monta sur le disque de pierre. Tous les intendants se tenaient les bras croisés, la tÃÂȘte basse, tandis qu'Abdalonim levait d'un air orgueilleux sa mitre pointue. Hamilcar interrogea le Chef-des-navires. C'était un vieux pilote aux paupiÚres éraillées par le vent, et des flocons blancs descendaient jusqu'à ses hanches, comme si l'écume des tempÃÂȘtes lui était restée sur la barbe. Il répondit qu'il avait envoyé une flotte par GadÚs et Thymiamata, pour tùcher d'atteindre Eziongaber, en doublant la Corne-du-Sud et le promontoire des Aromates. D'autres avaient continué dans l'Ouest, durant quatre lunes, sans rencontrer de rivages ; mais la proue des navires s'embarrassait dans les herbes, l'horizon retentissait continuellement du bruit des cataractes, des brouillards couleur de sang obscurcissaient le soleil, une brise toute chargée de parfums endormait les équipages ; et à présent ils ne pouvaient rien dire, tant leur mémoire était troublée. Cependant on avait remonté les fleuves des Scythes, pénétré en Colchide, chez les Ingriens, chez les Estiens, ravi dans l'archipel quinze cents vierges et coulé bas tous les vaisseaux étrangers naviguant au-delà du cap Oestrymon, pour que le secret des routes ne fût pas connu. Le roi Ptolémée retenait l'encens de Schesbar, Syracuse, Elathia, la Corse et les Ãles n'avaient rien fourni, et le vieux pilote baissa la voix pour annoncer qu'une trirÚme était prise à Rusicada par les Numides, - " car ils sont avec eux, MaÃtre " . Hamilcar fronça les sourcils ; puis il fit signe de parler au Chef-des- voyages, enveloppé d'une robe brune sans ceinture, et la tÃÂȘte prise dans une longue écharpe d'étoffe blanche qui, passant au bord de sa bouche, lui retombait par-derriÚre sur l'épaule. Les caravanes étaient parties réguliÚrement à l'équinoxe d'hiver. Mais, de quinze cents hommes se dirigeant sur l'extrÃÂȘme Ethiopie avec d'excellents chameaux, des outres neuves et des provisions de toiles peintes, un seul avait reparu à Carthage, - les autres étant morts de fatigue ou devenus fous par la terreur du désert ; - et il disait avoir vu, bien au-delà du Harousch-Noir, aprÚs les Atarantes et le pays des grands singes, d'immenses royaumes oÃÂč les moindres ustensiles sont tous en or, un fleuve couleur de lait, large comme une mer ; des forÃÂȘts d'arbres bleus, des collines d'aromates, des monstres à figure humaine végétant sur les rochers et dont les prunelles, pour vous regarder, s'épanouissent comme des fleurs ; puis, derriÚre des lacs tout couverts de dragons, des montagnes de cristal qui supportent le soleil. D'autres étaient revenus de l'Inde avec des paons, du poivre et des tissus nouveaux. Quant à ceux qui vont acheter des calcédoines par le chemin des Syrtes et le temple d'Ammon, sans doute ils avaient péri dans les sables. Les caravanes de la Gétulie et de Phazzana avaient fourni leurs provenances habituelles ; mais il n'osait à présent, lui, le Chef-des-voyages, en équiper aucune. Hamilcar comprit ; les Mercenaires occupaient la campagne. Avec un sourd gémissement, il s'appuya sur l'autre coude ; et le Chef-des- métairies avait si peur de parler, qu'il tremblait horriblement malgré ses épaules trapues et ses grosses prunelles rouges. Sa face, camarde comme celle d'un dogue, était surmontée d'un réseau en fils d'écorces ; il portait un ceinturon en peau de léopard avec tous les poils et oÃÂč reluisaient deux formidables coutelas. DÚs qu'Hamilcar se détourna, il se mit, en criant, à invoquer tous les Baals. Ce n'était pas sa faute ! il n'y pouvait rien ! Il avait observé les températures, les terrains, les étoiles, fait les plantations au solstice d'hiver, les élagages au décours de la lune, inspecté les esclaves, ménagé leurs habits. Mais Hamilcar s'irritait de cette loquacité. Il claqua de la langue et l'homme au coutelas d'une voix rapide - " Ah ! MaÃtre ! ils ont tout pillé ! tout saccagé ! tout détruit ! Trois mille pieds d'arbres sont coupés à Maschala, et à Ubada les greniers défoncés, les citernes comblées ! A TedÚs, ils ont emporté quinze cents gomors de farine ; à Marazzana, tué les pasteurs, mangé les troupeaux, brûlé ta maison, ta belle maison à poutres de cÚdre, oÃÂč tu venais l'été ! Les esclaves de Tuburbo, qui sciaient de l'orge, se sont enfuis vers les montagnes ; et les ùnes, les bardeaux, les mulets, les boeufs de Taormine, et les chevaux orynges, plus un seul ! tous emmenés ! C'est une malédiction ! je n'y survivrai pas ! " Il reprenait en pleurant " Ah ! Si tu savais comme les celliers étaient pleins et les charrues reluisantes ! Ah ! les beaux béliers ! ah ! les beaux taureaux ! " La colÚre d'Hamilcar l'étouffait. Elle éclata - " Tais-toi ! Suis-je donc un pauvre ? Pas de mensonges ! dites vrai ! Je veux savoir tout ce que j'ai perdu, jusqu'au dernier sicle, jusqu'au dernier cab ! Abdalonim, apporte-moi les comptes des vaisseaux, ceux des caravanes ; ceux des métairies, ceux de la maison ! Et si votre conscience est trouble, malheur sur vos tÃÂȘtes ! Sortez ! " Tous les intendants, marchant à reculons et les poings jusqu'à terre, sortirent. Abdalonim alla prendre au milieu d'un casier, dans la muraille, des cordes à noeuds, des bandes de toile ou de papyrus, des omoplates de mouton chargées d'écritures fines. Il les déposa aux pieds d'Hamilcar, lui mit entre les mains un cadre de bois garni de trois fils intérieurs oÃÂč étaient passées des boules d'or, d'argent et de corne, et il commença - " Cent quatre-vingt-douze maisons dans les Mappales, louées aux Carthaginois-nouveaux à raison d'un béka par lune. " - " Non ! c'est trop ! ménage les pauvres ! et tu écriras les noms de ceux qui te paraÃtront les plus hardis, en tùchant de savoir s'ils sont attachés à la République ! AprÚs ? " Abdalonim hésitait, surpris de cette générosité. Hamilcar lui arracha des mains les bandes de toile. - " Qu'est-ce donc ? trois palais autour de Khamon à douze késitah par mois ! Mets-en vingt ! Je ne veux pas que les Riches me dévorent. " L'Intendant-des-intendants, aprÚs un long salut, reprit - " PrÃÂȘté à Tigillas, jusqu'à la fin de la saison, deux kikar au denier trois, intérÃÂȘt maritime à Bar-Malkarth, quinze cents sicles sur le gage de trente esclaves. Mais douze sont morts dans les marais salins. " - " C'est qu'ils n'étaient pas robustes " , dit en riant le SuffÚte. " N'importe ! S'il a besoin d'argent, satisfais-le ! Il faut toujours prÃÂȘter, et à des intérÃÂȘts divers, selon la richesse des personnes. " Alors le serviteur s'empressa de lire tout ce qu'avaient rapporté les mines de fer d'Annaba, les pÃÂȘcheries de corail, les fabriques de pourpre, la ferme de l'impÎt sur les Grecs domiciliés, l'exportation de l'argent en Arabie oÃÂč il valait dix fois l'or, les prises des vaisseaux, déduction faite du dixiÚme pour le temple de la Déesse. - " Chaque fois j'ai déclaré un quart de moins, MaÃtre ! " " Hamilcar comptait avec les billes ; elles sonnaient sous ses doigts. - " Assez ! Qu'as-tu payé ? " - " A StratoniclÚs de Corinthe et à trois marchands d'Alexandrie, sur les lettres que voilà elles sont rentrées, dix mille drachmes athéniennes et douze talents d'or syriens. La nourriture des équipages s'élevant à vingt mines par mois pour une trirÚme... " - " Je le sais ! combien de perdues ? " - " En voici le compte sur ces lames de plomb. " , dit l'intendant. " Quant aux navires nolisés en commun, comme il a fallu souvent jeter les cargaisons à la mer, on a réparti les pertes inégales par tÃÂȘtes d'associés. Pour des cordages empruntés aux arsenaux et qu'il a été impossible de leur rendre, les Syssites ont exigé huit cents késitah, avant l'expédition d'Utique. " - " Encore eux " fit Hamilcar en baissant la tÃÂȘte ; et il resta quelque temps comme écrasé par le poids de toutes les haines qu'il sentait sur lui. - " Mais je ne vois pas les dépenses de Mégara ? " Abdalonim, en pùlissant, alla prendre, dans un autre casier, des planchettes de sycomore enfilées par paquets à des cordes de cuir. Hamilcar l'écoutait, curieux des détails domestiques, et s'apaisant à la monotonie de cette voix qui énumérait des chiffres ; Abdalonim se ralentissait. Tout à coup il laissa tomber par terre les feuilles de bois et il se jeta lui-mÃÂȘme à plat ventre, les bras étendus, dans la position des condamnés. Hamilcar, sans s'émouvoir, ramassa les tablettes ; et ses lÚvres s'écartÚrent et ses yeux s'agrandirent, lorsqu'il aperçut, à la dépense d'un seul jour, une exorbitante consommation de viandes, de poissons, d'oiseaux, de vins et d'aromates, avec des vases brisés, des esclaves morts, des tapis perdus. Abdalonim, toujours prosterné, lui apprit le festin des Barbares. Il n'avait pu se soustraire à l'ordre des Anciens, - SalammbÎ, d'ailleurs, voulant que l'on prodiguùt l'argent pour mieux recevoir les soldats. Au nom de sa fille, Hamilcar se leva d'un bond. Puis, en serrant les lÚvres, il s'accroupit sur les coussins ; il en déchirait les franges avec ses ongles, haletant, les prunelles fixes. - " LÚve-toi ! , " dit-il ; et il descendit. Abdalonim le suivait ; ses genoux tremblaient. Mais, saisissant une barre de fer, il se mit comme un furieux à desceller les dalles. Un disque de bois sauta, et bientÎt parurent sur la longueur du couloir plusieurs de ces larges couvercles qui bouchaient des fosses oÃÂč l'on conservait le grain. - " Tu le vois, Oeil de Baal, " dit le serviteur en tremblant, " ils n'ont pas encore tout pris ! et elles sont profondes, chacune, de cinquante coudées et combles jusqu'au bord ! Pendant ton voyage, j'en ai fait creuser dans les arsenaux, dans les jardins, partout ! ta maison est pleine de blé, comme ton coeur de sagesse. " Un sourire passa sur le visage d'Hamilcar - " C'est bien, Abdalonim ! " Puis, se penchant à son oreille " Tu en feras venir de l'Etrurie, du Brutium, d'oÃÂč il te plaira, et n'importe à quel prix ! Entasse et garde ! Il faut que je possÚde, à moi seul, tout le blé de Carthage. " Puis, quand ils furent à l'extrémité du couloir, Abdalonim, avec une des clefs qui pendaient à sa ceinture, ouvrit une grande chambre quadrangulaire, divisée au milieu par des piliers de cÚdre. Des monnaies d'or, d'argent et d'airain, disposées sur des tables ou enfoncées dans des niches, montaient le long des quatre murs jusqu'aux lambourdes du toit. D'énormes couffes en peau d'hippopotame supportaient, dans les coins, des rangs entiers de sacs plus petits ; des tas de billion faisaient des monticules sur les dalles ; et, çà et là , quelque pile trop haute s'étant écroulée avait l'air d'une colonne en ruine. Les grandes piÚces de Carthage, représentant Tanit avec un cheval sous un palmier, se mÃÂȘlaient à celles des colonies, marquées d'un taureau, d'une étoile, d'un globe ou d'un croissant. Puis l'on voyait disposées, par sommes inégales, des piÚces de toutes les valeurs, de toutes les dimensions, de tous les ùges, - depuis les vieilles d'Assyrie, minces comme l'ongle, jusqu'aux vieilles du Latium, plus épaisses que la main, avec les boutons d'Egine, les tablettes de la Bactriane, les courtes tringles de l'ancienne Lacédémone ; plusieurs étaient couvertes de rouille, encrassées, verdies par l'eau ou noircies par le feu, ayant été prises dans des filets ou aprÚs les siÚges parmi les décombres des villes. Le SuffÚte eut bien vite supputé si les sommes présentes correspondaient aux gains et aux dommages qu'on venait de lui lire ; et il s'en allait lorsqu'il aperçut trois jarres d'airain complÚtement vides. Abdalonim détourna la tÃÂȘte en signe d'horreur, et Hamilcar résigné ne parla point. Ils traversÚrent d'autres couloirs, d'autres salles et arrivÚrent enfin devant une porte oÃÂč, pour la garder mieux, un homme était attaché par le ventre à une longue chaÃne scellée contre le mur, coutume des Romains nouvellement introduite à Carthage. Sa barbe et ses ongles avaient démesurément poussé, et il se balançait de droite et de gauche avec l'oscillation continuelle des bÃÂȘtes captives. SitÎt qu'il reconnut Hamilcar, il s'élança vers lui en criant - " Grùce, Oeil de Baal ! pitié ! tue-moi ! Voilà dix ans que je n'ai vu le soleil ! Au nom de ton pÚre, grùce ! " Hamilcar, sans lui répondre, frappa dans ses mains, trois hommes parurent ; et, tous les quatre à la fois, en raidissant leurs bras, ils retirÚrent de ses anneaux la barre énorme qui fermait la porte. Hamilcar prit un flambeau, et disparut dans les ténÚbres. C'était, croyait-on, l'endroit des sépultures de la famille ; mais on n'eût trouvé qu'un large puits. Il était creusé seulement pour dérouter les voleurs, et ne cachait rien. Hamilcar passa auprÚs ; puis, en se baissant, il fit tourner sur ses rouleaux une meule trÚs lourde, et, par cette ouverture, il entra dans un appartement bùti en forme de cÎne. Des écailles d'airain couvraient les murs ; au milieu, sur un piédestal de granit, s'élevait la statue d'un Kabyre avec le nom d'AlÚtes, inventeur des mines dans la Celtibérie. Contre sa base, par terre, étaient disposés en croix de larges boucliers d'or et des vases d'argent monstrueux, à goulot fermé, d'une forme extravagante et qui ne pouvaient servir ; car on avait coutume de fondre ainsi des quantités de métal pour que les dilapidations et mÃÂȘme les déplacements fussent presque impossibles. Avec son flambeau, il alluma une lampe de mineur fixée au bonnet de l'idole ; des feux verts, jaunes, bleus, violets, couleur de vin, couleur de sang, tout à coup, illuminÚrent la salle. Elle était pleine de pierreries qui se trouvaient dans des calebasses d'or accrochées comme des lampadaires aux lames d'airain, ou dans leurs blocs natifs rangés au bas du mur. C'étaient des callaïs arrachées des montagnes à coups de fronde, des escarboucles formées par l'urine des lynx, des glossopÚtres tombés de la lune, des tyanos, des diamants, des sandastrum, des béryls, avec les trois espÚces de rubis, les quatre espÚces de saphir et les douze espÚces d'émeraudes. Elles fulguraient, pareilles à des éclaboussures de lait, à des glaçons bleus, à de la poussiÚre d'argent, et jetaient leurs lumiÚres en nappes, en rayons, en étoiles. Les céraunies engendrées par le tonnerre étincelaient prÚs des calcédoines qui guérissent les poisons. Il y avait des topazes du mont Zabarca pour prévenir les terreurs, des opales de la Bactriane qui empÃÂȘchent les avortements, et des cornes d'Ammon que l'on place sous les lits afin d'avoir des songes. Les feux des pierres et les flammes de la lampe se miraient dans les grands boucliers d'or. Hamilcar, debout, souriait, les bras croisés ; - et il se délectait moins dans le spectacle que dans la conscience de ses richesses. Elles étaient inaccessibles, inépuisables, infinies. Ses aïeux, dormant sous ses pas, envoyaient à son coeur quelque chose de leur éternité. Il se sentait tout prÚs des génies souterrains. C'était comme la joie d'un Kabyre ; et les grands rayons lumineux frappant son visage lui semblaient l'extrémité d'un invisible réseau, qui, à travers des abÃmes, l'attachaient au centre du monde. Une idée le fit tressaillir, et, s'étant placé derriÚre l'idole, il marcha droit vers le mur. Puis il examina parmi les tatouages de son bras une ligne horizontale avec deux autres perpendiculaires, ce qui exprimait, en chiffres chananéens, le nombre treize. Alors il compta jusqu'à la treiziÚme des plaques d'airain, releva encore une fois sa large manche ; et, la main droite étendue, il lisait à une autre place de son bras d'autres lignes plus compliquées, tandis qu'il promenait ses doigts délicatement, à la façon d'un joueur de lyre. Enfin, avec son pouce, il frappa sept coups ; et, d'un seul bloc, toute une partie de la muraille tourna. Elle dissimulait une sorte de caveau, oÃÂč étaient enfermées des choses mystérieuses, qui n'avaient pas de nom, et d'une incalculable valeur. Hamilcar descendit les trois marches ; il prit dans une cuve d'argent une peau de lama flottant sur un liquide noir, puis il remonta. Abdalonim se remit alors à marcher devant lui. Il frappait les pavés avec sa haute canne garnie de sonnettes au pommeau, et, devant chaque appartement, criait le nom d'Hamilcar, entouré de louanges et de bénédictions. Dans la galerie circulaire oÃÂč aboutissaient tous les couloirs, on avait accumulé le long des murs des poutrelles d'algummin, des sacs de lausonia, des gùteaux en terre de Lemnos, et des carapaces de tortue toutes pleines de perles. Le SuffÚte, en passant, les effleurait avec sa robe, sans mÃÂȘme regarder de gigantesques morceaux d'ambre, matiÚre presque divine formée par les rayons du soleil. Un nuage de vapeur odorante s'échappa. - " Pousse la porte ! " Ils entrÚrent. Des hommes nus pétrissaient des pùtes, broyaient des herbes, agitaient des charbons, versaient de l'huile dans des jarres, ouvraient et fermaient les petites cellules ovoïdes creusées tout autour de la muraille et si nombreuses que l'appartement ressemblait à l'intérieur d'une ruche. Du myrobalon, du bdellium, du safran et des violettes en débordaient. Partout étaient éparpillées des gommes, des poudres, des racines, des fioles de verre, des branches de filipendule, des pétales de roses ; et l'on étouffait dans les senteurs, malgré les tourbillons de styrax qui grésillait au milieu sur un trépied d'airain. Le Chef-des-odeurs-suaves, pùle et long comme un flambeau de cire, s'avança vers Hamilcar pour écraser dans ses mains un rouleau de métopion, tandis que deux autres lui frottaient les talons avec des feuilles de baccaris. Il les repoussa ; c'étaient des Cyrénéens de moeurs infùmes, mais que l'on considérait à cause de leurs secrets. Afin de montrer sa vigilance, le Chef-des-odeurs offrit au SuffÚte, sur une cuiller d'électrum, un peu de malobathre à goûter ; puis, avec une alÚne, il perça trois besoars indiens. Le maÃtre, qui savait les artifices, prit une corne pleine de baume, et, l'ayant approchée des charbons, il la pencha sur sa robe ; une tache brune y parut, c'était une fraude. Alors, il considéra le Chef-des-odeurs fixement, et, sans rien dire, lui jeta la corne de gazelle en plein visage. Si indigné qu'il fût des falsifications commises à son préjudice, en apercevant des paquets de nard qu'on emballait pour les pays d'outre- mer, il ordonna d'y mÃÂȘler de l'antimoine, afin de le rendre plus lourd. Puis il demanda oÃÂč se trouvaient trois boÃtes de psagas, destinées à son usage. Le Chef-des-odeurs avoua qu'il n'en savait rien, des soldats étaient venus avec des couteaux, en hurlant ; il leur avait ouvert les cases. - " Tu les crains donc plus que moi ! " , s'écria le SuffÚte ; et, à travers la fumée, ses prunelles, comme des torches, étincelaient sur le grand homme pùle qui commençait à comprendre. " Abdalonim ! avant le coucher du soleil, tu le feras passer par les verges. Déchire-le ! " Ce dommage, moindre que les autres, l'avait exaspéré ; car, malgré ses efforts pour les bannir de sa pensée, il retrouvait continuellement les Barbares. Leurs débordements se confondaient avec la honte de sa fille, et il en voulait à toute la maison de la connaÃtre et de ne pas la lui dire. Mais quelque chose le poussait à s'enfoncer dans son malheur ; et, pris d'une rage d'inquisition, il visita sous les hangars, derriÚre la maison-de- commerce, les provisions de bitume, de bois, d'ancres et de cordages, de miel et de cire, le magasin des étoffes, les réserves de nourritures, le chantier des marbres, le grenier du silphium. Il alla de l'autre cÎté des jardins inspecter, dans leurs cabanes, les artisans domestiques dont on vendait les produits. Des tailleurs brodaient des manteaux, d'autres tressaient des filets, d'autres peignaient des coussins, découpaient des sandales, des ouvriers d'Egypte avec un coquillage polissaient des papyrus, la navette des tisserands claquait, les enclumes des armuriers retentissaient. Hamilcar leur dit - " Battez des glaives ! battez toujours ! il m'en faudra. " Et il tira de sa poitrine la peau d'antilope macérée dans les poisons pour qu'on lui taillùt une cuirasse plus solide que celles d'airain, et qui serait inattaquable au fer et à la flamme. DÚs qu'il abordait les ouvriers, Abdalonim, afin de détourner sa colÚre, tùchait de l'irriter contre eux en dénigrant leurs ouvrages par des murmures. - " Quelle besogne ! c'est une honte ! Vraiment le MaÃtre est trop bon. " Hamilcar, sans l'écouter, s'éloignait. Il se ralentit, car de grands arbres calcinés d'un bout à l'autre, comme on en trouve dans les bois oÃÂč les pasteurs ont campé, barraient les chemins ; et les palissades étaient rompues, l'eau des rigoles se perdait, des éclats de verres, des ossements de singes apparaissaient au milieu des flaques bourbeuses. Quelque bribe d'étoffe çà et là pendait aux buissons ; sous les citronniers, les fleurs pourries faisaient un fumier jaune. En effet, les serviteurs avaient tout abandonné, croyant que le maÃtre ne reviendrait plus. A chaque pas, il découvrait quelque désastre nouveau, une preuve encore de cette chose qu'il s'était interdit d'apprendre. Voilà maintenant qu'il souillait ses brodequins de pourpre en écrasant des immondices ; et il ne tenait pas ces hommes, tous devant lui au bout d'une catapulte, pour les faire voler en éclats ! Il se sentait humilié de les avoir défendus ; c'était une duperie, une trahison ; et, comme il ne pouvait se venger ni des soldats, ni des Anciens, ni de SalammbÎ, ni de personne, et que sa colÚre cherchait quelqu'un, il condamna aux mines, d'un seul coup, tous les esclaves des jardins. Abdalonim frissonnait chaque fois qu'il le voyait se rapprocher des parcs. Mais Hamilcar prit le sentier du moulin, d'oÃÂč l'on entendait sortir une mélopée lugubre. Au milieu de la poussiÚre, les lourdes meules tournaient, c'est-à -dire deux cÎnes de porphyre superposés, et dont le plus haut, portant un entonnoir, virait sur le second à l'aide de fortes barres. Avec leur poitrine et leurs bras des hommes poussaient, tandis que d'autres, attelés, tiraient. Le frottement de la bricole avait formé autour de leurs aisselles des croûtes purulentes comme on en voit au garrot des ùnes, et le haillon noir et flasque qui couvrait à peine leurs reins et pendait par le bout, battait sur leurs jarrets comme une longue queue. Leurs yeux étaient rouges, les fers de leurs pieds sonnaient, toutes leurs poitrines haletaient d'accord. Ils avaient sur la bouche, fixée par deux chaÃnettes, de bronze, une museliÚre, pour qu'il leur fût impossible de manger la farine, et des gantelets sans doigts enfermaient leurs mains pour les empÃÂȘcher d'en prendre. A l'entrée du maÃtre, les barres de bois craquÚrent plus fort. Le grain, en se broyant, grinçait. Plusieurs tombÚrent sur les genoux ; les autres, continuant, passaient par-dessus. Il demanda Giddenem, le gouverneur des esclaves ; et ce personnage parut, étalant sa dignité dans la richesse de son costume ; car sa tunique, fendue sur les cÎtés, était de pourpre fine, de lourds anneaux tiraient ses oreilles, et, pour joindre les bandes d'étoffes qui enveloppaient ses jambes, un lacet d'or, comme un serpent autour d'un arbre, montait de ses chevilles à ses hanches. Il tenait dans ses doigts, tout chargés de bagues, un collier en grains de gagates pour reconnaÃtre les hommes sujets au mal sacré. Hamilcar lui fit signe de détacher les museliÚres. Alors tous, avec des cris de bÃÂȘtes affamées, se ruÚrent sur la farine, qu'ils dévoraient en s'enfonçant le visage dans les tas. - " Tu les exténues ! " dit le SuffÚte. Giddenem répondit qu'il fallait cela pour les dompter. - " Ce n'était guÚre la peine de t'envoyer à Syracuse dans l'école des esclaves. Fais venir les autres ! " Et les cuisiniers, les sommeliers, les palefreniers, les coureurs, les porteurs de litiÚre, les hommes des étuves et les femmes avec leurs enfants, tous se rangÚrent dans le jardin sur une seule ligne, depuis la maison-de-commerce jusqu'au parc des bÃÂȘtes fauves. Ils retenaient leur haleine. Un silence énorme emplissait Mégara. Le soleil s'allongeait sur la lagune, au bas des catacombes. Les paons piaulaient. Hamilcar, pas à pas, marchait. - " Qu'ai-je à faire de ces vieux ? " dit-il ; " vends-les ! C'est trop de Gaulois, ils sont ivrognes ! et trop de Crétois, ils sont menteurs ! AchÚte- moi des Cappadociens, des Asiatiques et des NÚgres. " Il s'étonna du petit nombre des enfants. - " Chaque année, Giddenem, la maison doit avoir des naissances ! Tu laisseras toutes les nuits les cases ouvertes pour qu'ils se mÃÂȘlent en liberté. " Il se fit montrer ensuite les voleurs, les paresseux, les mutins. Il distribuait des chùtiments avec des reproches à Giddenem ; et Giddenem, comme un taureau, baissait son front bas, oÃÂč s'entrecroisaient deux larges sourcils. - " Tiens, Oeil de Baal " , dit-il, en désignant un Libyen robuste, " en voilà un que l'on a surpris la corde au cou. " - " Ah ! tu veux mourir ? " fit dédaigneusement le SuffÚte. Et l'esclave, d'un ton intrépide - " Oui ! " Alors, sans se soucier de l'exemple ni du dommage pécuniaire, Hamilcar dit aux valets - " Emportez-le ! " Peut-ÃÂȘtre y avait-il dans sa pensée l'intention d'un sacrifice. C'était un malheur qu'il s'infligeait afin d'en prévenir de plus terribles. Giddenem avait caché les mutilés derriÚre les autres. Hamilcar les aperçut - " Qui t'a coupé le bras, à toi ? " - " Les soldats, Oeil de Baal. " Puis, à un Samnite qui chancelait comme un héron blessé - " Et toi, qui t'a fait cela ? " C'était le gouverneur, en lui cassant la jambe avec une barre de fer. Cette atrocité imbécile indigna le SuffÚte ; et, arrachant des mains de Giddenem son collier de gagates - " Malédiction au chien qui blesse le troupeau. Estropier des esclaves, bonté de Tanit ! Ah ! tu ruines ton maÃtre ! Qu'on l'étouffe dans le fumier. Et ceux qui manquent ? OÃÂč sont-ils ? Les as-tu assassinés avec les soldats ? " Sa figure était si terrible que toutes les femmes s'enfuirent. Les esclaves, se reculant, faisaient un grand cercle autour d'eux ; Giddenem baisait frénétiquement ses sandales ; Hamilcar, debout, restait les bras levés sur lui. Mais, l'intelligence lucide comme au plus fort des batailles, il se rappelait mille choses odieuses, des ignominies dont il s'était détourné ; et, à la lueur de sa colÚre, comme aux fulgurations d'un orage, il revoyait d'un seul coup tous ses désastres à la fois. Les gouverneurs des campagnes avaient fui par terreur des soldats, par connivence peut-ÃÂȘtre, tous le trompaient, depuis trop longtemps il se contenait. - " Qu'on les amÚne ! " cria-t-il, " et marquez-les au front avec des fers rouges, comme des lùches ! " Alors, on apporta et l'on répandit au milieu du jardin des entraves, des carcans, des couteaux, des chaÃnes pour les condamnés aux mines, des cippes qui serraient les jambes, des numella qui enfermaient les épaules, et des scorpions, fouets à triples laniÚres terminées par des griffes en airain. Tous furent placés la face vers le soleil, du cÎté de Moloch-dévorateur, étendus par terre sur le ventre ou sur le dos, et les condamnés à la flagellation, debout contre les arbres, avec deux hommes auprÚs d'eux, un qui comptait les coups et un autre qui frappait. Il frappait à deux bras ; les laniÚres en sifflant faisaient voler l'écorce des platanes. Le sang s'éparpillait en pluie dans les feuillages, et des masses rouges se tordaient au pied des arbres en hurlant. Ceux que l'on ferrait s'arrachaient le visage avec les ongles. On entendait les vis de bois craquer ; des heurts sourds retentissaient ; parfois un cri aigu, tout à coup, traversait l'air. Du cÎté des cuisines, entre des vÃÂȘtements en lambeaux et des chevelures abattues, des hommes, avec des éventails, avivaient des charbons, et une odeur de chair qui brûle passait. Les flagellés défaillant, mais retenus par les liens de leurs bras, roulaient leur tÃÂȘte sur leurs épaules en fermant les yeux. Les autres, qui regardaient, se mirent à crier d'épouvante, et les lions, se rappelant peut-ÃÂȘtre le festin, s'allongeaient en bùillant contre le bord des fosses. On vit alors SalammbÎ sur la plate-forme de sa terrasse. Elle la parcourait rapidement de droite et de gauche, tout effarée. Hamilcar l'aperçut. Il lui sembla qu'elle levait les bras de son cÎté pour demander grùce ; avec un geste d'horreur, il s'enfonça dans le parc des éléphants. Ces animaux faisaient l'orgueil des grandes maisons puniques. Ils avaient porté les aïeux, triomphé dans les guerres, et on les vénérait comme favoris du Soleil. Ceux de Mégara étaient les plus forts de Carthage. Hamilcar, avant de partir, avait exigé d'Abdalonim le serment qu'il les surveillerait. Mais ils étaient morts de leurs mutilations ; et trois seulement restaient, couchés au milieu de la cour, sur la poussiÚre, devant les débris de leur mangeoire. Ils le reconnurent et vinrent à lui. L'un avait les oreilles horriblement fendues, l'autre au genou une large plaie, et le troisiÚme la trompe coupée. Cependant, ils le regardaient d'un air triste, comme des personnes raisonnables ; et celui qui n'avait plus de trompe, en baissant sa tÃÂȘte énorme et pliant les jarrets, tùchait de le flatter doucement avec l'extrémité hideuse de son moignon. A cette caresse de l'animal, deux larmes lui jaillirent des yeux. Il bondit sur Abdalonim. - " Ah ! misérable ! la croix ! la croix ! " Abdalonim, s'évanouissant, tomba par terre à la renverse. DerriÚre les fabriques de pourpre, dont les lentes fumées bleues montaient dans le ciel, un aboiement de chacal retentit ; Hamilcar s'arrÃÂȘta. La pensée de son fils, comme l'attouchement d'un dieu, l'avait tout à coup calmé. C'était un prolongement de sa force, une continuation indéfinie de sa personne qu'il entrevoyait, et les esclaves ne comprenaient pas d'oÃÂč lui était venu cet apaisement. En se dirigeant vers les fabriques de pourpre, il passa devant l'ergastule, longue maison de pierre noire bùtie dans une fosse carrée avec un petit chemin tout autour et quatre escaliers aux angles. Pour achever son signal, Iddibal sans doute attendait la nuit. Rien ne presse encore, songeait Hamilcar ; et il descendit dans la prison. Quelques-uns lui criÚrent - " Retourne " ; les plus hardis le suivirent. La porte ouverte battait au vent. Le crépuscule entrait par les meurtriÚres étroites, et l'on distinguait dans l'intérieur des chaÃnes brisées pendant aux murs. Voilà tout ce qui restait des captifs de guerre. Alors Hamilcar pùlit extraordinairement, et ceux qui étaient penchés en dehors sur la fosse le virent qui s'appuyait d'une main contre le mur pour ne pas tomber. Mais le chacal, trois fois de suite, cria. Hamilcar releva la tÃÂȘte ; il ne proféra pas une parole, il ne fit pas un geste. Puis, quand le soleil fut complÚtement couché, il disparut derriÚre la haie de nopals, et le soir, à l'assemblée des Riches, dans le temple d'Eschmoûn, il dit en entrant - " LumiÚres des Baalim, j'accepte le commandement des forces puniques contre l'armée des Barbares ! " - Chapitre 8 LA BATAILLE DU MACAR - DÚs le lendemain, il tira des Syssites deux cent vingt-trois mille kikar d'or, il décréta un impÎt de quatorze shekel sur les Riches. Les femmes mÃÂȘmes contribuÚrent ; on payait pour les enfants, et, chose monstrueuse dans les habitudes carthaginoises, il força les collÚges des prÃÂȘtres à fournir de l'argent. Il réclama tous les chevaux, tous les mulets, toutes les armes. Quelques- uns voulurent dissimuler leurs richesses, on vendit leurs biens ; et, pour intimider l'avarice des autres, il donna soixante armures et quinze cents gommor de farine, autant à lui seul que la Compagnie-de-l'ivoire. Il envoya dans la Ligurie acheter des soldats, trois mille montagnards habitués à combattre des ours ; d'avance on leur paya six lunes, à quinze mines par jour. Cependant, il fallait une armée. Mais il n'accepta pas, comme Hannon, tous les citoyens. Il repoussa d'abord les gens d'occupations sédentaires, puis ceux qui avaient le ventre trop gros ou l'aspect pusillanime ; et il admit des hommes déshonorés, la crapule de Malqua, des fils de Barbares, des affranchis. Pour récompense, il promit à des Carthaginois-nouveaux le droit de cité complet. Son premier soin fut de réformer la Légion. Ces beaux jeunes hommes qui se considéraient comme la majesté militaire de la République, se gouvernaient eux-mÃÂȘmes. Il cassa leurs officiers ; il les traitait rudement, les faisait courir, sauter, monter tout d'une haleine la pente de Byrsa, lancer des javelots, lutter corps à corps, coucher la nuit sur les places. Leurs familles venaient les voir et les plaignaient. Il commanda des glaives plus courts, des brodequins plus forts. Il fixa le nombre des valets et réduisit les bagages ; et comme on gardait dans le temple de Moloch trois cents pilums romains, malgré les réclamations du pontife, il les prit. Avec ceux qui étaient revenus d'Utique et d'autres que les particuliers possédaient, il organisa une phalange de soixante-douze éléphants et les rendit formidables. Il arma leurs conducteurs d'un maillet et d'un ciseau, afin de pouvoir dans la mÃÂȘlée leur fendre le crùne s'ils s'emportaient. Il ne permit point que ses généraux fussent nommés par le Grand- Conseil. Les Anciens tùchaient de lui objecter les lois, il passait au travers ; on n'osait plus murmurer, tout pliait sous la violence de son génie. A lui seul il se chargeait de la guerre, du gouvernement et des finances ; et, afin de prévenir les accusations, il demanda comme examinateur de ses comptes le suffÚte Hannon. Il faisait travailler aux remparts, et, pour avoir des pierres, démolir les vieilles murailles intérieures, à présent inutiles. Mais la différence des fortunes, remplaçant la hiérarchie des races, continuait à maintenir séparés les fils des vaincus et ceux des conquérants ; aussi les patriciens virent d'un oeil irrité la destruction de ces ruines, tandis que la plÚbe, sans trop savoir pourquoi, s'en réjouissait. Les troupes en armes, du matin au soir, défilaient dans les rues ; à chaque moment on entendait sonner les trompettes ; sur des chariots passaient des boucliers, des tentes, des piques les cours étaient pleines de femmes qui déchiraient de la toile ; l'ardeur de l'un à l'autre se communiquait l'ùme d'Hamilcar emplissait la République. Il avait divisé ses soldats par nombres pairs, en ayant soin de placer dans la longueur des files, alternativement, un homme fort et un homme faible, pour que le moins vigoureux ou le plus lùche fût conduit à la fois et poussé par deux autres. Mais avec ses trois mille Ligures et les meilleurs de Carthage, il ne put former qu'une phalange simple de quatre mille quatre-vingt-seize hoplites, défendus par des casques de bronze, et qui maniaient des sarisses de frÃÂȘne, longues de quatorze coudées. Deux mille jeunes hommes portaient des frondes, un poignard et des sandales. Il les renforça de huit cents autres armés d'un bouclier rond et d'un glaive à la romaine. La grosse cavalerie se composait des dix-neuf cents gardes qui restaient de la Légion, couverts par des lames de bronze vermeil, comme les Clinabares assyriens. Il avait de plus quatre cents archers à cheval, de ceux qu'on appelait des Tarentins, avec des bonnets en peau de belette, une hache à double tranchant et une tunique de cuir. Enfin douze cents NÚgres du quartier des caravanes, mÃÂȘlés aux Clinabares, devaient courir auprÚs des étalons, en s'appuyant d'une main sur la criniÚre. Tout était prÃÂȘt, et cependant Hamilcar ne partait pas. Souvent la nuit il sortait de Carthage, seul, et il s'enfonçait plus loin que la lagune, vers les embouchures du Macar. Voulait-il se joindre aux Mercenaires ? Les Ligures campant sur les Mappales entouraient sa maison. Les appréhensions des Riches parurent justifiées quand on vit, un jour, trois cents Barbares s'approcher des murs. Le SuffÚte leur ouvrit les portes ; c'étaient des transfuges ; ils accouraient vers leur maÃtre, entraÃnés par la crainte ou par la fidélité. Le retour d'Hamilcar n'avait point surpris les Mercenaires ; cet homme, dans leurs idées, ne pouvait pas mourir. Il revenait pour accomplir ses promesses espérance qui n'avait rien d'absurde tant l'abÃme était profond entre la Patrie et l'Armée. D'ailleurs, ils ne se croyaient point coupables ; on avait oublié le festin. Les espions qu'ils surprirent les détrompÚrent. Ce fut un triomphe pour les acharnés ; les tiÚdes mÃÂȘme devinrent furieux. Puis les deux siÚges les accablaient d'ennui ; rien n'avançait ; mieux valait une bataille ! Aussi beaucoup d'hommes se débandaient, couraient la campagne. A la nouvelle des armements ils revinrent ; Mùtho en bondit de joie. " Enfin ! enfin ! " s'écria-t-il. Alors le ressentiment qu'il gardait à SalammbÎ se tourna contre Hamilcar. Sa haine, maintenant, apercevait une proie déterminée ; et comme la vengeance devenait plus facile à concevoir, il croyait presque la tenir et déjà s'y délectait. En mÃÂȘme temps il était pris d'une tendresse plus haute, dévoré par un désir plus ùcre. Tour à tour il se voyait au milieu des soldats, brandissant sur une pique la tÃÂȘte du SuffÚte, puis dans la chambre au lit de pourpre, serrant la vierge entre ses bras, couvrant sa figure de baisers, passant ses mains sur ses grands cheveux noirs ; et cette imagination qu'il savait irréalisable le suppliciait. Il se jura, puisque ses compagnons l'avaient nommé schalischim, de conduire la guerre ; la certitude qu'il n'en reviendrait pas le poussait à la rendre impitoyable. Il arriva chez Spendius, et lui dit - " Tu vas prendre tes hommes ! J'amÚnerai les miens. Avertis Autharite ! Nous sommes perdus si Hamilcar nous attaque ! M'entends-tu ? LÚve- toi ! " Spendius demeura stupéfait devant cet air d'autorité. Mùtho, d'habitude, se laissait conduire, et les emportements qu'il avait eus étaient vite retombés. Mais à présent il semblait tout à la fois plus calme et plus terrible ; une volonté superbe fulgurait dans ses yeux, pareille à la flamme d'un sacrifice. Le Grec n'écouta pas ses raisons. Il habitait une des tentes carthaginoises à bordures de perles, buvait des boissons fraÃches dans des coupes d'argent, jouait au cottabe, laissait croÃtre sa chevelure et conduisait le siÚge avec lenteur. Du reste, il avait pratiqué des intelligences dans la ville et ne voulait point partir, sûr qu'avant peu de jours elle s'ouvrirait. Narr'Havas, qui vagabondait entre les trois armées, se trouvait alors prÚs de lui. Il appuya son opinion, et mÃÂȘme il blùma le Libyen de vouloir, par un excÚs de courage, abandonner leur entreprise. - " Va-t'en, si tu as peur ! " s'écria Mùtho ; " tu nous avais promis de la poix, du soufre, des éléphants, des fantassins, des chevaux ! oÃÂč sont-ils ? " Narr'Havas lui rappela qu'il avait exterminé les derniÚres cohortes d'Hannon ; - quant aux éléphants, on les chassait dans les bois, il armait les fantassins, les chevaux étaient en marche ; et le Numide, en caressant la plume d'autruche qui lui retombait sur l'épaule, roulait ses yeux comme une femme et souriait d'une maniÚre irritante. Mùtho, devant lui, ne trouvait rien à répondre. Mais un homme que l'on ne connaissait pas entra, mouillé de sueur, effaré, les pieds saignants, la ceinture dénouée ; sa respiration secouait ses flancs maigres à les faire éclater, et tout en parlant un dialecte inintelligible, il ouvrait de grands yeux, comme s'il eût raconté quelque bataille. Le roi bondit dehors et appela ses cavaliers. Ils se rangÚrent dans la plaine, en formant un cercle devant lui. Narr'Havas, à cheval, baissait la tÃÂȘte et se mordait les lÚvres. Enfin il sépara ses hommes en deux moitiés, dit à la premiÚre de l'attendre ; puis d'un geste impérieux, enlevant les autres au galop, il disparut dans l'horizon, du cÎté des montagnes. - " MaÃtre ! " murmura Spendius, " je n'aime pas ces hasards extraordinaires, le SuffÚte qui revient, Narr'Havas qui s'en va... " - " Eh ! qu'importe ? " , fit dédaigneusement Mùtho. C'était une raison de plus pour prévenir Hamilcar en rejoignant Autharite. Mais si l'on abandonnait le siÚge des villes, leurs habitants sortiraient, les attaqueraient par-derriÚre, et l'on aurait en face des Carthaginois. AprÚs beaucoup de paroles, les mesures suivantes furent résolues et immédiatement exécutées. Spendius, avec quinze mille hommes, se porta jusqu'au pont bùti sur le Macar, à trois milles d'Utique ; on en fortifia les angles par quatre tours énormes garnies de catapultes. Avec des troncs d'arbres, des pans de roches, des entrelacs d'épines et des murs de pierres, on boucha, dans les montagnes, tous les sentiers, toutes les gorges ; sur leurs sommets on entassa des herbes qu'on allumerait pour servir de signaux, et des pasteurs habiles à voir de loin, de place en place, y furent postés. Sans doute Hamilcar ne prendrait pas comme Hannon par la montagne des Eaux-Chaudes. Il devait penser qu'Autharite, maÃtre de l'intérieur, lui fermerait la route. Puis un échec au début de la campagne le perdrait, tandis que la victoire serait à recommencer bientÎt, les Mercenaires étant plus loin. Il pouvait encore débarquer au cap des Raisins, et de là marcher sur une des villes. Mais il se trouvait alors entre les deux armées, imprudence dont il n'était pas capable avec des forces peu nombreuses. Donc il devait longer la base de l'Ariana, puis tourner à gauche pour éviter les embouchures du Macar et venir droit au pont. C'est là que Mùtho l'attendait. La nuit, à la lueur des torches, il surveillait les pionniers. Il courait à Hippo-Zaryte, aux ouvrages des montagnes, revenait, ne se reposait pas. Spendius enviait sa force ; mais pour la conduite des espions, le choix des sentinelles, l'art des machines et tous les moyens défensifs, Mùtho écoutait docilement son compagnon ; et ils ne parlaient plus de SalammbÎ, - l'un n'y songeant pas, et l'autre empÃÂȘché par une pudeur. Souvent il s'en allait du cÎté de Carthage pour tùcher d'apercevoir les troupes d'Hamilcar. Il dardait ses yeux sur l'horizon ; il se couchait à plat ventre, et dans le bourdonnement de ses artÚres croyait entendre une armée. Il dit à Spendius que si, avant trois jours, Hamilcar n'arrivait pas, il irait avec tous ses hommes à sa rencontre lui offrir la bataille. Deux jours encore se passÚrent. Spendius le retenait ; le matin du sixiÚme, il partit. Les Carthaginois n'étaient pas moins que les Barbares impatients de la guerre. Dans les tentes et dans les maisons, c'était le mÃÂȘme désir, la mÃÂȘme angoisse ; tous se demandaient ce qui retardait Hamilcar. De temps à autre, il montait sur la coupole du temple d'Eschmoûn, prÚs de l'Annonciateur-des-Lunes, et il regardait le vent. Un jour, c'était le troisiÚme du mois de Tibby, on le vit descendre de l'Acropole, à pas précipités. Dans les Mappales une grande clameur s'éleva. BientÎt les rues s'agitÚrent, et partout les soldats commençaient à s'armer au milieu des femmes en pleurs qui se jetaient contre leur poitrine, puis ils couraient vite sur la place de Khamon prendre leurs rangs. On ne pouvait les suivre ni mÃÂȘme leur parler, ni s'approcher des remparts ; pendant quelques minutes, la ville entiÚre fut silencieuse comme un grand tombeau. Les soldats songeaient, appuyés sur leurs lances, et les autres, dans les maisons, soupiraient. Au coucher du soleil, l'armée sortit par la porte occidentale ; mais au lieu de prendre le chemin de Tunis ou de gagner les montagnes dans la direction d'Utique, on continua par le bord de la mer ; et bientÎt ils atteignirent la Lagune, oÃÂč des places rondes, toutes blanches de sel, miroitaient comme de gigantesques plats d'argent, oubliés sur le rivage. Puis les flaques d'eau se multipliÚrent. Le sol, peu à peu, devenant plus mou, les pieds s'enfonçaient. Hamilcar ne se retourna pas. Il allait toujours en tÃÂȘte ; et son cheval, couvert de macules jaunes comme un dragon, en jetant de l'écume autour de lui, avançait dans la fange à grands coups de reins. La nuit tomba, une nuit sans lune. Quelques-uns criÚrent qu'on allait périr ; il leur arracha leurs armes, qui furent données aux valets. La boue cependant était de plus en plus profonde. Il fallut monter sur les bÃÂȘtes de sommes ; d'autres se cramponnaient à la queue des chevaux ; les robustes tiraient les faibles, et le corps des Ligures poussait l'infanterie avec la pointe des piques. L'obscurité redoubla. On avait perdu la route. Tous s'arrÃÂȘtÚrent. Alors les esclaves du SuffÚte partirent en avant pour chercher les balises plantées par son ordre de distance en distance. Ils criaient dans les ténÚbres, et de loin l'armée les suivait. Enfin on sentit la résistance du sol. Puis une courbe blanchùtre se dessina vaguement, et ils se trouvÚrent sur le bord du Macar. Malgré le froid, on n'alluma pas de feu. Au milieu de la nuit, des rafales de vent s'élevÚrent, Hamilcar fit réveiller les soldats, mais pas une trompette ne sonna leurs capitaines les frappaient doucement sur l'épaule. Un homme d'une haute taille descendit dans l'eau. Elle ne venait pas à la ceinture ; on pouvait passer. Le SuffÚte ordonna que trente-deux des éléphants se placeraient dans le fleuve cent pas plus loin, tandis que les autres, plus bas, arrÃÂȘteraient les lignes d'hommes emportées par le courant ; et tous, en tenant leurs armes au-dessus de leur tÃÂȘte, traversÚrent le Macar comme entre deux murailles. Il avait remarqué que le vent d'ouest, en poussant les sables, obstruait le fleuve et formait dans sa largeur une chaussée naturelle. Maintenant il était sur la rive gauche en face d'Utique, et dans une vaste plaine, avantage pour ses éléphants qui faisaient la force de son armée. Ce tour de génie enthousiasma les soldats. Une confiance extraordinaire leur revenait. Ils voulaient tout de suite courir aux Barbares ; le SuffÚte les fit se reposer pendant deux heures. DÚs que le soleil parut, on s'ébranla dans la plaine sur trois lignes les éléphants d'abord, l'infanterie légÚre avec la cavalerie derriÚre elle, la phalange marchait ensuite. Les Barbares campés à Utique, et les quinze mille autour du pont, furent surpris de voir au loin la terre onduler. Le vent qui soufflait trÚs fort chassait des tourbillons de sable ; ils se levaient comme arrachés du sol, montaient par grands lambeaux de couleur blonde, puis se déchiraient et recommençaient toujours, en cachant aux Mercenaires l'armée punique. A cause des cornes dressées au bord des casques, les uns croyaient apercevoir un troupeau de boeufs ; d'autres, trompés par l'agitation des manteaux, prétendaient distinguer des ailes, et ceux qui avaient beaucoup voyagé, haussant les épaules, expliquaient tout par les illusions du mirage. Cependant, quelque chose d'énorme continuait à s'avancer. De petites vapeurs, subtiles comme des haleines, couraient sur la surface du désert ; le soleil, plus haut maintenant, brillait plus fort une lumiÚre ùpre, et qui semblait vibrer, reculait la profondeur du ciel, et, pénétrant les objets, rendait la distance incalculable. L'immense plaine se développait de tous les cÎtés à perte de vue ; et les ondulations des terrains, presque insensibles, se prolongeaient jusqu'à l'extrÃÂȘme horizon, fermé par une grande ligne bleue qu'on savait ÃÂȘtre la mer. Les deux armées, sorties des tentes, regardaient ; les gens d'Utique, pour mieux voir, se tassaient sur les remparts. Enfin ils distinguÚrent plusieurs barres transversales, hérissées de points égaux. Elles devinrent plus épaisses, grandirent ; des monticules noirs se balançaient ; tout à coup des buissons carrés parurent ; c'étaient des éléphants et des lances ; un seul cri s'éleva - " Les Carthaginois ! " et, sans signal, sans commandement, les soldats d'Utique et ceux du pont coururent pÃÂȘle-mÃÂȘle, pour tomber ensemble sur Hamilcar. A ce nom, Spendius tressaillit. Il répétait en haletant " Hamilcar ! Hamilcar ! " et Mùtho n'était pas là ! Que faire ? Nul moyen de fuir ! La surprise de l'événement, sa terreur du SuffÚte et surtout l'urgence d'une résolution immédiate le bouleversaient ; il se voyait traversé de mille glaives, décapité, mort. Cependant on l'appelait ; trente mille hommes allaient le suivre ; une fureur contre lui-mÃÂȘme le saisit ; il se rejeta sur l'espérance de la victoire ; elle était pleine de félicités, et il se crut plus intrépide qu'Epaminondas. Pour cacher sa pùleur, il barbouilla ses joues de vermillon, puis il boucla ses cnémides, sa cuirasse, avala une patÚre de vin pur et courut aprÚs sa troupe, qui se hùtait vers celle d'Utique. Elles se rejoignirent toutes les deux si rapidement que le SuffÚte n'eut pas le temps de ranger ses hommes en bataille. Peu à peu, il se ralentissait. Les éléphants s'arrÃÂȘtÚrent ; ils balançaient leurs lourdes tÃÂȘtes, chargées de plumes d'autruche, tout en se frappant les épaules avec leur trompe. Au fond de leurs intervalles, on distinguait les cohortes des vélites, plus loin les grands casques des Clinabares, avec des fers qui brillaient au soleil, des cuirasses, des panaches des étendards agités. Mais l'armée carthaginoise, grosse de onze mille trois cent-quatre-vingt-seize hommes, semblait à peine les contenir, car elle formait un carré long, étroit des flancs et resserré sur soi-mÃÂȘme. En les voyant si faibles, les Barbares, trois fois plus nombreux, furent pris d'une joie désordonnée ; on n'apercevait pas Hamilcar. Il était resté là -bas, peut-ÃÂȘtre ? Qu'importait d'ailleurs ! Le dédain qu'ils avaient de ces marchands renforçait leur courage ; et avant que Spendius eût commandé la manoeuvre, tous l'avaient comprise et déjà l'exécutaient. Ils se développÚrent sur une grande ligne droite, qui débordait les ailes de l'armée punique, afin de l'envelopper complÚtement. Mais, quand on fut à trois cents pas d'intervalle, les éléphants, au lieu d'avancer, se retournÚrent ! puis voilà que les Clinabares, faisant volte-face, les suivirent ; et la surprise des Mercenaires redoubla en apercevant tous les hommes de trait qui couraient pour les rejoindre. Les Carthaginois avaient donc peur, ils fuyaient ! Une huée formidable éclata dans les troupes des Barbares, et, du haut de son dromadaire, Spendius s'écriait - " Ah ! je le savais bien ! En avant ! en avant ! " Alors les javelots, les dards, les balles des frondes jaillirent à la fois. Les éléphants, la croupe piquée par les flÚches, se mirent à galoper plus vite ; une grosse poussiÚre les enveloppait, et, comme des ombres dans un nuage, ils s'évanouirent. Cependant, on entendait au fond un grand bruit de pas, dominé par le son aigu des trompettes qui soufflaient avec furie. Cet espace, que les Barbares avaient devant eux, plein de tourbillons et de tumulte, attirait comme un gouffre ; quelques-uns s'y lancÚrent. Des cohortes d'infanterie apparurent ; elles se refermaient ; et, en mÃÂȘme temps, tous les autres voyaient accourir les fantassins avec des cavaliers au galop. En effet, Hamilcar avait ordonné à la phalange de rompre ses sections, aux éléphants, aux troupes légÚres et à la cavalerie de passer par ces intervalles pour se porter vivement sur les ailes, et calculé si bien la distance des Barbares, que, au moment oÃÂč ils arrivaient contre lui, l'armée carthaginoise tout entiÚre faisait une grande ligne droite. Au milieu se hérissait la phalange, formée par des syntagmes ou carrés pleins, ayant seize hommes de chaque cÎté. Tous les chefs de toutes les files apparaissaient entre de longs fers aigus qui les débordaient inégalement, car les six premiers rangs croisaient leurs sarisses en les tenant par le milieu, et les dix rangs inférieurs les appuyaient sur l'épaule de leurs compagnons se succédant devant eux. Toutes les figures disparaissaient à moitié dans la visiÚre des casques ; des cnémides en bronze couvraient toutes les jambes droites ; les larges boucliers cylindriques descendaient jusqu'aux genoux ; et cette horrible masse quadrangulaire remuait d'une seule piÚce, semblait vivre comme une bÃÂȘte et fonctionner comme une machine. Deux cohortes d'éléphants la bordaient réguliÚrement ; tout en frissonnant, ils faisaient tomber les éclats des flÚches attachés à leur peau noire. Les Indiens accroupis sur leur garrot, parmi les touffes de plumes blanches, les retenaient avec la cuiller du harpon, tandis que, dans les tours, des hommes cachés jusqu'aux épaules promenaient, au bord de grands arcs tendus, des quenouilles en fer garnies d'étoupes allumées. A la droite et à la gauche des éléphants, voltigeaient les frondeurs, une fronde autour des reins, une seconde sur la tÃÂȘte, une troisiÚme à la main droite. Puis les Clinabares, chacun flanqué d'un nÚgre, tendaient leurs lances entre les oreilles de leurs chevaux tout couverts d'or comme eux. Ensuite s'espaçaient les soldats armés à la légÚre avec des boucliers en peau de lynx, d'oÃÂč dépassaient les pointes des javelots qu'ils tenaient dans leur main gauche ; et les Tarentins, conduisant deux chevaux accouplés, relevaient aux deux bouts cette muraille de soldats. L'armée des Barbares, au contraire, n'avait pu maintenir son alignement. Sur sa longueur exorbitante il s'était fait des ondulations, des vides ; tous haletaient, essoufflés d'avoir couru. La phalange s'ébranla lourdement en poussant toutes ses sarisses ; sous ce poids énorme la ligne des Mercenaires, trop mince, bientÎt plia par le milieu. Alors les ailes carthaginoises se développÚrent pour les saisir les éléphants les suivaient. Avec ses lances obliquement tendues, la phalange coupa les Barbares ; deux tronçons énormes s'agitÚrent ; les ailes, à coup de fronde et de flÚche, les rabattaient sur les phalangistes. Pour s'en débarrasser, la cavalerie manquait ; sauf deux cents Numides qui se portÚrent contre l'escadron droit des Clinabares, tous les autres se trouvaient enfermés, ne pouvaient sortir de ces lignes. Le péril était imminent et une résolution urgente. Spendius ordonna d'attaquer la phalange simultanément par les deux flancs, afin de passer tout au travers. Mais les rangs les plus étroits glissÚrent sous les plus longs, revinrent à leur place, et elle se retourna contre les Barbares, aussi terrible de ses cÎtés qu'elle l'était de front tout à l'heure. Ils frappaient sur la hampe des sarisses, mais la cavalerie, par-derriÚre, gÃÂȘnait leur attaque ; et la phalange, appuyée aux éléphants, se resserrait et s'allongeait, se présentait en carré, en cÎne, en rhombe, en trapÚze, en pyramide. Un double mouvement intérieur se faisait continuellement de sa tÃÂȘte à sa queue ; car ceux qui étaient au bas des files accouraient vers les premiers rangs, et ceux-là , par lassitude ou à cause des blessés, se repliaient plus bas. Les Barbares se trouvÚrent foulés sur la phalange. Il lui était impossible de s'avancer ; on aurait dit un océan oÃÂč bondissaient des aigrettes rouges avec des écailles d'airain, tandis que les clairs boucliers se roulaient comme une écume d'argent. Quelquefois d'un bout à l'autre, de larges courants descendaient, puis ils remontaient, et au milieu une lourde masse se tenait immobile. Les lances s'inclinaient et se relevaient, alternativement. Ailleurs c'était une agitation de glaives nus si précipitée que les pointes seules apparaissaient, et des turmes de cavalerie élargissaient des cercles, qui se refermaient derriÚre elles en tourbillonnant. Par-dessus la voix des capitaines, la sonnerie des clairons et le grincement des lyres, les boules de plomb et les amandes d'argile passant dans l'air, sifflaient, faisaient sauter les glaives des mains, la cervelle des crùnes. Les blessés, s'abritant d'un bras sous leur bouclier, tendaient leur épée en appuyant le pommeau contre le sol, et d'autres, dans des mares de sang, se retournaient pour mordre les talons. La multitude était si compacte, la poussiÚre si épaisse, le tumulte si fort, qu'il était impossible de rien distinguer ; les lùches qui offrirent de se rendre ne furent mÃÂȘme pas entendus. Quand les mains étaient vides, on s'étreignait corps à corps ; les poitrines craquaient contre les cuirasses et des cadavres pendaient la tÃÂȘte en arriÚre, entre deux bras crispés. Il y eut une compagnie de soixante Ombriens qui, fermes sur leurs jarrets, la pique devant les yeux, inébranlables et grinçant des dents, forcÚrent à reculer deux syntagmes à la fois. Des pasteurs épirotes coururent à l'escadron gauche des Clinabares, saisirent les chevaux à la criniÚre en faisant tournoyer leurs bùtons ; les bÃÂȘtes, renversant leurs hommes, s'enfuirent par la plaine. Les frondeurs puniques, écartés çà et là , restaient béants. La phalange commençait à osciller, les capitaines couraient éperdus, les serre-files poussaient les soldats, et les Barbares s'étaient reformés ; ils revenaient ; la victoire était pour eux. Mais un cri, un cri épouvantable éclata, un rugissement de douleur et de colÚre c'étaient les soixante-douze éléphants qui se précipitaient sur une double ligne, Hamilcar ayant attendu que les Mercenaires fussent tassés en une seule place pour les lùcher contre eux ; les Indiens les avaient si vigoureusement piqués que du sang coulait sur leurs larges oreilles. Leurs trompes, barbouillées de minium, se tenaient droites en l'air, pareilles à des serpents rouges ; leurs poitrines étaient garnies d'un épieu, leur dos d'une cuirasse, leurs défenses allongées par des lames de fer courbes comme des sabres, - et pour les rendre plus féroces, on les avait enivrés avec un mélange de poivre, de vin pur et d'encens. Ils secouaient leurs colliers de grelots, criaient ; et les éléphantarques baissaient la tÃÂȘte sous le jet des phalariques qui commençaient à voler du haut des tours. Afin de mieux leur résister les Barbares se ruÚrent, en foule compacte ; les éléphants se jetÚrent au milieu, impétueusement. Les éperons de leur poitrail, comme des proues de navire, fendaient les cohortes ; elles refluaient à gros bouillons. Avec leurs trompes, ils étouffaient les hommes, ou bien les arrachant du sol, par-dessus leur tÃÂȘte ils les livraient aux soldats dans les tours ; avec leurs défenses, ils les éventraient, les lançaient en l'air, et de longues entrailles pendaient à leurs crocs d'ivoire comme des paquets de cordages à des mùts. Les Barbares tùchaient de leur crever les yeux, de leur couper les jarrets ; d'autres, se glissant sous leur ventre, y enfonçaient un glaive jusqu'à la garde et périssaient écrasés ; les plus intrépides se cramponnaient à leurs courroies ; sous les flammes, sous les balles, sous les flÚches, ils continuaient à scier les cuirs, et la tour d'osier s'écroulait comme une tour de pierre. Quatorze de ceux qui se trouvaient à l'extrémité droite, irrités de leurs blessures, se retournÚrent sur le second rang ; les Indiens saisirent leur maillet et leur ciseau et l'appliquant au joint de la tÃÂȘte, à tour de bras, ils frappÚrent un grand coup. Les bÃÂȘtes énormes s'affaissÚrent, tombÚrent les unes par-dessus les autres. Ce fut comme une montagne ; et sur ce tas de cadavres et d'armures, un éléphant monstrueux qu'on appelait Fureur de Baal pris par la jambe entre des chaÃnes, resta jusqu'au soir à hurler, avec une flÚche dans l'oeil. Cependant les autres, comme des conquérants qui se délectent dans leur extermination, renversaient, écrasaient, piétinaient, s'acharnaient aux cadavres, aux débris. Pour repousser les manipules serrés en couronnes autour d'eux, ils pivotaient sur leurs pieds de derriÚre, dans un mouvement de rotation continuelle, en avançant toujours. Les Carthaginois sentirent redoubler leur vigueur, et la bataille recommença. Les Barbares faiblissaient ; des hoplites grecs jetÚrent leurs armes, une épouvante prit les autres. On aperçut Spendius penché sur son dromadaire et qui l'éperonnait aux épaules avec deux javelots. Tous alors se précipitÚrent par les ailes et coururent vers Utique. Les Clinabares, dont les chevaux n'en pouvaient plus, n'essayÚrent pas de les atteindre. Les Ligures, exténués de soif, criaient pour se porter sur le fleuve. Mais les Carthaginois, placés au milieu des syntagmes, et qui avaient moins souffert, trépignaient de désir devant leur vengeance qui fuyait ; déjà ils s'élançaient à la poursuite des Mercenaires ; Hamilcar parut. Il retenait avec des rÃÂȘnes d'argent son cheval tigré tout couvert de sueur. Les bandelettes attachées aux cornes de son casque claquaient au vent derriÚre lui, et il avait mis sous sa cuisse gauche son bouclier ovale. D'un mouvement de sa pique à trois pointes, il arrÃÂȘta l'armée. Les Tarentins sautÚrent vite de leur cheval sur le second, et partirent à droite et à gauche vers le fleuve et vers la ville. La phalange extermina commodément tout ce qui restait de Barbares. Quand arrivaient les épées, ils tendaient la gorge en fermant les paupiÚres. D'autres se défendirent à outrance ; on les assomma de loin, sous des cailloux, comme des chiens enragés, Hamilcar avait recommandé de faire des captifs. Mais les Carthaginois lui obéissaient avec rancune, tant ils sentaient de plaisir à enfoncer leurs glaives dans les corps des Barbares. Comme ils avaient trop chaud, ils se mirent à travailler nu-bras, à la maniÚre des faucheurs ; et lorsqu'ils s'interrompaient pour reprendre haleine, ils suivaient des yeux, dans la campagne, un cavalier galopant aprÚs un soldat qui courait. Il parvenait à le saisir par les cheveux, le tenait ainsi quelque temps, puis l'abattait d'un coup de hache. La nuit tomba. Les Carthaginois, les Barbares avaient disparu. Les éléphants, qui s'étaient enfuis, vagabondaient à l'horizon avec leurs tours incendiées. Elles brûlaient dans les ténÚbres, çà et là , comme des phares à demi perdus dans la brume ; et l'on n'apercevait d'autre mouvement sur la plaine que l'ondulation du fleuve, exhaussé par les cadavres et qui les charriait à la mer. Deux heures aprÚs, Mùtho arriva. Il entrevit à la clarté des étoiles de longs tas inégaux couchés par terre. C'étaient des files de Barbares. Il se baissa ; tous étaient morts, il appela au loin ; aucune voix ne lui répondit. Le matin mÃÂȘme, il avait quitté Hippo-Zaryte avec ses soldats pour marcher sur Carthage. A Utique, l'armée de Spendius venait de partir, et les habitants commençaient à incendier les machines. Tous s'étaient battus avec acharnement. Mais le tumulte qui se faisait vers le pont redoublant d'une façon incompréhensible, Mùtho s'était jeté, par le plus court chemin, à travers la montagne, et, comme les Barbares s'enfuyaient par la plaine, il n'avait rencontré personne. En face de lui, de petites masses pyramidales se dressaient dans l'ombre, et en deçà du fleuve, plus prÚs, il y avait à ras du sol des lumiÚres immobiles. En effet, les Carthaginois s'étaient repliés derriÚre le pont, et, pour tromper les Barbares, le SuffÚte avait établi des postes nombreux sur l'autre rive. Mùtho, s'avançant toujours, crut distinguer des enseignes puniques, car des tÃÂȘtes de cheval qui ne bougeaient pas apparaissaient dans l'air, fixées au sommet des hampes en faisceau que l'on ne pouvait voir ; et il entendit plus loin une grande rumeur, un bruit de chansons et de coupes heurtées. Alors, ne sachant oÃÂč il se trouvait, ni comment découvrir Spendius, tout assailli d'angoisses, effaré, perdu dans les ténÚbres, il s'en retourna par le mÃÂȘme chemin plus impétueusement. L'aube blanchissait, quand du haut de la montagne il aperçut la ville, avec les carcasses des machines noircies par les flammes, comme des squelettes de géant qui s'appuyaient aux murs. Tout reposait dans un silence et dans un accablement extraordinaires. Parmi ses soldats, au bord des tentes, des hommes presque nus dormaient sur le dos, ou le front contre leur bras que soutenait leur cuirasse. Quelques-uns décollaient de leurs jambes des bandelettes ensanglantées. Ceux qui allaient mourir roulaient leur tÃÂȘte, tout doucement ; d'autres, en se traÃnant, leur apportaient à boire. Le long des chemins étroits les sentinelles marchaient pour se réchauffer, ou se tenaient la figure tournée vers l'horizon, avec leur pique sur l'épaule, dans une attitude farouche. Mùtho trouva Spendius abrité sous un lambeau de toile que supportaient deux bùtons par terre, le genou dans les mains, la tÃÂȘte basse. Ils restÚrent longtemps sans parler. Enfin Mùtho murmura - " Vaincus ! Spendius reprit d'une voix sombre - " Oui, vaincus ! " Et à toutes les questions il répondait par des gestes désespérés. Cependant des soupirs, des rùles arrivaient jusqu'à eux. Mùtho entrouvrit la toile. Alors le spectacle des soldats lui rappela un autre désastre, au mÃÂȘme endroit, et en grinçant des dents - " Misérable ! une fois déjà ... " Spendius l'interrompit - " Tu n'y étais pas non plus. " - " C'est une malédiction ! " s'écria Mùtho. " A la fin pourtant, je l'atteindrai ! je le vaincrai ! je le tuerai ! Ah ! Si j'avais été là ... " L'idée d'avoir manqué la bataille le désespérait plus encore que la défaite. Il arracha son glaive, le jeta par terre. " Mais comment les Carthaginois vous ont-ils battus ? " L'ancien esclave se mit à raconter les manoeuvres. Mùtho croyait les voir et il s'irritait. L'armée d'Utique, au lieu de courir vers le pont, aurait dû prendre Hamilcar par-derriÚre. - " Eh ! je le sais ! " dit Spendius. - " Il fallait doubler tes profondeurs, ne pas compromettre les vélites contre la phalange, donner des issues aux éléphants. Au dernier moment on pouvait tout regagner rien ne forçait à fuir. " Spendius répondit - " Je l'ai vu passer dans son grand manteau rouge, les bras levés, plus haut que la poussiÚre, comme un aigle qui volait au flanc des cohortes ; et, à tous les signes de sa tÃÂȘte, elles se resserraient, s'élançaient ; la foule nous a entraÃnés l'un vers l'autre il me regardait ; j'ai senti dans mon coeur comme le froid d'une épée. " - " Il aura peut-ÃÂȘtre choisi le jour ? " se disait tout bas Mùtho. Ils s'interrogÚrent, tùchant de découvrir ce qui avait amené le SuffÚte précisément dans la circonstance la plus défavorable. Ils en vinrent à causer de la situation, et, pour atténuer sa faute ou se redonner à lui- mÃÂȘme du courage, Spendius avança qu'il restait encore de l'espoir. - " Qu'il n'en reste plus, n'importe ! " dit Mùtho, " tout seul, je continuerai la guerre ! " - " Et moi aussi ! " s'écria le Grec en bondissant ; il marchait à grands pas ; ses prunelles étincelaient et un sourire étrange plissait sa figure de chacal. - " Nous recommencerons, ne me quitte plus ! je ne suis pas fait pour les batailles au grand soleil ; l'éclat des épées me trouble la vue ; c'est une maladie, j'ai trop longtemps vécu dans l'ergastule. Mais donne-moi des murailles à escalader la nuit, et j'entrerai dans les citadelles, et les cadavres seront froids avant que les coqs aient chanté ! Montre-moi quelqu'un, quelque chose, un ennemi, un trésor, une femme " ; il répéta " Une femme, fut-elle la fille d'un roi, et j'apporterai vivement ton désir devant tes pieds. Tu me reproches d'avoir perdu la bataille contre Hannon, je l'ai regagnée pourtant. Avoue-le ! mon troupeau de porcs nous a plus servi qu'une phalange de Spartiates. " Et, cédant au besoin de se rehausser et de saisir sa revanche, il énuméra tout ce qu'il avait fait pour la cause des Mercenaires. " C'est moi dans les jardins du SuffÚte, qui ai poussé le Gaulois ! Plus tard, à Sicca, je les ai tous enragés avec la peur de la République ! Giscon les renvoyait, mais je n'ai pas voulu que les interprÚtes pussent parler. Ah ! comme la langue leur pendait de la bouche ! t'en souviens-tu ? Je t'ai conduit dans Carthage ; j'ai volé le zaïmph. Je t'ai mené chez elle. Je ferai plus encore tu verras ! " Il éclata de rire comme un fou. Mùtho le considérait les yeux béants. Il éprouvait une sorte de malaise devant cet homme, qui était à la fois si lùche et si terrible. Le Grec reprit d'un ton jovial, en faisant claquer ses doigts - " Evohé ! AprÚs la pluie, le soleil ! J'ai travaillé aux carriÚres et j'ai bu du massique dans un vaisseau qui m'appartint, sous un tendelet d'or, comme un Ptolémée. Le malheur doit servir à nous rendre plus habiles. A force de travail, on assouplit la fortune. Elle aime les politiques. Elle cédera ! " Il revint sur Mùtho et, le prenant au bras - " MaÃtre, à présent les Carthaginois sont sûrs de leur victoire. Tu as toute une armée qui n'a pas combattu, et tes hommes t'obéissent, à toi. Place-les en avant ; les miens, pour se venger, marcheront. Il me reste trois mille Cariens, douze cents frondeurs et des archers, des cohortes entiÚres ! . On peut mÃÂȘme former une phalange, retournons ! " Mùtho, abasourdi par le désastre, n'avait jusqu'à présent rien imaginé pour en sortir. Il écoutait, la bouche ouverte, et les lames de bronze qui cerclaient ses cÎtes se soulevaient aux bondissements de son coeur. Il ramassa son épée, en criant - " Suis-moi, marchons ! " Mais les éclaireurs, quand ils furent revenus, annoncÚrent que les morts des Carthaginois étaient enlevés, le pont tout en ruine et Hamilcar disparu. - Chapitre 9 EN CAMPAGNE - Il avait pensé que les Mercenaires l'attendraient à Utique ou qu'ils reviendraient contre lui ; et, ne trouvant pas ses forces suffisantes pour donner l'attaque ou pour la recevoir, il s'était enfoncé dans le sud, par la rive droite du fleuve, ce qui le mettait immédiatement à couvert d'une surprise. Il voulait, fermant d'abord les yeux sur leur révolte, détacher toutes les tribus de la cause des Barbares ; puis, quand ils seraient bien isolés au milieu des provinces, il tomberait sur eux et les exterminerait. En quatorze jours, il pacifia la région comprise entre Thouccaber et Utique, avec les villes de Tignicabah, Tessourah, Vacca et d'autres encore à l'occident ; Zounghar bùtie dans les montagnes ; Assouras célÚbre par son temple, Djeraado fertile en genévriers ; Thapitis et Hagour lui envoyÚrent des ambassades. Les gens de la campagne arrivaient les mains pleines de vivres, imploraient sa protection, baisaient ses pieds, ceux des soldats, et se plaignaient des Barbares. Quelques-uns venaient lui offrir, dans des sacs, des tÃÂȘtes de Mercenaires, tués par eux, disaient-ils, mais qu'ils avaient coupées à des cadavres ; car beaucoup s'étaient perdus en fuyant, et on les trouvait morts de place en place, sous les oliviers et dans les vignes. Pour éblouir le peuple, Hamilcar, dÚs le lendemain de la victoire, avait envoyé à Carthage les deux mille captifs faits sur le champ de bataille. Ils arrivÚrent par longues compagnies de cent hommes chacune, tous les bras attachés sur le dos avec une barre de bronze qui les prenait à la nuque, et les blessés, en saignant, couraient aussi ; des cavaliers, derriÚre eux, les chassaient à coups de fouet. Ce fut un délire de joie ! On se répétait qu'il y avait eu six mille Barbares de tués ; les autres ne tiendraient pas, la guerre était finie ; on s'embrassait dans les rues, et l'on frotta de beurre et de cinnamome la figure des Dieux-PatÊques pour les remercier. Avec leurs gros yeux, leur gros ventre et leurs deux bras levés jusqu'aux épaules, ils semblaient vivre sous leur peinture plus fraÃche et participer à l'allégresse du peuple. Les Riches laissaient leurs portes ouvertes ; la ville retentissait du ronflement des tambourins ; les temples toutes les nuits étaient illuminés, et les servantes de la Déesse descendues dans Malqua établirent au coin des carrefours des tréteaux en sycomore, oÃÂč elles se prostituaient. On vota des terres pour les vainqueurs, des holocaustes pour Melkarth, trois cents couronnes d'or pour le SuffÚte, et ses partisans proposaient de lui décerner des prérogatives et des honneurs nouveaux. Il avait sollicité les Anciens de faire des ouvertures à Autharite pour échanger contre tous les Barbares, s'il le fallait, le vieux Giscon avec les autres Carthaginois détenus comme lui. Les Libyens et les Nomades qui composaient l'armée d'Autharite connaissaient à peine ces Mercenaires, hommes de race italiote ou grecque ; et puisque la République leur offrait tant de Barbares contre si peu de Carthaginois, c'est que les uns étaient de nulle valeur et que les autres en avaient une considérable. Ils craignaient un piÚge. Autharite refusa. Alors les Anciens décrétÚrent l'exécution des captifs, bien que le SuffÚte leur eût écrit de ne pas les mettre à mort. Il comptait incorporer les meilleurs dans ses troupes et exciter par là des défections. Mais la haine emporta toute réserve. Les deux mille Barbares furent attachés dans les Mappales, contre les stÚles des tombeaux ; et des marchands, des goujats de cuisine, des brodeurs et mÃÂȘme des femmes, les veuves des morts avec leurs enfants, tous ceux qui voulaient, vinrent les tuer à coups de flÚche. On les visait lentement, pour mieux prolonger leur supplice on baissait son arme, puis on la relevait tour à tour ; et la multitude se poussait en hurlant. Des paralytiques se faisaient amener sur des civiÚres ; beaucoup, par précaution, apportaient leur nourriture et restaient là jusqu'au soir ; d'autres y passaient la nuit. On avait planté des tentes oÃÂč l'on buvait. Plusieurs gagnÚrent de fortes sommes à louer des arcs. Puis on laissa debout tous ces cadavres crucifiés, qui semblaient sur les tombeaux autant de statues rouges et l'exaltation gagnait jusqu'aux gens de Malqua, issus des familles autochtones et d'ordinaire indifférents aux choses de la patrie. Par reconnaissance des plaisirs qu'elle leur donnait, maintenant ils s'intéressaient à sa fortune, se sentaient Puniques, et les Anciens trouvÚrent habile d'avoir ainsi fondu dans une mÃÂȘme vengeance le peuple entier. La sanction des Dieux n'y manqua pas ; car de tous les cÎtés du ciel des corbeaux s'abattirent. Ils volaient en tournant dans l'air avec de grands cris rauques, et faisaient un nuage énorme qui roulait sur soi-mÃÂȘme continuellement. On l'apercevait de Clypéa, de RhadÚs et du promontoire Hermaeum. Parfois il se crevait tout à coup, élargissant au loin ses spirales noires ; c'était un aigle qui fondait dans le milieu, puis repartait ; sur les terrasses, sur les dÎmes, à la pointe des obélisques et au fronton des temples, il y avait, çà et là , de gros oiseaux qui tenaient dans leur bec rougi des lambeaux humains. A cause de l'odeur, les Carthaginois se résignÚrent à délier les cadavres. On en brûla quelques-uns ; on jeta les autres à la mer, et les vagues poussées par le vent du nord, en déposÚrent sur la plage, au fond du golfe, devant le camp d'Autharite. Ce chùtiment avait terrifié les Barbares, sans doute, car du haut d'Eschmoûn on les vit abattre leurs tentes, réunir leurs troupeaux, hisser leurs bagages sur des ùnes, et le soir du mÃÂȘme jour l'armée entiÚre s'éloigna. Elle devait, en se portant depuis la montagne des Eaux-Chaudes jusqu'à Hippo-Zaryte alternativement, interdire au SuffÚte l'approche des villes tyriennes avec la possibilité d'un retour sur Carthage. Pendant ce temps-là , les deux autres armées tùcheraient de l'atteindre dans le sud, Spendius par l'Orient, Mùtho par l'Occident, de maniÚre à se joindre toutes les trois pour le surprendre et l'enlacer. Puis un renfort qu'ils n'espéraient pas leur survint Narr'Havas reparut, avec trois cents chameaux chargés de bitume, vingt-cinq éléphants et six mille cavaliers. Le SuffÚte, pour affaiblir les Mercenaires, avait jugé prudent de l'occuper au loin dans son royaume. Du fond de Carthage, il s'était entendu avec Masgaba, un brigand gétule qui cherchait à se faire un empire. Fort de l'argent punique, le coureur d'aventures avait soulevé les Etats numides en leur promettant la liberté. Mais Narr'Havas, prévenu par le fils de sa nourrice, était tombé dans Cirta, avait empoisonné les vainqueurs avec l'eau des citernes, abattu quelques tÃÂȘtes, tout rétabli, et il arrivait contre le SuffÚte plus furieux que les Barbares. Les chefs des quatre armées s'entendirent sur les dispositions de la guerre. Elle serait longue il fallait tout prévoir. On convint d'abord de réclamer l'assistance des Romains, et l'on offrit cette mission à Spendius ; comme transfuge, il n'osa s'en charger. Douze hommes des colonies grecques s'embarquÚrent à Annaba sur une chaloupe des Numides. Puis les chefs exigÚrent de tous les Barbares le serment d'une obéissance complÚte. Chaque jour les capitaines inspectaient les vÃÂȘtements, les chaussures ; on défendit mÃÂȘme aux sentinelles l'usage du bouclier, car souvent elles l'appuyaient contre leur lance et s'endormaient debout ; ceux qui traÃnaient quelque bagage furent contraints de s'en défaire ; tout, à la mode romaine, devait ÃÂȘtre porté sur le dos. Par précaution contre les éléphants, Mùtho institua un corps de cavaliers cataphractes, oÃÂč l'homme et le cheval disparaissaient sous une cuirasse en peau d'hippopotame hérissée de clous ; et pour protéger la corne des chevaux, on leur fit des bottines en tresse de sparterie. Il fut interdit de piller les bourgs, de tyranniser les habitants de race non punique. Mais comme la contrée s'épuisait, Mùtho ordonna de distribuer les vivres par tÃÂȘte de soldat, sans s'inquiéter des femmes. D'abord ils les partagÚrent avec elles. Faute de nourriture, beaucoup s'affaiblissaient. C'était une occasion incessante de querelles, d'invectives, plusieurs attirant les compagnes des autres par l'appùt ou mÃÂȘme la promesse de leur portion. Mùtho commanda de les chasser toutes, impitoyablement. Elles se réfugiÚrent dans le camp d'Autharite ; mais les Gauloises et les Libyennes, à force d'outrages, les contraignirent à s'en aller. Enfin elles vinrent sous les murs de Carthage implorer la protection de CérÚs et de Proserpine, car il y avait dans Byrsa un temple et des prÃÂȘtres consacrés à ces déesses, en expiation des horreurs commises autrefois au siÚge de Syracuse. Les Syssites, alléguant leur droit d'épaves, réclamÚrent les plus jeunes pour les vendre ; et des Carthaginois- nouveaux prirent en mariage des Lacédémoniennes qui étaient blondes. Quelques-unes s'obstinÚrent à suivre les armées. Elles couraient sur le flanc des syntagmes, à cÎté des capitaines. Elles appelaient leurs hommes, les tiraient par le manteau, se frappaient la poitrine en les maudissant, et tendaient au bout de leurs bras leurs petits enfants nus qui pleuraient. Ce spectacle amollissait les Barbares ; elles étaient un embarras, un péril. Plusieurs fois on les repoussa, elles revenaient ; Mùtho les fit charger à coups de lance par les cavaliers de Narr'Havas ; et comme des Baléares lui criaient qu'il leur fallait des femmes - " Moi je n'en ai pas ! " répondit-il. A présent, le génie de Moloch l'envahissait. Malgré les rébellions de sa conscience, il exécutait des choses épouvantables, s'imaginant obéir à la voix d'un Dieu. Quand il ne pouvait les ravager, Mùtho jetait des pierres dans les champs pour les rendre stériles. Par des messages réitérés, il pressait Autharite et Spendius de se hùter. Mais les opérations du SuffÚte étaient incompréhensibles. Il campa successivement à Eidous, à Monchar, à Tehent ; des éclaireurs crurent l'apercevoir aux environs d'Ischil, prÚs des frontiÚres de Narr'Havas, et l'on apprit qu'il avait traversé le fleuve au-dessus de Tebourba comme pour revenir à Carthage. A peine dans un endroit, il se transportait vers un autre. Les routes qu'il prenait restaient toujours inconnues. Sans livrer de bataille, le SuffÚte conservait ses avantages ; poursuivi par les Barbares, il semblait les conduire. Ces marches et ces contre-marches fatiguaient encore plus les Carthaginois ; et les forces d'Hamilcar, n'étant pas renouvelées, de jour en jour diminuaient. Les gens de la campagne lui apportaient maintenant des vivres avec plus de lenteur. Il rencontrait partout une hésitation, une haine taciturne ; et malgré ses supplications prÚs du Grand-Conseil, aucun secours n'arrivait de Carthage. On disait on croyait peut-ÃÂȘtre qu'il n'en avait pas besoin. C'était une ruse ou des plaintes inutiles ; et les partisans d'Hannon, afin de le desservir, exagéraient l'importance de sa victoire. Les troupes qu'il commandait, on en faisait le sacrifice ; mais on n'allait pas ainsi continuellement fournir toutes ses demandes. La guerre était bien assez lourde ! elle avait trop coûté, et, par orgueil, les patriciens de sa faction l'appuyaient avec mollesse. Alors, désespérant de la République, Hamilcar leva de force dans les tribus tout ce qu'il lui fallait pour la guerre du grain, de l'huile, du bois, des bestiaux et des hommes. Mais les habitants ne tardÚrent pas à s'enfuir. Les bourgs que l'on traversait étaient vides, on fouillait les cabanes sans y rien trouver ; bientÎt une effroyable solitude enveloppa l'armée punique. Les Carthaginois, furieux, se mirent à saccager les provinces ; ils comblaient les citernes, incendiaient les maisons. Les flammÚches, emportées par le vent, s'éparpillaient au loin, et sur les montagnes des forÃÂȘts entiÚres brûlaient ; elles bordaient les vallées d'une couronne de feux ; pour passer au-delà , on était forcé d'attendre. Puis ils reprenaient leur marche, en plein soleil, sur des cendres chaudes. Quelquefois ils voyaient, au bord de la route, luire dans un buisson comme des prunelles de chat-tigre. C'était un Barbare accroupi sur les talons, et qui s'était barbouillé de poussiÚre pour se confondre avec la couleur du feuillage ; ou bien quand on longeait une ravine, ceux qui étaient sur les ailes entendaient tout à coup rouler des pierres ; et, en levant les yeux, ils apercevaient dans l'écartement de la gorge un homme pieds nus qui bondissait. Cependant Utique et Hippo-Zaryte étaient libres, puisque les Mercenaires ne les assiégeaient plus. Hamilcar leur commanda de venir à son aide. Mais, n'osant se compromettre, elles lui répondirent par des mots vagues, des compliments, des excuses. Il remonta dans le nord brusquement, décidé à s'ouvrir une des villes tyriennes, dût-il en faire le siÚge. Il lui fallait un point sur la cÎte, afin de tirer des Ãles ou de CyrÚne des approvisionnements et des soldats, et il convoitait le port d'Utique comme étant le plus prÚs de Carthage. Le SuffÚte partit donc de Zouitin et tourna le lac d'Hippo-Zaryte avec prudence. Mais bientÎt il fut contraint d'allonger ses régiments en colonne pour gravir la montagne qui sépare les deux vallées. Au coucher du soleil ils descendaient dans son sommet creusé en forme d'entonnoir, quand ils aperçurent devant eux, à ras du sol, des louves de bronze qui semblaient courir sur l'herbe. Tout à coup de grands panaches se levÚrent, et au grand rythme des flûtes un chant formidable éclata. C'était l'armée de Spendius ; car des Campaniens et des Grecs, par exécration de Carthage, avaient pris les enseignes de Rome. En mÃÂȘme temps, sur la gauche, apparurent de longues piques, des boucliers en peau de léopard, des cuirasses de lin, des épaules nues. C'étaient les Ibériens de Mùtho, les Lusitaniens, les Baléares, les Gétules ; on entendit le hennissement des chevaux de Narr'Havas ; ils se répandirent autour de la colline ; puis arriva la vague cohue que commandait Autharite ; les Gaulois, les Libyens, les Nomades ; et l'on reconnaissait au milieu d'eux les Mangeurs-de-choses-immondes aux arÃÂȘtes de poisson qu'ils portaient dans la chevelure. Ainsi les Barbares, combinant exactement leurs marches, s'étaient rejoints. Mais, surpris eux-mÃÂȘmes, ils restÚrent quelques minutes immobiles et se consultant. Le SuffÚte avait tassé ses hommes en une masse orbiculaire, de façon à offrir partout une résistance égale. Les hauts boucliers pointus, fichés dans le gazon les uns prÚs des autres, entouraient l'infanterie. Les Clinabares se tenaient en dehors, et plus loin, de place en place, les éléphants. Les Mercenaires étaient harassés de fatigue ; il valait mieux attendre jusqu'au jour ; et, certains de leur victoire, les Barbares, pendant toute la nuit, s'occupÚrent à manger. Ils avaient allumé de grands feux clairs qui, en les éblouissant, laissaient dans l'ombre l'armée punique au-dessous d'eux. Hamilcar fit creuser autour de son camp, comme les Romains, un fossé large de quinze pas, profond de six coudées ; avec la terre exhausser à l'intérieur un parapet sur lequel on planta des pieux aigus qui s'entrelaçaient, et, au soleil levant, les Mercenaires furent ébahis d'apercevoir tous les Carthaginois ainsi retranchés comme dans une forteresse. Ils reconnaissaient au milieu des tentes Hamilcar qui se promenait en distribuant des ordres. Il avait le corps pris dans une cuirasse brune tailladée en petites écailles ; et, suivi de son cheval, de temps en temps il s'arrÃÂȘtait pour désigner quelque chose de son bras droit étendu. Alors plus d'un se rappela des matinées pareilles, quand, au fracas des clairons, il passait devant eux lentement, et que ses regards les fortifiaient comme des coupes de vin. Une sorte d'attendrissement les saisit. Ceux, au contraire, qui ne connaissaient pas Hamilcar, dans leur joie de le tenir, déliraient. Cependant, si tous attaquaient à la fois, on se nuirait mutuellement dans l'espace trop étroit. Les Numides pouvaient se lancer au travers ; mais les Clinabares défendus par des cuirasses les écraseraient ; puis comment franchir les palissades ? Quant aux éléphants, ils n'étaient pas suffisamment instruits. - " Vous ÃÂȘtes tous des lùches ! " s'écria Mùtho. Et, avec les meilleurs, il se précipita contre le retranchement. Une volée de pierres les repoussa ; car le SuffÚte avait pris sur le pont leurs catapultes abandonnées. Cet insuccÚs fit tourner brusquement l'esprit mobile des Barbares. L'excÚs de leur bravoure disparut ; ils voulaient vaincre, mais en se risquant le moins possible. D'aprÚs Spendius, il fallait garder soigneusement la position que l'on avait et affamer l'armée punique. Mais les Carthaginois se mirent à creuser des puits, et des montagnes entourant la colline, ils découvrirent de l'eau. Du sommet de leur palissade ils lançaient des flÚches, de la terre, du fumier, des cailloux qu'ils arrachaient du sol, pendant que les six catapultes roulaient incessamment sur la longueur de la terrasse. Mais les sources d'elles-mÃÂȘmes se tariraient ; on épuiserait les vivres, on userait les catapultes ; les Mercenaires, dix fois plus nombreux, finiraient par triompher. Le SuffÚte imagina des négociations afin de gagner du temps, et un matin les Barbares trouvÚrent dans leurs lignes une peau de mouton couverte d'écritures. Il se justifiait de sa victoire les Anciens l'avaient forcé à la guerre, et pour leur montrer qu'il gardait sa parole, il leur offrait le pillage d'Utique ou celui d'Hippo-Zaryte, à leur choix ; Hamilcar, en terminant, déclarait ne pas les craindre, parce qu'il avait gagné des traÃtres et que, grùce à ceux-là , il viendrait à bout, facilement, de tous les autres. Les Barbares furent troublés cette proposition d'un butin immédiat les faisait rÃÂȘver ; ils appréhendaient une trahison, ne soupçonnant point un piÚge dans la forfanterie du SuffÚte, et ils commencÚrent à se regarder les uns les autres avec méfiance. On observait les paroles, les démarches ; des terreurs les réveillaient la nuit. Plusieurs abandonnaient leurs compagnons ; suivant sa fantaisie on choisissait son armée, et les Gaulois avec Autharite allÚrent se joindre aux hommes de la Cisalpine dont ils comprenaient la langue. Les quatre chefs se réunissaient tous les soirs dans la tente de Mùtho, et, accroupis autour d'un bouclier, ils avançaient et reculaient attentivement les petites figurines de bois, inventées par Pyrrhus pour reproduire les manoeuvres. Spendius démontrait les ressources d'Hamilcar ; il suppliait de ne point compromettre l'occasion et jurait par tous les Dieux. Mùtho, irrité, marchait en gesticulant. La guerre contre Carthage était sa chose personnelle ; il s'indignait que les autres s'en mÃÂȘlassent sans vouloir lui obéir. Autharite, à sa figure, devinait ses paroles, applaudissait. Narr'Havas levait le menton en signe de dédain ; pas une mesure qu'il ne jugeùt funeste ; et il ne souriait plus. Des soupirs lui échappaient comme s'il eût refoulé la douleur d'un rÃÂȘve impossible, le désespoir d'une entreprise manquée. Pendant que les Barbares, incertains, délibéraient, le SuffÚte augmentait ses défenses il fit creuser en deçà des palissades un second fossé, élever une seconde muraille, construire aux angles des tours de bois ; et ses esclaves allaient jusqu'au milieu des avant-postes enfoncer les chausse- trapes dans la terre. Mais les éléphants, dont les rations étaient diminuées, se débattaient dans leurs entraves. Pour ménager les herbes, il ordonna aux Clinabares de tuer les moins robustes des étalons. Quelques-uns s'y refusÚrent ; il les fit décapiter. On mangea les chevaux. Le souvenir de cette viande fraÃche, les jours suivants, fut une grande tristesse. Du fond de l'amphithéùtre oÃÂč ils se trouvaient resserrés, ils voyaient tout autour d'eux, sur les hauteurs, les quatre camps des Barbares pleins d'agitation. Des femmes circulaient avec des outres sur la tÃÂȘte, des chÚvres en bÃÂȘlant erraient sous les faisceaux des piques ; on relevait les sentinelles, on mangeait autour des trépieds. En effet, les tribus leur fournissaient des vivres abondamment, et ils ne se doutaient pas eux- mÃÂȘmes combien leur inaction effrayait l'armée punique. DÚs le second jour, les Carthaginois avaient remarqué dans le camp des Nomades une troupe de trois cents hommes à l'écart des autres. C'étaient les Riches, retenus prisonniers depuis le commencement de la guerre. Des Libyens les rangÚrent tous au bord du fossé, et, postés derriÚre eux, ils envoyaient des javelots en se faisant un rempart de leur corps. A peine pouvait-on reconnaÃtre ces misérables, tant leur visage disparaissait sous la vermine et les ordures. Leurs cheveux arrachés par endroits laissaient à nu les ulcÚres de leur tÃÂȘte, et ils étaient si maigres et hideux qu'ils ressemblaient à des momies dans des linceuls troués. Quelques-uns, en tremblant, sanglotaient d'un air stupide ; les autres criaient à leurs amis de tirer sur les Barbares. Il y en avait un, tout immobile, le front baissé, qui ne parlait pas ; sa grande barbe blanche tombait jusqu'à ses mains couvertes de chaÃnes ; et les Carthaginois, en sentant au fond de leur coeur comme l'écroulement de la République, reconnaissaient Giscon. Bien que la place fût dangereuse, ils se poussaient pour le voir. On l'avait coiffé d'une tiare grotesque, en cuir d'hippopotame, incrustée de cailloux. C'était une imagination d'Autharite ; mais cela déplaisait à Mùtho. Hamilcar, exaspéré, fit ouvrir les palissades, résolu à se faire jour n'importe comment ; et d'un train furieux les Carthaginois montÚrent jusqu'à mi-cÎte, pendant trois cents pas. Un tel flot de Barbares descendit qu'ils furent refoulés sur leurs lignes. Un des gardes de la Légion, resté en dehors, trébuchait parmi les pierres. Zarxas accourut, et, le terrassant, il lui enfonça un poignard dans la gorge ; il l'en retira, se jeta sur la blessure, - et, la bouche collée contre elle, avec des grondements de joie et des soubresauts qui le secouaient jusqu'aux talons, il pompait le sang à pleine poitrine ; puis, tranquillement, il s'assit sur le cadavre, releva son visage en se renversant le cou pour mieux humer l'air, comme fait une biche qui vient de boire à un torrent, et, d'une voix aiguÃ, il entonna une chanson des Baléares, une vague mélodie pleine de modulations prolongées, s'interrompant, alternant, comme des échos qui se répondent dans les montagnes ; il appelait ses frÚres morts et les conviait à un festin ; - puis il laissa retomber ses mains entre ses jambes, baissa lentement la tÃÂȘte, et pleura. Cette chose atroce fit horreur aux Barbares, aux Grecs surtout. Les Carthaginois, à partir de ce moment, ne tentÚrent aucune sortie ; - et ils ne songeaient pas à se rendre, certains de périr dans les supplices. Cependant, les vivres, malgré les soins d'Hamilcar, diminuaient effroyablement. Pour chaque homme, il ne restait plus que dix k'kommer de blé, trois hin de millet et douze betza de fruits secs. Plus de viande, plus d'huile, plus de salaisons, pas un grain d'orge pour les chevaux ; on les voyait, baissant leur encolure amaigrie, chercher dans la poussiÚre des brins de paille piétinés. Souvent les sentinelles en vedette sur la terrasse apercevaient, au clair de la lune, un chien des Barbares qui venait rÎder sous le retranchement, dans les tas d'immondices ; on l'assommait avec une pierre, et, s'aidant des courroies du bouclier, on descendait le long des palissades, puis, sans rien dire, on le mangeait. Parfois d'horribles aboiements s'élevaient, et l'homme ne remontait plus. Dans la quatriÚme dilochie de la douziÚme syntagme, trois phalangites, en se disputant un rat, se tuÚrent à coups de couteau. Tous regrettaient leurs familles, leurs maisons les pauvres, leurs cabanes en forme de ruche, avec des coquilles au seuil des portes, un filet suspendu, et les patriciens, leurs grandes salles emplies de ténÚbres bleuùtres, quand, à l'heure la plus molle du jour, ils se reposaient, écoutant le bruit vague des rues mÃÂȘlé au frémissement des feuilles qui s'agitaient dans leurs jardins ; - et, pour mieux descendre dans cette pensée, afin d'en jouir davantage, ils entre-fermaient les paupiÚres ; la secousse d'une blessure les réveillait. A chaque minute, c'était un engagement, une alerte nouvelle ; les tours brûlaient, les Mangeurs-de- choses-immondes sautaient aux palissades ; avec des haches, on leur abattait les mains ; d'autres accouraient ; une pluie de fer tombait sur les tentes. On éleva des galeries en claies de jonc pour se garantir des projectiles. Les Carthaginois s'y enfermÚrent ; ils n'en bougeaient plus. Tous les jours, le soleil qui tournait sur la colline, abandonnant, dÚs les premiÚres heures, le fond de la gorge, les laissait dans l'ombre. En face et par-derriÚre, les pentes grises du terrain remontaient, couvertes de cailloux tachetés d'un rare lichen, et, sur leurs tÃÂȘtes, le ciel, continuellement pur, s'étalait, plus lisse et froid à l'oeil qu'une coupole de métal. Hamilcar était si indigné contre Carthage qu'il sentait l'envie de se jeter dans les Barbares pour les conduire sur elle. Puis voilà que les porteurs, les vivandiers, les esclaves commençaient à murmurer, et ni le peuple ni le Grand-Conseil, personne n'envoyait mÃÂȘme une espérance. La situation était intolérable surtout par l'idée qu'elle deviendrait pire. A la nouvelle du désastre, Carthage avait comme bondi de colÚre et de haine ; on aurait moins exécré le SuffÚte, si, dÚs le commencement, il se fût laissé vaincre. Mais pour acheter d'autres Mercenaires, le temps manquait, l'argent manquait. Quant à lever des soldats dans la ville, comment les équiper ? Hamilcar avait pris toutes les armes ! et qui donc les commanderait ? Les meilleurs capitaines se trouvaient là -bas avec lui ! Cependant, des hommes expédiés par le SuffÚte arrivaient dans les rues, poussaient des cris. Le Grand-Conseil s'en émut, et il s'arrangea pour les faire disparaÃtre. C'était une prudence inutile ; tous accusaient Barca de s'ÃÂȘtre conduit avec mollesse. Il aurait dû, aprÚs sa victoire, anéantir les Mercenaires. Pourquoi avait-il ravagé les tribus ? On s'était cependant imposé d'assez lourds sacrifices ! et les patriciens déploraient leur contribution de quatorze shekel, les Syssites leurs deux cent vingt-trois mille kikar d'or ; ceux qui n'avaient rien donné se lamentaient comme les autres. La populace était jalouse des Carthaginois-nouveaux auxquels il avait promis le droit de cité complet ; et mÃÂȘme les Ligures, qui s'étaient si intrépidement battus, on les confondait avec les Barbares, on les maudissait comme eux ; leur race devenait un crime, une complicité. Les marchands sur le seuil de leur boutique, les manoeuvres qui passaient, une rÚgle de plomb à la main, les vendeurs de saumure rinçant leurs paniers, les baigneurs dans les étuves et les débitants de boissons chaudes, tous discutaient les opérations de la campagne. On traçait avec son doigt des plans de bataille sur la poussiÚre ; et il n'était si mince goujat qui ne sût corriger les fautes d'Hamilcar. C'était, disaient les prÃÂȘtres, le chùtiment de sa longue impiété. Il n'avait point offert d'holocaustes ; il n'avait pas pu purifier ses troupes ; il avait mÃÂȘme refusé de prendre avec lui des augures ; - et le scandale du sacrilÚge renforçait la violence des haines contenues, la rage des espoirs trahis. On se rappelait les désastres de la Sicile, tout le fardeau de son orgueil qu'on avait si longtemps porté ! Les collÚges des pontifes ne lui pardonnaient pas d'avoir saisi leur trésor, et ils exigÚrent du Grand- Conseil l'engagement de le crucifier, si jamais il revenait. Les chaleurs du mois d'Eloul, excessives cette année-là , étaient une autre calamité. Des bords du Lac, il s'élevait des odeurs nauséabondes ; elles passaient dans l'air avec les fumées des aromates tourbillonnant au coin des rues. On entendait continuellement retentir des hymnes. Des flots de peuple occupaient les escaliers des temples toutes les murailles étaient couvertes de voiles noirs ; des cierges brûlaient au front des Dieux- PatÊques, et le sang des chameaux égorgés en sacrifice, coulant le long des rampes, formait, sur les marches, des cascades rouges. Un délire funÚbre agitait Carthage. Du fond des ruelles les plus étroites, des bouges les plus noirs, des figures pùles sortaient, des hommes à profil de vipÚre et qui grinçaient des dents. Les hurlements aigus des femmes emplissaient les maisons, et, s'échappant par les grillages, faisaient se retourner sur les places ceux qui causaient debout. On croyait quelquefois que les Barbares arrivaient ; on les avait aperçus derriÚre la montagne des Eaux-Chaudes ; ils étaient campés à Tunis ; et les voix se multipliaient, grossissaient, se confondaient en une seule clameur. Puis, un silence universel s'établissait, les uns restaient grimpés sur le fronton des édifices, avec leur main ouverte au bord des yeux, tandis que les autres, à plat ventre au pied des remparts, tendaient l'oreille. La terreur passée, les colÚres recommençaient. Mais la conviction de leur impuissance les replongeait bientÎt dans la mÃÂȘme tristesse. Elle redoublait chaque soir, quand tous, montés sur les terrasses, poussaient, en s'inclinant, par neuf fois, un grand cri, pour saluer le Soleil. Il s'abaissait derriÚre la Lagune, lentement, puis, tout à coup, il disparaissait dans les montagnes, du cÎté des Barbares. On attendait la fÃÂȘte trois fois sainte oÃÂč, du haut d'un bûcher, un aigle s'envolait vers le ciel, symbole de la résurrection de l'année, message du peuple à son Baal suprÃÂȘme, et qu'il considérait comme une sorte d'union, une maniÚre de se rattacher à la force du Soleil. D'ailleurs, empli de haine maintenant, il se tournait naïvement vers Moloch-Homicide, et tous abandonnaient Tanit. En effet, la Rabbetna, n'ayant plus son voile, était comme dépouillée d'une partie de sa vertu. Elle refusait la bienfaisance de ses eaux, elle avait déserté Carthage ; c'était une transfuge, une ennemie. Quelques-uns, pour l'outrager, lui jetaient des pierres. Mais en l'invectivant, beaucoup la plaignaient ; on la chérissait encore et plus profondément peut-ÃÂȘtre. Tous les malheurs venaient donc de la perte du zaïmph. SalammbÎ y avait indirectement participé ; on la comprenait dans la mÃÂȘme rancune ; elle devait ÃÂȘtre punie. La vague idée d'une immolation bientÎt circula dans le peuple. Pour apaiser les Baalim, il fallait sans doute leur offrir quelque chose d'une incalculable valeur, un ÃÂȘtre beau, jeune, vierge, d'antique maison, issu des Dieux, un astre humain. Tous les jours des hommes que l'on ne connaissait pas envahissaient les jardins de Mégara ; les esclaves, tremblant pour eux-mÃÂȘmes, n'osaient leur résister. Cependant, ils ne dépassaient point l'escalier des galÚres. Ils restaient en bas, les yeux levés sur la derniÚre terrasse ; ils attendaient SalammbÎ, et, durant des heures, ils criaient contre elle, comme des chiens qui hurlent aprÚs la lune. - Chapitre 10 LE SERPENT - Ces clameurs de la populace n'épouvantaient pas la fille d'Hamilcar. Elle était troublée par des inquiétudes plus hautes son grand serpent, le Python noir, languissait ; et le serpent était pour les Carthaginois un fétiche à la fois national et particulier. On le croyait fils du limon de la terre, puisqu'il émerge de ses profondeurs et n'a pas besoin de pieds pour la parcourir ; sa démarche rappelait les ondulations des fleuves, sa température les antiques ténÚbres visqueuses pleines de fécondité, et l'orbe qu'il décrit en se mordant la queue l'ensemble des planÚtes, l'intelligence d'Eschmoûn. Celui de SalammbÎ avait déjà refusé plusieurs fois les quatre moineaux vivants qu'on lui présentait à la pleine lune et à chaque nouvelle lune. Sa belle peau, couverte comme le firmament de taches d'or sur un fond tout noir, était jaune maintenant, flasque, ridée et trop large pour son corps ; une moisissure cotonneuse étendait autour de sa tÃÂȘte ; et dans l'angle de ses paupiÚres, on apercevait de petits points rouges qui paraissaient remuer. De temps à autre, SalammbÎ s'approchait de sa corbeille en fils d'argent ; elle écartait la courtine de pourpre, les feuilles de lotus, le duvet d'oiseau ; il était continuellement enroulé sur lui-mÃÂȘme, plus immobile qu'une liane flétrie ; et, à force de le regarder, elle finissait par sentir dans son coeur comme une spirale, comme un autre serpent qui, peu à peu, lui montait à la gorge et l'étranglait. Elle était désespérée d'avoir vu le zaïmph, et cependant, elle en éprouvait une sorte de joie, un orgueil intime. Un mystÚre se dérobait dans la splendeur de ses plis ; c'était le nuage enveloppant les Dieux, le secret de l'existence universelle, et SalammbÎ, en se faisant horreur à elle-mÃÂȘme, regrettait de ne l'avoir pas soulevé. Presque toujours, elle était accroupie au fond de son appartement, tenant dans ses mains sa jambe gauche repliée, la bouche entrouverte, le menton baissé, l'oeil fixe. Elle se rappelait, avec épouvante, la figure de son pÚre ; elle voulait s'en aller dans les montagnes de la Phénicie, en pÚlerinage au temple d'Aphaka, oÃÂč Tanit est descendue sous la forme d'une étoile ; toutes sortes d'imaginations l'attiraient, l'effrayaient ; d'ailleurs une solitude chaque jour plus large l'environnait. Elle ne savait mÃÂȘme pas ce que devenait Hamilcar. Enfin, lasse de ses pensées, elle se levait, et, en traÃnant ses petites sandales dont la semelle à chaque pas claquait sur ses talons, elle se promenait au hasard dans la grande chambre silencieuse. Les améthystes et les topazes du plafond faisaient çà et là trembler des taches lumineuses, et SalammbÎ, tout en marchant, tournait un peu la tÃÂȘte pour les voir. Elle allait prendre par le goulot les amphores suspendues ; elle se rafraÃchissait la poitrine sous les larges éventails, ou bien elle s'amusait à brûler du cinnamome dans des perles creuses. Au coucher du soleil, Taanach retirait les losanges de feutre noir bouchant les ouvertures de la muraille ; alors ses colombes, frottées de musc comme les colombes de Tanit, tout à coup entraient, et leurs pattes roses glissaient sur les dalles de verre parmi les grains d'orge qu'elle leur jetait à pleines poignées, comme un semeur dans un champ. Mais soudain elle éclatait en sanglots, et elle restait étendue sur le grand lit fait de courroies de boeuf, sans remuer, en répétant un mot, toujours le mÃÂȘme, les yeux ouverts, pùle comme une morte, insensible, froide ; - et cependant elle entendait le cri des singes dans les touffes des palmiers, avec le grincement continu de la grande roue qui, à travers les étages, amenait un flot d'eau pure dans la vasque de porphyre. Quelquefois, durant plusieurs jours, elle refusait de manger. Elle voyait en rÃÂȘve des astres troubles qui passaient sous ses pieds. Elle appelait Schahabarim, et, quand il était venu, n'avait plus rien à lui dire. Elle ne pouvait vivre sans le soulagement de sa présence. Mais elle se révoltait intérieurement contre cette domination ; elle sentait pour le prÃÂȘtre tout à la fois de la terreur, de la jalousie, de la haine et une espÚce d'amour, en reconnaissance de la singuliÚre volupté qu'elle trouvait prÚs de lui. Il avait reconnu l'influence de la Rabbet, habile à distinguer quels étaient les Dieux qui envoyaient les maladies ; et, pour guérir SalammbÎ, il faisait arroser son appartement avec des lotions de verveine et d'adiante ; elle mangeait tous les matins des mandragores ; elle dormait, la tÃÂȘte sur un sachet d'aromates mixtionnés par les pontifes ; il avait mÃÂȘme employé le baaras, racine couleur de feu qui refoule dans le septentrion les génies funestes ; enfin, se tournant vers l'étoile polaire, il murmura par trois fois le nom mystérieux de Tanit ; mais SalammbÎ souffrant toujours, ses angoisses s'approfondirent. Personne à Carthage n'était savant comme lui. Dans sa jeunesse, il avait étudié au collÚge des Mogbeds, à Borsippa, prÚs de Babylone ; puis visité Samothrace, Pessinunte, EphÚse, la Thessalie, la Judée, les temples des Nabathéens, qui sont perdus dans les sables ; et, des cataractes jusqu'à la mer, parcouru à pied les bords du Nil. La face couverte d'un voile, et en secouant des flambeaux, il avait jeté un coq noir sur un feu de sandaraque, devant le poitrail du Sphinx, le PÚre-de-la-Terreur. Il était descendu dans les cavernes de Proserpine ; il avait vu tourner les cinq cents colonnes du labyrinthe de Lemnos et resplendir le candélabre de Tarente, portant sur sa tige autant de lampadaires qu'il y a de jours dans l'année ; la nuit, parfois, il recevait des Grecs pour les interroger. La constitution du monde ne l'inquiétait pas moins que la nature des Dieux ; avec les armilles placés dans le portique d'Alexandrie, il avait observé les équinoxes, et accompagné jusqu'à CyrÚne les bématistes d'EvergÚte, qui mesurent le ciel en calculant le nombre de leurs pas ; - si bien que maintenant grandissait dans sa pensée une religion particuliÚre, sans formule distincte, et, à cause de cela mÃÂȘme, toute pleine de vertiges et d'ardeurs. Il ne croyait plus la terre faite comme une pomme de pin ; il la croyait ronde et tombant éternellement dans l'immensité, avec une vitesse si prodigieuse qu'on ne s'aperçoit pas de sa chute. De la position du soleil au-dessus de la lune, il concluait à la prédominance de Baal, dont l'astre lui-mÃÂȘme n'est que le reflet et la figure ; d'ailleurs, tout ce qu'il voyait des choses terrestres le forçait à reconnaÃtre pour suprÃÂȘme le principe mùle exterminateur. Puis, il accusait secrÚtement la Rabbet de l'infortune de sa vie. N'était-ce pas pour elle qu'autrefois, le grand pontife, s'avançant dans le tumulte des cymbales, lui avait pris sous une patÚre d'eau bouillante sa virilité future ? Et il suivait d'un oeil mélancolique des hommes qui se perdaient avec les prÃÂȘtresses au fond des térébinthes. Ses jours se passaient à inspecter les encensoirs, les vases d'or, les pinces, les rùteaux pour les cendres de l'autel, et toutes les robes des statues, jusqu'à l'aiguille de bronze servant à friser les cheveux d'une vieille Tanit, dans le troisiÚme édicule, prÚs de la vigne d'émeraude. Aux mÃÂȘmes heures, il soulevait les grandes tapisseries des mÃÂȘmes portes qui retombaient ; il restait les bras ouverts dans la mÃÂȘme attitude, ; il priait prosterné sur les mÃÂȘmes dalles, tandis qu'autour de lui un peuple de prÃÂȘtres circulait pieds nus par les couloirs pleins d'un crépuscule éternel. Mais sur l'aridité de sa vie, SalammbÎ faisait comme une fleur dans la fente d'un sépulcre. Cependant, il était dur pour elle, et ne lui épargnait point les pénitences ni les paroles amÚres. Sa condition établissait entre eux comme l'égalité d'un sexe commun, et il en voulait moins à la jeune fille de ne pouvoir la posséder que de la trouver si belle et surtout si pure. Souvent il voyait bien qu'elle se fatiguait à suivre sa pensée. Alors il s'en retournait plus triste ; il se sentait plus abandonné, plus seul, plus vide. Des mots étranges quelquefois lui échappaient, et qui passaient devant SalammbÎ comme de larges éclairs illuminant des abÃmes. C'était la nuit, sur la terrasse, quand, seuls tous les deux, ils regardaient les étoiles, et que Carthage s'étalait en bas, sous leurs pieds, avec le golfe et la pleine mer vaguement perdus dans la couleur des ténÚbres. Il lui exposait la théorie des ùmes qui descendent sur la terre, en suivant la mÃÂȘme route que le soleil par les signes du zodiaque. De son bras étendu, il montrait dans le Bélier la porte de la génération humaine, dans le Capricorne, celle du retour vers les Dieux ; et SalammbÎ s'efforçait de les apercevoir, car elle prenait ces conceptions pour des réalités ; elle acceptait comme vrais en eux-mÃÂȘmes de purs symboles et jusqu'à des maniÚres de langage, distinction qui n'était pas, non plus, toujours bien nette pour le prÃÂȘtre. - " Les ùmes des morts " , disait-il, " se résolvent dans la lune comme les cadavres dans la terre. Leurs larmes composent son humidité ; c'est un séjour obscur plein de fange, de débris et de tempÃÂȘtes. " Elle demanda ce qu'elle y deviendrait. D'abord, tu languiras, légÚre comme une vapeur qui se balance sur les flots ; et, aprÚs des épreuves et des angoisses plus longues, tu t'en iras dans le foyer du soleil, à la source mÃÂȘme de l'Intelligence ! Cependant il ne parlait pas de la Rabbet. SalammbÎ s'imaginait que c'était par pudeur pour sa déesse vaincue, et, l'appelant d'un nom commun qui désignait la lune, elle se répandait en bénédictions sur l'astre fertile et doux. A la fin, il s'écria - " Non ! non ! elle tire de l'autre toute sa fécondité ! Ne la vois-tu pas vagabondant autour de lui comme une femme amoureuse qui court aprÚs un homme dans un champ ? " Et sans cesse, il exaltait la vertu de la lumiÚre. Loin d'abattre ses désirs mystiques, au contraire il les sollicitait, et mÃÂȘme il semblait prendre de la joie à la désoler par les révélations d'une doctrine impitoyable. SalammbÎ, malgré les douleurs de son amour, se jetait dessus avec emportement. Mais plus Schahabarim se sentait douter de Tanit, plus il voulait y croire. Au fond de son ùme un remords l'arrÃÂȘtait. Il lui aurait fallu quelque preuve, une manifestation des Dieux, et, dans l'espoir de l'obtenir, le prÃÂȘtre imagina une entreprise qui pouvait à la fois sauver sa patrie et sa croyance. DÚs lors il se mit, devant SalammbÎ, à déplorer le sacrilÚge et les malheurs qui en résultaient jusque dans les régions du ciel. Puis, tout à coup, il lui annonça le péril du SuffÚte, assailli par trois armées que commandait Mùtho ; car Mùtho, pour les Carthaginois, était, à cause du voile, comme le roi des Barbares ; et il ajouta que le salut de la République et de son pÚre dépendait d'elle seule. - " De moi ! " s'écria-t-elle, " comment puis-je ... ? " Mais le prÃÂȘtre, avec un sourire de dédain - " Jamais tu ne consentiras ! " Elle le suppliait. Enfin Schahabarim lui dit - " Il faut que tu ailles chez les Barbares reprendre le zaïmph ! " Elle s'affaissa sur l'escabeau d'ébÚne ; et elle restait les bras allongés entre ses genoux, avec un frisson de tous ses membres, comme une victime au pied de l'autel quand elle attend le coup de massue. Ses tempes bourdonnaient, elle voyait tourner des cercles de feu, et, dans sa stupeur, ne comprenait plus qu'une chose, c'est que certainement elle allait bientÎt mourir. Mais si Rabbetna triomphait, si le zaïmph était rendu et Carthage délivrée, qu'importe la vie d'une femme ! pensait Schahabarim. D'ailleurs, elle obtiendrait peut-ÃÂȘtre le voile et ne périrait pas. Il fut trois jours sans revenir, ; le soir du quatriÚme, elle l'envoya chercher. Pour mieux enflammer son coeur, il lui apportait toutes les invectives que l'on hurlait contre Hamilcar en plein Conseil ; il lui disait qu'elle avait failli, qu'elle devait réparer son crime, et que la Rabbetna ordonnait ce sacrifice. Souvent une large clameur traversant les Mappales arrivait dans Mégara. Schahabarim et SalammbÎ sortaient vivement ; et, du haut de l'escalier des galÚres, ils regardaient. C'étaient des gens sur la place de Khamon qui criaient pour avoir des armes. Les Anciens ne voulaient pas leur en fournir, estimant cet effort inutile ; d'autres partis, sans général, avaient été massacrés. Enfin on leur permit de s'en aller, et, par une sorte d'hommage à Moloch ou un vague besoin de destruction, ils arrachÚrent dans les bois des temples de grands cyprÚs et, les ayant allumés aux flambeaux des Kabyres, ils les portaient dans les rues en chantant. Ces flammes monstrueuses s'avançaient, balancées doucement ; elles envoyaient des feux sur des boules de verre à la crÃÂȘte des temples, sur les ornements des colosses, sur les éperons des navires, dépassaient les terrasses et faisaient comme des soleils qui se roulaient par la ville. Elles descendirent l'Acropole. La porte de Malqua s'ouvrit. - " Es-tu prÃÂȘte ? " s'écria Schahabarim, " ou leur as-tu recommandé de dire à ton pÚre que tu l'abandonnais. " Elle se cacha le visage dans ses voiles, et les grandes lueurs s'éloignÚrent, en s'abaissant peu à peu au bord des flots. Une épouvante indéterminée la retenait elle avait peur de Moloch, peur de Mùtho. Cet homme à taille de géant, et qui était maÃtre du zaïmph, dominait la Rabbetna autant que le Baal et lui apparaissait entouré des mÃÂȘmes fulgurations ; puis l'ùme des Dieux, quelquefois, visitait le corps des hommes. Schahabarim, en parlant de celui-là , ne disait-il pas qu'elle devait vaincre Moloch ? Ils étaient mÃÂȘlés l'un à l'autre ; elle les confondait ; tous les deux la poursuivaient. Elle voulut connaÃtre l'avenir et elle s'approcha du serpent, car on tirait des augures d'aprÚs l'attitude des serpents. Mais la corbeille était vide ; SalammbÎ fut troublée. Elle le trouva enroulé par la queue à un des balustres d'argent, prÚs du lit suspendu, et il le frottait pour se dégager de sa vieille peau jaunùtre, tandis que son corps tout luisant et clair s'allongeait comme un glaive à moitié sorti du fourreau. Puis les jours suivants, à mesure qu'elle se laissait convaincre, qu'elle était plus disposée à secourir Tanit, le python se guérissait, grossissait, il semblait revivre. La certitude que Schahabarim exprimait la volonté des Dieux s'établit alors dans sa conscience. Un matin, elle se réveilla déterminée, et elle demanda ce qu'il fallait pour que Mùtho rendÃt le voile. - " Le réclamer " , dit Schahabarim. - " Mais s'il refuse ? " reprit-elle. Le prÃÂȘtre la considéra fixement, et avec un sourire qu'elle n'avait jamais vu. - " Oui, comment faire ? " répéta SalammbÎ. Il roulait entre ses doigts l'extrémité des bandelettes qui tombaient de sa tiare sur ses épaules, les yeux baissés, immobile. Enfin, voyant qu'elle ne comprenait pas - " Tu seras seule avec lui. " - " AprÚs ? " dit-elle. - " Seule dans sa tente. " - " Et alors ? " Schahabarim se mordit les lÚvres. Il cherchait quelque phrase, un détour. - " Si tu dois mourir, ce sera plus tard " , dit-il, plus tard ! ne crains rien ! et quoi qu'il entreprenne, n'appelle pas ! ne t'effraye pas ! Tu seras humble, entends-tu, et soumise à son désir qui est l'ordre du ciel ! - " Mais le voile ? " - " Les Dieux y aviseront " , répondit Schahabarim. Elle ajouta - " Si tu m'accompagnais, Î pÚre ? " - " Non ! " Il la fit se mettre à genoux, et, gardant la main gauche levée et la droite étendue, il jura pour elle de rapporter dans Carthage le manteau de Tanit. Avec des imprécations terribles, elle se dévouait aux Dieux, et chaque fois que Schahabarim prononçait un mot, en défaillant, elle le répétait. Il lui indiqua toutes les purifications, les jeûnes qu'elle devait faire et comment parvenir jusqu'à Mùtho. D'ailleurs, un homme connaissant les routes l'accompagnerait. Elle se sentit comme délivrée. Elle ne songeait plus qu'au bonheur de revoir le zaïmph, et maintenant elle bénissait Schahabarim de ses exhortations. C'était l'époque oÃÂč les colombes de Carthage émigraient en Sicile, dans la montagne d'Eryx, autour du temple de Vénus. Avant leur départ, durant plusieurs jours, elles se cherchaient, s'appelaient pour se réunir ; enfin elles s'envolÚrent un soir ; le vent les poussait, et cette grosse nuée blanche glissait dans le ciel, au-dessus de la mer, trÚs haut. Une couleur de sang occupait l'horizon. Elles semblaient descendre vers les flots, peu à peu ; puis elles disparurent comme englouties et tombant d'elles-mÃÂȘmes dans la gueule du soleil. SalammbÎ, qui les regardait s'éloigner, baissa la tÃÂȘte, et Taanach, croyant deviner son chagrin, lui dit alors doucement - " Mais elles reviendront, MaÃtresse. " - " Oui ! Je le sais. " - " Et tu les reverras. " - " Peut-ÃÂȘtre ! " fit-elle en soupirant. Elle n'avait confié à personne sa résolution ; pour l'accomplir plus discrÚtement, elle envoya Taanach acheter dans le faubourg de Kinisdo au lieu de les demander aux intendants, toutes les choses qu'il lui fallait du vermillon, des aromates, une ceinture de lin et des vÃÂȘtements neufs. La vieille esclave s'ébahissait de ces préparatifs, sans oser pourtant lui faire de questions ; et le jour arriva, fixé par Schahabarim, oÃÂč SalammbÎ devait partir. Vers la douziÚme heure, elle aperçut au fond des sycomores un vieillard aveugle, la main appuyée sur l'épaule d'un enfant qui marchait devant lui, et de l'autre il portait contre sa hanche une espÚce de cithare en bois noir. Les eunuques, les esclaves, les femmes avaient été scrupuleusement éloignés aucun ne pouvait savoir le mystÚre qui se préparait. Taanach alluma dans les angles de l'appartement quatre trépieds pleins de strobus et de cardamone ; puis elle déploya de grandes tapisseries babyloniennes et elle les tendit sur des cordes, tout autour de la chambre car SalammbÎ ne voulait pas ÃÂȘtre vue, mÃÂȘme par les murailles. Le joueur de kinnor se tenait accroupi derriÚre la porte, et le jeune garçon, debout, appliquait contre ses lÚvres une flûte de roseau. Au loin la clameur des rues s'affaiblissait, des ombres violettes s'allongeaient devant le péristyle des temples, et, de l'autre cÎté du golfe, les bases des montagnes, les champs d'oliviers et les vagues terrains jaunes, ondulant indéfiniment, se confondaient dans une vapeur bleuùtre ; on n'entendait aucun bruit, un accablement indicible pesait dans l'air. SalammbÎ s'accroupit sur la marche d'onyx, au bord du bassin ; elle releva ses larges manches qu'elle attacha derriÚre ses épaules, et elle commença ses ablutions, méthodiquement, d'aprÚs les rites sacrés. Enfin Taanach lui apporta, dans une fiole d'albùtre, quelque chose de liquide et de coagulé ; c'était le sang d'un chien noir, égorgé par des femmes stériles, une nuit d'hiver, dans les décombres d'un sépulcre. Elle s'en frotta les oreilles, les talons, le pouce de la main droite, et mÃÂȘme son ongle resta un peu rouge, comme si elle eût écrasé un fruit. La lune se leva ; alors la cithare et la flûte, toutes les deux à la fois, se mirent à jouer. SalammbÎ défit ses pendants d'oreilles, son collier, ses bracelets, sa longue simarre blanche ; elle dénoua le bandeau de ses cheveux, et pendant quelques minutes elle les secoua sur ses épaules, doucement, pour se rafraÃchir en les éparpillant. La musique au-dehors continuait ; c'étaient trois notes, toujours les mÃÂȘmes, précipitées, furieuses ; les cordes grinçaient, la flûte ronflait ; Taanach marquait la cadence en frappant dans ses mains ; SalammbÎ, avec un balancement de tout son corps, psalmodiait des priÚres, et ses vÃÂȘtements, les uns aprÚs les autres, tombaient autour d'elle. La lourde tapisserie trembla, et par-dessus la corde qui la supportait, la tÃÂȘte du python apparut. Il descendit lentement, comme une goutte d'eau qui coule le long d'un mur, rampa entre les étoffes épandues, puis, la queue collée contre le sol, il se leva tout droit ; et ses yeux, plus brillants que des escarboucles, se dardaient sur SalammbÎ. L'horreur du froid ou une pudeur, peut-ÃÂȘtre, la fit d'abord hésiter. Mais elle se rappela les ordres de Schahabarim, elle s'avança ; le python se rabattit et lui posant sur la nuque le milieu de son corps, il laissait pendre sa tÃÂȘte et sa queue, comme un collier rompu dont les deux bouts traÃnent jusqu'à terre. SalammbÎ l'entoura autour de ses flancs, sous ses bras, entre ses genoux ; puis le prenant à la mùchoire, elle approcha cette petite gueule triangulaire jusqu'au bord de ses dents, et, en fermant à demi les yeux, elle se renversait sous les rayons de la lune. La blanche lumiÚre semblait l'envelopper d'un brouillard d'argent, la forme de ses pas humides brillait sur les dalles, des étoiles palpitaient dans la profondeur de l'eau ; il serrait contre elle ses noirs anneaux tigrés de plaques d'or. SalammbÎ haletait sous ce poids trop lourd, ses reins pliaient, elle se sentait mourir ; et du bout de sa queue il lui battait la cuisse tout doucement ; puis la musique se taisant, il retomba. Taanach revint prÚs d'elle ; et quand elle eut disposé deux candélabres dont les lumiÚres brûlaient dans les boules de cristal pleines d'eau, elle teignit de lausonia l'intérieur de ses mains, passa du vermillon sur ses joues, de l'antimoine au bord de ses paupiÚres, et allongea ses sourcils avec un mélange de gomme, de musc, d'ébÚne et de pattes de mouches écrasées. SalammbÎ, assise dans une chaise à montants d'ivoire, s'abandonnait aux soins de l'esclave. Mais ces attouchements, l'odeur des aromates et les jeûnes qu'elle avait subis, l'énervaient. Elle devint si pùle que Taanach s'arrÃÂȘta. - " Continue ! " dit SalammbÎ, et, se roidissant contre elle-mÃÂȘme, elle se ranima tout à coup. Alors une impatience la saisit ; elle pressait Taanach de se hùter, et la vieille esclave en grommelant - " Bien ! bien ! MaÃtresse ! ... Tu n'as d'ailleurs personne qui t'attende ! " - " Oui ! " dit SalammbÎ, " quelqu'un m'attend. " Taanach se recula de surprise, et, afin d'en savoir plus long - " Que m'ordonnes-tu, MaÃtresse ? car si tu dois rester partie... " Mais SalammbÎ sanglotait ; l'esclave s'écria - " Tu souffres ! qu'as-tu donc ? Ne t'en va pas ! emmÚne-moi ! Quand tu étais toute petite et que tu pleurais, je te prenais sur mon coeur et je te faisais rire avec la pointe de mes mamelles ; tu les as taries, MaÃtresse ! " Elle se donnait des coups sur sa poitrine desséchée. " Maintenant, je suis vieille ! je ne peux rien pour toi ! tu ne m'aimes plus ! tu me caches tes douleurs, tu dédaignes ta nourrice ! " Et de tendresse et de dépit, des larmes coulaient le long de ses joues, dans les balafres de son tatouage. - " Non ! " dit SalammbÎ, " non, je t'aime ! console-toi ! " Taanach, avec un sourire pareil à la grimace d'un vieux singe, reprit sa besogne. D'aprÚs les recommandations de Schahabarim, SalammbÎ lui avait ordonné de la rendre magnifique ; et elle l'accommodait dans un goût barbare, plein à la fois de recherche et d'ingénuité. Sur une premiÚre tunique, mince, et de couleur vineuse, elle en passa une seconde, brodée en plumes d'oiseaux. Des écailles d'or se collaient à ses hanches, et de cette large ceinture descendaient les flots de ses caleçons bleus, étoilés d'argent. Ensuite Taanach lui emmancha une grande robe, faite avec la toile du pays des SÚres, blanche et bariolée de lignes vertes. Elle attacha au bord de son épaule un carré de pourpre, appesanti dans le bas par des grains de sandastrum ; et par-dessus tous ces vÃÂȘtements, elle posa un manteau noir à queue traÃnante ; puis elle la contempla, et, fiÚre de son oeuvre, ne put s'empÃÂȘcher de dire - " Tu ne seras pas plus belle le jour de tes noces ! " - " Mes noces ! " répéta SalammbÎ ; elle rÃÂȘvait, le coude appuyé sur la chaise d'ivoire. Mais Taanach dressa devant elle un miroir de cuivre si large et si haut qu'elle s'y aperçut tout entiÚre. Alors elle se leva, et, d'un coup de doigt léger, remonta une boucle de ses cheveux, qui descendait trop bas. Ils étaient couverts de poudre d'or, crépus sur le front et par-derriÚre ils pendaient dans le dos, en longues torsades que terminaient des perles. Les clartés des candélabres avivaient le fard de ses joues, l'or de ses vÃÂȘtements, la blancheur de sa peau ; elle avait autour de la taille, sur les bras, sur les mains et aux doigts des pieds une telle abondance de pierreries que le miroir, comme un soleil, lui renvoyait des rayons ; - et SalammbÎ, debout à cÎté de Taanach, se penchant pour la voir, souriait dans cet éblouissement. Puis elle se promena de long en large, embarrassée du temps qui lui restait. Tout à coup, le chant d'un coq retentit. Elle piqua vivement sur ses cheveux un long voile jaunes, se passa une écharpe autour du cou, enfonça ses pieds dans des bottines de cuir bleu, et elle dit à Taanach - " Va voir sous les myrtes s'il n'y a pas un homme avec deux chevaux. " Taanach était à peine rentrée qu'elle descendait l'escalier des galeries. - " MaÃtresse ! " cria la nourrice. SalammbÎ se retourna, un doigt sur la bouche, en signe de discrétion et d'immobilité. Taanach se coula doucement le long des proues jusqu'au bas de la terrasse ; et de loin, à la clarté de la lune, elle distingua, dans l'avenue des cyprÚs, une ombre gigantesque marchant à la gauche de SalammbÎ obliquement, ce qui était un présage de mort. Taanach remonta dans la chambre. Elle se jeta par terre, en se déchirant le visage avec ses ongles ; elle s'arrachait les cheveux, et à pleine poitrine poussait des hurlements aigus. L'idée lui vint que l'on pouvait les entendre ; alors elle se tut. Elle sanglotait tout bas, la tÃÂȘte dans ses mains et la figure sur les dalles. - Chapitre 11 SOUS LA TENTE - L'homme qui conduisait SalammbÎ la fit remonter au-delà du phare, vers les Catacombes, puis descendre le long faubourg Molouya, plein de ruelles escarpées. Le ciel commençait à blanchir. Quelquefois, des poutres de palmier, sortant des murs, les obligeaient à baisser la tÃÂȘte. Les deux chevaux, marchant au pas, glissaient ; et ils arrivÚrent ainsi à la porte de Teveste. Ses lourds battants étaient entrebùillés ; ils passÚrent ; elle se referma derriÚre eux. D'abord ils suivirent pendant quelque temps le pied des remparts, et, à la hauteur des Citernes, ils prirent par la Taenia, étroit ruban de terre jaune, qui, séparant le golfe du lac, se prolonge jusqu'au RhadÚs. Personne n'apparaissait autour de Carthage, ni sur la mer, ni dans la campagne. Les flots couleur d'ardoise clapotaient doucement, et le vent léger, poussant leur écume çà et là , les tachetait de déchirures blanches. Malgré tous ses voiles, SalammbÎ frissonnait sous la fraÃcheur du matin ; le mouvement, le grand air l'étourdissaient. Puis le soleil se leva ; il la mordait sur le derriÚre de la tÃÂȘte, et, involontairement, elle s'assoupissait un peu. Les deux bÃÂȘtes, cÎte à cÎte, trottaient l'amble en enfonçant leurs pieds dans le sable muet. Quand ils eurent dépassé la montagne des Eaux-Chaudes, ils continuÚrent d'un train plus rapide, le sol étant plus ferme. Mais les champs, bien qu'on fût à l'époque des semailles et des labours, d'aussi loin qu'on les apercevait, étaient vides comme le désert. Il y avait, de place en place, des tas de blé répandus ; ailleurs des orges roussies s'égrenaient. Sur l'horizon clair, les villages apparaissaient en noir, avec des formes incohérentes et découpées. De temps à autre, un pan de muraille à demi calciné se dressait au bord de la route. Les toits des cabanes s'effondraient, et, dans l'intérieur, on distinguait des éclats de poteries, des lambeaux de vÃÂȘtements, toutes sortes d'ustensiles et de choses brisées méconnaissables. Souvent un ÃÂȘtre couvert de haillons, la face terreuse et les prunelles flamboyantes, sortait de ces ruines. Mais bien vite il se mettait à courir ou disparaissait dans un trou. SalammbÎ et son guide ne s'arrÃÂȘtaient pas. Les plaines abandonnées se succédaient. Sur de grands espaces de terre toute blonde s'étalait, par traÃnées inégales, une poudre de charbon que leurs pas soulevaient derriÚre eux. Quelquefois ils rencontraient de petits endroits paisibles, un ruisseau qui coulait parmi de longues herbes ; et, en remontant sur l'autre bord, SalammbÎ, pour se rafraÃchir les mains, arrachait des feuilles mouillées. Au coin d'un bois de lauriers-roses, son cheval fit un grand écart devant le cadavre d'un homme, étendu par terre. L'esclave, aussitÎt, la rétablit sur les coussins. C'était un des serviteurs du Temple, un homme que Schahabarim employait dans les missions périlleuses. Par excÚs de précaution, maintenant il allait à pied, prÚs d'elle entre les chevaux ; et il les fouettait avec le bout d'un lacet de cuir enroulé à son bras, ou bien il tirait d'une panetiÚre suspendue contre sa poitrine des boulettes de froment, de dattes et de jaunes d'oeufs, enveloppées dans des feuilles de lotus, et il les offrait à SalammbÎ, sans parler, tout en courant. Au milieu du jour, trois Barbares, vÃÂȘtus de peaux de bÃÂȘtes, les croisÚrent sur le sentier. Peu à peu, il en parut d'autres, vagabondant par troupes de dix, douze, vingt-cinq hommes ; plusieurs poussaient des chÚvres ou quelque vache qui boitait. Leurs lourds bùtons étaient hérissés de pointes en airain ; des coutelas luisaient sur leurs vÃÂȘtements d'une saleté farouche, et ils ouvraient les yeux avec un air de menace et d'ébahissement. Tout en passant, quelques-uns envoyaient une bénédiction banale ; d'autres, des plaisanteries obscÚnes ; et l'homme de Schahabarim répondait à chacun dans son propre idiome. Il leur disait que c'était un jeune garçon malade allant pour se guérir vers un temple lointain. Cependant le jour tombait. Des aboiements retentirent ; ils s'en rapprochÚrent. Puis, aux clartés du crépuscule, ils aperçurent un enclos de pierres sÚches, enfermant une vague construction. Un chien courait sur le mur. L'esclave lui jeta des cailloux ; et ils entrÚrent dans une haute salle voûtée. Au milieu, une femme accroupie se chauffait à un feu de broussailles dont la fumée s'envolait par les trous du plafond. Ses cheveux blancs, qui lui tombaient jusqu'aux genoux, la cachaient à demi ; et sans vouloir répondre, d'un air idiot, elle marmottait des paroles de vengeance contre les Barbares et contre les Carthaginois. Le coureur furetait de droite et de gauche. Puis il revint prÚs d'elle, en réclamant à manger. La vieille branlait la tÃÂȘte, et, les yeux fixés sur les charbons, murmurait - " J'étais la main. Les dix doigts sont coupés. La bouche ne mange plus. " L'esclave lui montra une poignée de piÚces d'or. Elle se rua dessus, mais bientÎt elle reprit son immobilité. Enfin il lui posa sous la gorge un poignard qu'il avait dans sa ceinture. Alors, en tremblant, elle alla soulever une large pierre et rapporta une amphore de vin avec des poissons d'Hippo-Zaryte confits dans du miel. SalammbÎ se détourna de cette nourriture immonde, et elle s'endormit sur les caparaçons des chevaux étendus dans un coin de la salle. Avant le jour, il la réveilla. Le chien hurlait. L'esclave s'en approcha tout doucement ; et d'un seul coup de poignard, lui abattit la tÃÂȘte. Puis il frotta de sang les naseaux des chevaux pour les ranimer. La vieille lui lança par-derriÚre une malédiction. SalammbÎ l'aperçut, et elle pressa l'amulette qu'elle portait sur son coeur. Ils se remirent en marche. De temps à autre, elle demandait si l'on ne serait pas bientÎt arrivé. La route ondulait sur de petites collines. On n'entendait que le grincement des cigales. Le soleil chauffait l'herbe jaunie ; la terre était toute fendillée par des crevasses, qui faisaient, en la divisant, comme des dalles monstrueuses. Quelquefois une vipÚre passait, des aigles volaient ; l'esclave courait toujours ; SalammbÎ rÃÂȘvait sous ses voiles, et malgré la chaleur ne les écartait pas, dans la crainte de salir ses beaux vÃÂȘtements. A des distances réguliÚres, des tours s'élevaient, bùties par les Carthaginois, afin de surveiller les tribus. Ils entraÃnaient dedans pour se mettre à l'ombre, puis repartaient. La veille, par prudence, ils avaient fait un grand détour. Mais, à présent, on ne rencontrait personne ; la région étant stérile, les Barbares n'y avaient point passé. La dévastation peu à peu recommença. Parfois, au milieu d'un champ, une mosaïque s'étalait, seul débris d'un chùteau disparu ; et les oliviers, qui n'avaient pas de feuilles, semblaient au loin de larges buissons d'épines. Ils traversÚrent un bourg dont les maisons étaient brûlées à ras du sol. On voyait le long des murailles des squelettes humains. Il y en avait aussi de dromadaires et de mulets. Des charognes à demi rongées barraient les rues. La nuit descendait. Le ciel était bas et couvert de nuages. Ils remontÚrent encore pendant deux heures dans la direction de l'Occident, et, tout à coup, devant eux, ils aperçurent quantité de petites flammes. Elles brillaient au fond d'un amphithéùtre. Çà et là des plaques d'or miroitaient, en se déplaçant. C'étaient les cuirasses des Clinabares, le camp punique ; puis ils distinguÚrent aux alentours d'autres lueurs plus nombreuses, car les armées des Mercenaires, confondues maintenant, s'étendaient sur un grand espace. SalammbÎ fit un mouvement pour s'avancer. Mais l'homme de Schahabarim l'entraÃna plus loin, et ils longÚrent la terrasse qui fermait le camp des Barbares. Une brÚche s'y ouvrait, l'esclave disparut. Au sommet du retranchement, une sentinelle se promenait avec un arc à la main et une pique sur l'épaule. SalammbÎ se rapprochait toujours ; le Barbare s'agenouilla, et une longue flÚche vint percer le bas de son manteau. Puis, comme elle restait immobile, en criant, il lui demanda ce qu'elle voulait. - " Parler à Mùtho " , répondit-elle. " Je suis un transfuge de Carthage. " Il poussa un sifflement, qui se répéta de loin en loin. SalammbÎ attendit ; son cheval, effrayé, tournoyait en reniflant. Quand Mùtho arriva, la lune se levait derriÚre elle. Mais elle avait sur le visage un voile jaune à fleurs noires et tant de draperies autour du corps qu'il était impossible d'en rien deviner. Du haut de la terrasse, il considérait cette forme vague se dressant comme un fantÎme dans les pénombres du soir. Enfin elle lui dit - " MÚne-moi dans ta tente ! Je le veux ! " Un souvenir qu'il ne pouvait préciser lui traversa la mémoire. Il sentait battre son coeur. Cet air de commandement l'intimidait. - " Suis-moi ! " dit-il. La barriÚre s'abaissa ; aussitÎt elle fut dans le camp des Barbares. Un grand tumulte et une grande foule l'emplissaient. Des feux clairs brûlaient sous des marmites suspendues ; et leurs reflets empourprés, illuminant certaines places, en laissaient d'autres dans les ténÚbres, complÚtement. On criait, on appelait ; des chevaux attachés à des entraves formaient de longues lignes droites au milieu des tentes ; elles étaient rondes, carrées, de cuir ou de toile ; il y avait des huttes en roseaux et des trous dans le sable comme en font les chiens. Les soldats charriaient des fascines, s'accoudaient par terre, ou, s'enroulant dans une natte, se disposaient à dormir ; et le cheval de SalammbÎ, pour passer par-dessus, quelquefois allongeait une jambe et sautait. Elle se rappelait les avoir déjà vus ; mais leurs barbes étaient plus longues, leurs figures encore plus noires, leurs voix plus rauques. Mùtho, en marchant devant elle, les écartait par un geste de son bras qui soulevait son manteau rouge. Quelques-uns baisaient ses mains ; d'autres, en pliant l'échine, l'abordaient pour lui demander des ordres ; car il était maintenant le véritable, le seul chef des Barbares ; Spendius, Autharite et Narr'Havas étaient découragés, et il avait montré tant d'audace et d'obstination que tous lui obéissaient. SalammbÎ, en le suivant, traversa le camp entier. Sa tente était au bout, à trois cents pas du retranchement d'Hamilcar. Elle remarqua sur la droite une large fosse, et il lui sembla que des visages posaient contre le bord, au niveau du sol, comme eussent fait des tÃÂȘtes coupées. Cependant leurs yeux remuaient, et de ces bouches entrouvertes il s'échappait des gémissements en langage punique. Deux nÚgres, portant des fanaux de résine, se tenaient aux deux cÎtés de la porte. Mùtho écarta la toile brusquement. Elle le suivit. C'était une tente profonde, avec un mùt dressé au milieu. Un grand lampadaire en forme de lotus l'éclairait, tout plein d'une huile jaune oÃÂč flottaient des poignées d'étoupes, et on distinguait dans l'ombre des choses militaires qui reluisaient. Un glaive nu s'appuyait contre un escabeau, prÚs d'un bouclier ; des fouets en cuir d'hippopotame, des cymbales, des grelots, des colliers s'étalaient pÃÂȘle-mÃÂȘle sur des corbeilles en sparterie ; les miettes d'un pain noir salissaient une couverture de feutre ; dans un coin, sur une pierre ronde, de la monnaie de cuivre était négligemment amoncelée, et, par les déchirures de la toile, le vent apportait la poussiÚre du dehors avec la senteur des éléphants, que l'on entendait manger, tout en secouant leurs chaÃnes. - " Qui es-tu ? " dit Mùtho. Sans répondre, elle regardait autour d'elle, lentement, puis ses yeux s'arrÃÂȘtÚrent au fond, oÃÂč, sur un lit en branches de palmier, retombait quelque chose de bleuùtre et de scintillant. Elle s'avança vivement. Un cri lui échappa. Mùtho, derriÚre elle, frappait du pied. - " Qui t'amÚne ? pourquoi viens-tu ? " Elle répondit en montrant le zaïmph - " Pour le prendre ! " et de l'autre main elle arracha les voiles de sa tÃÂȘte. Il se recula, les coudes en arriÚre, béant, presque terrifié. Elle se tenait comme appuyée sur la force des Dieux ; et, le regardant face à face, elle lui demanda le zaïmph ; elle le réclamait en paroles abondantes et superbes. Mùtho n'entendait pas ; il la contemplait, et les vÃÂȘtements, pour lui, se confondaient avec le corps. La moire des étoffes était, comme la splendeur de sa peau, quelque chose de spécial et n'appartenant qu'à elle. Ses yeux, ses diamants étincelaient ; le poli de ses ongles continuait la finesse des pierres qui chargeaient ses doigts ; les deux agrafes de sa tunique, soulevant un peu de ses seins, les rapprochaient l'un de l'autre, et il se perdait par la pensée dans leur étroit intervalle, oÃÂč descendait un fil tenant une plaque d'émeraudes, que l'on apercevait plus bas sous la gaze violette. Elle avait pour pendants d'oreilles deux petites balances de saphir supportant une perle creuse, pleine d'un parfum liquide. Par les trous de la perle, de moment en moment, une gouttelette qui tombait mouillait son épaule nue. Mùtho la regardait tomber. Une curiosité indomptable l'entraÃna ; et, comme un enfant qui porte la main sur un fruit inconnu, tout en tremblant, du bout de son doigt, il la toucha légÚrement sur le haut de sa poitrine ; la chair un peu froide céda avec une résistance élastique. Ce contact, à peine sensible pourtant, ébranla Mùtho jusqu'au fond de lui-mÃÂȘme. Un soulÚvement de tout son ÃÂȘtre le précipitait vers elle. Il aurait voulu l'envelopper, l'absorber, la boire. Sa poitrine haletait, il claquait des dents. En la prenant par les deux poignets, il l'attira doucement, et il s'assit alors sur une cuirasse, prÚs du lit de palmier que couvrait une peau de lion. Elle était debout. Il la regardait de bas en haut, en la tenant ainsi entre ses jambes, et il répétait - " Comme tu es belle ! comme tu es belle ! " Ses yeux continuellement fixés sur les siens la faisaient souffrir ; et ce malaise, cette répugnance augmentaient d'une façon si aiguà que SalammbÎ se retenait pour ne pas crier. La pensée de Schahabarim lui revint ; elle se résigna. Mùtho gardait toujours ses petites mains dans les siennes ; et, de temps à autre, malgré l'ordre du prÃÂȘtre, en tournant le visage, elle tùchait de l'écarter avec des secousses de ses bras. Il ouvrait les narines pour mieux humer le parfum s'exhalant de sa personne. C'était une émanation indéfinissable, fraÃche, et cependant qui étourdissait comme la fumée d'une cassolette. Elle sentait le miel, le poivre, l'encens, les roses, et une autre odeur encore. Mais comment se trouvait-elle prÚs de lui, dans sa tente, à sa discrétion ? Quelqu'un, sans doute, l'avait poussée ? Elle n'était pas venue pour le zaïmph ? Ses bras retombÚrent, et il baissa la tÃÂȘte, accablé par une rÃÂȘverie soudaine. SalammbÎ, afin de l'attendrir, lui dit d'une voix plaintive - " Que t'ai-je donc fait pour que tu veuilles ma mort ? " - " Ta mort ! " Elle reprit - " Je t'ai aperçu un soir, à la lueur de mes jardins qui brûlaient, entre des coupes fumantes et mes esclaves égorgés, et ta colÚre était si forte que tu as bondi vers moi et qu'il a fallu m'enfuir ! Puis une terreur est entrée dans Carthage. On criait la dévastation des villes, l'incendie des campagnes, le massacre des soldats ; c'est toi qui les avais perdus, c'est toi qui les avais assassinés ! Je te hais ! Ton nom seul me ronge comme un remords. Tu es plus exécré que la peste et que la guerre romaine ! Les provinces tressaillent de ta fureur, les sillons sont pleins de cadavres ! J'ai suivi la trace de tes feux, comme si je marchais derriÚre Moloch ! " Mùtho se leva d'un bond ; un orgueil colossal lui gonflait le coeur ; il se trouvait haussé à la taille d'un Dieu. Les narines battantes, les dents serrées, elle continuait - " Comme si ce n'était pas assez de ton sacrilÚge, tu es venu chez moi, dans mon sommeil, tout couvert du zaïmph ! Tes paroles, je ne les ai pas comprises ; mais je voyais bien que tu voulais m'entraÃner vers quelque chose d'épouvantable, au fond d'un abÃme. " Mùtho, en se tordant les bras, s'écria - " Non ! non ! c'était pour te le donner ! pour te le rendre ! Il me semblait que la Déesse avait laissé son vÃÂȘtement pour toi, et qu'il t'appartenait ! Dans son temple ou dans ta maison, qu'importe ? n'es-tu pas toute-puissante, immaculée, radieuse et belle comme Tanit ! " Et avec un regard plein d'une adoration infinie - " A moins, peut-ÃÂȘtre que tu ne sois Tanit ? " - " Moi, Tanit ! " se disait SalammbÎ. Ils ne parlaient plus. Le tonnerre au loin roulait. Des moutons bÃÂȘlaient, effrayés par l'orage. - " Oh ! approche ! " reprit-il, " approche ! ne crains rien ! " -Autrefois, je n'étais qu'un soldat confondu dans la plÚbe des Mercenaires, et mÃÂȘme si doux, que je portais pour les autres du bois sur mon dos. Est-ce que je m'inquiÚte de Carthage ! La foule de ses hommes s'agite comme perdue dans la poussiÚre de tes sandales, et tous ses trésors avec les provinces, les flottes et les Ãles, ne me font pas envie comme la fraÃcheur de tes lÚvres et le tour de tes épaules. Mais je voulais abattre ses murailles afin de parvenir jusqu'à toi, pour te posséder ! D'ailleurs, en attendant, je me vengeais ! A présent, j'écrase les hommes comme des coquilles, et je me jette sur les phalanges, j'écarte les sarisses avec mes mains, j'arrÃÂȘte les étalons par les naseaux ; une catapulte ne me tuerait pas ! Oh ! Si tu savais, au milieu de la guerre, comme je pense à toi ! Quelquefois, le souvenir d'un geste, d'un pli de ton vÃÂȘtement, tout à coup me saisit et m'enlace comme un filet ! j'aperçois tes yeux dans les flammes des phalariques et sur la dorure des boucliers ! j'entends ta voix dans le retentissement des cymbales. Je me détourne, tu n'es pas là ! et alors je me replonge dans la bataille ! " Il levait ses bras oÃÂč des veines s'entrecroisaient comme des lierres sur des branches d'arbre. De la sueur coulait sur sa poitrine, entre ses muscles carrés ; et son haleine secouait ses flancs avec sa ceinture de bronze toute garnie de laniÚres qui pendaient jusqu'à ses genoux, plus fermes que du marbre. SalammbÎ, accoutumée aux eunuques, se laissait ébahir par la force de cet homme. C'était le chùtiment de la Déesse ou l'influence de Moloch circulant autour d'elle, dans les cinq armées. Une lassitude l'accablait ; elle écoutait avec stupeur le cri intermittent des sentinelles, qui se répondaient. Les flammes de la lampe vacillaient sous des rafales d'air chaud. Il venait, par moment, de larges éclairs ; puis l'obscurité redoublait ; et elle ne voyait plus que les prunelles de Mùtho, comme deux charbons dans la nuit. Cependant, elle sentait bien qu'une fatalité l'entourait, qu'elle touchait à un moment suprÃÂȘme, irrévocable, et, dans un effort, elle remonta vers le zaïmph et leva les mains pour le saisir. - " Que fais-tu ? " s'écria Mùtho. Elle répondit avec placidité - " Je m'en retourne à Carthage. " Il s'avança en croisant les bras, et d'un air si terrible qu'elle fut immédiatement comme clouée sur ses talons. - " T'en retourner à Carthage ! " Il balbutiait, et il répétait, en grinçant des dents - " T'en retourner à Carthage ! Ah ! tu venais pour prendre le zaïmph, pour me vaincre, puis disparaÃtre ! Non ! non, tu m'appartiens ! et personne à présent ne t'arrachera d'ici ! Oh ! je n'ai pas oublié l'insolence de tes grands yeux tranquilles et comme tu m'écrasais avec la hauteur de ta beauté ! A mon tour, maintenant ! Tu es ma captive, mon esclave, ma servante ! Appelle, si tu veux, ton pÚre et son armée, les Anciens, les Riches et ton exécrable peuple, tout entier ! Je suis le maÃtre de trois cent mille soldats ! j'irai en chercher dans la Lusitanie, dans les Gaules et au fond du désert, et je renverserai ta ville, je brûlerai tous ses temples ; les trirÚmes vogueront sur des vagues de sang ! Je ne veux pas qu'il en reste une maison, une pierre ni un palmier ! Et si les hommes me manquent, j'attirerai les ours des montagnes et je pousserai les lions ! N'essaye pas de t'enfuir, je te tue ! " BlÃÂȘme et les poings crispés, il frémissait comme une harpe dont les cordes vont éclater. Tout à coup des sanglots l'étouffÚrent et, en s'affaissant sur les jarrets - " Ah ! pardonne-moi ! Je suis un infùme et plus vil que les scorpions, que la fange et la poussiÚre ! Tout à l'heure, pendant que tu parlais, ton haleine a passé sur ma face, et je me délectais comme un moribond qui boit à plat ventre au bord d'un ruisseau. Ecrase-moi, pourvu que je sente tes pieds ! maudis-moi, pourvu que j'entende ta voix ! Ne t'en va pas ! pitié ! je t'aime ! je t'aime ! " Il était à genoux, par terre, devant elle ; et il lui entourait la taille de ses deux bras, la tÃÂȘte en arriÚre, les mains errantes ; les disques d'or suspendus à ses oreilles luisaient sur son cou bronzé ; de grosses larmes roulaient dans ses yeux pareils à des globes d'argent ; il soupirait d'une façon caressante, et murmurait de vagues paroles, plus légÚres qu'une brise et suaves comme un baiser. SalammbÎ était envahie par une mollesse oÃÂč elle perdait toute conscience d'elle-mÃÂȘme. Quelque chose à la fois d'intime et de supérieur, un ordre des Dieux la forçait à s'y abandonner ; des nuages la soulevaient, et, en défaillant, elle se renversa sur le lit dans les poils du lion. Mùtho lui saisit les talons, la chaÃnette d'or éclata, et les deux bouts, en s'envolant, frappÚrent la toile comme deux vipÚres rebondissantes. Le zaïmph tomba, l'enveloppait ; elle aperçut la figure de Mùtho se courbant sur sa poitrine. - " Moloch, tu me brûles ! " et les baisers du soldat, plus dévorateurs que des flammes, la parcouraient ; elle était comme enlevée dans un ouragan, prise dans la force du soleil. Il baisa tous les doigts de ses mains, ses bras, ses pieds, et d'un bout à l'autre les longues tresses de ses cheveux. - " Emporte-le " , disait-il, est-ce que j'y tiens ! EmmÚne-moi avec lui ! j'abandonne l'armée ! je renonce à tout ! Au-delà de GadÚs, à vingt jours dans la mer, on rencontre une Ãle couverte de poudre d'or, de verdure et d'oiseaux. Sur les montagnes, de grandes fleurs pleines de parfums qui fument se balancent comme d'éternels encensoirs ; dans les citronniers plus hauts que des cÚdres, des serpents couleur de lait font avec les diamants de leur gueule tomber les fruits sur le gazon ; l'air est si doux qu'il empÃÂȘche de mourir. Oh ! je la trouverai, tu verras. Nous vivrons dans les grottes de cristal, taillées au bas des collines. Personne encore ne l'habite, ou je deviendrai le roi du pays. " Il balaya la poussiÚre de ses cothurnes ; il voulut qu'elle mÃt entre ses lÚvres le quartier d'une grenade, il accumula derriÚre sa tÃÂȘte des vÃÂȘtements pour lui faire un coussin. Il cherchait les moyens de la servir, de s'humilier, et mÃÂȘme il étala sur ses jambes le zaïmph, comme un simple tapis. - " As-tu toujours " , disait-il, " ces petites cornes de gazelle oÃÂč sont suspendus tes colliers ? Tu me les donneras ; je les aime ! " Car il parlait comme si la guerre était finie, des rires de joie lui échappaient ; et les Mercenaires, Hamilcar, tous les obstacles avaient maintenant disparu. La lune glissait entre deux nuages. Ils la voyaient par une ouverture de la tente. - " Ah ! que j'ai passé de nuits à la contempler ! elle me semblait un voile qui cachait ta figure ; tu me regardais à travers ; ton souvenir se mÃÂȘlait à ses rayonnements ; je ne vous distinguais plus ! " Et la tÃÂȘte entre ses seins, il pleurait abondamment. - " C'est donc là ! " , songeait-elle " cet homme formidable qui fait trembler Carthage ! " Il s'endormit. Alors, en se dégageant de son bras, elle posa un pied par terre, et elle s'aperçut que sa chaÃnette était brisée. On accoutumait les vierges dans les grandes familles à respecter ces entraves comme une chose presque religieuse, et SalammbÎ, en rougissant, roula autour de ses jambes les deux tronçons de la chaÃne d'or. Carthage, Mégara, sa maison, sa chambre et les campagnes qu'elle avait traversées, tourbillonnaient dans sa mémoire en images tumultueuses et nettes cependant. Mais un abÃme survenu les reculait loin d'elle, à une distance infinie. L'orage s'en allait ; de rares gouttes d'eau en claquant une à une faisaient osciller le toit de la tente. Mùtho, tel qu'un homme ivre, dormait étendu sur le flanc, avec un bras qui dépassait le bord de la couche. Son bandeau de perles était un peu remonté et découvrait son front. Un sourire écartait ses dents. Elles brillaient entre sa barbe noire, et dans les paupiÚres à demi closes il y avait une gaieté silencieuse et presque outrageante. SalammbÎ le regardait immobile, la tÃÂȘte basse, les mains croisées. Au chevet du lit, un poignard s'étalait sur une table de cyprÚs ; la vue de cette lame luisante l'enflamma d'une envie sanguinaire. Des voix lamentables se traÃnaient au loin, dans l'ombre, et, comme un choeur de Génies, la sollicitaient. Elle se rapprocha ; elle saisit le fer par le manche. Au frÎlement de sa robe, Mùtho entrouvrit les yeux, en avançant la bouche sur ses mains, et le poignard tomba. Des cris s'élevÚrent ; une lueur effrayante fulgurait derriÚre la toile. Mùtho la souleva ; ils aperçurent de grandes flammes qui enveloppaient le camp des Libyens. Leurs cabanes de roseaux brûlaient, et les tiges, en se tordant, éclataient dans la fumée et s'envolaient comme des flÚches ; sur l'horizon tout rouge, des ombres noires couraient éperdues. On entendait les hurlements de ceux qui étaient dans les cabanes ; les éléphants, les boeufs et les chevaux bondissaient au milieu de la foule en l'écrasant, avec les munitions et les bagages que l'on tirait de l'incendie. Des trompettes sonnaient. On appelait " Mùtho ! Mùtho ! " Des gens à la porte voulaient entrer. - " Viens donc ! c'est Hamilcar qui brûle le camp d'Autharite ! " Il fit un bond. Elle se trouva toute seule. Alors elle examina le zaïmph ; et quand elle l'eut bien contemplé, elle fut surprise de ne pas avoir ce bonheur qu'elle s'imaginait autrefois. Elle restait mélancolique devant son rÃÂȘve accompli. Mais le bas de la tente se releva, et une forme monstrueuse apparut. SalammbÎ ne distingua d'abord que les deux yeux, avec une longue barbe blanche qui pendait jusqu'à terre ; car le reste du corps, embarrassé dans les guenilles d'un vÃÂȘtement fauve, traÃnait contre le sol ; et, à chaque mouvement pour avancer, les deux mains entraient dans la barbe, puis retombaient. En rampant ainsi, elle arriva jusqu'à ses pieds, et SalammbÎ reconnut le vieux Giscon. En effet, les Mercenaires, pour empÃÂȘcher les anciens captifs de s'enfuir, à coups de barre d'airain leur avaient cassé les jambes ; et ils pourrissaient tous pÃÂȘle-mÃÂȘle, dans une fosse, au milieu des immondices. Les plus robustes, quand ils entendaient le bruit des gamelles, se haussaient en criant c'est ainsi que Giscon avait aperçu SalammbÎ. Il avait deviné une Carthaginoise, aux petites boules de sandastrum qui battaient contre ses cothurnes ; et, dans le pressentiment d'un mystÚre considérable, en se faisant aider par ses compagnons, il était parvenu à sortir de la fosse ; puis, avec les coudes et les mains, il s'était traÃné vingt pas plus loin, jusqu'à la tente de Mùtho. Deux voix y parlaient. Il avait écouté du dehors et tout entendu. - " C'est toi ! " dit-elle enfin, presque épouvantée. En se haussant sur les poignets, il répliqua - " Oui, c'est moi ! On me croit mort, n'est-ce pas ? " Elle baissa la tÃÂȘte. Il reprit - " Ah ! pourquoi les Baals ne m'ont-ils pas accordé cette miséricorde ! " " Et se rapprochant de si prÚs, qu'il la frÎlait " Ils m'auraient épargné la peine de te maudire . ! " SalammbÎ se rejeta vivement en arriÚre, tant elle eut peur de cet ÃÂȘtre immonde, qui était hideux comme une larve et terrible comme un fantÎme. - " J'ai cent ans, bientÎt " , dit-il. " J'ai vu AgathodÚs ; j'ai vu Régulus et les aigles des Romains passer sur les moissons des champs puniques ! J'ai vu toutes les épouvantes des batailles et la mer encombrée par les débris de nos flottes ! Des Barbares que je commandais m'ont enchaÃné aux quatre membres, comme un esclave homicide. Mes compagnons, l'un aprÚs l'autre, sont à mourir autour de moi ; l'odeur de leurs cadavres me réveille la nuit ; j'écarte les oiseaux qui viennent becqueter leurs yeux ; et pourtant, pas un seul jour je n'ai désespéré de Carthage ! Quand mÃÂȘme j'aurais vu contre elle toutes les armées de la terre, et les flammes du siÚge dépasser la hauteur des temples, j'aurais cru encore à son éternité ! Mais, à présent, tout est fini ! tout est perdu ! Les Dieux l'exÚcrent ! Malédiction sur toi qui as précipité sa ruine par ton ignominie ! " Elle ouvrit ses lÚvres. - " Ah ! j'étais là ! " s'écria-t-il. " Je t'ai entendue rùler d'amour comme une prostituée ; puis il te racontait son désir, et tu te laissais baiser les mains ! Mais, si la fureur de ton impudicité te poussait, tu devais faire au moins comme les bÃÂȘtes fauves qui se cachent dans leurs accouplements, et ne pas étaler ta honte jusque sous les yeux de ton pÚre ! " - " Comment ? " , dit-elle. - " Ah ! tu ne savais pas que les deux retranchements sont à soixante coudées l'un de l'autre, et que ton Mùtho, par excÚs d'orgueil, s'est établi tout en face d'Hamilcar. Il est là , ton pÚre, derriÚre toi ; et si je pouvais gravir le sentier qui mÚne sur la plate-forme, je lui crierais Viens donc voir ta fille dans les bras du Barbare ! Elle a mis pour lui plaire le vÃÂȘtement de la Déesse ; et, en abandonnant son corps, elle livre, avec la gloire de ton nom, la majesté des Dieux, la vengeance de la patrie, le salut mÃÂȘme de Carthage ! " Le mouvement de sa bouche édentée remuait sa barbe tout du long ; ses yeux, tendus sur elle, la dévoraient ; et il répétait en haletant dans la poussiÚre - " Ah ! sacrilÚge ! Maudite sois-tu ! maudite ! maudite ! " SalammbÎ avait écarté la toile, elle la tenait soulevée au bout de son bras, et, sans lui répondre, elle regardait du cÎté d'Hamilcar. - " C'est par ici, n'est-ce pas ? " dit-elle. - " Que t'importe ! Détourne-toi ! Va-t'en ! Ecrase plutÎt ta face contre la terre ! C'est un lieu saint que ta vue souillerait. " Elle jeta le zaïmph autour de sa taille, ramassa vivement ses voiles, son manteau, son écharpe. - " J'y cours ! " s'écria-t-elle ; et, s'échappant, SalammbÎ disparut. D'abord, elle marcha dans les ténÚbres sans rencontrer personne, car tous se portaient vers l'incendie ; et la clameur redoublait, de grandes flammes empourpraient le ciel par-derriÚre ; une longue terrasse l'arrÃÂȘta. Elle tourna sur elle-mÃÂȘme, de droite et de gauche au hasard, cherchant une échelle, une corde, une pierre, quelque chose enfin pour l'aider. Elle avait peur de Giscon, et il lui semblait que des cris et des pas la poursuivaient. Le jour commençait à blanchir. Elle aperçut un sentier dans l'épaisseur du retranchement. Elle prit avec ses dents le bas de sa robe qui la gÃÂȘnait, et, en trois bonds, elle se trouva sur la plate-forme. Un cri sonore éclata sous elle, dans l'ombre, le mÃÂȘme qu'elle avait entendu au bas de l'escalier des galÚres ; et, en se penchant, elle reconnut l'homme de Schahabarim avec ses chevaux accouplés. Il avait erré toute la nuit entre les deux retranchements ; puis, inquiété par l'incendie, il était revenu en arriÚre, tùchant d'apercevoir ce qui se passait dans le camp de Mùtho ; et, comme il savait que cette place était la plus voisine de sa tente, pour obéir au prÃÂȘtre, il n'en avait pas bougé. Il monta debout sur un des chevaux. SalammbÎ se laissa glisser jusqu'à lui ; et ils s'enfuirent au grand galop en faisant le tour du camp punique, pour trouver une porte quelque part. Mùtho était rentré dans sa tente. La lampe toute fumeuse éclairait à peine, et mÃÂȘme il crut que SalammbÎ dormait. Alors, il palpa délicatement la peau du lion, sur le lit de palmier. Il appela, elle ne répondit pas ; il arracha vivement un lambeau de la toile pour faire venir du jour ; le zaïmph avait disparu. La terre tremblait sous des pas multipliés. De grands cris, des hennissements, des chocs d'armures s'élevaient dans l'air, et les fanfares des clairons sonnaient la charge. C'était comme un ouragan tourbillonnant autour de lui. Une fureur désordonnée le fit bondir sur ses armes, il se lança dehors. Les longues files des Barbares descendaient en courant la montagne, et les carrés puniques s'avançaient contre eux, avec une oscillation lourde et réguliÚre. Le brouillard, déchiré par les rayons du soleil, formait de petits nuages qui se balançaient, et peu à peu, en s'élevant, ils découvraient les étendards, les casques et la pointe des piques. Sous les évolutions rapides, des portions de terrain encore dans l'ombre semblaient se déplacer d'un seul morceau ; ailleurs, on aurait dit des torrents qui s'entrecroisaient, et, entre eux, des masses épineuses restaient immobiles. Mùtho distinguait les capitaines, les soldats, les hérauts et jusqu'aux valets par-derriÚre, qui étaient montés sur des ùnes. Mais au lieu de garder sa position pour couvrir les fantassins, Narr'Havas tourna brusquement à droite, comme s'il voulait se faire écraser par Hamilcar. Ses cavaliers dépassÚrent les éléphants qui se ralentissaient ; et tous les chevaux, allongeant leur tÃÂȘte sans bride, galopaient d'un train si furieux que leur ventre paraissait frÎler la terre. Puis, tout à coup, Narr'Havas marcha résolument vers une sentinelle. Il jeta son épée, sa lance, ses javelots, et disparut au milieu des Carthaginois. Le roi des Numides arriva dans la tente d'Hamilcar ; et il dit, en lui montrant ses hommes qui se tenaient au loin arrÃÂȘtés - " Barca ! je te les amÚne. Ils sont à toi. " Alors il se prosterna en signe d'esclavage, et, comme preuve de sa fidélité, il rappela toute sa conduite depuis le commencement de la guerre. D'abord il avait empÃÂȘché le siÚge de Carthage et le massacre des captifs ; puis, il n'avait point profité de la victoire contre Hannon aprÚs la défaite d'Utique. Quant aux villes tyriennes, c'est qu'elles se trouvaient sur les frontiÚres de son royaume. Enfin, il n'avait pas participé à la bataille de Macar ; et mÃÂȘme il s'était absenté tout exprÚs pour fuir l'obligation de combattre le SuffÚte. Narr'Havas, en effet, avait voulu s'agrandir par des empiétements sur les provinces puniques, et, selon les chances de la victoire, tour à tour secouru et délaissé les Mercenaires. Mais voyant que le plus fort serait définitivement Hamilcar, il s'était tourné vers lui ; et peut-ÃÂȘtre y avait-il dans sa défection une rancune contre Mùtho, soit à cause du commandement ou de son ancien amour. Le SuffÚte l'écouta sans l'interrompre. L'homme qui se présentait ainsi dans une armée oÃÂč on lui devait des vengeances n'était pas un auxiliaire à dédaigner ; Hamilcar devina tout de suite l'utilité d'une telle alliance pour ses grands projets. Avec les Numides, il se débarrasserait des Libyens. Puis il entraÃnerait l'Occident à la conquÃÂȘte de l'Ibérie ; et, sans lui demander pourquoi il n'était pas venu plus tÎt, ni relever aucun de ses mensonges, il baisa Narr'Havas, en heurtant trois fois sa poitrine contre la sienne. C'était pour en finir, et par désespoir, qu'il avait incendié le camp des Libyens. Cette armée lui arrivait comme un secours des Dieux ; en dissimulant sa joie, il répondit - " Que les Baals te favorisent ! J'ignore ce que fera pour toi la République, mais Hamilcar n'a pas d'ingratitude. " Le tumulte redoublait ; des capitaines entraient. Il s'armait tout en parlant - " Allons, retourne ! Avec les cavaliers, tu rabattras leur infanterie entre tes éléphants et les miens ! Courage ! extermine ! " Et Narr'Havas se précipitait, quand SalammbÎ parut. Elle sauta vite à bas de son cheval. Elle ouvrit son large manteau, et, en écartant les bras, elle déploya le zaïmph. La tente de cuir, relevée dans les coins, laissait voir le tour entier de la montagne couverte de soldats, et comme elle se trouvait au centre, de tous les cÎtés on apercevait SalammbÎ. Une clameur immense éclata, un long cri de triomphe et d'espoir. Ceux qui étaient en marche s'arrÃÂȘtÚrent ; les moribonds, s'appuyant sur le coude, se retournaient pour la bénir. Tous les Barbares savaient maintenant qu'elle avait repris le zaïmph ; de loin ils la voyaient, ils croyaient la voir ; et d'autres cris, mais de rage et de vengeance, retentissaient, malgré les applaudissements des Carthaginois ; les cinq armées, s'étageant sur la montagne, trépignaient et hurlaient ainsi tout autour de SalammbÎ. Hamilcar, sans pouvoir parler, la remerciait par des signes de tÃÂȘte. Ses yeux se portaient alternativement sur le zaïmph et sur elle, et il remarqua que sa chaÃnette était rompue. Alors il frissonna, saisi par un soupçon terrible. Mais reprenant vite son impassibilité, il considéra Narr'Havas obliquement, sans tourner la figure. Le roi des Numides se tenait à l'écart dans une attitude discrÚte ; il portait au front un peu de la poussiÚre qu'il avait touchée en se prosternant. Enfin le SuffÚte s'avança vers lui et, avec un air plein de gravité - " En récompense des services que tu m'as rendus, Narr'Havas, je te donne ma fille. " " Il ajouta " Sois mon fils et défends ton pÚre ! " Narr'Havas eut un grand geste de surprise, puis se jeta sur ses mains qu'il couvrit de baisers. SalammbÎ, calme comme une statue, semblait ne pas comprendre. Elle rougissait un peu, tout en baissant les paupiÚres ; ses longs cils recourbés faisaient des ombres sur ses joues. Hamilcar voulut immédiatement les unir par des fiançailles indissolubles. On mit entre les mains de SalammbÎ une lance qu'elle offrit à Narr'Havas on attacha leurs pouces l'un contre l'autre avec une laniÚre de boeuf, puis on leur versa du blé sur la tÃÂȘte, et les grains qui tombaient autour d'eux sonnÚrent comme de la grÃÂȘle en rebondissant. - Chapitre 12 L'AQUEDUC - Douze heures aprÚs, il ne restait plus des Mercenaires qu'un tas de blessés, de morts et d'agonisants. Hamilcar, sorti brusquement du fond de la gorge, était redescendu sur la pente occidentale qui regarde Hippo-Zaryte, et, l'espace étant plus large en cet endroit, il avait eu soin d'y attirer les Barbares. Narr'Havas les avait enveloppés avec ses chevaux ; le SuffÚte, pendant ce temps-là , les refoulait, les écrasait ; puis ils étaient vaincus d'avance par la perte du zaïmph ; ceux mÃÂȘmes qui ne s'en souciaient avaient senti une angoisse et comme un affaiblissement. Hamilcar, ne mettant pas son orgueil à garder pour lui le champ de bataille, s'était retiré un peu plus loin, à gauche sur des hauteurs d'oÃÂč il les dominait. On reconnaissait la forme des camps à leurs palissades inclinées. Un long amas de cendres noires fumait sur l'emplacement des Libyens ; le sol bouleversé avait des ondulations comme la mer, et les tentes, avec leurs toiles en lambeaux, semblaient de vagues navires à demi perdus dans les écueils. Des cuirasses, des fourches, des clairons, des morceaux de bois, de fer et d'airain, du blé, de la paille et des vÃÂȘtements s'éparpillaient au milieu des cadavres ; çà et là quelque phalarique prÃÂȘte à s'éteindre brûlait contre un monceau de bagages ; la terre, en de certains endroits, disparaissait sous les boucliers ; des charognes de chevaux se suivaient comme une série de monticules ; on apercevait des jambes, des sandales, des bras, des cottes de mailles et des tÃÂȘtes dans leurs casques, maintenues par la mentonniÚre et qui roulaient comme des boules ; des chevelures pendaient aux épines ; dans des mares de sang, des éléphants, les entrailles ouvertes, rùlaient couchés avec leurs tours ; on marchait sur des choses gluantes et il y avait des flaques de boue, bien que la pluie n'eût pas tombé. Cette confusion de cadavres occupait, du haut en bas, la montagne tout entiÚre. Ceux qui survivaient ne bougeaient pas plus que les morts. Accroupis par groupes inégaux, ils se regardaient, effarés, et ne parlaient pas. Au bout d'une longue prairie, le lac d'Hippo-Zaryte resplendissait sous le soleil couchant. A droite, de blanches maisons agglomérées dépassaient une ceinture de murailles ; puis la mer s'étalait, indéfiniment ; - et, le menton dans la main, les Barbares soupiraient en songeant à leurs patries. Un nuage de poudre grise retombait. Le vent du soir souffla ; alors toutes les poitrines se dilatÚrent ; et, à mesure que la fraÃcheur augmentait, on pouvait voir la vermine abandonner les morts qui se refroidissaient, et courir sur le sable chaud. Au sommet des grosses pierres, des corbeaux immobiles restaient tournés vers les agonisants. Quand la nuit fut descendue, des chiens à poil jaune, de ces bÃÂȘtes immondes qui suivaient les armées, arrivÚrent tout doucement au milieu des Barbares. D'abord ils léchÚrent les caillots de sang sur les moignons encore tiÚdes ; et bientÎt ils se mirent à dévorer les cadavres, en les entamant par le ventre. Les fugitifs reparaissaient un à un, comme des ombres ; les femmes aussi se hasardÚrent à revenir, car il en restait encore, chez les Libyens surtout, malgré le massacre effroyable que les Numides en avaient fait. Quelques-uns prirent des bouts de corde qu'ils allumÚrent pour servir de flambeaux. D'autres tenaient des piques entrecroisées. On plaçait dessus les cadavres et on les transportait à l'écart. Ils se trouvaient étendus par longues lignes, sur le dos, la bouche ouverte, avec leurs lances auprÚs d'eux ; ou bien ils s'entassaient pÃÂȘle- mÃÂȘle, et souvent, pour découvrir ceux qui manquaient, il fallait creuser tout un monceau. Puis on promenait la torche sur leur visage, lentement. Des armes hideuses leur avaient fait des blessures compliquées. Des lambeaux verdùtres leur pendaient du front ; ils étaient tailladés en morceaux, écrasés jusqu'à la moelle, bleuis sous des strangulations, ou largement fendus par l'ivoire des éléphants. Bien qu'ils fussent morts presque en mÃÂȘme temps, des différences existaient dans leur corruption. Les hommes du Nord étaient gonflés d'une bouffissure livide, tandis que les Africains, plus nerveux, avaient l'air enfumés, et déjà se desséchaient. On reconnaissait les Mercenaires aux tatouages de leurs mains les vieux soldats d'Antiochus portaient un épervier ; ceux qui avaient servi en Egypte, la tÃÂȘte d'un cynocéphale ; chez les princes de l'Asie, une hache, une grenade, un marteau ; dans les Républiques grecques, le profil d'une citadelle ou le nom d'un archonte ; et on en voyait dont les bras étaient couverts entiÚrement par ces symboles multipliés, qui se mÃÂȘlaient à leurs cicatrices et aux blessures nouvelles. Pour les hommes de race latine, les Samnites, les Etrusques, les Campaniens et les Brutiens, on établit quatre grands bûchers. Les Grecs, avec la pointe de leurs glaives, creusÚrent des fosses. Les Spartiates, retirant leurs manteaux rouges, en enveloppÚrent les morts ; les Athéniens les étendaient la face vers le soleil levant ; les Cantabres les enfouissaient sous un monceau de cailloux ; les Nasamons les pliaient en deux avec des courroies de boeufs, et les Garamantes allÚrent les ensevelir sur la plage, afin qu'ils fussent perpétuellement arrosés par les flots. Mais les Latins se désolaient de ne pas recueillir leurs cendres dans les urnes ; les Nomades regrettaient la chaleur des sables oÃÂč les corps se momifient, et les Celtes, trois pierres brutes, sous un ciel pluvieux, au fond d'un golfe plein d'Ãlots. Des vociférations s'élevaient, suivies d'un long silence. C'était pour forcer les ùmes à revenir. Puis la clameur reprenait, à intervalles réguliers, obstinément. On s'excusait prÚs des morts de ne pouvoir les honorer comme le prescrivaient les rites car ils allaient, par cette privation, circuler, durant des périodes infinies, à travers toutes sortes de hasards et de métamorphoses on les interpellait, on leur demandait ce qu'ils désiraient ; d'autres les accablaient d'injures pour s'ÃÂȘtre laissé vaincre. La lueur des grands bûchers apparaissait les figures exsangues, renversées de place en place sur les débris d'armures et les larmes excitaient les larmes, les sanglots devenaient plus aigus, ; les reconnaissances et les étreintes plus frénétiques. Des femmes s'étalaient sur les cadavres, bouche contre bouche, front contre front il fallait les battre pour qu'elles se retirassent, quand on jetait la terre. Ils se noircissaient les joues ; ils se coupaient les cheveux ; ils se tiraient du sang et le versaient dans les fosses ; ils se faisaient des entailles à l'imitation des blessures qui défiguraient les morts. Des rugissements éclataient à travers le tapage des cymbales. Quelques-uns arrachaient leurs amulettes, crachaient dessus. Les moribonds se roulaient dans la boue sanglante en mordant de rage leurs poings mutilés ; et quarante- trois Samnites, tout un printemps sacré, s'entr'égorgÚrent comme des gladiateurs. BientÎt le bois manqua pour les bûchers, les flammes s'éteignirent, toutes les places étaient prises ; - et, las d'avoir crié, affaiblis, chancelants, ils s'endormirent auprÚs de leurs frÚres morts, ceux qui tenaient à vivre pleins d'inquiétudes, et les autres désirant ne pas se réveiller. Aux blancheurs de l'aube, il parut sur les limites des Barbares des soldats qui défilaient avec des casques levés au bout des piques ; en saluant les Mercenaires, ils leur demandaient s'ils n'avaient rien à faire dire dans leurs patries. D'autres se rapprochÚrent, et les Barbares reconnurent quelques-uns de leurs anciens compagnons. Le SuffÚte avait proposé à tous les captifs de servir dans ses troupes. Plusieurs avaient intrépidement refusé ; et, bien résolu à ne point les nourrir ni à les abandonner au Grand-Conseil, il les avait renvoyés, en leur ordonnant de ne plus combattre Carthage. Quant à ceux que la peur des supplices rendait dociles, on leur avait distribué les armes de l'ennemi ; et maintenant ils se présentaient aux vaincus, moins pour les séduire que par un mouvement d'orgueil et de curiosité. D'abord ils racontÚrent les bons traitements du SuffÚte ; les Barbares les écoutaient tout en les jalousant, bien qu'ils les méprisassent. Puis, aux premiÚres paroles de reproche, les lùches s'emportÚrent ; de loin ils leur montraient leurs propres épées, leurs cuirasses, et les conviaient avec des injures à venir les prendre. Les Barbares ramassÚrent des cailloux ; tous s'enfuirent ; et l'on ne vit plus au sommet de la montagne que les pointes des lances dépassant le bord des palissades. Alors une douleur, plus lourde que l'humiliation de la défaite, accabla les Barbares. Ils songeaient à l'inanité de leur courage. Ils restaient les yeux fixes en grinçant des dents. La mÃÂȘme idée leur vint. Ils se précipitÚrent en tumulte sur les prisonniers carthaginois. Les soldats du SuffÚte, par hasard, n'avaient pu les découvrir, et comme il s'était retiré du champ de bataille, ils se trouvaient encore dans la fosse profonde. On les rangea par terre, dans un endroit aplati. Des sentinelles firent un cercle autour d'eux, et on laissa les femmes entrer, par trente ou quarante successivement. Voulant profiter du peu de temps qu'on leur donnait, elles couraient de l'un à l'autre, incertaines, palpitantes ; puis, inclinées sur ces pauvres corps, elles les frappaient à tour de bras comme des lavandiÚres qui battent des linges ; en hurlant le nom de leurs époux, elles les déchiraient sous leurs ongles ; elles leur crevÚrent les yeux avec les aiguilles de leurs chevelures. Les hommes y vinrent ensuite, et ils les suppliciaient depuis les pieds, qu'ils coupaient aux chevilles, jusqu'au front, dont ils levaient des couronnes de peau pour se mettre sur la tÃÂȘte. Les Mangeurs-de-choses-immondes furent atroces dans leurs imaginations. Ils envenimaient les blessures en y versant de la poussiÚre, du vinaigre, des éclats de poterie d'autres attendaient derriÚre eux ; le sang coulait et ils se réjouissaient comme font les vendangeurs autour des cuves fumantes. Cependant Mùtho était assis par terre, à la place mÃÂȘme oÃÂč il se trouvait quand la bataille avait fini, les coudes sur les genoux, les tempes dans les mains ; il ne voyait rien, n'entendait rien, ne pensait plus. Aux hurlements de joie que la foule poussait, il releva la tÃÂȘte. Devant lui, un lambeau de toile accroché à une perche, et qui traÃnait par le bas, abritait confusément des corbeilles, des tapis, une peau de lion. Il reconnut sa tente ; et ses yeux s'attachaient contre le sol comme si la fille d'Hamilcar, en disparaissant, se fût enfoncée sous la terre. La toile déchirée battait au vent ; quelquefois ses longues bribes lui passaient devant la bouche, et il aperçut une marque rouge, pareille à l'empreinte d'une main. C'était la main de Narr'Havas, le signe de leur alliance. Alors Mùtho se leva. Il prit un tison qui fumait encore, et il le jeta sur les débris de sa tente, dédaigneusement. Puis, du bout de son cothurne, il repoussait vers la flamme des choses qui débordaient, pour que rien n'en subsistùt. Tout à coup, et sans qu'on pût deviner de quel point il surgissait, Spendius parut. L'ancien esclave s'était attaché contre la cuisse deux éclats de lance ; il boitait d'un air piteux, tout en exhalant des plaintes. - " Retire donc cela " , lui dit Mùtho, " je sais que tu es un brave ! " Car il était si écrasé par l'injustice des Dieux qu'il n'avait plus assez de force pour s'indigner contre les hommes. Spendius lui fit un signe, et il le mena dans le creux d'un mamelon, oÃÂč Zarxas et Autharite se tenaient cachés. Ils avaient fui comme l'esclave, l'un bien qu'il fût cruel, et l'autre malgré sa bravoure. Mais qui aurait pu s'attendre, disaient-ils, à la trahison de Narr'Havas, à l'incendie des Libyens, à la perte du zaïmph, à l'attaque soudaine d'Hamilcar, et surtout à ses manoeuvres les forçant à revenir dans le fond de la montagne sous les coups immédiats des Carthaginois ? Spendius n'avouait point sa terreur et persistait à soutenir qu'il avait la jambe cassée. Enfin, les trois chefs et le schalischim se demandÚrent ce qu'il fallait maintenant décider. Hamilcar leur fermait la route de Carthage ; on était pris entre ses soldats et les provinces de Narr'Havas ; les villes tyriennes se joindraient aux vainqueurs ; ils allaient se trouver acculés au bord de la mer, et toutes ces forces réunies les écraseraient. Voilà ce qui arriverait immanquablement. Ainsi pas un moyen ne s'offrait d'éviter la guerre. Donc, ils devaient la poursuivre à outrance. Mais comment faire comprendre la nécessité d'une interminable bataille à tous ces gens découragés et saignant encore de leurs blessures ? - " Je m'en charge ! " dit Spendius. Deux heures aprÚs, un homme, qui arrivait du cÎté d'Hippo-Zaryte, gravit en courant la montagne. Il agitait des tablettes au bout de son bras, et, comme il criait trÚs fort, les Barbares l'entourÚrent. Elles étaient expédiées par les soldats grecs de la Sardaigne. Ils recommandaient à leurs compagnons d'Afrique de surveiller Giscon avec les autres captifs. Un marchand de Samos, un certain Hipponax, venant de Carthage, leur avait appris qu'un complot s'organisait pour les faire évader, et on engageait les Barbares à tout prévoir ; la République était puissante. Le stratagÚme de Spendius ne réussit point d'abord comme il l'avait espéré. Cette assurance d'un péril nouveau, loin d'exciter de la fureur, souleva des craintes ; et, se rappelant l'avertissement d'Hamilcar jeté naguÚre au milieu d'eux, ils s'attendaient à quelque chose d'imprévu et qui serait terrible. La nuit se passa dans une grande angoisse ; plusieurs mÃÂȘme se débarrassÚrent de leurs armes pour attendrir le SuffÚte quand il se présenterait. Mais le lendemain, à la troisiÚme veille du jour, un second coureur parut, encore plus haletant et noir de poussiÚre. Le Grec lui arracha des mains un rouleau de papyrus chargé d'écritures phéniciennes. On y suppliait les Mercenaires de ne pas se décourager ; les braves de Tunis allaient venir avec de grands renforts. Spendius lut d'abord la lettre trois fois de suite ; et, soutenu par deux Cappadociens qui le tenaient assis sur leurs épaules, il se faisait transporter de place en place, et il la relisait. Pendant sept heures, il harangua. Il rappelait aux Mercenaires les promesses du Grand-Conseil ; aux Africains, les cruautés des intendants ; à tous les Barbares, l'injustice de Carthage. La douceur du SuffÚte était un appùt pour les prendre. Ceux qui se livreraient, on les vendrait comme des esclaves ; les vaincus périraient suppliciés. Quant à s'enfuir, par quelles routes ? Pas un peuple ne voudrait les recevoir. Tandis qu'en continuant leurs efforts, ils obtiendraient à la fois la liberté, la vengeance, de l'argent ! Et ils n'attendraient pas longtemps, puisque les gens de Tunis, la Libye entiÚre se précipitait à leur secours. Il montrait le papyrus déroulé - " Regardez donc ! lisez ! voilà leurs promesses ! Je ne mens pas. " Des chiens erraient, avec leur museau noir tout plaqué de rouge. Le grand soleil chauffait les tÃÂȘtes nues. Une odeur nauséabonde s'exhalait des cadavres mal enfouis. Quelques-uns mÃÂȘme sortaient de terre jusqu'au ventre. Spendius les appelait à lui pour témoigner des choses qu'il disait ; puis il levait ses poings du cÎté d'Hamilcar. Mùtho l'observait d'ailleurs et, afin de couvrir sa lùcheté, il étalait une colÚre oÃÂč peu à peu il se trouvait pris lui-mÃÂȘme. En se dévouant aux Dieux, il accumula des malédictions sur les Carthaginois. Le supplice des captifs était un jeu d'enfants. Pourquoi donc les épargner et traÃner toujours derriÚre soi ce bétail inutile ! - " Non ! il faut en finir ! leurs projets sont connus ! un seul peut nous perdre ! pas de pitié ! On reconnaÃtra les bons à la vitesse des jambes et à la force du coup. " Alors ils se retournÚrent sur les captifs. Plusieurs rùlaient encore ; on les acheva en leur enfonçant le talon dans la bouche, ou bien on les poignardait avec la pointe d'un javelot. Ensuite ils songÚrent à Giscon. Nulle part on ne l'apercevait ; une inquiétude les troubla. Ils voulaient tout à la fois se convaincre de sa mort et y participer. Enfin, trois pasteurs samnites le découvrirent à quinze pas de l'endroit oÃÂč s'élevait naguÚre la tente de Mùtho. Ils le reconnurent à sa longue barbe, et ils appelÚrent les autres. Etendu sur le dos, les bras contre les hanches et les genoux serrés, il avait l'air d'un mort disposé pour le sépulcre. Cependant, ses cÎtes maigres s'abaissaient et remontaient, et ses yeux, largement ouverts au milieu de sa figure toute pùle, regardaient d'une façon continue et intolérable. Les Barbares le considérÚrent, d'abord, avec un grand étonnement. Depuis le temps qu'il vivait dans la fosse, on l'avait presque oublié ; gÃÂȘnés par de vieux souvenirs, ils se tenaient à distance et n'osaient porter la main sur lui. Mais ceux qui étaient par-derriÚre murmuraient et se poussaient, quand un Garamante traversa la foule ; il brandissait une faucille ; tous comprirent sa pensée ; leurs visages s'empourprÚrent, et, saisis de honte, ils hurlaient " Oui ! oui ! " L'homme au fer recourbé s'approcha de Giscon. Il lui prit la tÃÂȘte, et, l'appuyant sur son genou, il la sciait à coups rapides ; elle tomba ; deux gros jets de sang firent un trou dans la poussiÚre. Zarxas avait sauté dessus, et, plus léger qu'un léopard, il courait vers les Carthaginois. Puis, quand il fut aux deux tiers de la montagne, il retira de sa poitrine la tÃÂȘte de Giscon en la tenant par la barbe, il tourna son bras rapidement plusieurs fois, - et la masse, enfin lancée, décrivit une longue parabole et disparut derriÚre le retranchement punique. BientÎt se dressÚrent au bord des palissades deux étendards entre- croisés, signe convenu pour réclamer les cadavres. Alors quatre hérauts, choisis sur la largeur de leur poitrine, s'en allÚrent avec de grands clairons, et, parlant dans les tubes d'airain, ils déclarÚrent qu'il n'y avait plus désormais, entre les Carthaginois et les Barbares, ni foi, ni pitié, ni dieux, qu'ils se refusaient d'avance à toutes les ouvertures et que l'on renverrait les parlementaires avec les mains coupées. Immédiatement aprÚs, on députa Spendius à Hippo-Zaryte afin d'avoir des vivres ; la cité tyrienne leur en envoya le soir mÃÂȘme. Ils mangÚrent avidement. Puis, quand ils se furent réconfortés, ils ramassÚrent bien vite les restes de leurs bagages et leurs armes rompues ; les femmes se tassÚrent au centre, et sans souci des blessés pleurant derriÚre eux, ils partirent par le bord du rivage à pas rapides, comme un troupeau de loups qui s'éloignent. Ils marchaient sur Hippo-Zaryte, décidés à la prendre, car ils avaient besoin d'une ville. Hamilcar, en les apercevant au loin, eut un désespoir, malgré l'orgueil qu'il sentait à les voir fuir devant lui. Il aurait fallu les attaquer tout de suite avec des troupes fraÃches. Encore une journée pareille, et la guerre était finie ! Si les choses traÃnaient, ils reviendraient plus forts ; les villes tyriennes se joindraient à eux ; sa clémence envers les vaincus n'avait servi de rien. Il prit la résolution d'ÃÂȘtre impitoyable. Le soir mÃÂȘme, il envoya au Grand-Conseil un dromadaire chargé de bracelets recueillis sur les morts, et, avec des menaces horribles, il ordonnait qu'on lui expédiùt une autre armée. Tous, depuis longtemps, le croyaient perdu ; si bien qu'en apprenant sa victoire, ils éprouvÚrent une stupéfaction qui était presque de la terreur. Le retour du zaïmph, annoncé vaguement, complétait la merveille. Ainsi, les Dieux et la force de Carthage semblaient maintenant lui appartenir. Personne de ses ennemis ne hasarda une plainte ou une récrimination. Par l'enthousiasme des uns et la pusillanimité des autres, avant le délai prescrit, une armée de cinq mille hommes fut prÃÂȘte. Elle gagna promptement Utique pour appuyer le SuffÚte sur ses derriÚres, tandis que trois mille des plus considérables montÚrent sur des vaisseaux qui devaient les débarquer à Hippo-Zaryte, d'oÃÂč ils repousseraient les Barbares. Hannon en avait accepté le commandement ; mais il confia l'armée à son lieutenant Magdassan, afin de conduire les troupes de débarquement lui- mÃÂȘme, car il ne pouvait plus endurer les secousses de la litiÚre. Son mal, en rongeant ses lÚvres et ses narines, avait creusé dans sa face un large trou ; à dix pas, on lui voyait le fond de sa gorge, et il se savait tellement hideux qu'il se mettait, comme une femme, un voile sur la tÃÂȘte. Hippo-Zaryte n'écouta point ses sommations, ni celles des Barbares non plus ; mais chaque matin les habitants leur descendaient des vivres dans des corbeilles, et, en criant du haut des tours, ils s'excusaient sur les exigences de la République et les conjuraient de s'éloigner. Ils adressaient par signes les mÃÂȘmes protestations aux Carthaginois qui stationnaient dans la mer. Hannon se contentait de bloquer le port sans risquer une attaque. Cependant, il persuada aux juges d'Hippo-Zaryte de recevoir chez eux trois cents soldats. Puis il s'en alla vers le cap des Raisins et il fit un long détour afin de cerner les Barbares, opération inopportune et mÃÂȘme dangereuse. Sa jalousie l'empÃÂȘchait de secourir le SuffÚte ; il arrÃÂȘtait ses espions, le gÃÂȘnait dans tous ses plans, compromettait l'entreprise. Enfin, Hamilcar écrivit au Grand-Conseil de l'en débarrasser, et Hannon rentra dans Carthage, furieux contre la bassesse des Anciens et la folie de son collÚgue. Donc, aprÚs tant d'espérances, on se retrouvait dans une situation encore plus déplorable ; mais on tùchait de n'y pas réfléchir et mÃÂȘme de n'en point parler. Comme si ce n'était pas assez d'infortunes à la fois, on apprit que les Mercenaires de la Sardaigne avaient crucifié leur général, saisi les places fortes et partout égorgé les hommes de la race chananéenne. Le peuple romain menaça la République d'hostilités immédiates, si elle ne donnait douze cents talents avec l'Ãle de Sardaigne tout entiÚre. Il avait accepté l'alliance des Barbares, et il leur expédia des bateaux plats chargés de farine et de viandes sÚches. Les Carthaginois les poursuivirent, capturÚrent cinq cents hommes mais, trois jours aprÚs, une flotte qui venait de la BysacÚne, apportant des vivres à Carthage, sombra dans une tempÃÂȘte. Les Dieux évidemment se déclaraient contre elle. Alors, les citoyens d'Hippo-Zaryte, prétextant une alarme, firent monter sur leurs murailles les trois cents hommes d'Hannon ; puis, survenant derriÚre eux, ils les prirent aux jambes et les jetÚrent par-dessus les remparts, tout à coup. Quelques-uns qui n'étaient pas morts furent poursuivis et allÚrent se noyer dans la mer. Utique endurait des soldats, car Magdassan avait fait comme Hannon, et, d'aprÚs ses ordres, il entourait la ville, sourd aux priÚres d'Hamilcar. Pour ceux-là , on leur donna du vin mÃÂȘlé de mandragore, puis on les égorgea dans leur sommeil. En mÃÂȘme temps, les Barbares arrivÚrent Magdassan s'enfuit, les portes s'ouvrirent, et dÚs lors les deux villes tyriennes montrÚrent à leurs nouveaux amis un opiniùtre dévouement, et à leurs anciens alliés une haine inconcevable. Cet abandon de la cause punique était un conseil, un exemple. Les espoirs de délivrance se ranimÚrent. Des populations, incertaines encore, n'hésitÚrent plus. Tout s'ébranla. Le SuffÚte l'apprit, et il n'attendait aucun secours ! Il était maintenant irrévocablement perdu. AussitÎt il congédia Narr'Havas, qui devait garder les limites de son royaume. Quant à lui, il résolut de rentrer à Carthage pour y prendre des soldats et recommencer la guerre. Les Barbares établis à Hippo-Zaryte aperçurent son armée comme elle descendait la montagne. OÃÂč donc les Carthaginois allaient-ils ? La faim sans doute les poussait ; et, affolés par les souffrances, malgré leur faiblesse, ils venaient de livrer bataille. Mais ils tournÚrent à droite ils fuyaient. On pouvait les atteindre, les écraser tous. Les Barbares s'élancÚrent à leur poursuite. Les Carthaginois furent arrÃÂȘtés par le fleuve. Il était large cette fois, et le vent d'ouest n'avait pas soufflé. Les uns le passÚrent à la nage, les autres sur leurs boucliers. Ils se remirent en marche. La nuit tomba. On ne les vit plus. Les Barbares ne s'arrÃÂȘtÚrent pas ; ils remontÚrent plus loin, pour trouver une place plus étroite. Les gens de Tunis accoururent ; ils entraÃnÚrent ceux d'Utique. A chaque buisson, leur nombre augmentait ; et les Carthaginois, en se couchant par terre, entendaient le battement de leurs pas dans les ténÚbres. De temps à autre, pour les ralentir, Barca faisait lancer, derriÚre lui, des volées de flÚches ; plusieurs en furent tués. Quand le jour se leva, on était dans les montagnes de l'Ariane, à cet endroit oÃÂč le chemin fait un coude. Alors Mùtho, qui marchait en tÃÂȘte, crut distinguer dans l'horizon quelque chose de vert, au sommet d'une éminence. Puis le terrain s'abaissa, et des obélisques, des dÎmes, des maisons parurent ; c'était Carthage ! Il s'appuya contre un arbre pour ne pas tomber, tant son coeur battait vite. Il songeait à tout ce qui était survenu dans son existence depuis la derniÚre fois qu'il avait passé par là ! C'était une surprise infinie, un étourdissement. Puis une joie l'emporta, à l'idée de revoir SalammbÎ. Les raisons qu'il avait de l'exécrer lui revinrent à la mémoire ; il les rejeta bien vite. Frémissant et les prunelles tendues, il contemplait, au-delà d'Eschmoûn, la haute terrasse d'un palais, par-dessus des palmiers ; un ' sourire d'extase illuminait sa figure, comme s'il fût arrivé jusqu'à lui quelque grande lumiÚre ; il ouvrait les bras, il envoyait des baisers dans la brise et murmurait - " Viens ! viens ! " un soupir lui gonfla la poitrine, et deux larmes, longues comme des perles, tombÚrent sur sa barbe. - " Qui te retient ? " s'écria Spendius. " Hùte-toi donc ! En marche ! Le SuffÚte va nous échapper ! Mais tes genoux chancellent et tu me regardes comme un homme ivre ! " Il trépignait d'impatience ; il pressait Mùtho ; et, avec des clignements d'yeux, comme à l'approche d'un but longuement visé - " Ah ! nous y sommes ! Nous y voilà ! Je les tiens ! " Il avait l'air si convaincu et triomphant que Mùtho, surpris dans sa torpeur, se sentit entraÃné. Ces paroles survenaient au plus fort de sa détresse, poussaient son désespoir à la vengeance, montraient une pùture à sa colÚre. Il bondit sur un des chameaux qui étaient dans les bagages, lui arracha son licou ; avec la longue corde, il frappait à tour de bras les traÃnards ; et il courait de droite et de gauche, alternativement, sur le derriÚre de l'armée, comme un chien qui pousse un troupeau. A sa voix tonnante, les lignes d'hommes se resserrÚrent ; les boiteux mÃÂȘme précipitÚrent leurs pas ; au milieu d
1 vous portez votre ruche chez un apiculteur, avant la pĂ©riode des essaimages, il favorisera l’entrĂ©e d’un essaim dans votre ruche, et vous la ramĂšnerez le soir Ă  la nuit tombĂ©e. 2. attendre l’arrivĂ©e d’un essaim soit sauvage soit de chez quelqu’un qui a des ruches. 3. acheter un essaim avec une reine.
En apiculture, plusieurs notions sont Ă  connaĂźtre, dont une parmi les plus importantes, le couvain. Pour mieux maĂźtriser la biologie des abeilles et l’élevage d’une colonie d’abeilles, il est donc essentiel de savoir tous les principes de l’apiculture, de l’emplacement des ruches Ă  la manipulation de ses Ă©lĂ©ments. C’est aussi le cas quand il s’agit de la lignĂ©e de l’essaim. DĂ©finition La colonie perpĂ©tue sa descendance grĂące Ă  la ponte. Des alvĂ©oles servent alors de lieu dans lequel la reproduction sera faite et le renouvellement effectuĂ©. C’est ainsi que sera dĂ©signĂ© l’ensemble de tous les produits » assurant la reproduction et la fĂ©condation nymphes, larves, Ɠufs. Ces produits » seront sous la protection des ouvriĂšres. Le processus de reproduction des abeilles est plutĂŽt complexe. C’est la reine qui en assure aprĂšs s’ĂȘtre accouplĂ©e avec plusieurs mĂąles lors du vol nuptial, elle fĂ©condera toute au long sa vie grĂące aux semences qu’elle a gardĂ©es en elle. Il y a deux sortes d’incubation chez les abeilles le couvain fermĂ© avec une alvĂ©ole operculĂ©e pour les nymphes et le couvain ouvert sans opercule pour les Ɠufs et les larves. Prendre soin du couvain de sa ruche Ce processus assure la reproduction des abeilles, celle de la survie de la colonie. L’apiculteur doit alors veiller Ă  ce que ce processus se fasse dans les rĂšgles de l’art, mais surtout, Ă  ce que cette partie de la ruche soit bien protĂ©gĂ©e. Un apiculteur doit savoir surveiller ce lieu et dĂ©finir son Ă©tat et sa position sans avoir besoin d’ouvrir la ruche. Il pourra ainsi vĂ©rifier si les abeilles seront bien placĂ©es ou si elles n’occupent qu’une seule partie de la ruche. Si le second cas se prĂ©sente, cela traduit une mauvaise rĂ©partition du couvain. L’apiculteur doit alors intervenir pour le recentrer en procĂ©dant Ă  l’ouverture de la ruche. Cette opĂ©ration permettra aux abeilles de bien stocker le pollen et le miel Ă  proximitĂ© de ce centre de reproduction. Les abeilles doivent alors occuper toute la longueur de la planche afin de mieux rĂ©partir la disposition des Ɠufs, des larves et des nymphes. DiffĂ©rents traitements pour diffĂ©rentes abeilles Le couvain est un lieu que l’apiculteur doit inspecter rĂ©guliĂšrement. C’est surtout pendant les grandes activitĂ©s des abeilles, au printemps, en Ă©tĂ© et en automne que ce contrĂŽle doit se faire assidĂ»ment. Plusieurs cas peuvent ainsi se prĂ©senter, entre autres celui du faux-bourdon qui est nĂ© avec un ovule non fĂ©condĂ©. C’est le processus de parthĂ©nogĂ©nĂšse. Une abeille femelle est nĂ©e avec un ovule fĂ©condĂ©, et prendra le rĂŽle d’ouvriĂšre ou d’une reine. Les larves auront comme nourriture de la gelĂ©e royale, et, au bout de trois jours, la nourriture pourrait changer selon la destinĂ©e des abeilles. Ainsi, les abeilles nourrices dĂ©cident de la postĂ©ritĂ© des larves, la future reine sera nourrie avec de la gelĂ©e royale tandis que les futures ouvriĂšres auront du miel et du pollen comme nourriture. L’alimentation des larves mĂąles est composĂ©e de miel et de pollen, sans exception. Le passage du stade de larve Ă  la nymphe dure selon leur destinĂ©e, celle de la reine ne dure que 5 jours, celle des ouvriĂšres de 10 jours et ce passage dure 11 jours pour les mĂąles. Voir aussi La reine des abeilles Le faux bourdon L’abeille ouvriĂšre Les phĂ©romones Le cycle de vie des abeillesLa vie dans la ruche
Lavieille reine est partie depuis longtemps ou vous l’avez retirĂ©e de la ruche. Si vous voyez des cellules royales, je les arracherais ou les utiliserais dans une autre ruche qui a besoin d’aide. Placez la cage Ă  reine dans la ruche. Placez votre cage Ă  reine entre 2 cadres dans la ruche. Choisissez des cadres dans la zone avec du

-20 % si vous en achetez 3 ou % si vous en achetez 10 ou % si vous en achetez 50 ou en toi - Yagate Kimi ni Naru Carte postalePar keonnyxÉpanouissez-vous dans ce que vous invitez Carte postalePar EleixtineFleurir en vous Carte postalePar HancisRossinBloom Into You - Yagate Kimi ni Naru Carte postalePar HancisRossinÉpanouissez-vous dans votre amour Carte postalePar andBruns1 fleurir Carte postalePar Sunny Side Up CreativeLes marguerites du cubisme poussent en ville Carte postalePar SizaniFleur. Dans toute votre beautĂ©. Dans qui vous ĂȘtes. Carte postalePar BeautifullyUBloom dans vous - Yagate Kimi Ni Naru Anime Carte postalePar HancisRossin venez Ă  Alderaan historique! Profitez de prairies fleuries et de collines couvertes de forĂȘts qui courent jusqu'Ă  de superbes montagnes enneigĂ©es! Promenez-vous Ă  cĂŽtĂ© d'innombrables ruisseaux d'eau pure Carte postalePar cjrobbins attendant que la lune apparaisse dans le ciel nocturne Carte postalePar Laura Tanuwidjaya plus vous attirez dans votre vie. Tous les bĂ©nĂ©fices sont reversĂ©s Ă  Mind Charity. Carte postalePar Grateful GangYuu & Nanami - YagaKimi / Bloom into You Carte postalePar Air Quake jumelĂ© avec la profondeur de l'Ăąme. Laissez-vous toucher et amusez-vous Ă  naviguer! comtessek Carte postalePar comtessek les fleurs fleurissent comme jamais auparavant dans sa vie. De la mĂȘme façon Carte postalePar ashikkumarNanami et Yuu dans un jardin - YagaKimi / Bloom into You Carte postalePar Air QuakeSi une fleur peut fleurir dans le dĂ©sert, vous pouvez fleurir n'importe oĂč Carte postalePar Peter Stawicki les fleurs fleurissent comme jamais auparavant dans sa vie. De la mĂȘme façon Carte postalePar ashikkumarGrandir dans la fleur que vous ĂȘtes censĂ© ĂȘtre Carte postalePar HancisRossin qui aiment les fleurs dans la nature. Ces animaux aiment voler vers chaque fleur Carte postalePar bestshirtdesign ce beau coquelicot rouge? Vous pouvez souvent trouver ces fleurs lors de promenades dans la nature. Carte postalePar MMchenPlongez-vous dans la mer bleue. Carte postalePar Alex BarthPlongez-vous dans la mer bleue. Carte postalePar Alex Barth jumelĂ© avec la profondeur de l'Ăąme. Laissez-vous toucher et amusez-vous Ă  naviguer! Carte postalePar comtessekSoyez le changement que vous voulez voir dans le monde Carte postalePar Caroline Derucki "Restez tranquille et sachez que je sais tout." La grande prĂȘtresse est le principe fĂ©minin qui Ă©quilibre la force masculine du magicien. L'archĂ©type fĂ©minin du tarot est partagĂ© entre la grande prĂȘtresse et l'impĂ©ratrice. La grande prĂȘtresse est l'in Carte postalePar lovelesstarotPapillon, tout ce dont vous avez besoin est de l'air Carte postalePar BiitWEn fleurs marguerites blanches sur jaune Carte postalePar DeStractAgrumes - Yuzu Carte postalePar HancisRossinLaissez la beautĂ© de ce que vous aimez ĂȘtre ce que vous faites. Carte postalePar alan shapiroMotif floral de marguerite rĂ©tro Carte postalePar DeStractDĂ©veloppez ce que vous traversez grĂące Ă  un simple dessin au trait Carte postalePar CourtzDodgie aussi appelĂ© mal de tĂȘte de suicide» Carte postalePar ArteClusterPlongez-vous dans une mer de fleurs bleu-gris Carte postalePar Alex BarthBloom oĂč vous avez plantĂ© Citation d'amoureux des plantes Jardinier amateur Carte postalePar Rzelemenztu me fais fleurir comme une fleur Carte postalePar Angela SbandelliContinuez comme ça et vous serez bientĂŽt une odeur Ă©trange dans le grenier - Vintage Retro Halloween Funny Carte postalePar PendrasArt75Continuez comme ça et vous serez bientĂŽt une odeur Ă©trange dans le grenier Vintage RĂ©tro Classique Halloween DrĂŽle Carte postalePar PendrasArt75Continuez comme ça et vous serez bientĂŽt une odeur Ă©trange dans le grenier Halloween drĂŽle Carte postalePar PendrasArt75 nous avons nos saisons de floraison dans une autre version de nous-mĂȘmes. Ceci est un rappel de fleurir selon vos besoins Carte postalePar Q RiceBloom oĂč vous ĂȘtes plantĂ©s Carte postalePar CanvasNomadShop prospĂ©ritĂ© Ă  la fois matĂ©rielle et spirituelle Carte postalePar Harsh Malik alors que je ne prends pas beaucoup de plans larges Carte postalePar ShicoBloom oĂč les tulipes plantĂ©es - blanc Carte postalePar SunsetPandaBloom lĂ  oĂč les tulipes plantĂ©es Carte postalePar SunsetPandaLaisse moi fleurir Carte postalePar Necktonic-StoreLaisse moi fleurir Carte postalePar Necktonic-StoreLaisse moi fleurir Carte postalePar Necktonic-StoreTu fais fleurir mon cƓur Carte postalePar protshirt2020 paires de polices Carte postalePar epifini-studiosMontre-moi tes chatons amant de chat rĂ©tro vintage Carte postalePar RubenAtenasCorgi pour les amoureux des chiens - Style rĂ©tro vintage Carte postalePar RaulMorugaSave The Koalas - Amoureux des koalas au coucher du soleil rĂ©tro vintage Carte postalePar RaulMorugaDesert Vibes Only, Si une fleur peut s'Ă©panouir dans le dĂ©sert, vous pouvez vous Ă©panouir n'importe oĂč. Design en cactus et fleur rose Carte postalePar PlantasticboothL'Ă©volution de la vie, redbubble art Carte postalePar sarina G comme entraĂźnĂ© par le vent Carte postalePar Ute Bivona PropriĂ©taires de chiens Girls Vizsla - Cute Vintage Vizsla Carte postalePar LorenzoZoidoFleurir avec bienveillance Carte postalePar SugnuTu fais fleurir mon coeur Carte postalePar shopx8 peint Ă  la main dans Procreate une application iPad. Cette paire de cĂąlins doux est parfaite pour l'expression de l'amour le jour de la Saint-Valentin Carte postalePar Karin Taylor Costa Rica Carte postalePar Jason Weigner Vente d'iris Carte postalePar Orchard Arts la jonquille est pratiquement synonyme de printemps. Bien que leur nom botanique soit narcisse Carte postalePar taicheVivre dans l'amour Inspiration Typographie Carte postalePar wordshavelife et "la feuille" - qui ressemble Ă  un petit arbre! - peut Ă©galement ĂȘtre vu Ă  l'arriĂšre gauche. Pouvez-vous croire qu'ils ont tous grandi en moins de deux semaines? Il a Ă©tĂ© enregistrĂ© dans le cadre de la photographie en diffĂ©rĂ© ET sera finalement sur U - Carte postalePar D. Brumeux Carte postalePar Karin Taylor avec un design trĂšs colorĂ© utilisant des spirales spirographes et dĂ©corĂ© dans autant de couleurs que je pouvais trouver! Avec un filtre ajoutĂ© pour rendre les couleurs peintes Carte postalePar RachelEDesigns pour prĂ©server notre espace de vie. La biodiversitĂ© est menacĂ©e Carte postalePar MauswohnAtteignant pour vous Carte postalePar CheapProductsCe qui compte, c'est que la vie n'est pas ce qui vous arrive mais ce dont vous vous souvenez et comment vous vous en souvenez. 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Lareine des abeilles est le chef de la ruche et la mÚre de la plupart, sinon de la totalité, des abeilles ouvriÚres et des bourdons. Une reine en bonne santé est nécessaire à la bonne santé de la ruche. Quand elle vieillit ou meurt, la ruche mourra aussi si elle ne peut pas avoir une nouvelle reine à temps. Pour entretenir leurs ruches, les apiculteurs doivent savoir comment
Tout le monde a tendance Ă  penser que la vie des reines des abeilles est confortable et confortable. D'une certaine maniĂšre, il en est ainsi mais, en analysant plus profondĂ©ment le monde des abeilles, nous dĂ©couvrons que le rĂŽle de souverain a des cĂŽtĂ©s sombres et que les abeilles sont dominĂ©es par des mĂ©canismes de survie parfois trĂšs cruels. Abeilles ouvriĂšres et services Chaque abeille de la ruche gĂšre 100% de son existence autour des besoins des reines. Les abeilles ouvriĂšres et, en gĂ©nĂ©ral, tout l'essaim, veillent Ă  ce que la reine soit toujours en bonne santĂ©. En particulier, les abeilles ouvriĂšres flanquĂ©es d'abeilles nourrices, et le reste de l'essaim, veillent Ă  ce que la reine soit maintenue en excellent Ă©tat grĂące Ă  de nombreuses interventions dont Fournir de la nourriture Ă  la reine des abeilles dĂšs le stade larvaire, la reine n'a pas Ă  se soucier de la recherche de nourriture. Les autres abeilles rassemblent pour elle tous les Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires Ă  sa subsistance. En particulier, les abeilles s'efforcent de produire d'importants stocks de nourriture pour sa survie continue mĂȘme en vue de l'hiver. La substance par excellence que mange la reine est la gelĂ©e royale, appelĂ©e ainsi car elle est destinĂ©e uniquement Ă  la nourriture du souverain. Cela dit, on peut donc dire qu'une reine, indĂ©pendamment, ne pourrait pas se nourrir PrĂ©voir le chauffage de la reine dans ce cas Ă©galement, les abeilles travaillent elles-mĂȘmes jusqu'Ă  l'Ă©puisement pour garder la reine toujours protĂ©gĂ©e et au chaud. Dans certains cas, de nombreuses abeilles perdent leur vie pour garantir celle de leur reine. Nous avons donc constatĂ© que durant son existence, une reine des abeilles a toujours tout. Sa vie est beaucoup plus confortable que celle des autres abeilles mais dĂ©couvrons pourquoi. Autour de tous ces avantages, il y a un retour important. Les abeilles ne se prĂȘtent Ă  personne sans rien en retour. Ce sont des animaux trĂšs travailleurs mais, comme toujours, il y a leur besoin naturel de survivre. La reine des abeilles est celle qui peut se reproduire. C'est le seul spĂ©cimen de toute la ruche. La reine permet la survie de l'essaim qui, au moment oĂč il ne produit pas de nouvelles larves et donc de nouvelles abeilles futures, ferait face Ă  la mort. Reine des abeilles et reproduction En raison des nombreux avantages dont bĂ©nĂ©ficient les reines, il est important qu'elles soient capables de rendre la pareille avec un travail efficace dans la ruche. Mais comment cela se passe-t-il? Par reproduction. Quand une reine des abeilles est fertile, elle fait un travail continu de ponte pendant des mois. On estime qu'une reine peut pondre jusqu'Ă  1500 Ɠufs par jour! De cette maniĂšre, la survie de l ' essaim est assurĂ©e. Si une reine des abeilles cessait de produire des Ɠufs, l'essaim rĂ©trĂ©cirait beaucoup avec le temps. Plus un essaim est nombreux, plus il est fort. Lorsque les individus qui le composent commencent Ă  diminuer, l'essaim s'affaiblit et s'il ne gĂ©nĂšre pas de nouveaux composants, il s'affaiblit jusqu'Ă  ce qu'il disparaisse. Les risques pesant sur le rĂŽle de souverain Le rĂŽle de la reine des abeilles dans la ruche est le plus important. En consĂ©quence, une reine ne peut pas se permettre de se tromper. Aussi fidĂšle que soit sa famille, trĂšs souvent une reine perd la vie au profit de son propre essaim. La cause principale est gĂ©nĂ©ralement liĂ©e Ă  la fĂ©condation. Ce moment est attendu depuis longtemps par l'essaim qui attend avec impatience la maturation de la reine et l'invite ensuite Ă  s'accoupler avec les drones. Une fois fĂ©condĂ©e, la reine pourra enfin pondre des Ɠufs fertiles qui ne donneront vie qu'Ă  des abeilles femelles. Si la fĂ©condation pour diverses raisons ne se dĂ©roule pas correctement, les abeilles ouvriĂšres peuvent mĂȘme tuer leur propre reine pour la remplacer par une nouvelle. N'oubliez pas que la reine des abeilles ne quitte la ruche qu'une seule fois pour le vol nuptial accouplement et qu'aprĂšs l'accouplement, les drones perdent la vie. Le fait de ne pas fertiliser ne permettrait pas Ă  la reine de rĂ©pondre aux besoins de l'essaim pour la production d'Ɠufs Dans ces cas, les abeilles sont trĂšs sĂ©lectives et exigeantes. Un dirigeant qui ralentit ses mĂ©canismes de survie est tuĂ©. Dans d'autres cas, cependant, il peut arriver que la reine des abeilles soit tuĂ©e par son essaim pour d'autres raisons qui concernent gĂ©nĂ©ralement des facteurs externes. En apiculture , il est important de connaĂźtre en profondeur la vie des abeilles. Concernant les reines, il faut toujours faire attention aux mĂ©canismes d'introduction dans les essaims et s'assurer qu'ils sont toujours correctement acceptĂ©s. Si vous voulez en savoir plus, lisez notre article Introduction reine des abeilles dans un essaim. Nous vous expliquerons comment procĂ©der pour une insertion correcte. Vente de reines d'abeilles Êtes-vous un Ă©leveur? Si vous avez besoin de reines pour votre ferme, vous pouvez acheter des reines vierges et des reines fertiles sur le site Apicoltura Laterza s'occupe de la production et de la vente de reines des races Buckfast et Ligustica Commandez vos abeilles maintenant! Pendant6 Ă  8 jours aprĂšs sa naissance la reine reste sans pondre dans la ruche. A ce stade, elle est encore assez petite. A peine plus grosse qu'une ouvriĂšre. Son abdomen est fin et court. Par rapport Ă  une reine fĂ©condĂ©e, une reine vierge est aussi plus vive. Une reine vierge avec un abdomen fin et court.
La recherche de la reine est parfois difficile, surtout dans les ruches bien peuplées. Voici quelques conseils et astuces qui vous aideront à la à jour le 18 juillet 2020 D'abord, il faut créer les conditions idéales Faire la recherche quand les butineuses sont en vol, donc un jour de beau temps et quand la miellée est en cours. Ainsi, il y a moins de monde dans la ruche et les butineuses qui sont les plus agressives sont parties. Vérifier s'il y a une reine. Cela peut sembler une lapalissade mais chercher une reine dans une ruche orpheline est encore plus difficile que chercher une aiguille dans une botte de foin. Regardez donc s'il y a des oeufs. Travaillez avec le moins de fumée possible. Certaines reines se cachent quand vous utilisez l'enfumoir. Travaillez avec méthode. Commencez à une rive de la ruche et regardez chaque cadre. Avant de remettre le cadre dans la ruche, regardez si la reine n'est pas dans le fond de la ruche. Il arrive parfois qu'elle se promÚne à cet endroit. Comment procéder Prenez le premier cadre à deux mains, regarder une face, ensuite la deuxiÚme et si vous ne trouvez pas la reine, revenez à la premiÚre face. Un petit conseil travaillez toujours dos au soleil. Ensuite déposez ce cadre en dehors de la ruche ou mieux dans une ruchette prévue à cet effet. Quand vous examinez le cadre, dirigez votre regard vers les bords d'un mouvement circulaire. Beaucoup de reines fuient la lumiÚre et essayent de passer de l'autre cÎté. Ensuite regardez le centre. Une reine se remarque à sa démarche plus lente, plus majestueuse que les autres abeilles. Elle est aussi plus grande et souvent de couleur rousse bien que certaines soient bien noires. Avant de remettre le cadre dans la ruche, regardez au fond parfois la reine s'y déplace. Prenez ensuite le cadre suivant et ainsi de suite jusqu'à l'autre bord de la ruche. La reine se trouve le plus souvent sur un cadre fraßchement pondu mais ce n'est pas une rÚgle absolue. Quand vous arrivez au dernier cadre et si vous n'avez pas trouvé la reine, soit vous recommencez dans l'autre sens, soit vous remettez le premier cadre prélevé en rive. Dans ce dernier cas, recommencez un autre jour. Un truc Si vous ne trouvez pas la reine, introduisez dans la ruche un cadre de couvain non operculé d'une autre ruche dont vous aurez secoué les abeilles. AprÚs dix minutes, vous avez beaucoup de chances de trouver la reine sur ce cadre. Si vous ne trouvez pas la reine Voici les possibilités Il n'y a pas de reine Il y a une reine vierge encore petite et généralement trÚs fuyante La reine est tombée au sol La reine s'est envolée. La reine est petite et passe dans les hausses à travers la grille à reine. Une anecdote Il y a quelques années, j'avais pris un candidat apiculteur en compagnonage. Nous visitons ensemble une ruche pour trouver la reine. J'avais déjà passé les cadres en revue dans les deux sens et je sentais que mon prestige allait en prendre un coup. Je remarque à ce moment la reine qui observait mon manÚge sur la manche de ma vareuse. Inutile de vous dire que j'ai retrouvé ma sérénité avec un grand sourire et que cette reine cavaleuse a été marquée sans délai. En conclusion Essayez d'appliquer ces quelques rÚgles avec méthode et vous pourrez trÚs rapidement trouver vos reines. C'est indispensable pour pouvoir les marquer et ainsi réduire le temps passé à la recherche. Autres articles 1. Faire un essaim artificiel pour éviter l'essaimage 2. Quand mettre la premiÚre hausse? 3. Comment marquer la reine 4. Bien débuter en apiculture
SKUFC091. Une cage d'introduction de reines à fixer directement sur le cadre de couvaint naissant. Ainsi, la nouvelle reine est introduite en douceur grùce à la séparation grillagée. Pour tout savoir sur l'élevage, cliquez ici pour consulter Tout comme l'ensemble des articles et sujets abordés sur ce site, mon souhait se limite à vous faire partager mon expérience et non à vous faire un cours magistral sur l'élevage de reines. D'ailleurs, il serait bien prétentieux de ma part de prétendre donner des leçons voire des conseils sur un tel sujet, tant je demeure novice en la matiÚre et ai encore beaucoup à prime abord, l'élevage de reines peut paraßtre une pratique difficile réservée aux apiculteurs confirmés par de nombreuses années d'expérience. En fait, tout apiculteur disposant de plusieurs ruches peut se lancer dans cette page de l'apiculture. L'idéal étant d'avoir suivi une formation ou de recueillir les conseils pratiques d'un apiculteur maßtrisant cet en pratiquant que vous y arriverez plus ou moins vite selon votre doigté car, si la formation est la base, un savoir-faire doit s'acquérir au fil du temps. C'est un peu comme avoir la main verte pour réussir la culture et ne dit-on pas que c'est en forgeant que l'on devient forgeron ?Ici, tout n'est que calme, douceur, patience, précision, ponctualité et maßtrise des gestes. S'y ajoute la nécessité d'avoir une bonne vue ou tout au moins de bonnes lunettes. La méthode que je pratique J'ai suivi une formation de deux jours proposée et organisée par l'association l'Abeille Provençale avec cours théorique en salle et mise en pratique au rucher école. Un Maßtre de l'élevage de reines, Roger Chabretou, apiculteur, président du conservatoire de l'abeille noire du limousin, est venu, bénévolement de la Haute-Vienne, nous faire partager son savoir et son savoir-faire en la matiÚre. Je le remercie pour sa gentillesse et sa pédagogie. C'est un grand homme qui aime partager et transmettre, simplement et en toute humilité, son savoir basé sur des décennies de pratiques plus du cÎté pratique et fonctionnel, cette formation m'a permis d'améliorer mes connaissances sur ce bel animal. Apprendre sur la vie de la reine c'est s'immerger un peu plus dans l'exploration de ce monde fascinant de l'abeille. Voici, expliqué à partir de mon blog, comment je procÚde Calendrier d'élevage de reinesUn élevage de reines se planifie. Il vous faudra intervenir à des dates réguliÚres quel que soit le temps et votre disponibilité et cela sur une période d'au moins 3 la nécessité de bien anticiper ces dates charniÚres afin, notamment, de vous rendre cela j'utilise un tableau Excel, bien pratique, qui me permet de visualiser les différentes étapes à suivre en y indiquant le jour que j'ai choisi pour mon pouvez télécharger ce tableau, en cliquant sur le lien Une fois sur la page web, cliquez sur "Téléchargez le fichier" Puis patientez 10 secondes et cliquez sur "Télécharger" attention, le site d'hébergement propose des jeux, eux aussi à télécharger. Sous Windows10 le téléchargement est immédiat Une fois ouvert, il vous suffit d'activer la modification et votre tableau est la cellule F1, entrez la date de greffage choisie et le tableau actualisera les dates des interventions qu'il vous faudra faire.
Elleest la mÚre de la totalité des abeilles de la ruche si on exclut les ouvriÚres présentes dans la ruche mais venant d'une autre ruche (ce qui peut constituer jusqu'à 30 % des effectifs d'une colonie). Description. Cellule royale ouverte. La reine se distingue des autres abeilles par sa plus grande taille (1,8 cm en moyenne une fois fécondée contre 1,2 cm pour une ouvriÚre). Son
Apprendre Ă  trouver la reine des abeilles dans la ruche est l'une des leçons les plus frustrantes pour le nouvel apiculteur. Parfois, mĂȘme les apiculteurs plus expĂ©rimentĂ©s ont du mal. Dans une ruche de 30000 Ă  60000 abeilles, il peut ĂȘtre assez difficile de trouver une abeille mĂȘme si celle-ci est spĂ©ciale et un peu diffĂ©rente de ses congĂ©nĂšres. Cette Ă©tape est pourtant essentielle pour apprendre le mĂ©tier d'apiculteur et dĂšs que vous maĂźtriserez la technique de localisation d'une reine, vous serez en mesure de prendre de meilleures dĂ©cisions concernant l'Ă©tat de votre ruche et vous pourrez vous concentrer sur la gestion de la ruche. Vous trouverez dans cet article toutes nos astuces pour trouver facilement la reine dans la ruche. Marquer la reine Pourquoi marquer la reine ? Lorsque vous achetez des abeilles, veillez Ă  ce que la reine soit marquĂ©e. Une trace de peinture ou un brassard permet de la localiser plus facilement sur un cadre rempli d'abeilles. Si ce n'est pas le cas, marquer une reine soit mĂȘme n'est pas si difficile. Une grande variĂ©tĂ© d'outils de marquage est disponible une cage, une pince ou un piston pour maintenir la reine, un marqueur, de la peinture ou des dossards pour marquer la reine. Le plus important est de choisir une peinture spĂ©ciale, non toxique et de s'assurer que vous ne marquez que son thorax ne pas mettre de peinture sur ses yeux, ailes, etc.. Avec quelle couleur marquer la reine ? Une reine marquĂ©e permet aussi de suivre son Ăąge. Vous pouvez utiliser n'importe quelle couleur pour le marquage mais le mieux est d'utiliser la couleur de marquage de l'annĂ©e. Celle-ci est dĂ©finie par un code couleur international AnnĂ©es se terminant par 1 ou 6 - BLANC AnnĂ©es se terminant par 2 ou 7 - JAUNE AnnĂ©es se terminant par 3 ou 8 - ROUGE AnnĂ©es se terminant en 4 ou 9 - VERT AnnĂ©es se terminant par 5 ou 0 - BLEU L'erreur la plus courante... Les cadres sont couverts d'abeilles qui se tortillent et on ne sait pas ou regarder puis on repĂšre une abeille plus grosse que ses congĂ©nĂšres et on se dit qu'on a enfin trouvĂ© la reine mais on aperçoit une autre grosse abeille puis une autre. Il s'agit en fait du faux-bourdon, le mĂąle de l'abeille, qui est plus large que l'abeille ouvriĂšre, possĂšde un corps arrondi et d'Ă©normes yeux noirs sur la tĂȘte ils doivent avoir une bonne vue pour repĂ©rer les reines vierges lorsqu'ils sortent s'accoupler. Ne baissez pas les bras, apprendre Ă  trouver la reine des abeilles demande du temps, de la patience et parfois de la chance. D'autant plus que toutes les reines ne se ressemblent pas. Les jeunes reines qui ne se sont pas accouplĂ©es ou qui ne pondent que depuis peu de temps aura l'abdomen plus court et il sera peut-ĂȘtre difficile de distinguer une petite reine d'une grande ouvriĂšre. Apprendre Ă  identifier la reine L'apparence physique de la reine Vous ne pouvez pas trouver la reine des abeilles si vous ne savez pas Ă  quoi elle ressemble ! À premiĂšre vue, la reine des abeilles ressemble aux ouvriĂšres mais elle a des caractĂ©ristiques spĂ©ciales qui la distinguent en tant que reine. L'aspect le plus remarquable est son long abdomen. Une reine accouplĂ©e qui pond des Ɠufs a un grand et long abdomen, une "spermathĂšque" qui contient les spermatozoĂŻdes de tous les mĂąles avec lesquels elle s'est accouplĂ©e. Ce long abdomen est effilĂ© ce qui permet Ă  la reine d'atteindre le fond des cellules pour pondre ses Ɠufs. Le comportement de la reine Quand la reine se dĂ©place, elle charge rapidement Ă  travers abeilles ouvriĂšres, qui se dĂ©placent souvent hors de son chemin. Ce mouvement laisse derriĂšre elle un sillage vide et provoque une rupture visuelle dans le motif du cadre. Certains apiculteurs sont capables de trouver leurs reines en cherchant simplement cette rupture. Une reine immobile aura un cercle d'abeilles ouvriĂšres autour d'elle. Cela crĂ©e une forme presque florale, avec en guise de pĂ©tales des ouvriĂšres et la reine au centre. Les reines ont tendance Ă  se cacher dans les recoins sombres donc, plus la ruche est ouverte longtemps, plus elle risque de s'enfuir dans un coin. Inspecter les cadres pour trouver la reine Si vous avez mis en grille Ă  reine entre la hausse et le corps, vous n'avez qu'Ă  inspecter ce dernier pour trouver la reine. Prenez d'abord le cadre de rive le premier cadre au bord de la ruche, inspectez le rapidement et posez le sur le support de cadre puis passez au cadre suivant. C'est lorsque vous trouverez des petites larves ou des Ɠufs qu'il faudra commencer Ă  inspecter sĂ©rieusement le cadre. Les cadres qui ont Ă©tĂ© inspectĂ©s sont replacĂ©s dans la ruche. Si vous n'arrivez toujours pas Ă  la trouver ou si vous avez une mauvaise vue, alors utilisez une grande loupe. Certains apiculteurs la garde en permanence dans leur boite Ă  outils pour l'inspection des ruches. Lorsque la reine est introuvable on peut vĂ©rifier sa prĂ©sence en observant le couvain. Si vous trouvez des oeufs dans des cellules cela indique que la reine a Ă©tĂ© sur le cadre au cours des 3 derniers jours les larves Ă©closent au bout de 3 jours. Des petites larves blanches qui sont moins grandes que le fond de la cellule sont agĂ©es de moins de 7 jours. Nos astuces Pour augmenter vos chances de rĂ©ussite, recherchez la reine lorsque les butineuses sont de sortie il y aura moins d'abeilles dans la ruche et observez les cadres dos au soleil. Utilisez le moins de fumĂ©e possible pour ne pas perturber la colonie. Gardez toujours vos deux mains sur le cadre afin d'Ă©viter qu'il ne tombe et blesse les abeilles. Tenez le cadre au-dessus du corps pour que, si la reine tombe, elle ne tombe pas par terre.
BonjourĂ  tous, VoilĂ  ce que j'ai trouvĂ© Ă  la question " Comment vĂ©rifier qu'une Reine est bien prĂ©sente dans la ruche sans ouvrir la ruche ?": "Si tu as une ruche avec un plancher grillagĂ©, il suffit de glisser dessous une feuille de papier noir. Comme la reine perd naturellement des oeufs, tu pourras les voir dessus". ​Recevez GRATUITEMENT notre livre numĂ©rique 7 raisons de remplacer le sucre par le miel Choisie de maniĂšre alĂ©atoire parmi les larves, la reine des abeilles a une durĂ©e de vie largement supĂ©rieure Ă  celle des abeilles ouvriĂšres. 3 Ă  5 larves sont choisies et son placĂ©es dans des “loges royales”. Nourries exclusivement de gelĂ©e royale, la plus forte des larves sĂ©lectionnĂ©es Ă  la base sera Ă©lue reine. Plusieurs larves choisies Ă  la base pour au final ne faire qu’une seule reine. Comment est faite la sĂ©lection de la reine et l’élimination des autres ? C’est un vĂ©ritable combat que vont se livrer les abeilles prĂ©sĂ©lectionnĂ©es. C’est un combat Ă  mort qui se livrera, la gagnante sera Ă©lue reine dĂšs la fin de cette bataille. Pourquoi une reine est-elle choisie ? Il existe plusieurs situations durant lesquelles le choix d’une reine s’impose. Tout d’abord, la raison la plus commune est la mort de vieillesse de cette reine. Il est indispensable pour la survie de la colonie d’abeilles de toujours avoir une reine. Sans quoi la survie de la colonie n’est pas possible. Il existe une deuxiĂšme raison pour laquelle la reine est remplacĂ©e. Lorsqu’elle a dĂ©cidĂ© de s’en aller tout simplement. Ce phĂ©nomĂšne a un nom, il s’agit de l’essaimage. Mais la reine ne dĂ©cide pas de s’en aller sur un coup de tĂȘte, une raison claire la pousse Ă  partir. C’est le fait que la ruche devient trop petite pour que la colonie se dĂ©veloppe. Elle part alors avec une partie de ses troupes pour se rendre dans un camp plus vaste. Alors, les abeilles sur place doivent de toute urgence trouver une reine qui va succĂ©der Ă  celle qui a dĂ©sertĂ©. La prĂ©sence de la reine est obligatoire Ă©tant donnĂ© que c’est la seule Ă  pondre des larves d’abeilles ouvriĂšres. Il convient de prĂ©ciser que toutes les abeilles reçoivent une dose de gelĂ©e royale Ă  leur naissance, mais passent rapidement Ă  des repas essentiellement Ă  base de pollen et de miel. Pour information, la durĂ©e de vie de la reine est de 3 Ă  5 ans, tandis que les autres abeilles vivent en moyenne 5 semaines. Ce que vous ne savez pas sur la reine des abeilles Si l’abeille domestique, celle qui est utilisĂ©e pour produire nos miels, fait partie intĂ©grante d’une colonie avec Ă  sa tĂȘte une reine; cela n’est pas le cas pour toutes les abeilles. Il existe un autre type d’abeille, les abeilles dites solitaires qui elles ne composent pas avec une reine. Il existe des milliers de races d’abeilles et il s’agit d’une espĂšce complĂ©mentaire Ă  celle de l’abeille domestique. ​Recevez GRATUITEMENT notre livre numĂ©rique 7 raisons de remplacer le sucre par le miel Pollinisant les fleurs que l’abeille domestique ne convoite pas, elle complĂšte un travail de longue haleine effectuĂ©e par les abeilles telles qu’on les connaĂźt. Pour revenir Ă  nos reines, sachez qu’à la base les oeufs des abeilles sont tous les mĂȘmes. La sĂ©lection des larves est donc alĂ©atoire et n’est pas dĂ©terminĂ© par un facteur prĂ©cis. Le dĂ©veloppement de l’abeille en reine se distingue seulement par l’alimentation que ces larves reçoivent. Des Ă©tudes scientifiques sont venues appuyer cet argument et ont prouvĂ©s ces faits. Le plus paradoxal par rapport Ă  l’alimentation de la reine et de sa sĂ©lection, est le fait que les abeilles ouvriĂšres ne profitent de la gelĂ©e royale que durant 3 jours alors que ce sont elles qui la produise. La reine en profite jusqu’à sa mort. Elle est produite Ă  partir d’une glande prĂ©sente dans la tĂȘte des abeilles ouvriĂšres. Description de la reine C’est la consommation de cette fameuse gelĂ©e royale qui va modifier considĂ©rablement l’ensemble de ce qui Ă©tait Ă  la base une abeille comme les autres. Ce qui est surprenant, c’est la composition de la gelĂ©e royale qui est constituĂ©e Ă  50/65% d’eau. Le reste Ă©tant du sucre, des protĂ©ines, vitamines et autres Ă©lĂ©ments. La consommation de ce produit va totalement modifiĂ© l’ADN de l’abeille pour la transformer Ă  ce qui sera physiquement une reine. Un insecte totalement diffĂ©rent de l’abeille ouvriĂšre. La physiologie, l’anatomie et le comportement de la nouvelle reine a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e par son alimentation. Elle est plutĂŽt de grande taille comparĂ©e aux abeilles communes, possĂ©dant aussi un abdomen de grande taille. Il faut savoir que les abeilles ouvriĂšres sont stĂ©riles, seule la reine peut enfanter. Elle est capable de pondre jusqu’à 2000 oeufs par jours. Le couronnement de la reine aura lieu aprĂšs qu’elle ait assassinĂ© ses concurrentes. Une façon originale de commencer son rĂšgne. L’originalitĂ© ne s’arrĂȘte pas lĂ . AprĂšs s’ĂȘtre dĂ©barrassĂ© de ses concurrentes, la reine entamera son vol nuptial. C’est Ă  ce moment qu’elle s’accouplera avec une dizaine de mĂąles, en ayant prit le soin de sĂ©lectionner les plus forts et les plus rapides. Une fois cette Ă©tape terminĂ©e 
 une fois de plus elle les assassinera tous. Et c’est Ă  ce moment lĂ  qu’elle sera considĂ©rĂ©e lĂ©gitimement comme la reine Ă  l’unanimitĂ©. La façon trĂšs marquĂ©e de commencer son rĂšgne marquera tout son existence. En effet, lorsqu’elle atteindra un certains Ăąge avancĂ©, la reine perdra ses capacitĂ©s Ă  enfanter. A ce moment, un retournement de situation aura lieu au sein de la colonie.​Recevez GRATUITEMENT notre livre numĂ©rique 7 raisons de remplacer le sucre par le miel Ayant compris que la reine avait perdu ses capacitĂ©s, les abeilles vont cesser de l’alimenter et l’exclure. Elle mourra ainsi en errant. Son ancienne colonie Ă©tant dĂ©jĂ  entrĂ© dans le processus pour trouver une nouvelle reine. ï»żBref "si la reine est restĂ©e dans la voiture, c'est normal que les abeilles l'aient suivie". Cependant, si elles peuvent parcourir plusieurs kilomĂštres pour Chercher la reine dans une ruche est assez difficile lorsqu’on dĂ©bute en apiculture. De plus, il faut prĂ©alablement avoir une image bien prĂ©cise de sa morphologie pour pouvoir la trouver parmi toutes les autres abeilles. Voici quelques astuces afin de trouver rapidement la reine au sein d’une Ă©tapes de repĂ©rage de la reineIdĂ©alement, la recherche de la reine se fait en journĂ©e. Vous aurez plus de chance de la localiser et de l’identifier puisque la majeure partie des travailleuses butinent Ă  l’extĂ©rieur. Identifiez la reine en fonction de sa taille. Elle est plus grosse que les faux bourdons et le reste des abeilles. Elle a Ă©galement un ventre plus pointu que les l’aide d’une loupe, identifiez l’abeille reine avec une pointe lisse et non dentelĂ©e. Sa morphologie lui permet de piquer de façon rĂ©pĂ©titive donc faites attention. Observez Ă©galement celle qui a les pattes plus Ă©cartĂ©es vu sa grandeur, ses pattes sont plus Ă©tendues lorsqu’elle se pose. Elle peut ainsi se dĂ©placer facilement et rapidement dans la le comportement des autres abeilles face Ă  la reine. Les ouvriĂšres s’effacent lorsque la reine est de passage et lui laissent le champ libre. Elles sont Ă©galement Ă  l’écoute des mouvements et des comportements de la reine surtout lorsque celle-ci s’arrĂȘte. RepĂ©rez aussi les traces de pollens qui sont la composition principale de la gelĂ©e astuces faciles pour trouver la reine dans une rucheAvant de vous lancer Ă  la recherche de la reine dans la ruche, prĂ©parez-vous mentalement que cela ne sera pas facile. Et avec des centaines de petites bĂȘtes aillĂ©es qui vous tourneront autour, ce sera encore plus compliquĂ©. C’est pourquoi, il est important d’enfumer la ruche que vous avez choisi avant de sortir les cadres un Ă  un. Veillez quand mĂȘme Ă  ne pas trop en faire pour ne pas dĂ©stabiliser les ainsi l’enfumoir Ă  l’entrĂ©e en faisant le moins de fumĂ©e possible pour ne pas affoler la reine. Et parce que cette derniĂšre a tendance Ă  fuir la lumiĂšre du soleil, faites en sorte de placer le soleil derriĂšre vous. Enlevez le couvre cadres et attaquez-vous tout de suite au nid Ă  couvain. GĂ©nĂ©ralement, c’est lĂ  oĂč la reine pond ses Ă©galement s’il y a des Ɠufs fraichement pondus ou non dans la ruche. Si vous n’en trouvez pas, c’est que la ruche est orpheline et qu’il n’y a pas de reine. Parmi toutes les abeilles de la ruche, la reine est celle qui a la dĂ©marche la plus lente et la plus majestueuse d’entre toutes.[bzkshopping keyword= »ruche » count= »9″ template= »grid »]Articles relatifs
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Lessaimage est un phĂ©nomĂšne bien particulier concernant les abeilles. Il s'agit du processus de division de la population d'une ruche en deux. Une partie restera dans la ruche, avec le couvain naissant, un tiers des ouvriĂšres et une nouvelle reine prĂȘte Ă  Ă©clore, alors que l'autre partie conduite par la reine actuelle partira Ă  la

Ouvrir et inspecter une ruche est une opĂ©ration primordiale Ă  rĂ©aliser en apiculture. Cette attention doit ĂȘtre particuliĂšrement appliquĂ©e au couvain dans le but de s’assurer de la bonne santĂ© des abeilles. On applique souvent la mĂȘme mĂ©thode lorsqu’il s’agit d’inspecter une ruche. Une fois que le coup est pris, il vous sera aisĂ© de surveiller l’état de santĂ© de vos colonies. Attention Ă  bien se prĂ©parer Avant toute chose, il est nĂ©cessaire de savoir quand ouvrir une ruche. Pour les dĂ©buts, il est recommandĂ© de ne pas inspecter vos ruches plus d’une fois par semaine. En effet, des visites trop frĂ©quentes seraient trop intrusives et entraineraient une perturbation majeure de l’activitĂ© et de l’organisation des abeilles. Inspecter une ruche tous les dix Ă  quinze jours en Ă©tĂ© et au printemps serait alors un bon compromis. Un autre conseil que l’on peut partager, c’est qu’il faut ensuite choisir les conditions idĂ©ales pour ouvrir et inspecter une ruche. En temps clair, sec et chaud, les abeilles sont plus calmes. Ce serait alors l’occasion idĂ©ale pour une inspection. Veillez Ă©galement Ă  vĂ©rifier qu’il n’y ait pas d’animaux ou de personnes Ă  cĂŽtĂ© des ruches afin d’éviter tout risque d’accident. Ouvrir une ruche doit se faire en portant des Ă©quipements adaptĂ©s. Il faut donc que vous portiez des vĂȘtements de protection qui vous protĂšgeront des piqĂ»res d’abeilles. Il est possible de se contenter de gants et d’une vareuse avec voile, mais vous serez tout de mĂȘme vulnĂ©rable sur les autres parties de votre corps non protĂ©gĂ©es. Pour une protection optimale, mieux vaut opter pour une combinaison complĂšte en plus de la vareuse et des gants. Pour ce qui est des outils pour ouvrir votre ruche, Ă©quipez-vous d’un lĂšve-cadre, d’une pince, d’une brosse Ă  abeilles, de nourrisseurs et d’un enfumoir. Comment ouvrir la ruche et la refermer ? Ouvrir sa ruche doit ĂȘtre faite de façon mĂ©thodique. Il en est de mĂȘme pour la fermeture. Rassurez-vous, les Ă©tapes Ă  suivre ne sont pas trĂšs nombreuses et sont plutĂŽt simples Ă  rĂ©aliser, une fois que l’habitude est prise. Ouverture de la ruche Commencez par retirer dĂ©licatement le toit, et dĂ©posez-le sur le sol. ProcĂ©dez ensuite Ă  l’enfumage de la ruche, en soufflant la fumĂ©e dans le trou du couvre-cadre pendant une Ă  deux minutes, le temps que les abeilles rĂ©agissent. Soulevez le couvre-cadre en douceur Ă  l’aide de votre lĂšve-cadres, et retirez-le. Utilisez ce mĂȘme lĂšve-cadre pour retirer les restes de cire ou de propolis sur le couvre-cadres, s’il y en a. Posez ensuite le couvre-cadres au sol, et assurez-vous de ne pas Ă©craser les abeilles durant la manƓuvre. Si vous possĂ©dez une ruche dotĂ©e d’une hausse, alors cette derniĂšre pourra ĂȘtre enlevĂ©e en utilisant votre lĂšve-cadre. DĂ©posez ensuite la hausse au sol, et envoyez quelques bouffĂ©es de fumĂ©e dans le corps de la ruche, entre les cadres. L’étape suivante consiste Ă  retire le cadre de rive. Pour ce faire, Enlevez le premier cadre en utilisant votre lĂšve-cadre insĂ©rez ce dernier entre le bord de la ruche et la tĂȘte, et rĂ©alisez un mouvement de levier. Ensuite, utilisez une pince ou vos deux mains pour saisir le cadre, puis retirez-le en le faisant glisser Ă  la verticale, pour qu’il n’y ait pas de frottement contre un autre cadre ou contre la ruche. Prenez le temps de l’examiner, puis dĂ©posez-le dans le toit de ruche retournĂ© ou sur un support de cadre, toujours en veillant Ă  ce qu’aucune abeille ne soit Ă©crasĂ©e. Il est plus prudent de toujours prendre le cadre Ă  deux mains afin de ne pas le lĂącher entiĂšrement si jamais vous vous faĂźtes piquer. Fermeture de la ruche AprĂšs votre inspection ruche, il est maintenant temps de tout remettre en place. Une fois avoir fini d’inspecter un cadre, dĂ©posez-le dĂ©licatement Ă  l’emplacement du premier cadre que vous avez retirĂ©. Utilisez l’enfumoir ou la brosse pour Ă©loigner les abeilles et ne pas les Ă©craser. ProcĂ©dez Ă  l’inspection des cadres dans l’ordre, puis remettez-les en maintenant leur ancienne disposition. Vous devez maintenant replacer le couvre-cadres. Pour cela, glissez-le au-dessus des cadres de façon dĂ©licate Ă  partir d’une extrĂ©mitĂ©. S’il le faut, enfumez ou utilisez votre brosse pour Ă©loigner les abeilles. Une fois le couvre-cadres remis en place, replacez le toit sur la ruche. Nous vous conseillons de noter vos observations rĂ©sultant de l’inspection soit dans un journal, soit sur le toit en tĂŽle, en utilisant un marqueur. Il serait prĂ©fĂ©rable de le faire dĂšs que la ruche est refermĂ©e, afin de n’omettre aucuns dĂ©tails de l’inspection, ni la date de sa rĂ©alisation. Une fois votre ruche parfaitement refermĂ©e et sĂ©curisĂ©e, vous devez vous en Ă©loigner et vous mettre Ă  l’abri avant d’enlever vos Ă©quipements de protection. Veillez Ă©galement Ă  ce que votre enfumoir ne soit pas placĂ© Ă  proximitĂ© de matiĂšre inflammable, afin d’éviter tout risque d’accident et d’incendie. Que faut-il inspecter dans la ruche ? Ouvrir et inspecter une ruche est d’une importance capitale. En effet, cela vous permet d’avoir un suivi sur l’état de santĂ© de votre colonie. Plusieurs points doivent donc ĂȘtre vĂ©rifiĂ©s afin de s’en assurer. Une fois aprĂšs avoir retirĂ© un cadre Ă  l’aide du lĂšve-cadre, il faut commencer par identifier la reine. Elle se distingue des autres reines par le fait qu’elle ait un abdomen plus long. Elle est Ă©galement souvent entourĂ©e d’ouvriĂšres. Au cas oĂč vous ne la trouveriez pas, essayez de chercher des Ɠufs. Ces Ɠufs indiquent la prĂ©sence de la reine au cours des trois derniers jours. Ensuite, procĂ©dez Ă  la vĂ©rification de la ponte de la reine. L’idĂ©al serait d’avoir un couvain compact serrĂ©. Si ce n’est pas le cas, alors cela signifie que la reine est malade, ou vieille. Sur un beau cadre de corps, vous devez distinguer un couvain operculĂ© au centre, et avec des alvĂ©oles remplies de miel et de pollen au niveau du pourtour. Si des cellules royales operculĂ©es sont prĂ©sentes, alors cela signifie que la colonie est orpheline, et qu’elle est prĂȘte Ă  essaimer. Enfin, vĂ©rifiez qu’il n’y ait pas de ravageurs ou de parasites, comme des larves de teigne, des acariens, des loques europĂ©ennes etc. Si nĂ©cessaire, enlevez les vieux cadres noirs et remplacez-les. Ces articles complĂ©mentaires devraient vous intĂ©resser Diviser une ruche Fabriquer une ruche Montage des cadres de ruche Installer une ruche

Parfois la reine des abeilles disparaĂźt de la ruche. Dans ces circonstances, ou lorsque la reine meurt, les abeilles ouvriĂšres doivent trouver une nouvelle reine. Si l'ancienne reine des abeilles est encore en vie, les abeilles ouvriĂšres peuvent la tuer ou la laisser vivre avec la nouvelle reine jusqu'Ă  sa mort naturelle. MĂ©thodes d'introduction d'une reine dans une ruche et dans vos colonies d'abeilles. Comment introduire une reine fĂ©condĂ©e ? L’introduction d’une reine dans la ruche, quelle qu’elle soit, n’est jamais un succĂšs Ă  100 % et il existe de nombreuses mĂ©thodes d’introduction de reines. C’est pourquoi ce guide est destinĂ© Ă  aider nos amis apiculteurs Ă  introduire une reine dans une ruche mais ce guide d’introduction de reines ne garantit en aucun cas le de l’introduction d’une reine d’abeille, la premiĂšre chose dont il faut ĂȘtre sĂ»r est que la colonie est orpheline c’est Ă  dire une colonie sans reine. C’est logique, direz-vous, mais il y a souvent une chance qu’une reine vierge soit prĂ©sente dans la colonie, et malgrĂ© le fait qu’une reine fĂ©condĂ©e soit introduite dans la colonie, si une reine vierge est prĂ©sente ou si des cellules royales sont prĂ©sentes, la colonie, malgrĂ© une meilleure alternative, rejettera certainement la reine fĂ©condĂ©e pour essayer d’élever sa propre reine. Les jours prĂ©cĂ©dant l'introduction de la reine dans la ruche Éliminez la reine Ă  remplacer environ 24 Ă  48 heures avant d’introduire une nouvelle N’éliminez jamais la reine si vous n’avez pas reçu la confirmation d’expĂ©dition de notre vieille reine est partie depuis longtemps ou vous l’avez retirĂ©e de la ruche. Si vous voyez des cellules royales, il faut les dĂ©truire ou les utiliserer dans une autre ruche qui a besoin d’aide. Introduction d'une reine dans une ruche orpheline La colonie doit avoir suffisamment d’abeilles pour maintenir la vie de la ruche pendant le processus de relocalisation. Si vous avez d’autres ruches, donner un cadre de couvain Ă  la colonie la plus faible est une bonne qu’il n’y a pas de reine vierge dans la ruche, ce qui implique un examen approfondi de la ruche et une vĂ©rification de l’absence de cellules royales. En fonction de la durĂ©e pendant laquelle la colonie n’a pas eu de reine, vĂ©rifiez Ă©galement que la ruche ne soit pas bourdonneuse. En cas de prĂ©sence d’ouvriĂšres pondeuses – il y aura plusieurs Ɠufs dans les cellules. Si vous soupçonnez la prĂ©sence d’ouvriĂšres pondeuses, vous devez rĂ©gler ce problĂšme avant d’essayer d’introduire une reine, car les ouvriĂšres pondeuses tueront la reine que vous souhaitez introduire. Introduction de la reine dans la ruche, le jour-j La reine arrive par la poste dans la cage d’introduction montrĂ©e sur la photo, avec un bouchon de candie Ă  une extrĂ©mitĂ© et des ouvriĂšres. A son arrivĂ©e, prenez une petite goutte d’eau sur votre doigt et Ă©talez-la sur un cĂŽtĂ© de la cagette d’introduction, crĂ©ant ainsi un film d’eau que les abeilles pourront boire. Bien que nos abeilles ne soient mises en cage que le jour de l’envoi, elles auront nĂ©anmoins soif et voudront avoir accĂšs Ă  l’eau. À l’arrivĂ©e, la reine et les abeilles accompagnatrices peut ĂȘtre trĂšs active. Si elles sont lĂ©thargiques, la meilleure chose Ă  faire est de les rĂ©chauffer briĂšvement et de les introduire dans la ruche dĂšs que possible, seule la chaleur de la ruche et la nourriture des ouvriĂšres de la ruche les aideront. Inspectez Ă  nouveau la colonie pour vous assurer que la colonie est bien orpheline, et rĂ©pĂ©tez les vĂ©rifications pour toute reine vierge/ouvriĂšre pondeuse ou cellules royales. Si vous trouvez des cellules royales, vous devez les dĂ©truire. IdĂ©alement, les meilleures chances qu’une colonie accepte une reine sont celles oĂč il n’y a pas de jeune couvain ou d’Ɠufs, car la colonie n’a alors pas d’autre choix que d’accepter la reine fĂ©condĂ©e puisqu’elle est incapable de construire ses propres cellules royales. PrĂ©parer la reine en cagette pour l'introduction Il y a deux Ă©coles L’introduction des reines sans accompagnatricesL’introduction des reines avec prĂ©fĂ©rons toujours introduire les reines seules, sans ouvriĂšres accompagnatrices, car ces ouvriĂšres portent les phĂ©romones de la ruche d’oĂč elles viennent et les ouvriĂšres de votre ruche peuvent leur ĂȘtre vous n’ĂȘtes pas Ă  l’aise avec la manipulation des abeilles Cette tĂąche s’effectue sans gants de protection, n’essayer pas de faire sortir les abeilles accompagnatrices de la cagette d’ existe plusieurs mĂ©thodes pour sĂ©parer les accompagnatrices de la reine Ă  introduire dans la les techniques Ă©numĂ©rĂ©es si ci-dessous doivent ĂȘtre effectuĂ©es dans un espace clos, au cas oĂč la reine s’envolerait !Vous pouvez vaporiser trĂšs lĂ©gĂšrement les abeilles avec une solution de sirop pour qu’elles ne s’envolent pas lorsque la cagette d’introduction est dans un sac en plastique ou dans la voiture ou la salle de fois que la reine se trouve seule dans la cagette d’introduction, retirez la languette en plastique qui recouvre le bonbon, puis amenez la cage de la reine Ă  la ruche pour l’ est important de protĂ©ger la reine de la lumiĂšre directe du soleil et des tempĂ©ratures extrĂȘmes Ă  tout moment. Les reines peuvent rapidement mourir en prĂ©sence de froid ou de chaleur. Une des erreurs classique de l’apiculteur dĂ©butant et de poser la reine dans sa cagette d’introduction sur le toit brĂ»lant de la ruche d’à cĂŽtĂ© le temps des manipulations ! MĂ©thodes d'introduction de la reine Introduction de la reine dans une colonie orpheline Une fois que tous les contrĂŽles ci-dessus ont Ă©tĂ© effectuĂ©s, la colonie devrait ĂȘtre aussi prĂȘte que possible Ă  recevoir une nouvelle reine. Une derniĂšre vĂ©rification consiste Ă  poser la cage de la reine sur les cadres de la colonie et Ă  voir comment les abeilles rĂ©agissent. Si elles semblent heureuses de la voir et essaient de la libĂ©rer de la cage, c’est bon signe. Si elles sortent avec des dards tirĂ©s, c’est un signe que la colonie n’est pas prĂȘte Ă  accepter une nouvelle votre cagette d’introduction Ă  reine entre 2 cadres dans la ruche. Choisissez des cadres dans la zone avec du couvain ou dans la partie centrale de la ruche – s’il n’y a pas de trou de sortie cĂŽtĂ© candie doit ĂȘtre dirigĂ© vers le si vous vivez dans un climat trĂšs chaud qui risque de faire fondre le candie, placez la cagette Ă  l’horizontale. Au bout de quelques jours/heures, le candie est rongĂ©, ce qui permet de libĂ©rer la reine qui se trouve dans la maintenir la cagette, passer une brindille d’herbe dans le trou destinĂ© Ă  cet effet ou pousser la cagette juste en dessous des tĂȘtes de cadres, puis serrer doucement les cadres ensemble, juste assez pour maintenir la cagette en est important de s’assurer que le trou de sortie n’est pas obstruĂ© – pour permettre Ă  la reine Ă  l’intĂ©rieur de sortir une fois que le candie a Ă©tĂ© est important d’installer la cagette de maniĂšre Ă  ce que la grille soit ouverte aux ouvriĂšres de la ruche, elles doivent pouvoir communiquer avec la nouvelle reine pour la laisse temporairement un espace plus grand que la normale entre vos cadres. Ce n’est pas grave. Vous retirerez la cage au bout de quelques jours. DerniĂšres Ă©tapes de l'introduction de le reine L’utilisation d’un bĂątonnet Ă  cocktail Ă  travers la languette supĂ©rieure de la cage permet de s’assurer que la cage ne glisse pas vers le bas. Assurez-vous d’abord que la languette en plastique recouvrant le bonbon est retirĂ©e, ce qui permettra aux abeilles de la ruche d’accĂ©der au bonbon pour le mĂącher et libĂ©rer progressivement la reine au cours de quelques jours. Il est important de ne pas dĂ©ranger la colonie pendant 1 semaines avant de vĂ©rifier qu’elle est acceptĂ©e et qu’elle pond. Des perturbations prĂ©coces peuvent rĂ©duire l’acceptation. VĂ©rifier l'acceptation de la reine Pour Ă©viter de stresser la colonie, attendez 7 jours aprĂšs l’introduction de la nouvelle reine fĂ©condĂ©e pour vĂ©rifier la ruche. Si vous voyez la nouvelle reine se promener sur les rayons, elle a Ă©tĂ© vous voyez de nouveaux Ɠufs qu’elle a pondus, cela signifie que vous avez rĂ©ussi Ă  remplacer la reine de votre ruche. Maintenant, vous pouvez retirer la cagette vide et repositionner les cadres vous ne voyez pas d’Ɠufs, vĂ©rifiez Ă  nouveau 3 ou 4 jours plus tard. Parfois, la nouvelle reine a besoin d’un peu de temps pour s’installer et se mettre au travail. Derniers conseils pour l'introduction des reines Pensez Ă  nourrir vos abeilles lors du changement de reine. Oui, mĂȘme si un miellĂ© est en cours. J’ai constatĂ© que mes abeilles acceptent plus facilement une nouvelles reine lorsque la nourriture est abondante.
Pourtrouver la reine, il faut regarder chaque cadre séparément en commençant d'un cÎté de la ruche et en progressant cadre par cadre. On
19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 1900 Ce 18 mars par 4° en tempĂ©rature extĂ©rieur, je passe au rucher pour un contrĂŽle visuel du rucher et des planches d’envols. En les vĂ©rifiant, je constate que pas mal de dĂ©bris de cires se trouvent devant les planches, c’est le signe que les abeilles augmentent leur consommation, qu’elles augmentent les surfaces de couvain, ne pouvant voler Ă  cause du froid elles Ă©jectent ces dĂ©bris aux alentour du trou de vol. Mais il se peut aussi que l’une d’entre elle se fasse piller pillage latent, et on retrouve les mĂȘmes signes sur la planche d'envole, d’oĂč la difficultĂ© que j’ai cette annĂ©e Ă  cause de l’absence de vol des nettoyeuses Ă  diffĂ©rencier les deux options. Par contre, il y a des signes qui ne trompent pas, comme sur cette planche d’envol. Les dĂ©bris obstruent pratiquement l’entrĂ©e de la ruche, ici aucun doute cette ruche est pillĂ©e ! Pillage violent Une petite tape sur le dessus de la ruche pour s’assurer qu’il y a des abeilles, rien aucun bruissement, inutile d’attendre les beaux jours pour vĂ©rifier, mĂȘme Ă  4° il n’y plus de risque de faire plus de dĂ©gĂąt, il n’y a plus d’abeilles vivantes. A l’ouverture. Cette ruche est morte plus une abeille vivante, le dessus est souillĂ© de dĂ©jection, nosĂ©mose ou stress ? Le diagnostique. La vĂ©rification de la cause du dĂ©cĂšs. 1 les traces de diarrhĂ©e, morte de nosĂ©mose ? Non, la ruche et les autres cadres sont propres, les dĂ©jections ne sont que sur le dessus des trois cadres, cette colonie a subis un stress. 2 Morte de faim, manque de nourriture ? Non, il reste beaucoup de nourritures. Les cadres ont Ă©tĂ© pillĂ©s, comme celui-ci qui est dĂ©soperculĂ© partiellement par les pillardes 3 Plus de pollen ? Non, il y a du pollen. 4 Le couvain ? Pas de trace de couvain ni Ɠufs, la reine ? Une inspection des abeilles mortes au fond de la ruche, elles sont peu nombreuses, les abeilles ont quittĂ© la ruche pour mourir. Et la reine ? Pas de reine parmi les abeilles mortes. Une inspection plus approfondie des cadres, rĂ©vĂšle la cause de l’effondrement de cette colonie. Les cadres contiennent des restes de cellules royales. Cette ruche a perdu son pilier qui est la reine, au vu des abeilles mortes restantes, on peut supposer que la ruche a dĂ©jĂ  perdu la reine en automne, ce qui explique le peu d’abeilles restantes. On peut aussi trouver d’autres cas de figure. 1 Beaucoup d’abeilles mortes avec la reine, cadres vides = morte de faim 2 Des abeilles mortes avec la reine, cadres de rive avec provisions, des cadres avec des abeilles Ă  l’intĂ©rieur tĂȘte dans l’alvĂ©ole = cette colonie et morte de faim, la grappe Ă©tant trop faible par grand froid pour se dĂ©placer Ă  atteindre les cadres de rives. 3 Quelques abeilles vivantes avec la reine, cadres pleins mais des traces de diarrhĂ©e = nosĂ©mose ruche Ă  supprimer 4 Intrusion d’une sourie = cadres et abeilles de grignoter, souillure urinaire, Ă©galement des traces de dĂ©bris Ă  l’extĂ©rieur, mais plus gros que des dĂ©bris de pillage et des dĂ©bris d’abeilles. Pour les dĂ©butant je conseille le petit livre Au trou de vol » de H. Storch S'il est encore Ă©ditĂ© ?
Ruchebourdonneuse : Reine dĂ©faillante ou ouvriĂšres pondeuses. Il existe deux conditions qui entraĂźnent la production de couvain de faux-bourdons : la reine est Ă  court de spermatozoĂŻdes. la prĂ©sence d’ouvriĂšres pondeuses. Pendant son vol de fĂ©condation, la reine d’abeilles s’accouple avec 12 Ă  20 faux-bourdons.
AprĂšs son vol nuptial, la reine l’abeille retourne au ruche et gĂ©nĂ©ralement jamais feuilles le refaire. Si la ruche devient surpeuplĂ© ou le les abeilles le trouvent inappropriĂ© d’une maniĂšre ou d’une autre, le reine volontĂ© laisser, et l’autre les abeilles suivra en essaim. Les les abeilles qui restent dans l’ancien ruche produira un nouveau reine. De mĂȘme, on se demande combien de temps les abeilles resteront-elles dans une ruche sans reine ? Par consĂ©quent, une colonie sans couvain est sans reine depuis plus de 21 jours parce que tous les de la reine le couvain a tout Ă©clos. Si vous ne voyez pas d’Ɠufs, mais que vous voyez de trĂšs petites larves, alors vous avez attrapĂ© le problĂšme tĂŽt ! Un oeuf seulement sĂ©jours un Ɠuf pendant 3 jours et des larves seulement sĂ©jours non plafonnĂ© pendant environ 8 jours. De mĂȘme, que fait la reine des abeilles dans la ruche ? Seulement un reine vit dans un donnĂ© ruche. Elle est le le plus grand abeille dans la colonie, avec un corps long et gracieux. Elle est le seule femelle avec des ovaires complĂštement dĂ©veloppĂ©s. Les de la reine deux objectifs principaux sont de produire des parfums chimiques qui aident Ă  rĂ©guler l’unitĂ© de la colonie et Ă  pondre beaucoup d’Ɠufs. A savoir aussi, pourquoi mes abeilles ont-elles quittĂ© la ruche ? La fuite, c’est quand le les abeilles complĂštement abandonner leur ruche. Tout ou presque tous les les abeilles quittent la ruche avec la reine. Ils peuvent laisser derriĂšre jeune les abeilles, qui ne peut pas voler, couvain non Ă©clos et pollen. Les abeilles peuvent s’enfuir pour un certain nombre de raisons, les plus courantes Ă©tant le manque de fourrage, l’invasion de fourmis ou une forte charge d’acariens. Comment garder une reine des abeilles dans une ruche ? Les ruche recevoir le reine ne doit pas avoir de ponte reine et vierge reine ou reine cellules prĂ©sentes. IdĂ©alement, le ruche doit ĂȘtre sans reine pendant au moins 24 heures avant l’introduction. Le cadre avec le reine doit ĂȘtre placĂ© au milieu du nid Ă  couvain s’il n’y a pas de couvain, placez-le au milieu de la grappe. »
Cemonde fascinant est trÚs structuré et la société des abeilles est incroyable de par son fonctionnement. Les abeilles sont des sociétés féminines vivant en essaims de 40 000 à 60 000 femelles ouvriÚres pour 1 000 à 2 000 faux
L’introduction d’une reine fĂ©condĂ©e dans une nouvelle colonie reste une phase dĂ©licate. L’acceptation est liĂ©e pour partie Ă  qualitĂ© intrinsĂšque de la reine altĂ©ration possible pendant le transport, mais elle dĂ©pend pour beaucoup des techniques d’ conditions qui participent Ă  la rĂ©ussite d’une introduction de reine fĂ©condĂ©eLe 100% n’existe pas en apiculture. NĂ©anmoins un taux normal d’acceptation d’une reine fĂ©condĂ©e doit se situer au-dessus de 95%. Pourtant il peut y avoir des grandes variations du taux d’ conditions qui dĂ©tĂ©riorent gĂ©nĂ©ralement le taux d’acceptation des reines fĂ©condĂ©es si on introduit une reine Buckfast dans une colonie agressive, si on introduit une reine alors en pleine pĂ©riode d’élevage avril / mai, s’il y a beaucoup de vieilles abeilles dans la colonie,Les conditions qui amĂ©liore le taux de rĂ©ussite des introductions de reines fĂ©condĂ©es en fin de saison, quand les colonies ne peuvent plus Ă©lever absence de couvain ouvert, s’il n’y a que des jeunes abeilles, si on nourrit au moment de l’introduction, si on laisse la colonie tranquille aprĂšs introduction de la reine point trĂšs important en vĂ©rifiant trop tĂŽt l’acceptation, on perturbe l’équilibre fragile entre la reine et la colonie. A l’ouverture de la ruche, les abeilles emballent la jeune reine ». Il est possible d’intervenir avec l’enfumoir et de la rĂ©-encager. Mais la reine aura subi des morsures et se trouvera affaiblie. J’ai dĂ©jĂ  perdu plusieurs reines de cette façon, y compris des reines insĂ©minĂ©es 
 Attendez au minimum 7 jours avant de vĂ©rifier la introduire une reine fĂ©condĂ©e dans une nouvelle colonie d’abeilles ?Beaucoup de mĂ©thodes existent. A vous de trouver celle qui vous convient ! N’hĂ©sitez pas Ă  Ă©changer avec d’autres apiculteurs, notamment aux journĂ©es organisĂ©es par l’ mode opĂ©ratoire pour l’introduction des reines fĂ©condĂ©esNous vous prĂ©sentons ici, notre façon d’opĂ©rer. Ce ne sont pas des recommandations, mais juste un partage d’expĂ©rience. Comme nous l’avons dit, il n’existe pas de mĂ©thode fiable Ă  100%. PrĂ©parer dans une ruchette, un essaim avec 2 cadres de couvain ouvert et operculĂ© + 1 cadre de rĂ©serve. DĂ©placer la ruchette d’une cinquantaine de mĂštre. Les butineuses vielles abeilles retourneront Ă  la ruche mĂšre. Vous pouvez dĂ©placer Ă  nouveau la ruchette de quelques mĂštres le lendemain. A rĂ©ception de la reine, fixer la carte d’identitĂ© sur la ruchette Poser la cagette sur les tĂȘtes de cadres [1], sans ouvrir la languette d’accĂšs au candi. Retourner un nourrisseur couvre-cadre pour faire un espace clos au-dessus du corps. Le lendemain, vĂ©rifier que la colonie est orpheline il faut que les abeilles s’agglutinent autour de la cagette. Si c’est le cas, laisser la cagette obturĂ©e pendant 48h 2 nuits casser la languette, et insĂ©rez la cagette entre 2 cadres ... ou mieux, laisser-lĂ  sur les tĂȘtes de cadres. Ne vĂ©rifier la ponte qu’une semaine plus tard !Important Dans le cas oĂč les abeilles se dĂ©sintĂ©ressent de la nouvelle reine, c’est qu’il y a certainement une reine vierge ? dans la colonie. En tout Ă©tat de cause, la nouvelle reine ne sera pas acceptĂ©e !Avec des colonies trĂšs agressives, il arrive que les abeilles laissent la jeune reine pondre quelques jours voire quelques semaines, puis la tuent pour en Ă©lever une autre 
 Autres articles Ă  consulter sur l’introduction des reines Introduction des reines, par Doug McCutcheon et al, Introduction des reines, par Gilles Fert Le bĂȘtisier de l’introduction de reine, par Patrick Vienne [1] attention en cas de canicule, ne pas poser la cagette sur la tĂȘte de cadre. Surtout si le couvre-cadre est mal isolĂ©. il faut alors caler la cagette entre 2 cadres de façon classiquePortfolio Lexique apicole multilingue Listes de diffusion Nous vous proposons de vous inscrire Ă  nos listes de diffusion. Vous serez alors tenus informĂ©s de l’évolution de notre se fait en 2 temps Validez votre adresse mail Puis sĂ©lectionnez les listes de votre choix
Lesessaims sont proposés en ruchette de 5 cadres, avec au moins 3 cadres de couvain, un cadre de miel-pollen, et un cadre en cours de construction ou construit. Les formats proposés sont Dadant, Langstroth et Warré (Pour Warré, une commande préalable spacifique est nécessaire). Ces essaims sont à la base, destinés à notre propre usage.
ContrĂŽler l'essaimage La prĂ©vention de l’essaimage dans les colonies d’abeilles est souvent l’un des objectifs des apiculteurs. Comment Ă©viter l’essaimage ? Mais est-il possible de contrĂŽler complĂštement l’essaimage ? Non, vous ne pouvez pas toujours empĂȘcher une ruche d’essaimer. Pour augmenter vos chances de rĂ©ussite, il est nĂ©cessaire de comprendre le comportement d’essaimage des abeilles. Cela permet de crĂ©er certaines techniques de prĂ©vention de l’essaimage qui peuvent vous aider Ă  mieux gĂ©rer vos l’approche du printemps, les apiculteurs sont trĂšs enthousiastes et attendent avec impatience une nouvelle saison. Les fleurs commencent Ă  Ă©clore et les colonies d’abeilles qui ont survĂ©cu Ă  l’hiver commencent Ă  se maintenant que nous devons commencer Ă  penser Ă  un Ă©ventuel essaimage dans nos ruches. Un essaim d’abeilles est un phĂ©nomĂšne merveilleux Ă  contempler, mais ce n’est pas toujours quelque chose que nous, apiculteurs, voulons attraper un essaim vous donne une nouvelle colonie. Avoir plus de colonies d’abeilles est formidable, mais une colonie qui “produit” un essaim a un coĂ»t. En effet, les colonies qui essaiment produisent souvent moins de but d’une colonie d’abeilles n’est pas de produire du miel pour vous et moi. Non, une colonie d’abeilles travaille pour produire suffisamment de miel pour survivre l’hiver prochain et pour se reproduire ou essaimer. Les colonies d'abeilles essaiment pour se reproduire Il est trĂšs exaltant de regarder un essaim d’abeilles se dĂ©placer dans les airs. Bien que je doive admettre que chaque apiculteur regarde en marmonnant dans sa barbe
. ” pose-toi
 pose-toi sur une branche basse ” pour pouvoir t’ est le moyen de reproduction de la colonie. C’est ainsi que l’abeille s’est rĂ©pandue dans le paysage EuropĂ©en aprĂšs la pĂ©riode des grandes glaciations. Comment l'essaim d'abeilles sort-il de la ruche ? Par une belle journĂ©e chaude, vous entendez un bourdonnement trĂšs fort au-dessus de votre tĂȘte. En fait, vous entendez des milliers de petits bourdonnements quelques minutes, vous remarquez une boule d’abeilles qui se rassemble sur une branche d’arbre voisine. De plus en plus d’abeilles volantes les rejoignent jusqu’à ce que la majeure partie de l’essaim d’abeilles soit accrochĂ©e Ă  l’ un endroit de transition pour l’essaim. Ils s’installent gĂ©nĂ©ralement dans un arbre ou un buisson, mais ils peuvent choisir des endroits Ă©tranges pour leur lieu de transition, un piquet de clĂŽture par d’abeilles va rester ici pendant 30 minutes, plusieurs heures ou mĂȘme toute la nuit. Elles prennent ce temps pour s’organiser et s’assurer que la reine ou une reine est avec l’apiculteur chanceux qui rĂ©ussit Ă  attraper un essaim d’abeilles Ă  partir d’une branche basse. Ou peut-ĂȘtre que les abeilles iront dans un piĂšge Ă  essaims que vous avez Ă  proximitĂ©. Quand les abeilles essaiment-elles ? La colonie d’abeilles peut essaimer Ă  tout moment pendant les mois chauds. Vous aurez des essaims qui sortiront des ruches pendant l’étĂ© et jusqu’à la fin de l’automne. Cependant, c’est au printemps que la plupart des essaimages se printemps est une saison normale de croissance et de renouvellement. La population de la colonie se dĂ©veloppe rapidement grĂące au nectar frais provenant des fleurs du les jours deviennent plus chauds et plus longs au printemps, la population de la colonie augmente par milliers chaque jour. De nouvelles abeilles apparaissent plus rapidement que les anciennes ne de plus en plus d’abeilles produites, il y a beaucoup de monde dans la colonie. La reine trouve moins d’endroits pour pondre, les prĂ©paratifs d’essaimage peuvent commencer. On dirait que la colonie d’abeilles sait que le moment est venu. Comment savoir si une ruche va essaimer ? Les apiculteurs sont souvent surpris de voir un essaim quitter une de leurs ruches. Et oui, bien qu’ils puissent nous surprendre, il y a souvent des signes d’essaimage Ă  colonie forte du printemps est un candidat Ă  l’essaimage. Cependant, la ruche de printemps doit ĂȘtre examinĂ©e de plus prĂšs pour dĂ©tecter tout signe de cellules prĂ©sence de plusieurs cellules royales dans la ruche – en particulier le long du fond des cadres – est un signe certain de prĂ©paration Ă  l’essaimage chez les abeilles domestiques. Autres signes d'essaimage Il y a d’autres Ă©lĂ©ments Ă  rechercher que les cellules royales, mais ils sont souvent difficiles Ă  identifier pour un nouvel reine est plus mince et pond moins d’Ɠufspopulation surpeuplĂ©e avec des abeilles couvrant chaque cadre de rayon dans le nid Ă  couvainpas de cellules vides oĂč la reine pourrait pondre. Techniques de prĂ©vention de l'essaimage Il existe de nombreuses techniques utilisĂ©es par les apiculteurs pour tenter de prĂ©venir ou de contrĂŽler le comportement d’essaimage dans les ruches. Elles ne fonctionnent pas prĂ©venir l’essaimage – fournissez Ă  la colonie suffisamment d’espace AVANT qu’elle ne se sente encombrĂ©eutilisez de jeunes reines bien accouplĂ©es pour rĂ©duire l’essaimage dans vos colonies d’abeillesEssayez de retarder l’essaimage jusqu’à ce que la fiĂšvre d’essaimage passe. La suppression des cellules royales peut retarder mais pas arrĂȘter l’essaimage. Comprenez que cela ne fonctionnera pas toujours – les abeilles essaimeront. Loading... Plus en stock Plus en stock Plus en stock RĂ©duire la population - un dĂ©clencheur d'essaimage Le contrĂŽle des essaims dans les colonies d’abeilles est difficile car nous travaillons contre les tendances naturelles des abeilles. Cela est particuliĂšrement vrai au dĂ©but du printemps. Les abeilles ont un besoin naturel de produire plus de condition la plus courante qui dĂ©clenche l’essaimage chez les abeilles est la surpopulation. Je parle de conditions de promiscuitĂ© dans le nid Ă  couvain ou dans la zone d’élevage des jeunes de la surpopulation se produit lorsque les abeilles ne parviennent pas Ă  se rĂ©partir et Ă  utiliser tout l’espace de la ruche. Les abeilles rĂ©agissent Ă  une zone de couvain encombrĂ©e en commençant Ă  prĂ©parer l’ colonie peut avoir n’importe quel rayon vide de la ruche. Pourtant, les abeilles se sentent Ă  l’étroit si elles ne parviennent pas Ă  Ă©tendre la zone de couvain. C’est pourquoi l’ajout de nouveaux cadres ne contribue pas toujours Ă  la prĂ©vention de l’essaimage. Donnez aux abeilles beaucoup d'espace Ă  l'intĂ©rieur de la ruche MĂȘme si cela ne fonctionne pas toujours, augmenter l’espace dans la ruche. Bien avant que la colonie ne devienne surpeuplĂ©e, l’apiculteur ajoute soit de nouveaux cadres, soit une doit ĂȘtre fait avant que les abeilles ne se sentent Ă  l’étroit et, comme nous l’avons dĂ©jĂ  mentionnĂ©, il arrive que les abeilles ne se rĂ©partissent pas comme nous le technique de prĂ©vention des essaims d’abeilles repose sur l’action de l’apiculteur avant que la population d’abeilles ne devienne trop nombreuse. Une fois que l’impulsion d’essaimage est lancĂ©e, cette mĂ©thode ne fonctionnera pas. ParticuliĂšrement frustrant pour un nouvel apiculteur, un cadre cirĂ© n’est pas aussi efficace que des cadres tirĂ©s. Mais il faut utiliser ce que l’on a, alors ajoutez cet espace supplĂ©mentaire avant que les abeilles n’en aient devrez toujours inspecter le nid Ă  couvain chaque semaine pour dĂ©tecter les signes d’encombrement ou de dĂ©veloppement de cellules royales pendant la saison des essaims de printemps. Loading... Plus en stock Plus en stock Plus en stock Inspecter les cadres pour prĂ©venir l'essaimage Une mĂ©thode plus avancĂ©e consiste Ă  manipuler les cadres dans la section de couvain de la colonie. L’apiculteur rĂ©partit les cadres contenant du couvain ouvert – ce qui Ă©largit la “zone de pouponniĂšre”.La zone de couvain est “cassĂ©e” en ajoutant un cadre de rayon tirĂ© entre les cadres de couvain. MĂȘme quelques cadres peuvent faire la mĂ©thode peut ĂȘtre efficace, mais elle comporte des risques, surtout si le temps devient frais. Vous pouvez finir par tuer le couvain parce que les abeilles ne peuvent pas le couvrir pendant les nuits une mĂ©thode similaire qui me permet d’égaliser mes colonies. Je retire quelques cadres de couvain operculĂ© d’une colonie surpeuplĂ©e et je les remplace par des rayons cadres de couvain operculĂ© retirĂ©s sont vaporisĂ©s avec un peu d’eau sucrĂ©e et donnĂ©s Ă  une colonie plus faible. Cette mĂ©thode fonctionne trĂšs bien – si elle est effectuĂ©e tĂŽt – avant que les abeilles ne soient en mode essaimage. RĂ©duire l'essaimage avec les jeunes reines Une autre raison pour laquelle les abeilles essaiment est la prĂ©sence d’une reine ĂągĂ©e, ou dĂ©faillante, dans la ruche. Les reines des abeilles vivent plusieurs tous les apiculteurs savent qu’il est inhabituel de voir dans une colonie de production une reine ĂągĂ©e de plus de 2 ans ou beaucoup moins. Des Ă©tudes ont montrĂ© qu’une colonie dont la reine a deux ans a beaucoup plus de chances d’essaimer qu’une colonie dont la reine est pour cette raison que de nombreux apiculteurs rĂ©introduisent une reine dans leurs colonies chaque printemps. Les chances d’éviter un essaim d’abeilles s’amĂ©liorent avec une jeune est probablement dĂ» Ă  la diminution des niveaux de phĂ©romones messagers chimiques chez les vieilles reines et Ă  la rĂ©duction de la ponte. Une jeune reine bien accouplĂ©e aura de bonnes phĂ©romones pour stabiliser la colonie. DĂ©truire les cellules de la reine pour retarder l'essaimage Quelques semaines avant qu’une colonie d’abeilles n’essaime, elle entame le processus de fabrication d’une nouvelle reine. Plusieurs grandes cellules en forme de cacahuĂšte, appelĂ©es cellules royales, contiennent une reine candidate en technique populaire chez les apiculteurs consiste Ă  couper les cellules royales pour Ă©viter l’essaimage. Ce n’est qu’une tactique de retardement et c’est souvent un trĂšs mauvais plan de prĂ©vention de l’ cellules royales ne sont pas toutes grandes et faciles Ă  trouver. Si vous en manquez ne serait-ce qu’une, la ruche essaimera quand mĂȘme. Et si vous Ă©liminez toutes les cellules royales ? La colonie sĂ©lectionnera d’autres jeunes larves et recommencera le fonctionne parfois. Cette technique peut empĂȘcher une colonie d’essaimer jusqu’à ce que son besoin de se reproduire se vous devez dĂ©truire toutes les cellules royales, si vous en manquez une, votre colonie essaimera quand mĂȘme. Et ne coupez JAMAIS les cellules royales – Ă  moins que vous soyez sur que l’ancienne reine est toujours lĂ  ! Diviser une ruche pour Ă©viter l'essaimage L’une des techniques les plus utiles pour prĂ©venir l’essaimage est la division de la ruche. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les apiculteurs utilisent la division des ruches dans le rucher, mais la lutte contre les essaims est l’une des plus ce processus, l’apiculteur divise une grande colonie en deux ruches plus petites. En utilisant tout l’équipement supplĂ©mentaire nĂ©cessaire, les ressources de la colonie sont rĂ©parties entre 2 nouvelle ruche reçoit des abeilles, du couvain, du miel, du pollen, des rayons tirĂ©s – presque tout ce qui est nĂ©cessaire au dĂ©veloppement d’une nouvelle ruche recevra la vieille reine et l’autre moitiĂ© de la colonie recevra une nouvelle reine fĂ©condĂ©e achetĂ©e auprĂšs d’un apiculteur professionnel, ou plusieurs des cellules royales de la ruche surpeuplĂ©e. Cela leur donne la possibilitĂ© d’avoir une reine pour la nouvelle colonie. DerniĂšres rĂ©flexions sur la prĂ©vention de l'essaimage On peut parfois lutter contre la nature, mais on ne peut jamais la nombreuses stratĂ©gies dĂ©passent largement le cadre de cet article. Certaines d’entre elles fonctionnent – de temps en temps. Aucune d’entre elles ne fonctionne – tout le vos abeilles essaient et que vous ne le vouliez pas, vous n’avez pas Ă©chouĂ©. Prenez-le Ă  la lĂ©gĂšre et passez Ă  autre chose – elles sont – eh bien
 des abeilles !Élaborez un plan de contrĂŽle de l’essaimage, mettez-le en Ɠuvre et acceptez le fait que les abeilles sont des animaux sauvages c’est-Ă -dire des insectes. Vous ne pouvez pas les contrĂŽler complĂštement. La prĂ©vention des essaims ne fonctionne pas toujours.
Uneou plusieurs reines vierges peuvent ĂȘtre prĂ©sentes dans la ruche. ParticuliĂšrement lors d’une fiĂšvre d’essaimage, mais dans d’autres cas Ă©galement, il peut y avoir prĂ©sence de reines vierges. Dans ce cas,
Si l’apiculture, ou l’élevage des abeilles, est pour certains un loisir, pour d’autres c’est un vĂ©ritable mĂ©tier permettant de dĂ©gager un revenu mensuel acceptable. Dans les deux cas, pour rĂ©ussir cette activitĂ©, il y a quelques impĂ©ratifs Ă  connaĂźtre. Élever des abeilles, comment ça se passe ? Profitant de la vie sauvage, les abeilles vivaient en totale libertĂ© dans la forĂȘt. Pour rĂ©colter le produit des ruches, l’Homme devait dĂ©truire leur habitat naturel. Cette pratique n’était pas efficace. L’Homme a donc cherchĂ© un moyen de domestiquer ces insectes pour rĂ©colter plus de miel. Mais pour rendre pĂ©renne l’élevage d’abeilles, l’apiculteur doit leur offrir un habitat de qualitĂ©. Pour ce faire, il doit acheter une ruche pour servir d’abri aux abeilles. En plus d’offrir un lieu de production de miel aux abeilles, l’apiculteur doit aussi penser Ă  prodiguer les soins nĂ©cessaires au bien-ĂȘtre de l’essaim pour qu’il soit loin des pathologies. Il doit Ă©galement offrir un environnement idĂ©al aux abeilles pour que ces derniers aient la capacitĂ© de se dĂ©velopper, se nourrir et se reproduire. En effet, si les conditions d’élevage ne sont pas optimales, les abeilles risquent de dĂ©serter et de chercher un autre endroit oĂč vivre. Si l’élevage est effectuĂ© par simple passion, dans ce cas, on peut juste installer quelques ruches dans son jardin et s’en occuper rĂ©guliĂšrement. Si l’activitĂ© et les produits de cette derniĂšre se destinent au commerce, l’apiculteur devra investir dans des centaines ou des milliers de ruches. Il doit maitriser les techniques d’essaimage, l’exploitation du miel et de la cire d’abeille, mais aussi savoir comment avoir de la gelĂ©e royale et de propolis. Un apiculteur professionnel doit ainsi ĂȘtre inscrit au RCS et possĂ©der un numĂ©ro SIRET. Il doit Ă©galement ĂȘtre enregistrĂ© au registre de l’élevage et disposer d’un certificat de santĂ© pour son Ă©levage. Ce qu’il faut connaĂźtre sur la technique d’élevage Un apiculteur doit savoir comment assurer l’élevage de la reine des abeilles dans sa ruche. De la santĂ© de cette reine va dĂ©pendre la bonne organisation au sein de la ruche et de la stabilitĂ© de la colonie. C’est aussi cette reine qui se charge de la ponte des Ɠufs. Une tĂąche qu’elle fera tout au long de sa vie. Pour assurer la santĂ© de la reine, il faut la nourrir de gelĂ©e royale. C’est aussi cette gelĂ©e royale qui va permettre aux larves de se transformer en abeilles. Les abeilles qui se nourrissent de gelĂ©es royales sont plus saines et plus robustes que celles qui ne se nourrissent que de miel et de pollen. Ensuite, il y a la technique de l’essaimage des abeilles. Elle consiste Ă  disperser la colonie lorsque la reproduction est efficace. L’essaimage se fait durant la pĂ©riode printaniĂšre et gĂ©nĂ©ralement avant la pĂ©riode de miellĂ©e ou aprĂšs. Durant la production d’essaim, une colonie va augmenter et se sĂ©parer en 2. Dans ce cas, la premiĂšre colonie va rester avec la premiĂšre et ancienne reine. La seconde partie quittera la ruche avec une nouvelle reine pour former une nouvelle colonie. Cette seconde colonie peut Ă©galement ĂȘtre exploitĂ©e par l’apiculteur ou ĂȘtre vendue Ă  un autre Ă©leveur.

Toutcommence avec un Ɠuf fĂ©condĂ© pondu par la reine. Un simple Ɠuf qui normalement doit donner naissance Ă  une abeille ouvriĂšre. Si les abeilles dĂ©cident de nourrir la larve pendant trois jours avec de la gelĂ©e royale, la larve va se dĂ©velopper pour donner naissance Ă  une reine au lieu d’ une abeille ouvriĂšre.

Le seul beau temps est le mauvais temps BadgePar NielsHillerLe seul beau temps est le mauvais temps BadgePar STdesignsLe seul bon temps est le mauvais temps BadgePar STdesignsLe seul beau temps est le mauvais temps - MĂ©tĂ©orologue Storm Chaser Meteorology BadgePar anasseinAprĂšs le mauvais temps vient le beau temps BadgePar Black-Edition-DIl est temps de changer BadgePar TizizaLe temps file BadgePar LarryShanteLe changement est mauvais BadgePar Necktonic-StoreLe changement est mauvais BadgePar Necktonic-StoreUne fois de temps en temps, quelqu'un d'incroyable vient seul et me voici BadgePar Mayelshehawydonnez-vous le temps de grandir BadgePar M-PshopHomme d'aventure sur le sac Ă  dos de randonnĂ©e au coucher du soleil de montagne seul dans le temps de la nature BadgePar RubelrirTemps sur l'Ăźle aux grenouilles BadgePar MaooKingFou de randonnĂ©e BadgePar byArtistsimplement passer du temps au soleil - T-shirt BadgePar HMD BERRICHIsimplement passer du temps au soleil - T-shirt BadgePar HMD BERRICHIC'est un mauvais garçon BadgePar AshmariaHousefilles qui touchent le coeur BadgePar soni80Les mauvais choix font de bonnes histoires BadgePar ErenYeager11 Les mauvais choix font de bonnes histoires BadgePar Robert JLes mauvais choix font de bonnes histoires BadgePar Robert JGrĂące Ă  nous, chaque jour est jour est beau grĂące Ă  nous BadgePar ONbest ⭐⭐⭐⭐⭐Les mauvais choix font de bonnes histoires BadgePar cassidyrtios13Les mauvais choix font de bonnes histoires BadgePar BrikzzLes mauvais choix font de bonnes histoires BadgePar ayarstoreJe suis un coach pour gagner du temps Je suppose que je ne me trompe jamais BadgePar Badrmarfakmauvais choix faire de bonnes histoires BadgePar Rodangoshop ⭐⭐⭐⭐⭐5419Vous seul pouvez rĂ©aliser vos rĂȘves BadgePar TreeOfLyfeVous seul pouvez rĂ©aliser vos rĂȘves BadgePar TreeOfLyfefilles qui touchent le cƓur noir et blanc BadgePar soni80Les mauvais choix font de bonnes histoires BadgePar moe121992Bonnes vibrations, minuterie d'Ă©tĂ©, pas de mauvais jours La plage BadgePar HollovBonnes vibrations, minuterie d'Ă©tĂ©, pas de mauvais jours La plage BadgePar Hollov Nouveau Punk Rock Mauvais Chemin BadgePar The World of DesignLe travail est entre de bonnes mains BadgePar CorrojaLes mauvais choix font de bonnes histoires, citation drĂŽle BadgePar LC-SHOPBeau design dans de superbes couleurs et une phrase positive BadgePar yolandeuprlp19j'aime ma super maman BadgePar scrabbles shopACHETEZ-LE MAINTENANT OU PERDEZ-LE POUR TOUJOURS BadgePar Mary J WhaleyMa femme est la meilleure rĂ©compense BadgePar AugfiTout est connectĂ© BadgePar jamalazakLA VIE EST MEILLEURE AVEC L'ARBRE BadgePar FalaqCollectionta place est avec moi BadgePar hlimdesignTa place est avec moi. 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Localisation: Lot; etc. En prenant le problÚme dans l'autre sens, une ruche sans reine n'est plus une ruche normale. Elle le sait et va tout faire pour en faire naßtre une nouvelle qui pondra dans le mois suivant. 2 mois sans reine ,c'est impossible sauf accident et alors il est trop tard pour réagir. q3xnk5D.